Édition Gallaade . Traduit de l’anglais (Américain) par Anne Damour (j’adore ce nom !)

 

J’ai déjà un certain nombre de livres de cet auteur sur mon blog. J’avais été un peu déçue par sa biographie, mon préféré reste « Et Nietzsche a pleuré » suivi de près par « le problème Spinoza » et « Mensonge sur le divan » celui-ci ressemble beaucoup à « Créature d’un jour ». Comme pour ce dernier livre Irving Yalom part à la recherche des valeurs qui ont soutenu son travail thérapeutique et ces valeurs se retrouvent davantage chez les philosophes que chez les psychanalystes en particulier chez Épicure. Comme souvent, il commence son livre par une ciation il s’agit ici d’une maxime de François de La Rochefoucauld  :

« Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face »

Tout son essai ne ne se prononce pas sur le soleil mais nous dit que pour la mort c’est quand même beaucoup mieux de savoir qu’elle fait partie de notre vie !

Il explique et nous raconte – ce qui rend, comme toujours, chez Irving Yalom ses récits si faciles à comprendre – combien la peur de la mort donne des conduites qui font terriblement souffrir ses patients. Mais au-delà des cas cliniques qu’il décrit avec une compassion qui me touche beaucoup, nous comprenons tellement mieux nos propres conduites ou celles de nos proches. C’est un livre qui aide à vivre alors que le thème central analyse les conduites pour oublier ou complètement effacer le fait que notre vie aura une fin. Ce n’est pas un livre triste, pourtant, Irving Yalom a été spécialiste des groupes de cancéreux en phase terminale, chez eux aussi il a trouvé des leçons de vie. Je recommande cette lecture, elle tombait particulièrement bien pour moi qui pour la première fois de ma vie devait affronter un réel problème de santé. Comme j’aurais aimé rencontré un Irving Yalom sur mon chemin !

 

 

Citations

 

J’aurais pu prononce cette phrase aux enterrement de gens que j’ai tant aimés.

Deux mois plus tard lorsque sa mère mourut et qu’elle prononça une courte allocution au cours des funérailles. Une des phrases favorites de sa mère lui revint à l’esprit :  » Cherchez-la parmi ses amis« .
 Ces mots avaient un pouvoir évocateur : Barbara savait que la bienveillance de sa mère, sa tendresse, son amour de la vie vivrait en elle, sa fille unique. Tandis qu’elle prononçait son discours et parcourait l’assemblée du regard, elle ressentait physiquement les qualités de sa mère qui avaient irradié vers ses amis, qui à leur tour les transmettraient à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants.

L’empathie

L’empathie est l’outil le plus puissant dont nous disposions pour entrer en relation avec autrui. C’est le ciment des relations humaines, qui nous permet de sentir profondément en nous ce qu’un autre éprouve.

Nulle part la solitude devant la mort et le besoin d’une relation ne sont décrits avec plus de force et de réalisme que dans le chef-d’œuvre d’Ingmar Berman « Cris et chuchotements. »

La transmission

Avec l’âge, j’attache de plus en plus d’importance à la transmission. En tant que pater familias, je m’empare de l’addition lorsque nous dînons au restaurant en famille. Mes quatre enfants me remercient toujours aimablement (après avoir offert une faible résistance), et je ne manque jamais de leur dire : »Remerciez votre grand-père Ben Yalom. Je ne suis qu’un réceptacle qui transmet sa générosité. Il s’emparait à chaque fois de l’addition à ma place ». (Et, soit dit en passant, je n’offrais qu’une faible résistance.)

Le besoin de personnalité supérieure

Je crois que notre besoin de guide expérimenté est révélateur de notre vulnérabilité et de notre recherche d’un être suprême ou supérieur. Nombreux sont ceux, moi y compris, qui non seulement révèrent leur mentor mais leur attribuent plus qu’ils ne méritent. Il y a deux ans, à un service à la mémoire d’un professeur de psychiatrie, j’écoutais l’éloge funèbre prononcé par un de mes anciens étudiants, que j’appellerai James, aujourd’hui directeur réputé de la chaire de psychiatrie dans une université de la côte Est. Je connaissais bien les deux hommes, je fus frappé de voir que dans son discours, James attribuait beaucoup de ses propres idées originales à son ancien professeur.

Je partage cette conviction

J’ai la conviction que la vie (y compris la vie humaine) est apparue à la suite d’événements aléatoires ; que nous sommes des êtres finis ; et que, envers et contre tout espoir, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour nous protéger, évaluer notre comportement, donner à notre vie un cadre qui ait du sens. Nous n’avons pas de destin tracé d’avance, et chacun de nous doit décider comment vivre une vie aussi remplie, heureuse et signifiante que possible.

Encore une fois, je me sens proche de lui

Si deux de mes règles fondamentales en tant que thérapeute sont la tolérance et une totale acceptation, j’ai pourtant mes propres préjugés. Ma bête noire concerne tout ce qui relève de la croyance dans le bizarre : la thérapie de l’aura ; les gourous ; les guérisseurs ; les prophètes ; les prétendues guérisons de divers nutritionniste : l’aromathérapie, l’homéopathie ; et les idées farfelues sur des choses telles que le voyage astral, le pouvoir guérisseur des cristaux, les miracles religieux, les anges, le gens shui ; le spiritisme (télépathie), la voyance, la lévitation, la psychokinése, les esprits frappeurs, la thérapie des vies passées, sans citer les ovnis et les extraterrestres qui ont inspiré les anciennes civilisations, laissé des empreintes dans des champs de blé, et construit des pyramides égyptiennes.

Édition Charleston. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Bourgeois

Encore un livre sur mon Kindle qui a bien rempli sa fonction de me faire oublier tous ces fils multicolores auxquels j’ai été reliée une petite semaine l’été dernier. Je ne peux que vous recommander cette lecture, cette auteure vous permettra de revivre le martyre du peuple coréen colonisé par le Japon.
Le roman commence en Corée dans une famille qui héberge et nourrit des pêcheurs. Ce n’est pas la richesse mais grâce au travail harassant du couple, ils y arrivent. Plusieurs malheurs vont s’abattre sur cette famille, d’abord la mort du mari puis la grossesse non désirée de leur fille unique qui s’est laissé abuser par un riche Coréen habitant au Japon. Heureusement elle trouvera un homme qui veut bien l’épouser et toute la famille partira vivre au Japon qui est alors la puissance coloniale dominant la Corée.
La deuxième partie du roman raconte le sort des Coréens au Japon. Pendant la guerre, ils sont considérés comme des « sous-hommes » et après, ils sont l’objet de toutes les discriminations habituelles dans un pays qui est en proie au racisme et au mépris pour tout ce qui n’est pas japonais. La famille va s’en sortir grâce au travail incroyable des femmes et on l’apprendra plus tard grâce aussi, à la protection du riche Coréen qui est le père biologique du premier enfant du personnage principal. C’est aussi un mafieux très puissant qui lui ne craint pas d’affronter les Japonais.
Le roman est passionnant. Suivre le destin de cette famille est un voyage qui m’a tenue en haleine jusqu’au bout. J’ai beaucoup aimé me plonger ainsi dans la culture coréenne en particulier la cuisine qui semble délicieuse. L’image du Japon ne sort pas grandi, pendant et avant la deuxième guerre mondiale c’était une puissance coloniale barbare pour les populations sous son joug et ensuite ce pays est apparu comme victime de la bombe atomique et n’a pas fait le même travail de mémoire que l’Allemagne. Et donc, a gardé des aspects contestables de sa civilisation, en particulier le mépris voire le racisme envers les Coréens.

Citations

Le destin de femmes

Évidemment ! Sunja-ya, le destin d’une femme est de travailler et de souffrir. Souffrir, et souffrir encore. Mieux vaut t’y attendre dès maintenant, tu sais. Tu grandis, alors il faut bien te prévenir. Ta vie va dépendre de l’homme que tu vas épouser. Avec un bon mari, tu auras une vie correcte, mais avec un homme mauvais, c’est la malédiction assurée. Dans tous les cas, il y aura de la douleur. Prépare-toi à souffrir et continue de travailler dur. Personne ne prendra soin d’une pauvre femme : on ne peut compter que sur soi-même.

 

Le deuil

Shin adressa un sourire faible au jeune pasteur. Cinq ans plus tôt, le choléra avait emporté quatre de ses enfants ainsi que sa femme et, depuis, il avait compris qu’il ne pouvait plus parler du deuil – tout ce qu’une personne pouvait lui dire à ce sujet lui semblait désormais ridiculement sentimental et insensé. Avant de les perdre, il
n’avait jamais fait l’expérience de la douleur de cette manière, pas vraiment. Ce qu’il avait appris de Dieu et de la théologie lui avait paru plus concret après sa tragédie personnelle. Sa foi n’en avait pas été ébranlée, mais son tempérament avait changé pour toujours. Comme si une pièce chauffée s’était refroidie d’un coup.

La vertu de la femme

Pour autant, nous devons préserver ta vertu – elle est plus précieuse que ton argent. Ton corps est un temple sacré où repose le Saint-Esprit. Les inquiétudes de ton frère sont légitimes. La foi mise de côté, et pour parler avec pragmatisme : si tu devais te marier, ta pureté et ta réputation seraient essentielles. Le monde juge sévèrement une fille pour son inconvenance – même lorsqu’il s’agit d’un accident. C’est terrible, mais c’est ainsi

L’après guerre au Japon

Tous ces gens – les Japonais et les Coréens – sont dans la merde parce qu’ils pensent en termes de groupe. Mais je vais te dire la vérité : un leader bienveillant, ça n’existe pas. Je te protège parce que tu travailles pour moi.
Quant à tous ces partis de Coréens, il faut que tu te souviennes qu’au bout du compte, les dirigeants ne sont que des hommes, ce qui ne les rend pas plus intelligents que des porcs. Et les porcs, on les bouffe. Tu as vécu dans une ferme qui vendait des patates douces à des prix indécents aux Japonais affamés par la guerre. Tamagushi a violé les régulations gouvernementales, et je l’ai aidé, parce qu’il voulait faire de l’argent, et moi aussi. Il se voit probablement comme un Japonais respectable, honorable même, plein d’une fierté nationaliste – comme tous, pas vrai ? La vérité, c’est qu’il fait un très mauvais Japonais, mais un homme d’affaires avisé. Je ne suis pas un bon Coréen, et je ne suis pas japonais.

Le patriotisme

Le patriotisme n’est qu’un principe, comme le capitalisme, ou le communisme. Mais les principes font oublier aux hommes leurs propres intérêts. Et les types au pouvoir exploiteront toujours les hommes qui croient trop en leurs principes. Tu ne peux pas réparer la Corée. Des centaines d’hommes comme toi et des centaines d’hommes
comme moi ne suffiraient pas à la remettre sur pied. Les Japs sont partis, et maintenant la Russie, la Chine et les États-Unis se disputent notre petit pays de merde. Tu crois que tu peux rivaliser avec eux ? Oublie la Corée.
Concentre-toi sur ce que tu peux avoir. Tu veux l’épouse ? Parfait. Tu n’as qu’à te débarrasser du mari, ou attendre qu’il crève. Ça, c’est quelque chose que tu peux maîtriser.

 

Le savoir

Absorbe tout le savoir que tu pourras. Remplis ton cerveau de connaissances – c’est la seule forme de pouvoir que personne ne pourra jamais te reprendre. 

 

 

Édition Jacqueline Chambon. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilbert Cohen-Solal.

Un livre d’apparence légère mais qui exhale aussi un parfum de tristesse : Arthur Mineur essaie de se remettre d’une rupture amoureuse en faisant le tour des invitations pour écrivains à travers le monde. Nous suivons donc la tristesse d’un homme amoureux américain qui est souvent maladroit et fait de mauvais choix. Arthur Mineur se raconte lui-même de façon très drôle à l’image de son apprentissage de la langue allemande et la joie d’être,enfin, dans un pays dont l’auteur parle la langue – du moins le croit-il- ses propos se terminent ainsi :

Toujours est-il que Mineur arrive à Berlin et se rend en taxi jusqu’à son appartement provisoire à Wilmerdorf en se jurant de ne pas parler un seul mot d’anglais durant son séjour. Bien sûr, le vrai défi est de parler un mot d’allemand.
Il s’amuse beaucoup et nous fait sourire à propos de toutes ses approximations dans la langue de Goethe, il n’hésite jamais à souligner le ridicule dans lesquelles ses différentes maladresses le mettent souvent. Comme l’image de la couverture  : sa carte magnétique n’ouvrant plus la porte de son appartement, il entreprend de passer par le balcon ! Il scrute avec précision la moindre de ses réactions en particulier sur sa place en tant qu’écrivain. Est-il un écrivain important ? Il n’en est absolument pas certain, d’autant qu’il a vécu pendant longtemps avec un génie de la poésie américaine et qu’il sait bien que lui n’est pas un génie. Et puis il y a cette barre des cinquante ans qu’il doit franchir pendant son périple, on voit alors le problème du vieillissement pour un homme dont la jeunesse a été le principal atout de séduction. La lecture est rendue plus difficile par le changement de narrateur, sans prévenir le lecteur on ne sait jamais si c’est Arthur d’aujourd’hui qui prend la parole ou Mineur l’écrivain connu pour un premier roman et à qui a-t-il donné la parole au dernier chapitre ? je ne peux vous le dire sans dévoiler la fin. Je ne suis pas enthousiaste à propos de ce roman et contrairement aux lectrices du club, je n’aurais certainement pas mis de coup de cœur mais c’est un roman original très agréable à lire.

Citations

Humour

Mineur n’est pas vraiment connu en tant que professeur, de même que Melville ne l’était pas vraiment en tant qu’un inspecteur des douanes. Et pourtant, les deux hommes occupent respectivement ces fonctions.

Un hommage à la traductrice

Mineur se met à imaginer (tandis que le maire marmonne toujours son discours en italien) qu’on a mal traduit, où – comment dire ?- qu’on a comme « super-traduit » son roman, confié à un poète de génie méconnue (elle s’appelle Giulliana Monti), qui a réussi à faire de son pauvres anglais un italien stupéfiant. Son livre a été ignoré en Amérique, on en a à peine rendu compte, sans qu’un seul journaliste ait demandé à l’interviewer (son attaché de presse lui a dit : « L’automne est une mauvaise période »). Mais ici, en Italie, il se rend compte qu’on le prend au sérieux. Et en automne, de surcroît. Pas plus tard que ce matin, on lui a montré des articles de la « Républica », du « Corriere della Serra », de journaux locaux et de revues catholiques, avec des photos de lui dans son costume bleu, fixant l’appareil du même regard bleu saphir, naturel et inquiet, qu’il avait lancé à Robert sur cette plage. Mais la photo devrait être celle de Giuliana Monti, c’est elle, en fait, qui a écrit ce livre .

L’humour et la sexualité

Mais leurs rapports sexuels n’était pas idéaux : Howard était trop directif.  » Pince-moi là ; oui c’est ça ! Maintenant, touche-moi là ; non, plus haut ; mais non, plus haut ! Non, plus haut, je te dis. » Mineur avait presque l’impression de passer une audition pour une comédie musicale.

Je vois bien la scène

Pendant qu’il patiente, une jeune femme en robe de lainage marron pollinise l’un après l’autre des groupes de touristes, avec les mouvements circulaires d’une sorte d’oiseau-mouche vêtu de tweed. Elle se penche sur un bouquet de chaises, pose une certaine question et, mécontente de la réponse, s’élance à tire-d’aile vers un autre groupe.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carla Lavaste. Édition Pocket

 

Roman reçu en cadeau, et que j’ai lu d’une traite car l’histoire est saisissante et bien racontée. J’aime bien découvrir à travers un roman un fait historique dont je n’avais jamais entendu parler. Aux USA « Terre d’accueil et de liberté » pour des populations européennes chassées par la misère de leur pays, une pratique peu reluisante a vu le jour entre les deux guerres. Une oeuvre chrétienne chargeait à New-York un train avec des orphelins pour leur éviter l’orphelinat. Il arrivaient dans le Midwest et dans les gares les attendaient des couples en mal d’enfants. Une affiche avec cette annonce était collée sur les murs

On recherche
FAMILLES D’ACCUEIL POUR ORPHELINS
Une société de Bienfaisance de la côte Est
Pour enfants sans foyer
Arrivera à la gare de Milwaukee Riad.
Le vendredi 18 octobre
LA DISTRIBUTION AURA LIEU À 10H
ces enfants de tous âges et des deux sexes
sont seuls au monde

Les familles d’accueil faisaient leur choix et signaient une convention : ils devaient les nourrir et les loger contre de menus services et les envoyer à l’école. Les bébés étaient le plus souvent adoptés et les plus grands, surtout les garçons étaient choisis par des fermiers pour l’appoint qu’ils pouvaient apporter au travail de la ferme. Aucun contrôle n’était exercé et donc l’école était une option au bon vouloir des gens qui accueillaient ces enfants.
Le roman a choisi pour raconter cette histoire une petite fille irlandaise qui changera plusieurs fois de prénom, Niamh son prénom irlandais, Dorothy dans l’horrible première famille et Viviane chez les gens qui l’ont aimée et qui ont voulu lui donner le prénom de leur fille morte de la diphtérie . Le seul objet qui la relie à son origine est un médaillon en étain avec le symbole irlandais de l’amour ;  » le cladagh »

Il lui avait été offert par une grand-mère dont elle se souvient avec tendresse. Mais quand elle sera orpheline personne ne cherchera à la récupérer ni sa famille irlandais avec qui elle n’a plus aucun contact ni sa famille(éloignée) américaine qui devait sans doute se battre avec sa propre misère. Elle partira donc dans un de ces trains et connaîtra deux horribles familles avant de rencontrer ceux qui deviendront ses parents adoptifs . Cette histoire nous est racontée au gré des rangements dans un grenier par une autre enfant placée en famille d’accueil, Molly qui a écopé de cinquante heures de travaux d’intérêt général. Ces deux femmes l’une dans l’année de ses 18 ans l’autre dans ses 93 ans finiront par s’entendre. Elles ont en commun de savoir ce que c’est que de vivre dans une famille d’accueil.

J’ai quelques réserves sur la fin trop en happy-end à mon goût , en particulier pour la jeune Molly mais cela n’enlève rien à l’intérêt du roman.

 

Citations

Une jeune placée en famille d’accueil

S’il y a bien une chose qu’elle déteste à propos des familles d’accueil, c’est d’être à la merci de gens qu’elle connaît à peine et de dépendre de leur moindre lubie. Ne rien attendre de qui que ce soit, voilà ce qu’elle a appris. Ses anniversaire sont souvent oubliés et c’est tout juste si elle est invitée à participer aux différentes fêtes qui jalonnent l’année. Elle doit se contenter de ce qu’elle reçoit, et c’est rarement ce qu’elle a demandé.

Le train d orphelins

« Les enfants, vous voici à bord de ce que l’on appelle un train d’orphelins et vous avez la chance d’en faire partie. Vous laissez derrière vous un lieu diabolique où règne l’ignorance, la pauvreté et le vice. À la place, vous allez découvrir la noblesse de la vie à la campagne. »

 

Édition Inculte

Il y a un an Keisha m’avait tentée avec ce titre que j’avais déjà remarqué chez « Lire au lit » . Le point de départ de ce roman est un fait exact qui m’a donné très envie de lire ce livre : savez-vous ce qu’est un « Copyright Trap » ? Personnellement, je n’en savais rien. Dans les années 1920/1930 au moment où l’utilisation de l’automobile explose et donc, la consommation d’essence, les grandes compagnies offraient à leurs clients fidèles des cartes routières. Fabriquer une carte demande un savoir faire et du personnel compétent donc, beaucoup d’argent, alors pour être certain de n’être pas copié, on demandait aux gens qui créaient ces cartes de mettre un détail faux comme une ville qui n’existe pas. Ainsi, si une autre compagnie copiait votre travail, on pouvait le voir grâce à ce détail. Ces villes fantômes ou villes de papier a inspiré Olivier Hodasava : démêler le vrai du faux dans ce roman devient un exercice très difficile car il mélange bien les sources et aussi son imaginaire. C’est ce qui a beaucoup plu à la blogueuse de « Lire au lit » . Inutile de chercher l’histoire de Rosamond sur Wikipédia , en revanche l’histoire de la ville d’Agloe lui ressemble beaucoup. Cette ville a fini par exister, mais je ne peux pas vous dire si une élection de Miss a été perturbée par la foudre, si Walt Disney avait décidé d’en faire une ville modèle, si une enquête permettrait de retrouver des descendants de celui qui avait créé cette ville fantôme ? J’ai aimé le passage où Walt Disney imagine une ville idéale, je dois dire que les villes utopiques m’intéressent beaucoup. Je vous conseille d’aller visiter le familistère de Godin à Guise, Richelieu aussi construit pour être ville idéale au 17° siècle . J’aime ces utopies de bonheur même si ça ne marche pas toujours très bien.

Voici la cour intérieure du familistère de Guise :

Mais revenons au roman, je l’ai trouvé moins enthousiasmant que les deux blogs que j’ai cités, car j’ai trouvé que le fictionnel se mélangeait assez mal avec le réel et que les personnages n’avaient pas assez de profondeur. En dehors du premier chapitre qui décrit ce qu’est un « Copyright Trap » la ville fantôme perd beaucoup de son intérêt et est remplacé par la création du roman car il y a bien là un travail de l’imaginaire par l’écriture et savoir démêler ce qui vient du cerveau talentueux de l’écrivain ou de faits pris dans la réalité est parfois impossible. « Une ville de papier » est bon roman sans être, pour moi, un coup de coeur.

 

 

Citations

 

Préjugé

Ce qui donne sens à sa vie, mise à part l’amour qu’elle éprouve pour Desmond Crother , c’est le violon. Ele le pratique deux heures par jour au moins. Depuis qu’elle a 8 ans. Elle est douée. Au point que ses professeurs estiment qu’une carrière professionnelle puisse être envisageable et ce bien qu’elle soit une femme, qui plus est d’origine mexicaine. Ses parents ne voient pas forcément d’un bon œil ses rêves de percer dans la musique mais son exaltation est telle qu’ils n’osent pas la contrarié. Secrètement, il espère que le mariage qui s’annonce changera sa façon de voir, sûr qu’elle rentrera dans les rangs quand il s’agira de s’occuper d’un foyer et plus encore d’élever des enfants.

La réalité :

– Et alors ? Elle est réelle ?

– Vous savez, tout dépend de la définition que vous donnez du réel. Si être réel c’est exister dans l’esprit des gens alors oui, pour moi, elle est bien réelle.  » Il s’empressa de noter cette dernière remarque dans son carnet. Il tenait là -il en était certain- une élégante chute pour son papier.

La ville rêvée de Walt Disney

Faire naître Rosamonde, vraiment.
 Construire une ville idéale au fur et à mesure. Louer ou vendre les bâtiments une fois ceux-ci construits mais toujours garder un œil sur la vision d’ensemble. … 
Deux questions fondamentales, se posent à lui et l’obsèdent. Régulièrement, il s’en confie à sa femme. La première pourrait se résumer ainsi : à partir du moment où la ville va exister, à quel point risque-t-elle de lui échapper ? Si des autorités, officiellement, se mettent à la gouverner, pourra-t-il seulement encore nommer ou changer les choses à son gré ? L’autre question, peut-être plus fondamentale encore, concerne les habitants potentiels de la ville. Comment choisit-on les gens que l’on voudrait voir habiter une ville idéale ? Faut-il qui faut-il que soient mis en place des quotas ? Et si oui, sur quelle base ? Par classe d’âge ? Par type de métier ? Par niveau de richesse ? Par origine ethnique ?… Walt Disney ne veut pas faire de sa Rosamon l’équivalent de l’un de ses parcs à thème. Il veut juste une cité aux proportions parfaites. Il voudrait qu’y naisse une société qui ensuite puisse prospérer « naturellement ». Mais alors, comment choisir, ou justement ne pas choisir, ceux qui habiteront un tel endroit ? La problématique est vertigineuse. Au point qu’il lui arrive même parfois de douter que son projet puisse être viable.

 

 

Édition JCLattès . Traduit de l’anglais par Johan Frederik Guedj.

J’ai reçu en cadeau cet essai de Tara Westover et je l’ai lu avec beaucoup d’émotion et d’intérêt. Cette jeune femme diplômée de l’université de Cambridge et de Harvard a commencé sa vie dans des conditions très particulières. Venant d’un milieu mormon, elle a grandi dans l’Idaho près du mont Buck’s Peak.

 

Cette montagne aura une grande importance dans la construction de sa personnalité, son père lui a raconté toutes les légendes qui peuplent ces lieux et elle représentera tout son univers pendant seize ans de sa vie. L’enfance qu’elle raconte dans ce livre est terrible car non seulement les mormons ont tendance à vivre entre eux en respectant des règles strictes mais en plus son père était « le plus mormon des mormons » et surtout c’est un malade mental qui est la proie de crises paranoïaques. Il faudra à Tara, seize longues années pour se défaire des liens qui l’attachaient à cette famille mortifère. Son frère aîné est d’une violence et d’une perversité incontrôlable, elle sera battue, humiliée et en grand danger de mort sans que ses parents n’interviennent. Il faudra une dernière crise de ce frère pour qu’enfin elle abandonne ses réactions de petite dernière de la fratrie des Westover pour aller vers des études qui lui permettront de trouver la femme remarquable qu’elle est vraiment.

Sa description de son enfance est émouvante, si elle n’est pas allée à l’école, elle a croisé des adultes qui savaient lui dire que ce n’était pas normal et cela a dû avoir une certaine importance dans la rupture avec ses parents qu’elle devra assumer. Elle tient beaucoup à ce titre « Éducation » , car oui elle a été éduquée et en particulier à trouver des forces en elle-même, savoir admirer la beauté de la nature mais à part cela c’est vraiment difficile de voir les valeurs que son père lui a données. On sent très bien que la religion n’est qu’un prétexte pour ce père afin de soumettre toute sa famille à des lois et des règles très dures. Les seuls qui se sont sortis de cette domination sont ceux qui n’ont pas accepté de faire partie du clan et qui tous grâce aux études ont pu assumer leur vie. Les autres vivent encore sous cette domination et le succès du livre de Tara n’a pas dû arranger la paranoïa de son père. Elle est définitivement passée du côté du gouvernement, celui qui impose le lavage de cerveau par l’école, qui ruine la santé par les vaccins et les soins à l’hôpital, qui ne croit pas à la fin du monde et donc n’encourage pas les constructions de souterrains pour survivre : bref, le monde de terreur dominé par le patriarche et assiégé par les forces du mal dont sa fille fait maintenant partie.

Le soucis de vérité de Tara Westover et son honnêteté sont très émouvants elle cherche à éviter la culpabilité que sa mère sa sœur et ses frères veulent lui inculquer. On sent tout le travail thérapeutique qu’elle a dû faire pour oser écrire ses souvenirs sans blesser personne et pouvoir retrouver sa famille sur des valeurs d’amour qui ne soient pas fondées sur la manipulation des uns par les autres.

Citations

Le début

Je n’ai que sept ans, mais je comprends que c’est surtout ça qui rend ma famille différentes : nous n’allons pas à l’école.
Papa redoute que le gouvernement ne nous force à y aller, et cela est impossible, parce que les autorités ignorent que nous existons. Quatre des sept enfants de mes parents n’ont pas d’acte de naissance. Nous n’avons pas de dossiers médicaux, parce que nous sommes nés à la maison et n’avons jamais vu un médecin ou une infirmière. Nous n’avons pas de dossier scolaire parce que nous n’avons jamais mis les pieds dans une salle de classe.

La propreté

« N’apprends-tu pas à tes enfants à se laver les mains après être allés aux toilettes ? »
Papa a pas mis le moteur en route. Le pick-up avançait lentement, il a fait un signe de la main. 
« Je leur apprends à ne pas se pisser sur les mains. »

La religion de ses parents

J’avais toujours su que mon père croyait en un Dieu différent. Enfant, j’avais conscience que si ma famille fréquentait la même église que tout le monde dans notre ville, notre religion n’était pas pareil. Les autres croyaient en la décence ; nous, nous la pratiquions . Ils croyaient au pouvoir de guérison de Dieu ; nous remettions nos blessures entre Ses mains. Ils croyaient en la préparation de la Résurrection, nous nous y préparions véritablement. Aussi loin que je me souvienne, j’étais convaincu que les membres de ma famille étaient les seuls vrais mormons que j’ai jamais connus.

Le final

Maintenant que j’y pensais, je me rendais compte que tous mes frères et soeurs exceptés Richard et Tyler, étaient économiquement dépendants de mes parents. Ma famille se scindait en deux -les trois qui avaient quitté la montagne, et les quatre qui étaient restés. Les trois titulaires de doctorat, et les quatre sans diplômes. Un fossé était apparu, et se creusait.

Édition Feux croisés Plon . Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

Un roman peu banal sur un sujet qui démarre pourtant de façon si classique dans la littérature et hélas dans les faits divers américains  : Un jeune homme, Roy, marié depuis peu à la belle Celestial est accusé d’avoir violé une jeune femme blanche dans le motel où il passait la nuit . Sa femme a eu beau dire qu’il était auprès d’elle cela n’a pas empêcher un jury de le déclarer coupable et de lui infliger douze ans de prison. Il n’a rien fait mais il est noir et c’est donc suffisant. Cela pourrait être le sujet du roman mais pas vraiment. Les traitements qu’il a dû subir en prison et sa lutte pour prouver son innocence ne sont évoqués qu’à travers les courriers que s’échangent Roy et Célestial. Courrier qui est plus allusif sur ces sujets car tous les deux parlent surtout de leurs liens amoureux . Roy et Celestial se sont aimés mais leur couple ne résistera pas à la prison , les parents de Roy se sont aimés toute leur vie . C’est un bel exemple de couple américain uni pour la réussite de leur fils, enfin le fils de sa mère car son père, Big Roy, l’a adopté quand il a épousé Olive . Le père biologique jouera pourtant un rôle dans l’histoire de Roy. Les parents de Celestial parents fortunés feront tout ce qu’ils peuvent pour aider Roy à sortir de prison. Il est effectivement acquitté au bout de cinq ans mais sa femme l’a quitté pour son ami d’enfance André. Un roman passionnant car complètement en dehors des évidences sur la condition des noirs aux États-Unis, tout en nuances mais qui par la même m’a beaucoup touchée.

 

Citations

L’amour

Mais en te perdant j’ai appris une chose au sujet de l’amour. Notre maison n’est pas simplement vide. Elle a été vidée. L’amour se crée une place dans ta vie, il se crée une place dans ton lit. À ton insu, il se crée une place dans ton corps, détourne tes vaisseaux sanguins, bat juste à côté de ton cœur. Et quand il part, il laisse un trou.
Avant de te rencontrer je ne me sentais pas seule. À présent je me sens si seule que je parle aux murs et chante pour le plafond.

 

Être noir aux USA face à la justice

Ce calvaire n’aurait alors été qu’une histoire que nous lui aurions racontée plus tard, pour qu’il comprenne qu’il fallait être prudent quand on était un homme noir aux États-Unis. Lorsque nous avons décidé qu’il valait mieux avorter, d’une certaine manière, nous nous sommes résignés. Nous avons cessé de croire que je serais acquitté.

Humour de prison

C’est le destin de l’homme noir. Porté par six ou jugé par douze. 

 

Les femmes

L’immense générosité des femmes est un tunnel mystérieux et nul ne sait où il mène. Partout, il y a des indices qui sont autant de pièges et, quand on est un homme, il faut être conscient que la logique ne nous conduira pas nécessairement à la sortie.

 

 

Édition Christian Bourgeois. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet

 

Un livre passionnant dont pourtant je n’ai pas eu envie de noter beaucoup de passages, mais cela n’est pas du tout un signe d’une moindre qualité. L’intérêt du roman vient de la confrontation des différents personnages à propos d’ un fait divers. À travers chaque chapitre de longueur variée la romancière cerne la réaction d’un des personnages autour d’un tragique accident. Il n’y a pas de grandes pensées au delà des faits, et pourtant la réalité se construit peu à peu, avec une précision étonnante et qui m’a captivée. L’effet roman choral provoque chez moi un besoin de pause entre les personnages, mais ce n’est pas du tout gênant. Je vous présente rapidement les personnages :
– Driss Guerraoui, propriétaire d’un restaurant a été renversé et tué par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’il traversait devant son établissement pour reprendre sa voiture .
– Sa fille Nora, une musicienne de talent, pense que l’acte était volontaire et avec elle on ressent que les musulmans Marocains ne sont pas si bien vus que ça aux USA.
– Efrain est originaire du Mexique et a été témoin de l’accident mais il n’ose pas témoigner car il est en situation irrégulière et a très peur d’être reconduit à la frontière. – Maryam la femme de Driss a laissé plus de la moitié de sa vie au Maroc qu’elle a dû fuir à cause de la répression qui s’est abattue sur les opposants marocains dans les années 80. – Son autre fille Selma qui semble avoir si bien réussi cache mal des fêlures qui l’empêche d’être heureuse. – Coleman est la femme policière chargée de l’enquête. Ce sont tous « les autres » Américains, je mets aussi la policière parce qu’elle est noire et subit le racisme ordinaire des blancs.

Il y a aussi le voisin du restaurant qui tient un bowling, et de son fils, d’eux je ne peux rien dire sans divulgâcher l’enquête policière qui sous-tend ce roman.

Et puis, on entend aussi la voix de Jérémy qui est revenu d’Irak tellement meurtri qu’il a failli sombrer dans l’alcoolisme comme son copain de guerre qu’il cherchera à aider au détriment de sa relation avec Nora.

Chaque personnage est une partie du puzzle qui constitue ce roman et qui donne une image des USA qui est certainement plus divisé que l’on ne peut l’imaginer. Bien sûr, depuis Trump on connaît la fameuse fracture qui divise ce pays mais ce roman témoigne qu’il y en a bien d’autres et que ce n’est pas du tout certain que le modèle américain permette une meilleure adaptation des populations d’origine étrangère que le système français. Ce roman permet de sentir que ce n’est pas si simple de passer d’une culture à une autre et de faire un seul pays avec des arrivants du monde entier, mais grâce à la démocratie il y a quand même un espoir et une place pour la vérité et la justice. Un livre prenant facile à lire et qu’on n’oublie pas.

Citations

Dans les année 80 : guerre Sahara Maroc en 1975

On y est, je me rappelle avoir pensé, c’est la fin du régime. Comment pouvait-il survivre au fait de tuer ses propres enfants en plein jour ? Mais alors que cette pensée se cristallisait dans mon esprit, un des policiers m’a repéré sur le toit, il a levé son arme et m’aviser. Même quatre étages plus haut, j’ai vu le canon noir sur moi. Je me suis laissé tomber à genoux, ne comprenant qu’au sifflement proche que la balle m’avais manqué. Adossé contre le mur, j’ai guetté le bruit sourd des bottes des policiers dans l’escalier. J’ai attendu pendant tout l’après-midi. Même une fois la nuit tombée, j’attendais encore. J’entendais encore les sirènes des voitures de police. Des crissements de pneus. Les bris de verre. Les cris des gens. Le vent dans les palmiers.

L’exil

Pour ma mère, les choses se déroulaient toujours comme elles n’étaient pas censées se passer. Elle avait quitté son pays avec sa famille, mais tout ce qu’elle n’avait pu emporter avec elle lui manquait encore. Son ancienne maison lui manquait, ses amis d’enfance, l’appel à la prière à l’aube. Quel que soit le plat somptueux qu’elle cuisinait, il lui manquait toujours quelque chose -un ingrédient, ou bien le goût n’allait pas. Le mariage de ma sœur l’a propulsée dans les paroxysmes de nostalgie qui ont transformé notre maison en un bazar empli de motifs au henné, de ceintures brodées, de plateaux en cuivre et même d’un palanquin pour les mariés. Ma mère a dû laisser beaucoup de traditions derrière elle et, plus le temps a passé, plus elles sont devenues importantes à ses yeux.

Analyse d’un mariage

Mais comme Maryam n’aimait aucun des tissus que j’ai choisis, j’ai fini par céder. On a acheté les rideaux qu’elle aimait et on est rentré à la maison. J’ai sorti l’échelle et mes outils mais, chaque fois que je faisais un trou, la tringle, selon elle, devait être un peu plus haute ou plus basse. Dans les rideaux ont enfin été installés, il y avait cinq trous dans le mur et la tringle penchait à gauche. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ça, autant d’années plus tard, ce n’est vraiment qu’un détail. C’est peut-être parce que j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que la vie est courte. Sans en avoir conscience, j’avais cheminé sur la route qui va de la naissance à la mort avec la mauvaise compagne.

Remarque sur les américains vus par une marocaine d’origine .

J’avais déjà remarqué ça chez les Américains, ils veulent toujours passer à l’action, ils ont du mal à rester en place ou à se laisser ressentir des émotions désagréables.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Phébus , traduit de l’anglais par Jean buhler

Ce roman s’est retrouvé dans les propositions du club de lecture dans le thème : « écrivains américains ayant habité en France ». J’ai appris ainsi que Louis Bromfield a séjourné des dizaines d’années en France puis, il est retourné dans son Ohio natal pour y fonder une ferme écologique qui se visite toujours. Ce roman, je l’ai lu et relu dans ma jeunesse, j’adorais les passages où Mrs Parkington règle ses comptes avec les médiocres qui n’avaient pour eux que la richesse due à leur naissance. J’ai éprouvé un plaisir très régressif à le lire de nouveau. L’intrigue est bien menée : une riche héritière d’un mari peu scrupuleux qui a amassé une fortune considérable voit s’effondrer un monde basé sur l’appartenance à une classe sociale et qui se croit à l’abri des lois et du commun des mortels. Elle fera tout ce qu’elle peut pour sauver son arrière petite fille des retombées qui vont éclabousser son père qui a épousé la petite fille de Susie Parkington. L’auteur fait de constants retours en arrière qui nous permettent de revivre la vie de cette femme et expliquent pourquoi leurs enfants et petits enfants ont tant de mal à se sentir bien dans leur peau. Trop beaux pour ses fils, pas assez belle pour sa fille, mais dans tous les cas beaucoup, beaucoup trop riches, ils n’auront pas su être heureux. En relisant ce roman, j’ai pensé qu’aujourd’hui les requins de la finance n’ont guère été punis pour leurs actions qui ont ruiné tant de gens dans le monde. Il y a bien des aspects de ce roman auxquels je suis moins sensibles aujourd’hui et que je trouve même agaçants. La place de la femme, qui doit être belle, courageuse, soutenant son mari en toute occasion, et en même temps heureuse, on est loin des combats féministes ! L’idée que l’hérédité explique les difficultés des descendants : les « Blairs » étaient des originaux les enfants seront marqués un peu bizarres. En revanche, j’avais oublié à quel point ce roman était une critique du capitalisme américain et soutenait la politique de Roosevelt, le roman raconte la fin d’un monde fondé sur un capitalisme prédateur et l’arrivée d’un société plus humaine et plus honnête. L’auteur critique beaucoup les Américains qui croient que la naissance leur permettent d’appartenir à un monde au-dessus des lois, ce que je trouve un peu étrange car pour moi l’image de l’Américain est plutôt représenté par le « self made man ». Et finalement, je l’avoue, avoir de nouveau éprouvé de la sympathie pour cette femme extraordinaire même si je ne crois pas du tout que ce genre de personnalité avec toutes ces qualités puisse exister.

Plus qu’un jugement objectif sur ce roman, les cinq coquillages viennent illustrer tous les bons souvenirs que cette lecture m’a rappelés.

 

 

Citations

Sa jeunesse admirons au passage la nature féminine….

Susie ne manquait jamais de voir le soleil se lever, car sa mère et elle étaient toujours debout avant l’aube afin de préparer les provisions des hommes qui allaient travailler dans les mines. Il fallait emballer des sandwichs et verser le café dans des bouteilles. Active et précise dans ses gestes, la mère de Susie était jolie, avec ses petits yeux bleus et ses joues à se joue à fossettes. C’était une de ces femmes qui ont besoin de travailler sans relâche, de par leur nature même. Elle n’aurait pu se priver de fournir de grand effort physique. Susie connaissait aussi ce besoin dévorant d’activité, cette inquiétude qui ne l’eût jamais laissé en repos si son énergie n’avait été heureusement tempérée par une forte propension à la rêverie et à la contemplation.

Le personnage négatif de l’ancien monde

Ned avait peu d’expérience, mais il avait déjà rencontré assez d’individus de la trempe d’Amaury pour pouvoir les juger au premier coup d’œil. Ces gens-là croyaient être protégés par des privilèges spéciaux du fait de leur naissance et échapper ainsi aux lois qui régissent les actes de l’ensemble du peuple américain. Ils étaient nés dans cette période où le sentiment des valeurs avait été faussé, où l’on ne croyait qu’à la puissance de l’argent et où l’on négligeait complètement les qualités du cœur et de l’esprit.

Une phrase que je dédie à ceux qui sont toujours en retard

Toujours ponctuel, le juge Everett arriva à onze heures trente. L’exactitude est le propre des gens qui travaillent beaucoup. Seuls les oisifs peuvent se permettre de gaspiller le peu de temps qui nous est accordé pour vivre.

Réflexions sur un type de personnalité que je trouve assez juste

La pauvre duchesse, avec son visage blême et ses yeux pitoyables de tristesse, semblait demander l’aumône d’un peu de sympathie, mais dans l’instant qu’on lui accordait, elle la refusait contre toute attente et se cachait derrière l’écran de sa dignité blessé. Elle était triste comme seuls peuvent l’être ceux qui sont parfaitement égoïstes, ceux qui sont condamnés à souffrir toujours et partout, parce qu’ils ne veulent pas voir plus loin que les murs de la prison dans laquelle les tient enfermés le souci de leurs propres peines.

Édition : petite Biblio Payot. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Hinfray.

 

J’ai ri et même éclaté de rire. J’ai imposé à tous mes amis la lecture de certains passages de ce voyage de Bill Bryson à travers la Grande-Bretagne qu’il aime tant. Alors, cette fois (contrairement au livre précédent sur Luocine), un grand merci Keisha , je te rejoins dans un plaisir de lecture que j’ai savouré à petites doses. Je commence à avoir un petit rayon Bill Bryson dans ma bibliothèque :American rigolos, Motel Blues, Shakespeare une antibiographie, Une Histoire de tout ou presque, Une histoire du monde sans sortir de chez moi, Nos voisins du dessous. Si j’ai volontairement ralenti ma lecture, c’est parce que je freinais mon envie de cavaler dans un livre où c’est mieux de prendre son temps. Quel plaisir aussi de le lire avec une bonne connexion Internet ! Cela permet de vérifier les images suggérées par un Bill Bryson en grande forme. Comme le dit Keisha , le premier chapitre racontant son premier contact avec l’Angleterre et ses habitants est à mourir de rire. Je peux encore sourire en imaginant la scène. On y apprend que les habitants restent le plus souvent courtois en toute occasion. (À ce propos je recommande la série « Mom » sur Arte qui démontre très bien aussi ce fait). Ensuite nous partons dans un périple à travers la Grande -Bretagne avec un auteur dont l’humour me ravit toujours autant. C’est très agréable de lire ce livre en vérifiant sur Internet tous les petits détails qu’il raconte avec un sens aigue de l’observation. Comme tout adepte de l’humour, il est d’abord sa propre cible, il faut dire qu’il manie avec une constance rare l’art de se tromper dans le choix de son hôtel et qu’après avoir cherché, le plus souvent sous la pluie, le meilleur rapport qualité prix , cela se termine le plus souvent dans une chambre mal chauffée et tristounette. Bill Bryson réussit son pari, nous faire aimer son pays d’adoption ,

cet étrange pays qui a inventé « un sport comme le cricket, qui dure trois jours sans jamais donner l’impression de commencer. 

J’ai été un peu étonnée qu’il visite, l’Angleterre sans évoquer les compétitions sportives (foot ou rugby) et l’Écosse sans les golfs ni le Whisky. En revanche la bière et les pubs sont bien présents. J’ai bien aimé aussi le passage où il se rend compte qu’être trop longtemps tout seul à voyager le rend un peu bizarre. Ce livre, c’est aussi une découverte de la personnalité de Bill Bryson , cet écrivain fait partie de ceux qui me remontent le moral. Vous pourrez lire de nombreux extraits et je vous le dis, je suis loin d’avoir recopié tous ceux dont j’aimerais me souvenir.

 

Citations

 

Vision de Calais

Calais est une ville fascinante qui n’existe que pour fournir à des Anglais en survêtement un endroit où aller passer la journée . Ayant subi d’intenses bombardements pendant le conflit mondiale , elle est tombée au mains des humanistes d’après guerre et ressemble par conséquent au reste d’une exposition de 1957 sur le ciment. Un nombre alarmant d’édifices du centre-ville, notamment autour de la lugubre place d’armes, semblent avoir été copiés sur des emballages de supermarché. Certains enjambant même des rues – ce qui est toujours la marque des urbanistes des années 1950, entichés des nouvelles possibilités offertes par le béton.

 

L’humour de Bill Bryson

Pour moi, quand il y avait un L à l’arrière d’une voiture, cela pouvait très bien signifier que son conducteur était lépreux. Je ne savais pas du tout que GPO désignait le bureau de poste principal (General Post Office), LBW une obstruction passible d’élimination au cricket (Le Before Wicket), GLC le conseil du grand Ni.dres (Greater London Council) et OAP les retraités (Ils Age Pensioners). Je rayonnais littéralement d’ignorance.

Les habitudes

Après être resté assis une demi-heure dans un pub avant de me rendre compte qu’il fallait aller chercher soi-même sa commande, je voulus faire la même chose dans un salon de thé et l’on m’enjoignit de m’asseoir.

 

L’art de résumer une vie (depuis il y a eu une série TV sur la vie de cet homme)

Selfridge était un type singulier qui nous donna tous une leçon de morale salutaire. Cet Américain consacra ses années d’activité à faire de Selfridges le grand magasin le plus raffiné d’Europe, transformant du même coup Oxford Street en principale artère commerçante de Londres. Il menait une vie droite et austère, se couchait tôt et travaillait sans relâche. Il buvait beaucoup de lait et ne faisait jamais de bêtises. Mais en 1918 sa femme mourut, et le fait de se trouver soudain libéré des liens matrimoniaux lui monta quelque peu à la tête. Il se lia avec deux jolies américaines d’origine hongroise connues dans le milieu du music-hall sous le nom de Dolly Sisters, et se plongea dans la débauche. Une Dolly à chaque bras, il écuma les casinos d’Europe, où il joua et perdit avec prodigalité. Il se mit à dîner dehors tous les soirs, dépensa des sommes folles aux chevaux de course et en automobile, acheta Highliffe Castle et projeta de faire construire une demeure de 250 pièces à Hengistbury Head, une localité voisine. En dix ans il dilapida 8 millions de dollars, se vit retirer la direction de cette Selfridges perdit son château et sa résidence londonienne, ses chevaux de courses et ses Rolls-Royce, et se retrouva finalement à vivre tout seul dans un petit appartement de Putney et à prendre le bus, avant de mourir sans le sou et pour ainsi dire oublié le 8 mai 1947. Mais il avait eu le plaisir inestimable de s’envoyer en l’air avec des sœurs jumelles, c’est tout de même ça le principal.

Je me retrouve dans cette remarque :

Parmi des milliers de choses que je n’ai jamais réussi à comprendre, il en est une qui ressort particulièrement. C’est la question de savoir qui a dit le premier, alors qu’il se trouvait près d’un tas de sable :  » Je parie que si on prenait de ça, si on le mélangeait avec un peu de potasse et si on le faisait chauffer, on obtiendrait à matériaux solides mais transparent. On appellerait ça du verre. » Traitez-moi d’abruti si vous voulez, mais on aurait pu me mettre sur une plage de sable jusqu’à la fin des temps sans qu’ils me viennent à l’idée d’essayer d’en faire des vitres

Portraits d’ anglais

Je passais devant un alignement de cabines de plage disposées en arc de cercle, toutes de formes identiques mais peintes de différentes couleurs vives. La plupart étaient fermées pour l’hiver mais, au trois quarts de la rangée environ, il y en avait une d’ouverte, un peu à la manière d’un coffre de magicien, avec une petite terrasse ou un homme et une femme était assis sur des chaises de jardin, emmitouflés comme pour une expédition polaire, une couverture sur les genoux, souffleté par des bourrasques qui menaçaient à tout instant de les faire basculer à la renverse. L’homme essayait de lire le journal, mais le vent le lui rabattait sans cesse sur le visage. Ils avaient tous les deux l’air très heureux ou, sinon heureux à proprement parler, en tout cas extrêmement satisfaits comme s’ils étaient aux Seychelles en train de boire un gin-fizz sous des palmiers dodelinants, et non pas à moitié mort de froid sous des rafales anglaises.
Ils étaient satisfaits parce qu’ils possédaient un petit bout de terrain tellement prisé en bord de mer pour lequel il y avait sans doute une longue liste d’attente et que, là était le véritable secret de leur bonheur, ils pouvaient rentrer quand ils voulaient dans la cabine pour avoir un peu moins froid. Ils pouvaient se faire une tasse de thé et, s’ils étaient d’humeur à faire des folies, manger un sablé au chocolat. Après, ils pourraient passer une agréable demi-heure à ranger leurs affaires et à fermer les volets. Il ne leur fallait pas plus pour accéder à un état proche du ravissement.

Les prospectus publicitaires

Presque tous ces dépliant regorgeait tellement de fautes que c’en était déprimant, et ils avaient si peu à offrir que c’en était pitoyable. La plupart étoffait leur liste d’attractions grâce à des indications telles que « parking gratuit » ou « Boutique cadeaux et salon de thé », sans compter l’inévitable « terrain d’aventure », et ensuite, ils étaient assez bêtes pour montrer sur la photo que c’était juste un portique et deux animaux en plastique sur ressort. Qui peut bien aller dans des endroits pareils ? Je me le demande.

Logique britannique

Je priais l’employé du guichet de me donner un aller simple pour Barnstable. Il m’informa que l’aller simple coûtait 8,80 livre mais qu’il pouvait me faire un aller-retour pour 4,40 livres.
– Vous ne voudriez pas m’expliquer en quoi c’est logique ? lui demandai-je.
– Je voudrais bien si je pouvais monsieur, me répondit-il avec une louable franchise.

Autodérision

Et les voilà tous partis à me bombarder de questions. « Elle consomme beaucoup ? Combien de litres au 100 ? C’est quoi comme couple ? Tu as un double arbre à cames en tête ou un alternateur carburateur à deux canons avec baïonnette et sortie les pieds devant ? » Ça me dépasse que quelqu’un veuille savoir toutes ces conneries sur une machine. Aucun autre appareil ne suscite un tel intérêt. J’ai toujours envie de leur demander. « Alors comme ça il paraît que tu as un nouveau réfrigérateur ? Et elle contient combien de litres de fréon, cette petite merveille ? C’est quoi son IEE ? Et comment il réfrigére, hein ? »
 Cette voiture possédait l’assortiment habituel de touches et de boutons, tous ornée d’un symbole destiné à vous embrouiller (…)
 Au milieu de ce tableau de bord se trouvaient deux cadrans circulaires de la même taille. L’un d’eux indiquait clairement la vitesse, mais l’autre me laissait totalement perplexe. Il avait deux aiguilles, une qui avançait très lentement et une qui n’avait pas l’air de bouger du tout. Je la regardai pendant une éternité avant de m’apercevoir ( je vous jure que c’est vrai,) que c’était une pendule.

Les lords anglais

Je me rappelle avoir lu un jour que le dixième duc de Marlborough, alors qu’il séjournait dans l’un des châteaux de sa fille, était apparu consterné en haut de l’escalier pour déclarer que sa brosse à dents ne moussait pas convenablement. Il s’avéra que, son valet ayant toujours mis le dentifrice à sa place, le duc ignorait que ces instruments ne fabriquait pas spontanément de la mousse.

Bradford.

La mission de Bradford, dans la vie, c’est de faire paraître toutes les autres villes de la planète plus belles en comparaison, et elle remplit très bien ce rôle.

 Liverpool

J’ai pris le train pour Liverpool, où j’arrivais en plein Festival du détritus. Les habitants avaient pris le temps, malgré leurs nombreuses activités, de parsemer le décor, par ailleurs terne et mal entretenu, de sachets de chips, de paquets de cigarettes vides et de sacs en plastique. Ils voletaient gaiement dans des buissons, apportant couleur et relief aux trottoirs et au caniveaux. Et dire qu’ailleurs on met tout cela dans des sacs-poubelle.

Engager une conversation

Je ne sais pas moi, engager la conversation avec des inconnus en Grande-Bretagne. En Amérique, évidemment, c’est facile. Il suffit de tendre la main en disant : « Moi c’est Bryson. Vous avez gagné combien l’année dernière ? » Et ensuite le dialogue ne tarit plus.

La correspondance train/autocar

Bien que le dernier train eût effectué sa desserte depuis quelques temps, un homme se tenait toujours au guichet. J’allais donc le voir et l’interrogeait calmement sur le manque de coordination entre le train et les services d’autocar à Blaenau. Je ne sais pourquoi, vu que je fus l’amabilité même, mais il fut visiblement vexé, comme si je critiquais sa femme, et répondit d’un ton irrité.
– « Si la société Gwynned Transport veut que les gens prennent le train de la mi-journée à Blaenau, elle n’a qu’à faire partir les cartes plutôt.
– Mais vous aussi, insistai-je, vous pourriez faire partir le train quelques minutes plus tard. »
Il me regarda comme si j’étais outrageusement impertinent et riposta.
– » Mais pourquoi nous ? »

Les animaux , les enfants, les ouvriers.

Savez-vous que la Société nationale de prévention de la cruauté envers les enfants a été fondé soixante ans après la Société royale de prévention de la cruauté envers les animaux dont elle n’était qu’une émanation ? Savez-vous qu’en 1994 la Grande-Bretagne a voté pour une directive européenne exigeant des périodes de repos statutaire pour les animaux transportés, mais contre des périodes de repos statutaires pour les ouvriers d’usine ?

Bryson a beaucoup utilisé les trains en Angleterre donc en 1994 on pouvait dire ceci

Voici pour vous quelques chiffres singuliers, qui sont un peu barbants mais qu’il faut connaître. En Europe, les frais affectés par personne et par an aux infrastructures ferroviaires sont de 20 livre en Belgique et en Allemagne, 31 livre en France, plus de 50 livre en Suisse, et en Grande-Bretagne elles atteignent royalement 5 livres. La Grande-Bretagne débourse moins par tête de pipe pour améliorer les voies ferrées que n’importe quel autre pays de l’Union européenne à part la Grèce et l’Irlande. Même le Portugal dépense plus. Et, malgré ce manque de soutien financier, le pays possède vraiment un excellent service de chemin de fer, tout compte fait. Aujourd’hui les trains sont beaucoup plus propres qu’autre fois, le personnel globalement plus patient et plus serviable. Les gentils guichetiers disent toujours s’il vous plaît et merci, et la nourriture est mangeable.

Une différence entre le Middle West et le Yorkshire

Là d’où je viens, dans le Middle West, lorsqu’on est emménage dans un village ou une petite ville, tout le monde passe vous voir pour vous souhaiter la bienvenue comme si c’était le plus beau jour du quartier, et tout le monde vous apporte une tarte. Vous vous retrouvez avec des tartes aux pommes, des tartes aux cerises et des tartes au chocolat. Dans le de Middle West, il y a des gens qui déménagent tous les six mois rien que pour les tartes.
Dans le Yorkshire, cela ne risque pas d’arriver. Mais progressivement, petit à petit, les autochtones vous font une place dans leur cœur et se mettre, lorsqu’il passe en voiture, à vous faire un signe de reconnaissance que j’appelle le salut de Malhamdale. C’est un jour mémorable dans la vie de tout nouvel arrivant. Pour effectuer le salut de Malhamdale, faites d’abord semblant de tenir un volant de voiture. Puis, très lentement, tendez l’index de votre main droite comme si vous aviez un petit spasme involontaire. Voilà. Ça n’a l’air de rien, mais ça en dit long, croyez-moi et cela va beaucoup me manquer.

L’amour de l’Angleterre

Tout à coup, en un éclair, je compris ce que j’aimais en Grande-Bretagne, tout. Absolument tout, le bon et le mauvais, la pâte à tartiner Marmite, les fêtes de village, les chemins de campagne, les gens qui disent :  » Faut pas se plaindre », et « Je vous demande pardon, mais », ceux qui me présentent leurs excuses, à moi quand je leur donne un grand coup de coude sans faire exprès, le lait en bouteille, les haricots sur du pain grillé, les foins au mois de juin, les orties qui piquent, les jetées-promenades en bord de mer, les cartes d’état-major, les crumpets, le fait d’avoir toujours besoin d’une bouillotte, les dimanches pluvieux – tout, je vous dis.