J’ai reçu beaucoup de livres pour mon anniversaire, celui-ci, je le dois à mon fils. C’est un livre étonnant, à la fois drôle et tragique comme doit l’être la vie des Africains à Paris. « Debout-payé » c’est le nom que l’on donne aux vigiles en africo-français. Quelle inventivité dans la langue ! un sens de la formule que j’avais déjà trouvé chez Alain Mabanckou. Le roman est divisé en deux parties. Une première partie constituée par les remarques et observations quasi scientifiques (au moins dans la forme !) des vigiles à l’entrée des magasins surtout de Sephora ; et une seconde par les récits de Ferdinand, Kassoum et Ossiri trois Ivoiriens qui nous font découvrir leur passé et leur façon de vivre en France.
Être vigile (donc noir dans 90 % des cas) développe un sens aiguë de l’observation, notre société vue à travers le regard des vigiles est pour le moins étonnante quand elle ne vous fait pas éclater de rire. Toutes les nationalités qui se pressent dans les enseignes des Champs Élysées ont leurs façons de se comporter dans les temples de la société de consommation. Toutes les femmes se pâment devant le « numéro 5 » de Chanel qu’il faut donc protéger des mains trop baladeuses et éviter que les flacons se retrouvent dans les endroits les plus insolites sans passer aux caisses. Un vigile voit tout mais pas particulièrement les vols contre lesquels il est très impuissant, il remarque donc : les modes vestimentaires, les inscriptions sur les tee-shirt, les types physiques selon les origines et les réactions de chacun face au bip bip du portail qui annonce que vous êtes sorti sans payer un article… Et quand il a de l’esprit, il nous fait souvent sourire. Il voit aussi comment est organisé le magasin, et malheureusement pour lui, il entend à longueur de journée une musique insipide. J’ai eu envie de noter toutes ses remarques tant elles étaient pleine d’humour.
Et puis l’autre partie du livre raconte la vie de ces vigiles africains dans ce qui reste des cités étudiantes ivoiriennes où on loue une place pour s’allonger une partie de la nuit à celui qui a sous-loué une partie de la chambre au locataire. On découvre des personnalités étonnantes au passé très divers. Et un mode de vie en marge de notre société que l’on peut deviner sans la connaître vraiment quand on passe dans certains quartiers de Paris. Rien n’est facile et la lutte pour faire sa place et survivre n’est pas simple. Le regard sur la population africaine à Paris est vraiment passionnante , un regard drôle et plein de moqueries.
Ce livre est important pour comprendre la présence africaine en France, ce n’est pas le sujet mais on se demande pourquoi les Ivoiriens se donnent tant de mal pour venir en France alors qu’ils y vivent dans des conditions si difficiles. On a l’impression que rien ne peut les empêcher de venir alors que pour certains, ils avaient plutôt une bonne profession dans leur pays. Et le plus important, après avoir lu « Debout-payé » on regarde, enfin, les vigiles comme des êtres humains.
Citations
Difficulté de devenir vigile
Nom, prénom, sexe, daté et lieu de naissance, situation matrimoniale, numéro de sécurité sociale. Etc. Ce sera l’épreuve la plus exigeante de la matinée.
Sens de l’observation
En Chine, il paraît que le mot « fesse » n’existe pas. Là – bas, on dit « bas du dos » . On ne peut inventer un mot pour une partie du corps qui n’existe pas.
Remarque pertinente
CHINOIS. Avec la quantité énorme d’habits fabriqués au pays de Mao, on peut dire qu’un Chinois dans un magasin de fringues, c’est un retour à l’envoyeur
Présence du voile
En trois heures de vacation, le vigile a compté plus de femmes voilées dans Sephora qu’en six mois dans tout Belleville.
La religion qui unit toutes les femmes
Sephora est la Mecque et le stand de Christian Dior, la Kaaba autour de laquelle tournent les femmes , arabes ou non, voilées ou pas, au nom du saint parfum.
Le petit clin d’œil au « fessologue » d’Alain Mabanckou
Bien qu’on puisse en dégager quelques grands groupes, la forme des fesses est aussi unique qu’une empreinte digitale. Quand le vigile se met à penser à ce qui se passerait dans les commissariat si c’était ce système d’identification qui avait été choisi par les pouvoirs publics.
La militante africaine, fière de son continent
Comprenez bien les enfants, on ne peut pas être indépendants quand même ce qu’on mange vient de qui nous aliènent.Une grande partie de la richesse nationale retourne en occident par l’achat des tonnes de blé dont nous avons besoin pour satisfaire le caprice du pain. Comprenez bien les enfants, le pain est un caprice alimentaire, un complexe alimentaire, un mimétisme alimentaire, un traumatisme alimentaire. Le pain est tout ce que vous voulez sauf une denrée de subsistance pour nous . On n’est pas au Sahara. ici si tu jettes n’importe quelle graine par terre et sans même te baisser une seule fois dessus, elle devient un baobab en six mois ! Imaginez tout ce qu’on pourrait faire avec tout l’argent du blé qu’on donne à des paysans blancs.
On en parle
Deux blogs trouvés chez Babelio : Fils de lecture et Ollie. Et Jérôme
J’avais adoré cet excellent premier roman ; http://litterature-a-blog.blogspot.fr/2014/08/debout-paye-de-gauz.html
j ai donc mis un lien vers ton article; Moi aussi j’ai adoré.
J’aime beaucoup les paroles de la militante africaine :-) Un livre qui a le mérite d’évoquer un sujet de société qui en dit bien long sur le fonctionnement de la société occidentale…
oui c’est vrai et en plus qui est très drôle , il faut le dire très fort, on rit beaucoup .
Chère Luocine
j’adore votre blog, ce que vous dites de vos lectures et aussi vos charmantes photos.
Pour ma part, je vais lire « Debout-Payé » très très vite !
MERCI
Et à bientôt !
MA
Ok je vous le garde !
Le thème est effectivement intéressant. Il me semble avoir déjà vu une critique qui le comparait au film « Samba ».
je n’ai pas vu Samba , je ne peux donc pas affirmer , tout ce que je peux dire c’est qu’on passe un bon moment.
C’est très attirant tout ça !
ça m’étonnerait que tu sois déçue
Je l’ai noté et je le prendrai à la bibliothèque. Je crois qu’il faudra que je le réserve, il est toujours emprunté.
Cela fait plaisir qu’un tel livre plaise autant.
je ne sais plus où j’ai entendu parlé de ce livre, je vois que tu as complètement adhéré et vrai que le sujet est intéressant, il évite des raccourcis dangereux je pense, des contre lectures d’Eric Zemmour non ?
Je ne connais pas Eric Zemmour.Si je comprends bien j ai de la chance de ne pas regarder la télé et je n ai pas lu son livre. Celui ci ne peut que te faire sourire
Hum, j’ai bien envie de le lire, mais qU
MAIS QUAND JE VOIS MA PILE…(problèmes de c lavier)
Je connais trop bien ce phénomène d accumulation. Tu crois que l’une d’entre nous lit assez à son goût!!
Beaucoup aimé aussi ! Ton fils a bon goût ! :)
oui, et tu peux le voir également à travers mon nouveau Blog il y est pour beaucoup.
Mais parlons de ce livre qui est un vrai plaisir de lecture.
vu chez Jérôme ton avis me conforte dans le choix de lire prochainement ce premier roman.
Oui et nous lirons avec plaisir ton billet.C’est un livre jouissif!
Tu me donnes envie avec ce roman/témoignage, d’autant que je trouve ça chouette de pouvoir rire de sujets sérieux.
C’est un livre qui respire la bonne humeur.