
Éditions Folio, 270 pages, janvier 2025 (première édition en 2022)
Violette a su me
tenter avec ce livre, que j’ai trouvé fort intéressant sans pour autant en faire un coup de cœur. Cet auteur raconte très bien et on a bien du mal à s’arracher à son récit, mais il y a trop de zones d’ombres pour que je sois totalement enthousiaste.
Cet homme a mal commencé sa vie, il a pourtant, et ce sera un point d’ancrage très important pour lui, une mère aimante qui le soutiendra toute sa vie. Il est né en 1947, et hélas pour lui détestera l’école, il passera son temps à fuir toute forme de contrainte liée à l’autorité. Pour l’école, on peut comprendre, en réalité, il aurait dû porter des lunettes car il était incapable de voir le tableau. Mais, dans son quartier, porter des lunettes était signe de faiblesse et il s’est évertué à les casser ou à les perdre. C’est un petit gamin débrouillard et avec ses amis marseillais il passe son temps à faire tout ce que les enfants des rues sont capables de faire : chaparder, voler, courir et s’amuser. Sa mère ne renonce jamais à lui donner le goût des études mais après un passage dans une boîte trop sévère, il s’enfuit et part en Angleterre. Commence sa première errance, mais il est rattrapé par le service militaire. À partir de là, sa vie bascule, comme il est arrivé un mois en retard à sa convocation, il est immédiatement mis en prison. Mais « sa vie bascule » aussi parce qu’un aumônier l’initie à la littérature, il commence à lire et à se trouver bien avec les auteurs les plus variés. Il s’échappera de la prison , puis travaillera dans un hôpital psychiatrique, et enfin deviendra écrivain avec un premier livre « les chemins noirs ».
J’ai beaucoup aimé l’honnêteté avec laquelle il se raconte, et surtout la façon dont les livres lui ont permis de survivre aux différents enfermements. Quand il a trouvé la lecture, plus personne ne pouvait avoir prise sur lui, c’était comme s’il avait un ailleurs fait de liberté, et de sensations agréables : odeurs, beauté, amour … Son éveil littéraire a commencé avec Giono et ne s’est plus jamais arrêté, il parle bien des livres et on sent que, peu à peu, il s’installe dans la société par la bonne porte. Celle qui fait attention à ne jamais se claquer au nez du plus faible et qui s’ouvre à toute les formes de respect pour la vie sous toutes ses formes. À l’image de cet homme d’église qui lui a fourni tous les livres dont il avait besoin pour respirer dans les murs des prisons et se lancer sur les chemins pour devenir un homme bien et fiable.
Pourquoi n’ai-je pas fait de ce livre, que j’ai beaucoup aimé et que j’ai lu d’une traite sans pouvoir m’arrêter, un coup de cœur ? Il me manque trop de personnages dans son histoire, je pense que par pudeur ou parce que ce n’est pas son sujet, il ne nous dit rien de son père de son frère et si peu de sa sœur. Il a dû discuter avec l’aumônier, alors qui est-il ? Pourquoi cet homme se comporte ainsi avec les prisonniers, on n’en sait rien. Bref ce récit ne me permet pas de bien comprendre pourquoi il a tant dérivé vers la délinquance et qui sont les gens qui l’ont aidé à retrouver le sens de la vie. Il ne dit rien ou presque de ses amours et du rôle des femmes dans sa vie (sauf sa mère) Ils sont présents mais on on ne les connaît pas, ils apparaissent comme des images tutélaires, un peu à la manière des films policiers au premier regard on sait en qui on peut avoir confiance ou pas .
Mais je sais que cet auteur a trouvé son public et pour l’avoir entendu parler c’est aussi un homme généreux tourné vers les autres. Donc chapeau ! et un grand merci à la littérature !
Extraits.
Début.
Maintenant je vis dans une maison au bord de la forêt. Vers cinq heures du soir, l’hiver, je fais du feu dans un poêle en fonte noir et je relis de vieux livres. Je lis trois pages, je regarde la danse des flammes, je m’endors un peu, je rattrape mon livre, tourne deux pages, ajoute une bûche… Je serai bientôt vieux. Je dors souvent.
La religion et sa famille.
Nous n’avions jamais mis les pieds à l’église, notre grand mère très communiste et même farouchement stalinienne nous l’interdisait.Mon père se foutait du curé et du bon Dieu, il n’avait qu’une religion la chasse et les boules, comme la plupart des hommes de notre quartier. Ma mère était plus douce et affectueuse que la vierge Marie. Nous n’avions pas besoin de Dieu, nous avions tout à la maison.
Partir à l’aventure.
J’avais circulé dans Marseille comme dans ma poche. Londres me déconcerta. Cette ville n’avait ni début ni fin et les gens ne comprenaient pas les quelques mots que je pensais connaître dans leur langue. Ils remuaient négativement la tête en ouvrant leurs mains..Je parvins après des heures de marche sur de longs boulevards accablés de chaleur, à poser mon sac dans le dortoir d’une auberge de jeunesse qu’un guide des hôtels indiquait, à Holland Park. Le lit le moins cher de Londres.Dès qu’on a un toit sur la tête, dans un pays inconnu notre cœur retrouve son petit trot paisible. J’allais en faire souvent l’expérience,durant les sept années qui suivraient, les villes, les aventures et les frontières que j’allais traverser… Le rêve de l’humanité errante, depuis la nuit des temps, un toit sur la tête.
Miracle du premier livre.
Je tenais dans les mains un petit libre de poche dans le titre, « Coline » me frappa par sa sobriété. Sur la couverture un homme, une poignée de chèvres, un chemin… J’ouvris le livre. Je trouvais les premiers mots très simples, les phrases brèves. L’histoire commençait dans les collines, sur les plateaux déserts des Basses-Alpes, où j’avais passé les plus beaux été de mon enfance.Je retrouvais le silence des villages à trois heures de l’après-midi, sous la chaleur torride, l’odeur des pierres calcinées celle du thym très forte.(…)Bientôt il n’y eut plus de mur autour de moi, j’étais sur ces chemins, dans ces hameaux abandonnés, je sentais la chaleur sur mes épaules et la lente infiltration de l’inquiétude…Jamais ce n’avait ressenti une chose pareille en lisant. Je regardais sur la couverture le nom de l’auteur, Jean Giono.. Par quel tour de magie cet homme m’emportait dans le Sud brûlant où j’avais grandi. Mon corps était traversé de bruits, d’odeurs de silences, de souvenirs, d’émotions..
L’importance des livres.
Je n’étais jamais seul, quelqu’un était dans ma poche puis dans ma main, avec qui je dialoguais, un compagnon de route. Je veux parler de tous ces écrivains qui furent mes professeurs. J’ai évoqué Giono, Dostoïevski Rimbaud … Tant d’autres qui vinrent bouleverser le cours de mon existence. J’allais devant moi, sans programme scolaire projets de lecture.Je lus tout ce que les hasards de la route mirent entre mes mains et chacune de ces lectures allait façonner ma vie, la réinventer comme les immenses blocs de pierre qui tombent des montagnes transforment et orientent le cours d’une rivière.J’étais redevenu un vagabond, mal rasé, hirsute, un vagabond de mots dans un voyage de songes.















