Traduit de l’anglais par Céline LEROY

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Roman autobiographique, Jeanette Winterson raconte, dans un style percutant et souvent drôle, sa vie d’enfant adoptée, donc abandonnée et mal aimée par une mère à moitié folle. La famille Winterson se compose d’un père qui fuit tous les conflits, d’une mère qui est à la recherche d’un Dieu vengeur et qui déteste par-dessus tout le plaisir, et de cette petite Janette qui réagit par la colère aux souffrances qu’on lui impose.

Le récit n’est absolument pas larmoyant, même quand il décrit les nuits passées dehors, par la petite fille de 8 ans, assise sur les marches de la maison. Elle est sauvée par la colère qui l’habite et ensuite par les livres, ceux qu’elle lira et ceux qu’elle écrira. J ai beaucoup apprécié la peinture des milieux ouvriers de Manchester, les dures réalités de la pauvreté mais également les formes d’entraides qui existaient et qui n’existent sans doute plus. Janette, préfèrera les femmes aux hommes et sa folle dingue de mère lui fera subir un exorcisme pour ramener la brebis galeuse dans le droit chemin, le jour où elle surprendra sa fille dans les bras d’une amie.

Il y a des moments où j ai beaucoup ri, comme, lorsque adulte elle vient à Noël voir sa famille avec une amie noire , Madame Winterson en bonne missionnaire chrétienne s’efforce d’accueillir cette jeune femme à qui elle fait manger des ananas à tous les repas car elle pense que c’est la nourriture préférée des noirs… La fin du roman décrit la rencontre avec sa famille biologique. Ce n’est pas le happy-end , mais cela fera du bien à l’écrivaine narratrice d’enfin savoir qui est sa mère . Elle nous décrit une dispute avec sa mère qui critique sa mère adoptive .

Elle répond ce qui me semble très juste, que Madame Winterson était là et que si elle était un monstre, c’est son monstre à elle et qu’elle seule a le droit d’en dire du mal. Durant la quête de sa famille biologique elle traversera une dépression terrible dont elle ne sortira que grâce à l’écriture.

Beau texte, on a vraiment envie de lui dire : « Bravo » Jeanette Winterson de vous en être si bien sortie ! »

Citations

Portrait de sa mère Madame Winterson

Ma mère elle-même était une dépressive truculente ; une femme qui cachait un revolver dans le tiroir à chiffons et les balles dans une boîte de produit nettoyant Pledge. Une femme qui passait ses nuits à faire des gâteaux pour ne pas avoir à dormir dans le même lit que mon père. Une femme qui avait une descente d’organes, une thyroïde déficiente, un cœur hypertrophié, une jambe ulcéreuse jamais guérie, et deux dentiers – un mat pour tous les jours et un perlé pour les « grands jours ».

 Scène de son enfance

Chez nous, la lumière est allumée. Comme papa travaille la nuit, elle peut aller se coucher, mais elle ne dormira pas. Elle lira la Bible jusqu’au matin et quand papa sera de retour, il me fera entrer, ne dira rien, et elle non plus ne dira rien et nous ferons comme s’il était normal de laisser son enfant dehors toute la nuit, normal de ne jamais dormir avec son mari.

 Le pouvoir des mots

J’ai eu besoin des mots parce que les familles malheureuses sont des conspirations du silence. On ne pardonne jamais à celui qui brise l’omerta. Lui ou elle doit apprendre à se pardonner.

 L enfance malheureuse

Je suis contrariée qu’il y ait autant d’enfants dont on ne s’occupe jamais et qu’on empêche donc de grandir . Ils vieillissent mais ne grandissent pas. Pour ça il faut de l’amour. Si vous avez de la chance, l’amour viendra plus tard. Si vous avez de la chance, vous ne frapperez pas l’amour au visage.

 L’éducation sexuelle de ses parents

J’ai bien trouvé un livre…. Il s’agissait d’un manuel de sexualité des années 50 intitulé : « Comment combler votre mari »….

En réfléchissant aux horreurs de l’hétérosexualité, j’ai compris que cela ne servait à rien que je plaigne mes parents ; ma mère n’avait pas lu le livre – peut-être l’avait-elle ouvert une fois et l’avait-elle aussitôt écarté en mesurant l’ampleur de la tâche . Le livre n’était pas corné en parfait état, intact. Conclusion, mon père a dû faire sans, et comme je doute fort qu’ils aient jamais couché ensemble, il n’a donc pas eu besoin de passer ses nuits avec Madame Winterson, pénis dans une main et manuel dans l’autre, pendant que sa femme suivait les instructions.

 J ai souri

Madame Winterson marchait à l’obsession et tricotait pour Jésus depuis un an environ. L’arbre de Noël arborait des décorations en tricot, et le chien était harnaché dans un manteau de Noël en laine rouge constellé de flocons blancs. La crèche non plus n’avait pas échappé au tricot et tous les bergers portaient des écharpes parce que Bethléem était sur le trajet de bus qui allait à Accrington.
Quand il a ouvert la porte, mon père portait un nouveau pull et une cravate assortie. La maison avait été retricotée de fond en comble.

 La Bible revisitée

 Je supporte déjà tellement de choses, m’a-t-elle répondu en me lançant un regard lourd de sens. Je sais que la Bible nous dit de tendre l’autre joue, mais on n’a que deux joues pour toute une journée.

On en parle

chez Aifelle un des blogs que je lis régulièrement ainsi que lecturissime

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