SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. où il a obtenu un coup de cœur sans aucune hésitation.

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Quel roman ! On est pris par le récit parfois palpitant, par les descriptions de si beaux paysages, par l’évocation de personnalités romanesques, et puis par cette guerre qui a failli tout détruire. Le Liban c’est le pays de mes amis, et cette photo le raconte : entre les gâteaux qu’ils m’offrent et cette nappe qu’ils ont fait broder pour moi, j’ai placé ce livre qui m’a fait revivre les histoires qu’ils m’ont maintes fois racontées. Ces grandes familles libanaises qui, au delà de leur confession, s’entendaient parce qu’ils aimaient leur pays et savaient trouver les alliances pour le tenir en équilibre. Les grandes familles étaient, chrétiennes, chiites, druzes ou sunnites. Elles étaient avant tout libanaise, et ce doux pays aux vergers incomparables vivaient en se respectant. Certes les classes sociales étaient très marquées, et les amours devaient servir à conforter des alliances financières, mais au-delà de ces contraintes la vie était belle. Les réfugiés palestiniens, chassés de leurs pays ont apporté les premiers troubles, et puis, on connaît les enchaînements tragiques.

Cette grande famille des Hayek* alliée aux Ghosn*, est mise à mal par la mort du patriarche et la guerre qui se passe à leur porte. À l’intérieur de leur superbe villa, Marie la femme, et Mado la belle sœur, qui cultive sa haine pour la femme de son frère se livrent une guerre sans merci. C’est également une des réussites du roman : cette guerre fratricide qui suit les aléas de l’autre guerre.

Sans trop dévoiler le roman, le titre « la Villa des femmes » permet de se dire qu’elles arriveront peut-être à s’unir pour lutter contre la destruction ambiante. L’avant-guerre, ce Liban des grandes familles nous entraîne dans un monde merveilleux, celui des princes et des princesses, mais au  XX°siècle. J’ai adoré la scène où toute la maisonnée galope sur de beaux pur-sang pour récupérer les chevaux qui se sont échappés. On sent le vent, les odeurs , la mer .. on rêve. J’ai adoré aussi la scène ou Mado crache son venin sur sa belle-sœur : c’est de la tragédie grecque et Médée n’est pas loin. Bref, je suis enthousiaste et la petite note qui me fait du bien, c’est écrit dans un français superbe parce que dans ce Liban là, la langue de la civilisation des idées et de la littérature c’était la mienne, la nôtre le français.

* La famille Hayek d’origine libanais existe vraiment, et inutile de présenter aux Français la famille Ghosn

Citations

Des histoires de cimetières et de mesquineries

Dans la voiture, elle se mettait en colère et marmonnait dans mon dos contre son frère qui laissait faire, qui donnait son accord pour que fussent inhumés là une vieille femme ou un vieillard trépassés simplement parce qu’ils s’appelaient Hayek . « On n’est plus entre nous, ni sur nos terres ni en dessous » grommelait-elle.

L’amour romantique

Badi’ les accompagne souvent, et voilà la messe est dite, regards équivoques, rougeur sur les joues de Marie qui petit à petit est gagnée par l’audace, qui s’isole avec Badi’, encouragée par ses cousines, et tout le monde évidemment joue avec le feu parce que l’on sait très bien que le mariage de Badi’ et Marie est impossible. Mais on s’amuse, on élabore des scénarios, on essaie de les faire exister, la vie pour un moment est comme un roman.

La guerre et les milices

De jeunes guerriers oisifs, en chemise de corps et qui paraissaient au courant de nos ennuis, si nous avions bien affaire à Salloum dit le Vicieux. J’opinai et je les vis échanger une moue qui semblait signifier que nous n’étions pas au bout de nos peines… Le domaine recommença à être envahi. les miliciens reprirent leurs aises de tous côtés.

À ne pas lire par les anti-divulgâcheuse : la dernière phrase du roman

Et, dans le formidable mais déraisonnable espoir que tout cela recommencerait, il ramena son regard vers les choses qu’il avait sous les yeux et qui portaient les traces de l’usure, du temps, et me demanda : « Bon, alors, par quoi commence-t-on ? »

27 Thoughts on “Villa des femmes -Charif MAJDALANI

  1. Quel bel enthousiasme ! Je rajoute donc cet auteur à ma liste « Lire le monde », qui ne contient pas encore son quota d’auteurs libanais. Et je partage ton billet sur le groupe FB de la liste car je ne doute pas qu’il donnera envie. Merci pour cette découverte.

    • oh oui, je n’ai pas trop bien compris le fonctionnement de facebook et de « lire dans le monde » mais celui-là doit en faire partie , c’est certain ! cela me fait très plaisir un roman superbe et qui entraîne dans un pays qui nous est cher

  2. noté dans mon pense-bête, il me le faut

    • je suis sûre que toutes celles et tous ceux qui le liront seront conquis par le style et le départ vers un ailleurs, pourtant si proche

  3. noté évidement , comme toi j’ai des amis libanais et surtout j’ai vécu en direct la guerre dans les années 74 /75 quand des médecins arrivaient en France pour fuir les bombes et tentaient de reconstruire une vie, les hôpitaux de Rhône Alpes en accueillaient beaucoup

    • Les Libanais sont vraiment des victimes collatérales de conflits auxquels ils ne peuvent rien . Ils ont toujours essayé de faire cohabiter plusieurs religions , sauf les juifs qui ont dû quitter le Liban.

  4. Je n’ai pas lu sur le Liban depuis longtemps, alors je le note volontiers, surtout en voyant ton billet enthousiaste.

  5. Voilà un avis qui fait plaisir à lire ! Très tentant !

  6. Bah voilà un nouveau livre à noter ! Je ne te remercie pas !!!

  7. Il tourne dans mon groupe de lecture avec des bonnes critiques.

  8. Très jolie chronique qui donne envie de lire le livre (je rejoins le commentaire de krol !).
    Savoure-t’on ce livre sans pour autant bien connaître l’histoire du Liban ?

    • Oui, bien sûr mais le Liban a fait tellement la Une de l’actualité à une certaine époque que je crois que tout le monde a une petite idée des guerres dans ce pays. Le roman se centre surtout sur la destruction d’une famille à cause de la guerre.

  9. J’avais déjà un roman d’une libanaise et j’ai bien envie d’en savoir plus. Je note ce roman-ci

  10. Jamais entendu parler mais après ton billet ce roman m’apparaît comme une lecture incontournable.

  11. Bonsoir Luocine, merci pour ce bel enthousiasme sur un roman que je note. Je n’en n’avais pas du tout entendu parler. Merci et bonne soirée.

  12. je viens de finir « Incendies » de Wajdi Mouawad, un court texte de théâtre, absolument magistral dont l’arrière fond est justement cette guerre civile du Liban. Ce roman complétera bien la pièce, et puis moi, quand on évoque la tragédie grecque, évidemment, ça me tente !

    • « Incendie » m’a marquée pour toujours, ici nous sommes dans le romanesque classique et les moments de tragédies grecques sont davantage des postures des personbages qu’une volonté d’écriture.

  13. Très intéressée par ce roman qui semble montrer un autre Liban que celui de Darina Al-Joundi (Le jour où Nina Simone a cessé de chanter). Et comme j’ai aussi de l’amitié pour les Libanais, c’est noté.

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