Édition Flammarion, collection Étonnants Classiques

Il m’arrive d’aider mes petits fils à formuler leurs idées à propos de la lecture d’œuvres au programme de leur classe de français. J’ai rarement été aussi touchée par une lecture des programmes scolaires. Je connaissais la poétesse Andrée Chédid, mais je ne lui connaissais pas ce talent de romancière. Je trouve extraordinaire qu’on le fasse découvrir à des élèves de troisième, car il raconte de façon juste ce que sont les guerres aujourd’hui. Andrée Chédid dit qu’elle avait été marquée par une photo prise à Sarajevo lors de la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie. Mais cela pourrait être dans le Liban des années 70 ou en Syrie aujourd’hui. Ici, nous assistons à l’agonie de Marie qui a été touchée par une balle d’un sniper alors qu’elle rejoignait Steph, le grand et seul amour de sa courte vie. Un couple âgé, Anton ancien médecin et Anya essaieront de lui venir en aide mais c’est trop tard, le roman se consacre sur « Le Message » que Marie veut faire parvenir à Steph pour lui dire combien elle l’aime. La guerre se moque bien de l’amour et des amoureux . Nous vivons avec une grande intensité la fin inexorable de Marie et le destin de ce « Message » qui doit absolument parvenir à Steph. C’est très poignant et le style de cette auteure est superbe. J’espère que les jeunes qui liront ce texte comprendront que pour s’opposer à la folie des hommes nous sommes si faibles. Face à la barbarie qui se déchaîne si facilement nos armes sont dérisoires et pourtant essentielles : la culture, la poésie des mots et l’amour.

 

Citations

Les ruines

Autour, les arbres déracinés, la chaussée défoncée, les taches de sang rouillées sur le macadam, les rectangles béants et carbonisés des immeubles prouvaient clairement que les combats avaient été rudes ; et la trêve, une fois de plus précaire .

 

L’horreur

Dans chaque camp on arrachait les yeux, on coupait des mains, on violait, on faisait des seins, on tranchait des têtes, on achevait d’une balle dans la nuque. Un jeune mongolien, que les voisins chérissaient, fut retrouvé devant la boutique de primeurs de son père, empalé une énorme pomme dans la bouche. On avait forcé un violoniste à jouer, jour et nuit, sans dormir. On le cravachait dès que la musique s’arrêtait. Un poète, qui avait refusé de se battre, fut emmené jusqu’au fleuve et noyé sous les applaudissements.
« – Tu peux encore croire en Dieu ? Demanda Anya révoltée. 
-Et toi ? Tu peux encore croire en l’humain ?
-L’ humain est multiple. 
-Dieu aussi. »

L’auteure s’adresse à son lecteur

Sur cette parcelle du vaste monde, sur ce minuscule îlot de bitume, sur cette scène se joue, une fois de plus, une fois de trop, le théâtre barbare de nos haines et de nos combats. 
Massacres, cités détruites, villages martyrisés, meurtres, génocides, pogroms… Les siècles s’agglutinent en ce lieu dérisoire, exigu, ou la mort une fois de plus, joue, avant son heure, son implacable, sa fatale partition. 
Tandis que les planètes – suivant leurs règles, suivant leurs lois, dans une indifférence de métronome- continue de tourner. 
Comment mêler Dieu à cet ordre, à ce désordre ? Comment l’en exclure ?

12 Thoughts on “Le Message – Andrée CHEDID

  1. Effectivement, malgré la difficulté du sujet, cela semble très beau…

  2. keisha on 26 octobre 2020 at 13:25 said:

    Assez dur, on dirait…

  3. Je connais ses poèmes, mais côté roman, je n’ai lu que « le sixième jour » dont a été tiré un film. C’était une histoire forte et j’ai l’impression que c’est pareil pour celui dont tu nous parles aujourd’hui.

  4. Pareil qu’Aifelle !

  5. j’ai lu des poèmes mais pas de prose, un sujet difficile mais on peut supposer qu’une poétesse peut le rendre acceptable et sensible

  6. Oh super idée de lecture, je le note tout de suite, je sens qu’il va me toucher

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