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Traduit de l’italien par Renaud Temperini

Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio.com

 

4Je ne réponds plus souvent aux sollicitations de Babelio mais j’ai visiblement tort car ce roman m’a absolument ravie. J’avais accepté car je croyais me replonger dans l’atmosphère de Naples si bien décrite par Elena Ferrante, et cette fois, du point de vue des hommes. J’aurais pu être déçue car ce n’est pas du tout cela que j’ai trouvé. J’ai accompagné un homme un peu bourru dans sa vieillesse et dans sa difficulté de communiquer avec ses voisins, ses amis et sa famille. Comme beaucoup de personnes âgées, il repense à son passé et en particulier à ses amours de jeunesse avec nostalgie et souvent une grande précision. C’est un livre drôle et triste à la fois. Tragique même, puisque Cesare ne pourra pas empêcher le déroulement d’un drame si prévisible pourtant. Le trio des vieux amis, la dame au chat, Marino qui ne s’est pas remis de la mort accidentel de son fils, et lui-même, ronchonnent et râlent un peu sur le monde moderne auquel ils ont du mal à s’adapter, c’est ce qui les rend drôles et très attachants. Ils ne sont que des hommes sans super pouvoir. Lorenzo Marone a dépeint un Cesare au plus près de la réalité de ce que peut être un homme vieillissant. Il sait très bien jouer des rôles de personnages autoritaires pour sortir des situations les plus rocambolesques (il est aussi bon comme l’ami du ministre de la justice, que l’inspecteur du fisc à la retraite, ou comme l’ancien commissaire de police de Naples), il ne pourra, cependant pas faire grand chose pour aider Emma à se sortir des griffes d’un mari violent. En revanche, il trouvera le chemin de la compréhension et de l’affection de son fils. Ce livre commence par un tout petit texte qui m’a fait penser que j’allais aimer cette lecture, alors, je vous le recopie en espérant qu’il aura le même effet sur vous :

Citations

Une précision

MON FILS EST HOMOSEXUEL.

Il le sait. Je le sais. pourtant, il ne me l’a jamais avoué. Je n’y vois rien de mal, beaucoup de gens attendent la mort de leurs parents pour laisser leur sexualité s’épanouir en toute liberté. Mais avec moi, cela ne marchera pas, j’ai l’intention de vivre encore longtemps, au moins une dizaine d’années. Par conséquent, si Dante veut s’émanciper, il va falloir qu’il se fiche de l’opinion du soussigné. Je n’ai pas la moindre envie de mourir à cause de ses préférences sexuelles.

Un moment d’humour tellement vrai !

Je fixe des yeux un livre posé sur ma table de chevet. J’ai souvent observé sa couverture, mais j’y remarque des détails qui m’avaient échappé. Une sensation de stupeur m’envahit, puis je comprends de quoi il s’agit : j’arrive à lire de près. A mon âge, personne au monde n’en est capable. Malgré les pas de géants de la technologie au cours du dernier siècle, la presbytie est restée un des mystères inaccessibles à la science. Je porte les mains à mon visage et saisis la raison de cette soudaine guérison miraculeuse : j’ai mis mes lunettes, d’un geste désormais instinctif, sans réfléchir.

 

Le caractère de Cesare

On dit souvent que le temps adoucit le caractère, surtout celui des hommes. Beaucoup de pères autoritaires se métamorphosent en grands-pères affectueux. moi, il m’est arrivé l’exact contraire, je suis né doux et je mourrai bourru.

La vieillesse

On ne s’habitue à rien, on renonce à changer les choses ce n’est pas pareil.

 

 

 

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Comme vous le voyez, je n’ai pas résisté longtemps au billet de Noukette pas plus qu’à celui de Jérôme. Ces deux là quand ils vous promettent un bon roman qui fait du bien, vous pouvez y aller, ils sont rarement à côté de la plaque ! J’ai tout simplement adoré ce roman , je l’ai avalé en quelques heures et déjà, je rêve de lire la suite. Un psychologue originaire des Antilles soigne des gens mal dans leur peau et dans leur vie. C’est un bel homme noir dont le charme ne laisse pas indifférent les femmes. Il a une clientèle d’enfants et d’ados. Au retour de l’école, son fils, Lazare écoute les récits des patients. Cela permet à l’auteur de multiplier les points de vue sur le monde des gens qui vont mal aujourd’hui en particulier les adolescents. Nous avons le regard de Sauveur (beau prénom pour un psychologue) celui de Lazare son fils et aussi les propos des gens qui viennent le voir. C’est drôle, pétillant, triste souvent et tragique parfois.

La classe de CE2 de madame Dumayet fréquentée par Lazare vaut celle du célèbre petit Nicolas. Les cas suivis par Sauveur (et son fils) permettent à Marie-Aude Murail de mettre en scène des petits instantanés de notre monde contemporain. J’ai bien aimé aussi les maladresses de Sauveur avec son fils, lui qui sait si bien comprendre les souffrances des autres, a un peu plus de mal à voir celles de son enfant dans lesquelles il est impliqué, évidemment. Cela donne un sens à l’intrigue et au retour vers le drame de leur vie d’avant quand ils vivaient à la Martinique ce n’est pas la meilleure partie du roman . Autant les enfants et les ado sont passionnants autant certains adultes sont à la limite de la caricature.

C’est la raison pour laquelle je n’ai pas mis 5 coquillages. La raciste de service me semble sorti d’un roman de 4 sous, et le prof d’histoire dragueur et bedonnant (le père d’Océane) peu crédible. Le sel de ce roman ce sont les enfants et les ados qui nous le donnent et eux, pour peu que les adultes ne les écrabouillent pas complètement, sont prêts à vivre de toutes leurs forces. Je ne sais pas si cette auteure s’adresse à des ado ou à des adultes, ce que je sais, moi qui suis loin de cet âge là, c’est que j’ai eu l’impression de partager un moment la vie de gens plus jeunes et que Marie-Aude Murail me donnait, à travers les yeux compatissants de Sauveur et de son fils, des clés pour mieux les comprendre.

Citations

Les ambiances de classe comme si on y était

L ‘histoire intitulée « le loup était si bête » leur avait plu. Malheureusement, il s’agissait de faire maintenant l’exercice de compréhension numéro 3 page 42.

1/ Que nous apprend le titre du texte ?

2/ Ce conte fait-il peur ?

3/ Connais-tu des contes de Loup qui font peur ?

Paul dont l’esprit de concision faisait la charme répondit :

1/ Le loup il est bête 2/non 3/oui

Problème d’orthographe

Le mardi c’était le jour d’Ella, la phobique scolaire. Lazare avait eu quelques difficultés à obtenir des informations sur ce mal étrange car il avait d’abord tapé « fobic solaire » sur Google.

le sommeil des ados (je ne savais pas ça !)

Dans tous les cerveaux il y a de la mélatonine qui fait dormir, mais le cerveau des adolescents fabrique la mélatonine pas à la même heure que le cerveau des adultes. Alors le soir, ils n’ont pas envie de dormir. Mais le matin, si.

J’ai un petit faible pour Océane

Pour le proverbe du jour Madame Dumayet avait choisi. :« Après la pluie , le beau temps » . Qui sait ce que veut dire ? Oui, Océane.

Il faut pas oublier son parapluie.

Les enfants et leurs secrets

Les poule noire étranglée et le cercueil en boîte de chaussures étaient allés rejoindre le monde interdit aux enfants, dont les secrets s’échappent par une porte entrebâillée

20160726_102602Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre

1Cet été, j’ai ressenti un fort besoin de retrouver un monde sans violence à travers mes lectures. J’ai pensé que cette Miss Alabama et ses petits secrets allaient me détourner de mon pessimisme concernant l’humanité et en particulier la cruauté des fous qui tuent au nom d’Allah. Quand j’ai commencé, j’ai cru avoir trouvé un dérivatif à ma peine : le début est amusant, cette femme parfaite, trop sans doute, et qui a tout contrôlé dans sa vie, décide de se suicider car elle ne supporte plus de vivre à Birmingham dans l’état de l’Alabama au milieu de gens qui la déçoivent. Seulement voilà, alors que tout est très bien planifié sa collègue Brenda une femme noire sympathique et légèrement obèse, lui impose d’aller voir un spectacle de Derviches-Tourneurs. Maggie qui ne sait pas dire non recule son funeste projet d’une semaine. Durant ces quelques jours, nous allons peu à peu connaître son entourage et à travers sa vie, les difficultés d’une ville comme Birmin­gham. Comme nous sommes avec des agents immobiliers, on suit au plus près les transformations des centres villes américains et leur désertification au profit de banlieues très anonymes.

Les personnages sont sympathiques sauf la très méchante Babs Binginton. Se mêlent à l’histoire contemporaine, celles des siècles passés où a été construite une belle demeure que Maggie fera tout pour sauver des griffes des promoteurs. Et bien, malgré toute ma bonne volonté et l’envie de lire un roman amusant je me suis très fortement ennuyée au point de tourner les pages de plus en plus rapidement. J’avais l’impression d’être dans une mauvaise série où tous les personnages sont des caricatures d’eux-mêmes.

Est-ce que tout simplement ce livre est tombé à un mauvais moment ? je ne sais pas. Mais je n’ai cru à aucune histoire et surtout pas au happy end, tant pis pour les anti-divulgâcheuses, non, Maggie ne se suicidera pas, non, la belle maison ne sera pas détruite par les méchants promoteurs et oui, Maggie sera finalement heureuse, et non, je ne vous dirai pas comment (j’ai trop peur de perdre mes lecteurs et lectrices) !

Portrait de Maggie (Miss Alabama)

De toute a vie, elle ne s’était jamais mise en colère, or c’était la deuxième fois, ce mois-ci. Était-ce une ménopause tardive ? Le retour du refoulé de l’agent immobilier ? Quoi qu’il en soit Maggie se dit qu’elle ferait mieux de se calmer.

Une diatribe contre les vedettes d’aujourd’hui

Aujourd’hui, les vedettes défendent toutes une cause. Et que je te cours le monde, que je te fais ami-ami avec les dictateurs, que je te crache sur l’Amérique. Ce qui ne les empêchent pas d’empocher l’argent qu’elles y gagnent . Je trouve qu’elles feraient mieux de fermer leurs grandes bouches et de simplement jouer la comédie.

– Les deux à la fois, c’est un peu compliqué, remarqua Brenda en riant.

20160718_100133Traduit de l’anglais par Mathilde Bach. Lu grâce au club de lecture de la médiathèque de Dinard, il a obtenu « un coup de cœur », ce sont des valeurs sûres ces coups de cœur de notre club !

4
Superbe roman qui tient en haleine le lecteur jusqu’au point final. Plusieurs histoires se croisent et interfèrent les unes dans les autres. On y retrouve cette sensation qu’un « froissement d’aile de papillon » dans un coin de la planète aura des répercussions dans le monde entier. Dans la périphérie de Las Vegas, la famille de Daniel vit au rythme des missions militaires d’un genre particulier. Il dirige des drones sur des terroristes qui menacent la planète. Une guerre propre ? Seulement est-ce qu’une guerre peut l’être ? Ce jour là , Daniel et Maria ne tueront pas seulement un terroriste sur la frontière afghane et pakistanaise, en appuyant sur un bouton, ils tueront aussi le grand amour d’un écrivain : Michael. Celui-ci, terrassé par cette mort qu’il ne comprend pas, essaie de se reconstruire auprès de Samantha (à qui le livre est dédié) Josh et leurs deux filles dans un agréable quartier de Londres. Mais là encore, la bavure des militaires américains aura des conséquences tragiques.

Le roman raconte la lente reconstruction d’un homme écrivain après un deuil tragique. Le fait qu’il soit écrivain est important, il a toujours écrit ses livres grâce à un un don particulier : il sait entrer dans la vie des gens et ceux-ci lui font confiance au point de ne rien lui cacher de leur sentiments les plus intimes. Grâce à ce don, il devient l’ami indispensable de ses voisins, celui qui est invité à toutes les fêtes et qui peut donc un jour pousser la porte de leur maison en leur absence afin de récupérer le tournevis dont il a un besoin urgent. Le roman peut commencer, nous progressons dans la maison des voisins de Michael, saisi peu à peu par un sentiment d’angoisse terrible.

Je m’arrête là, car le roman est construit sur un suspens que je n’ai pas le droit de divulgâcher sans me mettre à dos tous les amateurs du genre qui seront ravis, car c’est vraiment bien imaginé. J’ai personnellement été plus sensible aux réflexions sur l’écriture. Ce personnage d’écrivain reporter m’a beaucoup intéressée. Faire son métier en utilisant la vie d’autrui comporte toujours une part de voyeurisme qui est aussi un des thèmes de ce roman. Mais évidemment l’autre centre d’intérêt qui questionne aussi beaucoup notre époque ce sont les conséquences de la guerre de notre temps qui utilise des drones pour éviter de faire mourir au sol les soldats de la force dominante.

Citations

Une bonne description

Ces hommes qui travaillaient dans des bureaux, et que les costumes ne semblaient jamais quitter, même nus.

L’anglais international

Il n’arrivait pas à reconnaître son accent. Ses phrases commençaient en Europe puis elles migraient, comme des hirondelles, survolaient l’Afrique à mi-chemin du point final.

Les vertus de la mer

La côte n’avait jamais été son décor naturel. Et cependant il se réveilla avec la certitude que seul l’océan pouvait l’apaiser. La mer semblait assez immense pour réprimer les angoisses qui le déchiraient . Assez pure pour lui dessiller les yeux.

Les peurs américaines et la guerre des drones

Las Vegas fournissait à l’Amérique des versions du monde, afin que l’Amérique n’ait pas besoin de s’y aventurer. D’autres pays, d’autres lieux étaient ainsi simultanément rapprochés et tenus à distance. Exactement comme ils l’étaient sur ces écrans qu’il observait à Creech. N’était-ce pas ce qu’ils faisaient également là-bas, lui et Maria, avec leur tasse à café qui refroidissait sur l’étagère à côté ? Introduire dans l’Amérique une version de la guerre. Une version à la loupe mais à distance, un équivalent sécurisé, où ils n’étaient pas obligés d’aller eux-mêmes.

20160716_131754Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray

3
Je conseille la lecture de ce court témoignage à tous les fans de « Downton Abbey ». La quatrième de couverture dit que ce récit inspira plusieurs scénaristes dont Julian Fellowes (créateur de Downton Abbey). Mais ne vous attendez pas à retrouver la série, contrairement au personnage de Daisy, Margaret Powel est une jeune fille qui a tout de suite eu une conscience aiguë des limites de sa condition. Elle ne fait pas partie de ceux ou celles qui, à l’image de Carson ou de Mme Hughes, s’identifient complètement à la famille qu’ils servent. Elle cherche par tous les moyens à sortir de sa condition d’aide cuisinière et pour cela change le plus souvent possible d’employés. Cela nous vaut une série de portraits des riches familles anglaises hautes en couleurs ! Entre celle où on l’oblige à repasser les lacets des chaussures, celles où on ne les nourrit pas assez, celles où on les fait trimer comme des bêtes de somme, tout cela donne une vision bien éloignée de notre chère famille Crawley. Une seule famille semble un peu corresponde à cet idéal, mais Margaret n’y reste pas longtemps car elle veut surtout se marier et ne plus être au service de.. Ce qui donne autant d’énergie à cette toute jeune fille c’est une éducation rude mais très joyeuse au bord de la mer à Hove près de Brighton. Elle y a acquis une vision très juste de la société. Bien sûr le style est très plat mais on ne s’attend pas à plus pour ce témoignage très vivant.
Pour le plaisir d’entendre sa voix voici un petit film où elle recommande de manger du poulet anglais :

Citations

L’importance du dimanche dans sa famille

Enfin, on ne peut pas dire non plus que l’église jouait un grand rôle dans la vie de mes parents. Je crois qu’ils n’avaient pas vraiment de temps à consacrer à ça ; ou plus exactement ils n’en avaient pas envie. D’ailleurs on était plusieurs dans la famille à ne pas être baptisés. N’empêche qu’on devait tous aller au catéchisme le dimanche. Pas parce que nos parents étaient croyants, mais parce que pendant ce temps-là on n’était pas dans leurs jambes. Le Dimanche après-midi, c’était le moment où il faisait l’amour.

L’école

Mais ce qui était formidable à l’école, c’est qu’on devait apprendre. À mon avis, il n’y a rien de plus important que de savoir lire et écrire et compter. C’est de ces trois choses-là qu’on a besoin si on veut travailler et gagner sa vie. Nous, on nous forçait à apprendre , et je pense que les enfants il faut les forcer. Je ne crois pas aux théories comme quoi « s’ils n’en ont pas envie ça ne leur apportera rien ». Bien sûr que ça leur apportera quelque chose . Nous, notre maîtresse venait nous donner une bonne gifle quand elle nous voyait bayer aux corneilles. Et croyez-moi, quand on sortait de l’école on sortait avec quelque chose.

L’intérêt des patrons pour leurs domestiques

En fait pendant toute ma vie en condition j’ai constaté que les patrons se souciaient toujours énormément de notre bien-être moral. Ils se fichaient pas mal de notre bien-être physique. Pourvu qu’on soit capable de bosser, ça leur était bien égal qu’on ait mal au dos, au ventre ou ailleurs ? Mais tout ce qui avait à voir avec notre moralité, ils trouvaient que ça les regardait. C’est ce qu’ils appelaient « prendre soin des domestiques » s’intéresser à ceux d’en bas. Ça ne les dérangeaient pas qu’on fasse de grosses journées, qu’on manque de liberté et qu’on soit mal payé ; du moment qu’on travaillait bien et qu’on savait que c’était le Bon Dieu qui avait tout organisé pour que nous on soit en bas à trimer et qu’eux ils vivent dans le confort et le luxe, ça leur convenait parfaitement.

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4Noukette qui participe au » prix des meilleurs romans des lecteurs de points » a placé celui-ci en très bonne place pour remporter le prix, il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité. Comme elle, je trouve beaucoup de qualités à ce roman. Comme je n’ai pas lu les autres, je ne peux pas lui attribuer une place, en revanche, je lui attribue volontiers 4 coquillages. Pourquoi pas 5 ? Car il manque un peu de tensions dans les intrigues et sans m’ennuyer, je laissais parfois mon esprit vagabonder entre les poutrelles de Manhattan. Ce roman raconte la construction et la destruction des tours jumelles et prend pour personnage principal un Indien Mohawk qui fait partie des célèbres Ironworkers, c’est à dire de ceux qui ont construit les buildings de New-York et Chicago

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Plusieurs histoires s’entremêlent et permettent de vivre avec ces hommes très courageux de 1886 à 2012 …. Il permet de tordre aussi le cou à une légende tenace : oui les indiens Mohawks sont sujets au vertige comme tout le monde. Ceux pour qui ce malaise était trop fort n’ont pas fait ce travail là , voilà tout. La raison pour laquelle beaucoup d’entre eux l’ont fait, au péril de de leur vie parfois, c’est que dans l’Amérique de cette époque là peu de métiers aussi bien payés s’offraient aux Indiens. En plus, sur un chantier, quand quelqu’un fait bien son travail et est reconnu pour ses qualités, le racisme disparaît pour un temps, surtout si le métier est particulièrement difficile. Le roman débute en septembre 2001, avec la recherche forcenée des rares survivants qui pouvaient être encore sauvés des ruines fumantes des tours jumelles. Peu à peu on comprendra pourquoi il était presque impossible de survivre à cette catastrophe qui coûtera la vie à plus de 2000 personnes. Mais avant cela, pour bien comprendre les relations entre les personnages il faudra remonter dans le temps et comprendre ce qui s’est passé à Quebec en avril 1907. Ce jour là une autre catastrophe , un pont qui s’effondre et tue 76 personnes dont 36 Mohawks, là c’est l’entêtement de l’ingénieur qui n’était pas venu sur place, malgré les craintes des ouvriers qui sera responsable de cette tragédie.
Pont_de_Quebec_1907Les Ironworkers sont fiers de leur savoir faire, ils ont participé à tous les grands chantiers de l’Amérique, là où il fallait des ouvriers n’ayant pas peur d’escalader les constructions métalliques quelle que soit leur hauteur. La destruction de ces tours a été ressentie comme une injure faite au travail de leurs ancêtres.

Ce roman est intéressant par sa partie technique et son côté extrêmement bien documenté, mais il est vrai qu’aujourd’hui tous ces documents sont accessibles sur Internet , encore faut-il avoir le talent de les rassembler et de leur donner vie autour de personnages attachants. Pendant quelques jours, j’étais sur les poutrelles des buildings Manhattan ou dans les décombres des tours. J’ai appris à quel point les sauveteurs ont pris des risques pour leur vie et ont respirer des vapeurs très toxiques comme d’ailleurs tous ceux qui étaient près des tours quand elles se sont effondrées. J’aime bien ce sentiment que me procure parfois la lecture de n’être pas complètement avec les gens qui m’entourent mais dans un monde fait de passions, de peurs, de découvertes techniques et de civilisations différentes.

PS lire le très bon billet de Delphine-Olympe ne serait-ce que pour les photos

Citations

Pour mettre fin à une idée reçue

Il n’a ni peur ni vertige, ou du moins le vertige il l’a comme les autre, mais il parvient à le surmonter, à faire semblant d’être à l’aise pour impressionner les copains. C’est ce que ses oncles disaient : respecter sa peur, dialoguer avec elle, peu à peu l’amadouer, apprendre à la connaître pour l’apprivoiser. Serrer les fesses, faire comme s’il était normal de poser un pied devant l’autre sur trente centimètres de métal au dessus du vide. Tous n’y parvenaient pas, loin de là, mais ceux qui le peuvent semblent avoir un don unique.

Un des plaisirs de ce métier

Tu vois fiston, c’est un autre avantage d’être connecteur : sur un chantier, tu es au- dessus des autres, au-dessus du monde, dans les nuages, avec les dieux et les oiseaux.

L’ honneur d’être mort le 11 septembre

 Si c’est un morceau d’un corps de civil, on évacue ça dans un sac plastique, comme à la poubelle ! trois minutes et ça repart. Je veux parler à l’enfoiré qui a demandé dans la radio si c’était un sac ou un drapeau. Les civils ont droit au même respect que tout le monde ici . Tous ces gens sont morts en héros, uniformes ou pas.

20160526_105726(1)Traduit de l’anglais ( États Unis) par Éric Chédaille.

3Après avoir lu « La Montagne en Sucre » je n’ai pas hésité à me lancer dans ce second roman que Dominique et Keisha m’avaient conseillé. Hélas, ce roman centré sur les amitiés entre universitaires américains ne m’a pas vraiment intéressée. Le roman suit la destinée de deux couples spécialistes de littérature anglaise, ils se prennent d’amitié, l’un a beaucoup d’argent et fait profiter de son confort un couple d’amis moins fortunés. Le personnage principal dans lequel on peut reconnaître Wallace Stegner est l’universitaire moins riche mais doué pour l’écriture de romans à succès et qui , pour cette raison, est visiblement appelé à faire une belle carrière alors que son ami aura plus de mal à s’imposer car il aime surtout écrire de la poésie. Nous sommes donc dans le milieu d’enseignants au comportement et à la réussite divers, on voit combien il est important, aux Etats-Unis, de publier des articles ou des livres pour réussir en tant qu’universitaire. Les deux carrières de ces amis évolueront donc à des rythmes très différents. La vie et un accident que je ne peux pas raconter sans dévoiler l’intrigue, mettra leur amitié à rude épreuve. J’ai eu du mal à supporter les critiques sur le couple juif qui est, comme par hasard, arriviste et intéressé. Un moment Stegner se demande (à travers son personnage principal) s’il n’est pas victime de l’antisémitisme ambiant. Je peux lui répondre qu’il ne trouve aucune qualité à ses collègues juifs et que ça n’est pas très agréable car on peut penser que des professeurs capables de petitesses, il y en a de toutes couleurs et de toutes confessions ! Comme beaucoup d’Américains, ils sont passionnés par la nature, je pense que c’est un aspect du roman qui a beaucoup plu à Dominique . Quant à moi, je dois un peu me forcer pour lire les descriptions surtout quand je les trouve gratuites. Je dirai que c’est un roman à lire pour ceux qui sont intéressés par le monde universitaire américain d’avant guerre, et que Stegner est d’une honnêteté totale dans l’analyse des sentiments mais, hélas, on ne retrouve pas du tout le souffle épique de « Montagne en sucre « .

 

Citations

Les descriptions de la nature que je dois me forcer à lire

Traversant les feuillus qui poussent au pied de la hauteur, traversant le cordon de cèdres, où des sources rendent le sol spongieux, je marche d’un pas alerte et mes yeux se repaissent. J’avise dans la boue des empreintes de raton laveur, un adulte et deux petits, je vois des herbes mûrissantes ployées par l’humidité comme des arceaux de croquet, de fausses oronges, en cette saison encore plates voire concaves et contenant de l’eau, et des forêts miniatures de pied-de-loup et de lycopodes. Il y a, sous les jupes des épicéas, des cavernes mordorées, abris tout indiqués pour les mulots et les lièvres.

Vanités

Quoique j’aie été occupé, peut-être surmené, toute ma vie durant, il me semble aujourd’hui que j’ai accompli bien peu de choses importantes, que mes livres n’ont jamais été à la hauteur de ce que j’avais en tête, et que les gratifications -revenu confortable, célébrité, prix littéraires et titres honorifiques-n’ont été que du clinquant et rien dont un homme doive se contenter.

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Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Isabelle Caron. Lu dans le cadre du meilleur des coups de coeur de l’année 2015/2016 au club de lecture de la médiathèque de Dinard

3
J’ai eu beaucoup de mal à lire ce livre qui utilise un procédé étonnant et, comme tous les procédés, très artificiels. Le personnage principal est souvent en grand danger de mort, en si grand danger que la mort l’emporte … le roman pourrait alors s’arrêter. Ce serait méconnaître le pouvoir de l’écrivain qui reprend là où l’histoire s’est mal engagée pour la survie d’Ursula . Ce bébé meurt au chapitre un, à la naissance car le médecin n’a pas pu arriver à temps, à cause de la neige. Kate Atkinson reprend : le médecin arrive et Ursula respire…. Puis, elle périra noyée mais en reprenant le récit là où le danger était si grand que la fin logique était la noyade, elle sera sauvée par un peintre qui peignait une marine de cette si belle côte avec deux enfants jouant sur le rivage.

Bref, de récit en récit, on arrive à connaître parfaitement la Grande Bretagne de 1910 à 1946. Ce roman ne donne pas toutes les clés ni des relations des personnages entre eux, ni du pourquoi de leur présence dans des lieux si chargés historiquement : le lecteur est promené du Blitz dans les caves de Londres, au nid d’aigle aux côtés d’Eva Braun et Hitler. Au début, je me perdais à cause de ce procédé qui crée de multiples retours en arrière et puis je m’y suis habituée. J’ai pensé que c’était comme si l’écrivain vous proposait de refaire votre vie autrement à chaque fois que la souffrance vous a totalement submergé. Ursula prend peu à peu conscience qu’elle possède un pouvoir à la fois de prémonition et aussi celui d’empêcher la catastrophe en déviant les forces du destin, il faut pour cela effectuer un retour en arrière. Comme je lisais simultanément « La Variante Chilienne » je trouve que cette citation convient parfaitement à « Une Vie Après l’Autre »

Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

Pour être plus claire, je prends un exemple : Bridget la nourrice et aide cuisinière de la famille, toute heureuse de la fin de la guerre 14/18 veut aller avec son amoureux fêter le retour des soldats à la gare de Londres. Dans la première version du roman, elle y attrape le virus de la grippe espagnole, elle en mourra mais le transmettra au plus jeune frère d’Ursula. Celle-ci met toutes ses forces pour revenir au moment de la prise de décision d’aller à Londres pour empêcher ce projet dont elle seule connaît les funestes conséquences. Cela nous vaut trois récit différents car Bridget veut absolument mettre son projet à exécution, Ursula finira par la précipiter du haut de l’escalier de la maison. Les conséquences sont doubles, Bridget n’ira pas à Londres, personne dans la famille n’aura la grippe espagnole. Mais on ferra soigner la petite fille pour trouble mentaux, elle rencontrera un psychiatre qui sera bienveillant et qui l’accompagnera une grand partie de son enfance. Je crains qu’en disant cela, vous soyez comme moi dérouté par ce procédé, ce serait alors vous priver d’un roman qui décrit si bien l’Angleterre de cette époque. Je n’ai jamais rien lu d’aussi précis à propos de l’horreur des bombardements sur Londres pendant la guerre. Et puis, il y a cet humour si britannique qui fait tellement de bien.

Un livre surprenant donc mais qui plaira aux amoureux de notre chère Grande Bretagne qui vient de choisir de quitter l’Europe !

Citations

L’éducation sexuelle toute britannique

Sylvie n’avait pas la moindre idée d’où venaient les bébés, elle n’avait guère été plus avancée pendant sa nuit de noce. Sa mère, Lottie, avait fait des allusions, mais craint de donner des précisions anatomiques.Les relations conjugales entre Hommes et femmes semblaient mystérieusement impliquer des alouettes prenant leur essor au point du jour.

 

Des contacts physiques contraires à la bonne éducation britannique

Le bébé emmailloté comme une momie pharaonique fut enfin remis à Sylvie.Elle caressa doucement sa joue de pêche et dit « Bonjour, ma petite » et le Dr Fellowes se détourna afin de ne pas être témoin de démonstrations d’affection aussi sirupeuse.

Les sentiments pour une belle mère

Adelaïde menaçait de mourir depuis plusieurs années, mais « n’avait jamais tenu sa promesse » disait Sylvie.

Les bienfaits de l’Europe

Ursula était vierge en s’embarquant pour l’Europe, mais ne l’était plus à son retour. Elle pouvait en remercier l’Italie. (« Ma foi, si on ne peut pas prendre un amant en Italie, on se demande bien où s’est possible », disait Millie).

Le sens du roman

Et si nous avions la chance de recommencer encore et encore jusqu’à ce que nous finissions par ne plus nous tromper ? Ce ne serait pas merveilleux ?

20160612_111710Traduit de l’italien par Bernard Comment.

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J’ai ce livre depuis un certain temps, il est de tous mes déplacements avec toujours cette envie de le lire que je dois à un blog dont j’ai oublié de noter le nom. Pour une fois la quatrième de couverture dit assez bien ce que raconte ce roman : « une prise de conscience d’un homme confronté à la dictature ». Le Docteur Pereira, journaliste, vit à Lisbonne en 1938, il est chargé de la page culturelle du « Lisboa », hebdomadaire qui préfère, et de loin, raconter l’arrivée des yachts de luxe et des réunion mondaines, qu’informer ses lecteurs sur les assassinats en pleine rue de pauvres gens comme ce vendeur de pastèques. Docteur Pereira est un peu trop gras, un peu diabétique et surtout très malheureux depuis la mort de sa femme. Il se confie au portrait de celle qui a, sans doute, été le seul vrai rayon de soleil dans une vie plutôt triste. Cet homme sans espoir, et sans illusion voudrait pouvoir manger ses omelettes au fromage et boire ses citronnades tranquillement.

Mais voilà, autour de lui rien n’est exactement à sa place. Lisbonne n’est plus la même ville : le boucher juif voit sa devanture brisée sans qu’il puisse se plaindre à une police très certainement complice, sa concierge l’espionne pour le compte de la milice, et une nouvelle d’Anatole France qu’il traduit pour la page culturelle de son journal lui voudra de très vives remontrances de son directeur. La lente montée chez cet homme du malaise qui peu à peu s’empare de lui alors qu’il met toutes ses force à fuir la réalité est très bien racontée. Un presque rien, la rencontre avec un jeune couple de résistants à l’oppression, va être le petit grain de sable qui va enrayer sa belle construction intérieure, ses protections vont peu à peu se fissurer et un jour il ne pourra plus fuir. Je ne peux évidemment pas vous dévoiler cette fin mais c’est superbe.

Ce roman que j’ai commencé plusieurs fois est finalement un texte qui me restera en mémoire, je crois à ce personnage et il m’a émue à cause ou plutôt grâce à ses faiblesses si humaines. Le style est un peu agaçant puisque le livre est présenté comme un témoignage, toutes les phrases où Pereira prend la parole commence par ces mots repris dans le titre « Pereira prétend… ». C’est voulu bien sûr, et cela donne encore plus l’idée d’un personnage peu sûr de lui, il a fallu pourtant que je me force pour accepter cet effet.

PS grâce aux commentaires je sais que je dois ce livre à Éva 

Citations

La résurrection (portrait du personnage principal)

Et Pereira était catholique, ou du moins se sentait-il catholique à ce moment-là, un bon catholique, quoiqu’il eût une chose à laquelle il ne pouvait pas croire : à la résurrection de la chair. À l’âme oui, certainement, car il était sûr d’avoir une âme ; mais la chair, toute cette viande qui entourait son âme, ah non, ça n’allait pas ressusciter, et pourquoi aurait-il fallu que cela ressuscite ? se demandait Pereira . Toute cette graisse qui l’accompagnait quotidiennement, et la sueur, et l’essoufflement à monter l’escalier , pourquoi tout cela devrait-il ressusciter ?

L’envie de fuir

Il fallait se renseigner dans les cafés pour être informé, écouter les bavardages , c’était l’unique moyen d’être au courant … mais Perreira n’avait pas envie de demander quoi que ce soit à personne, il voulait simplement s’en aller aux thermes, jouir de quelques jours de tranquillité, parler à son ami le professeur Silva et ne pas penser au mal dans le monde.

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Je savais que je lirai cette BD , mes tentateurs habituels m’avaient convaincue , en particulier Jérôme. Je me réfugie vers les BD quand, parfois, les romans m’agacent ou se répètent , et que l’actualité me fait peur . La BD est souvent consolatrice et celle-ci, bien que très triste, a parfaitement joué ce rôle. Les personnages sont émouvants, le dessin très beau et l’histoire elliptique est chargée du sens que chaque lecteur et lectrice voudra bien y mettre. On peut sourire, par exemple en apprenant que si le personnage féminin s’appelle Épilie c’est parce que son père était enrhumé le jour où il a déclaré son prénom à la mairie. On part à l’aventure comme dans toute BD parce que « même si on est bien » le bonheur est peut-être ailleurs

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On s’instruit aussi et Gaston explique très bien le phénomène des marées. On est séduit par la tendresse et la naïveté affectueuse du petit Abélard et on compte sur Gaston pour l’aider, l’instruire et le protéger .

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Mais dans aucune autre BD , on ne trouve des messages de sagesse qu’on a tant envie de garder pour soi en les partageant avec tout le monde !

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