Édition Gallimard. Traductrice Fanchetta Gonzalles-Battles

Je lis très peu de romans policiers , mais j’avais déjà noté le nom de cet auteur chez Keisha et j’ai vu dans ma médiathèque préférée qu’il avait reçu un coup de cœur de « mon » cher club de lecture. Je me suis donc plongée avec grand intérêt dans ce récit qui se passe à Calcutta au Bengal dominé par l’orgueilleuse puissance britannique. C’est le principal intérêt de ce roman, car la trame policière est assez faible, selon moi, mais j’accepte volontiers ne pas être un bon juge en la matière. La description de la vie en Indes en 1919 est riche en considérations socio-politiques. Le principe de base est : ce qui est bon pour les Anglais ne l’est pas pour les Indiens, en corollaire toutes les façons de faire comprendre aux Bengalis si peu développés que leur seul intérêt est d’accepter la domination des êtres supérieurs que sont les Anglais sont utilisées, de l’humiliation individuelle à la répression de manifestants pacifiques. Et bien sûr toutes les richesses du pays sont entre bonnes mains c’est à dire des mains anglaises ou écossaises. Tout cela, sous un climat très difficile à supporter qui ronge les esprits et les corps de ceux qui sont habitués à la saine fraîcheur de Londres et de sa campagne environnante. Comme dans tout polar, l’enquête est menée par un couple de policiers que l’on retrouvera sans doute dans les autres romans de cet auteur (car il y en a d’autres) : le capitaine Whyndham qui a laissé toutes ses illusions sur l’humanité et sur la couronne britannique dans les champs de bataille de la guerre 14/18 et le sergent Barnejee un Indien partagé par son amour de l’ordre et son amour pour son peuple que l’armée anglais ne pense qu’à mettre au pas. C’est un couple intéressant et je pense que les prochaines enquêtes vont voir les failles de ces enquêteurs créer de nouvelles tensions. Le roman est écrit par un auteur anglais, de parents indiens immigrés en Écosse. Et cela fait tout l’intérêt du livre car, héritier de deux cultures, Abir Mukherjee est loin d’avoir une vue simpliste de ce qui s’est passé dans le pays dont ses parents sont originaires.

Un roman policier comme je les aime, c’est à dire qui permet de comprendre une société avec un regard original.

 

 

Citations

 

Toujours cette façon de se débarrasser des enfants en Angleterre

Hardeley n’était pas différent de la myriade d’autres établissements mineurs qui parsèment les comtés du centre du pays. Provincial par son emplacement et paroissial par son comportement, il apportait une éducation passable, un vernis de respectabilité et, plus important un lieu commode où parquer les enfants de la classe moyenne qu’il fallait caser dans un endroit discret pour une raison ou une autre .

Le style colonial

 C’est une caractéristique de Calcutta. Tout ce que nous avons construit ici est dans le style classique. et tout est plus grand qu’il n’est nécessaire. Nos bureaux, nos résidences et nos monuments crient tous : »Regardez notre œuvre ! nous sommes vraiment les héritiers de Rome. »
C’est l’architecture de la domination et tout cela paraît un tantinet absurde. Les bâtiments palladiens avec leurs colonnes et leurs frontons, les statues, vêtues de toges, d’Anglais depuis longtemps décédés et les inscriptions latines partout des palais aux toilettes publiques. En regardant tout cela, un étranger serait en droit de penser que Calcutta a plutôt été colonisée par les italiens.

Et c’est hélas vrai !

 L’opium n’est vraiment illégal que pour les travailleurs birmans. même les Indiens peuvent s’en procurer. Quant aux Chinois, eh bien nous pourrions difficilement le leur interdire, attendu que nous avons mené deux guerres contre leurs empereurs pour avoir le droit de répandre ce maudit truc dans leur pays. et nous l’avons bel et bien fait. Au point que nous avons réussi à faire des drogués d’un quarts de la population mâle. Si on réfléchit, cela fait probablement de la reine Victoria le plus grand trafiquant de drogue de l’histoire.

Ambiance du matin

 Mieux vaut parfois ne pas se réveiller. 
Mais à Callcutta c’est impossible. Le soleil se lève à cinq heures en déclenchant une cacophonie de chiens, de corbeaux et de coqs, et au moment où les animaux se fatiguent, les muezzins démarrent de chaque minaret de la ville. Avec tout ce bruit, les seuls Européens à ne pas être déjà réveillés sont ce qu’ils sont ensevelis cimetière de Park Street.

Le passage que j’avais noté chez Keisha et qui m’a fait retenir le nom de cet auteur de ce roman policier

 Sur une plaque de cuivre vissée sur une des colonnes on peut lire  » Bengal club, fondé en 1827″. À côté d’elle un panneau de bois annonce en lettres blanches :
ENTRÉE INTERDITE AUX CHIENS ET AUX INDIENS
Barnerjee remarque ma désapprobation.
« Ne vous inquiétez pas, monsieur, dit il. Nous savons où est notre place. En outres, les Britanniques ont réalisé en un siècle et demi des choses que notre civilisation n’a pas atteinte en plus de quatre mille ans.
– Absolument, » renchérit Didby.
Je demande des exemples.
 Banerjee a un mince sourire. « Eh bien, nous n’avons jamais réussi à apprendre à lire aux chiens. »

Les oiseaux

Je suis réveillé par ce que l’on appelle par euphémisme le chant des oiseaux. En réalité c’est plutôt un affreux raffut, neuf dixième de cris stridents pour un dixième de chant. En Angleterre le chœur de l’aube est aimable et mélodieux et ils rend les poètes lyriques pour parler des moineaux et des alouettes qui montent dans le ciel. Il est aussi divinement court. Les pauvres créatures, démoralisées par l’humidité et le froid, chantent quelques mesures pour prouver qu’elles sont encore vivantes puis elles plient boutique et vaquent à leurs occupations. À Calcutta c’est différents. Il n’y a pas d’alouette ici, rien que de gros corbeau graisseux qui commencent à brailler aux premières lueurs de l’aube et continuent pendant des heures sans une pause. Personne n’écrira jamais de poème sur eux.

21 Thoughts on “L’attaque du Calcutta-Darjeeling – Abir MUKHERJEE

  1. keisha on 22 novembre 2021 at 08:33 said:

    Tu vois, c’est plaisant car on en apprend sur cette société et ses règles, l’enquête policière n’est pas l’essentiel et peu importe. Je te conseille le deuxième tome aussi, pour une découverte d’un autre aspect de l’Inde…

  2. Il est dans ma pile à lire, depuis un moment, non qu’il ne me tente pas, mais je me le garde pour un moment où j’aurai une panne de lecture ! (la gestion des PAL, ça mériterait plus qu’un court commentaire, un billet spécial, au moins !) ;-)
    Je suis donc ravie qu’il t’ait plu.

  3. Non, aujourd’hui, je ne note rien… et puis bon, un polar… non, même en Inde…

    • Ok , en réalité tu le sais
      – 1 on ne peut jamais tout lire .
      – 2 tu as le droit de faire ce que tu veux sauf de ne pas venir me voir sur Luocine.

  4. La gestion des PAL c’est sûr que l’on pourrait faire un feuilleton avec plein d’épisodes ;-) Je ne note pas, j’ai déjà trop de polars sous le coude.

  5. très tentant, j’ai lu du bien de ces polars à plusieurs reprise il faut que je me décide à les lire

  6. Bonjour Luocine, je suis contente que ce roman t’ai plu autant qu’à moi. Je te conseille vivement le suivant, Les princes de Sambalpur que j’ai même préféré. J’espère qu’un troisième va bientôt paraître. Bonne après-midi.

  7. Il y a déjà l’objectif PAL d’Antigone, qui est censé nous faire diminuer nos PAL tous les mois ! le hic, c’est que je regarnis la mienne au même rythme .. et même à un rythme plus élevé. Les confinements et couvre-feux successifs n’ont rien arrangé. En fait, il faut surtout m’empêcher d’acheter. Ce qu’il faudrait lancer, c’est le mois sans achat et je t’assure que pour moi ce serait dur (et pour Kathel ?)

    • J’ai lu, je ne sais dans quel livre qu’il faudrait interdire aux écrivains (hommes, femmes et transgenres) d’écrire de nouveaux livres pendant un an. Ainsi on pourrait se plonger dans nos PAL plus tranquillement….

  8. Pour le voyage historique et sociétal en Inde, pourquoi pas, c’est toujours intéressant de s’enrichir !

    • Pour la grande voyageuse que tu as été cela te permettra de confronter tes impressions à celles de cet auteur mais c’est aussi un voyage dans le temps.

  9. Je lis aussi très peu de policier, mais là, pourquoi pas ?

    • Je pense que lorsqu’on n’aime pas les enquêtes policières, on peut aimer le fait que les romans policiers nous fassent découvrir d’autres facettes du monde. En tout cas c’est mon cas.

  10. Une très bonne série, confirmée par le second volet…

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