Édition La peuplade Roman, octobre 2023, 190 pages, 

traduit du Croate par Chloé Billon

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

En un peu moins 200 textes assez courts, souvent moins d’une demi page, cette auteure veut nous faire comprendre les horreurs de la guerre qui a vu s’affronter les Croates et les Serbes au début des années 1990. L’enfant a bien du mal à comprendre ce qu’il faut faire pour être du bon côté et elle a surtout envie de garder sa part d’enfance et de jeux avec ses amis. Toute guerre est certainement atroce et le pire certainement ce sont les guerres civiles qui voient s’entretuer des populations qui ont vécu ensemble de longues années. Il ne faut plus être Serbe, ni coco (communiste) ni garder un portrait de Tito. Pour être un bon Croate, il faut être baptisé .
L’enfant a bien du mal à comprendre et elle perçoit les horreurs sans les comprendre.

Je n’ai malheureusement pas beaucoup aimé le procédé, ni les chapitres si courts, ni le fait de découvrir cette réalité avec des yeux d’une petite fille. Peut-être suis-je passée à côté du charme de cette écriture ? Je verrai bien si vous, êtes plus positifs que moi sur ce roman.

 

Extraits

Début.

Lola
 Papy est allé derrière la maison, dans le jardin. Derrière la grange. On a quand même entendu le coup de feu. J’ai défait mon bandage et j’ai dit que j’irais à l’école le lendemain. Le matin, j’ai enlevé du portail de la cour le panneau « Chien méchant ».

Logique de l’enfant.

Trois garçons de la 7e A5 étaient allongés dans la neige bourrés
 » Je vais te tirer comme un lapin ! » à crié le papa de Mate.
Une paire de gifles, et il la rebalancé dans la neige. Il l’a tout de suite relevé et a dit on rentre à la maison. Sa mère avait l’air triste et tremblait de froid en tenant le vélo.
 Heureusement que le papa de Mate est venu à vélo parce que sur un vélo, tu ne peux pas à la fois rouler dans la neige et tenir un fusil à la main

 

 

 

Édition Hervé Chopin (H.C) . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Je dis souvent (par exemple dans mes commentaires sur vos blogs) que je lis peu de romans policiers, et bien en voilà un que je vous recommande. L’enquête policière est moins passionnante que la toile de fond de ce roman, qui analyse en détails ce qu’on connaît bien maintenant « le choc post-traumatique ». Est-ce que le nom de Vukovar vous dit quelque chose ?

Ce roman décrit avec un réalisme à peine soutenable le terrible siège de cette ville par les Serbes, il est décrit par le petit Duso un enfant de huit ans qui a vu l’innommable. On comprend que Duso est, vingt plus tard, Nikola Stankovik accusé du meurtre de la jeune et jolie Ivanka, croate elle aussi réfugiée en Belgique à Bruxelles. Le lecteur en sait donc plus que les enquêteurs, l’avocat, et la psychiatre chargée de faire un diagnostique sur l’état mental de Nikola. Celui-ci est un dessinateur de talent et graffeur de génie. À travers ses dessins, il en dit plus que par les mots qui sont définitivement bloqués dans son inconscient. Le long processus pour remonter au traumatisme d’une violence absolue est bien décrit et sans doute très proche des efforts que doivent faire les thérapeutes pour libérer la parole de leurs patients. Ensuite ceux-ci doivent se reconstruire mais est-ce toujours possible ? Au moment où je rédige ce billet, l’actualité raconte le procès des assassins du Bataclan, et certains rescapés racontent des traumatismes qui les ont marqués à tout jamais, mais on mesure aussi l’importance de dire en public ce qu’ils ont vécu, ce que ne peuvent pas faire des enfants trop jeunes qui enfouissent leurs souvenirs traumatisants au plus profond de leur mémoire.

Je n’ai mis que quatre coquillages à ce roman car j’ai trouvé que le genre « policier » exigeait des simplifications dans les personnages qui m’ont un peu gênée. La psychiatre qui lutte contre un collègue arriviste qui ne soigne qu’à coups de calmants, est un grand classique du genre et c’est trop manichéen pour moi. Mais ce n’est qu’un détail et je retiendrai surtout la description du siège de Vukovar que j’avais déjà bien oublié, et les dégâts dans une personnalité d’un enfant qui a vu sans pouvoir en reparler des horreurs de la guerre civile : oui, quand la violence des hommes se déchaîne, les enfants sont des proies trop faciles, trop fragiles et même s’ils survivent on ne sait pas grand chose des répercussions sur leur personnalité.

Citation

L’image des Français en Belgique

 L’homme était d’origine française.
 Les français savent tout sur tout et tiennent à ce que ça se sache. Il avait d’emblée revendiquer sa nationalité, en précisant la région et la ville de naissance, comme ils le font généralement entre eux pour évaluer les forces en présence.
 Les chiens se reniflent le derrière, au moins, c’est silencieux.

Édition Gallimard NRF

Voici la première phrase
J’ai vingt-huit ans et j’arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français – Jean, Paul et Sartre.

J’avais acheté ce livre suite à une avalanche de commentaires élogieux, je me souviens d’un billet de Jérôme, Ingannmic Athalie et de Kathel mais je sais qu’il y en a eu d’autres. Le problème c’est que j’avais accepté de prêter ce roman avant de l’avoir fini. Il est revenu mais je l’avais un peu oublié. Je l’ai relu avec plus de plaisir que la première fois et je n’ai pas lâché ma lecture car je ne voulais pas qu’il disparaisse encore une fois dans mes piles de livres. Depuis, j’ai écouté les différentes prises de paroles de Velibor Čolić et l’auteur est tout aussi intéressant que son roman. Il raconte son arrivée à Rennes avec le statut de réfugié : le choc ! Est-ce qu’un être humain peut se résumer en un mot : »réfugié » . Il veut être écrivain, et j’imagine l’enseignante langue étrangère (que j’ai été autrefois) qui s’arrache les cheveux lorsqu’il remplit sa fiche, à la rubrique « que voulez vous faire plus tard » Velibor Čolić écrit : « Goncourt », alors que la leçon du jour est de répéter et écrire « Où est la poste » …. Son humour, son sens de l’observation particulièrement aiguisé parce qu’il est illettré en français, ses rencontres diverses et variées de gens qui ont le même statut que lui, lui ont permis d’écrire ce manuel à mettre dans toutes les mains. Les nôtres d’abord, nous les Français qui ne savons pas souvent comment faire pour aider ces gens qui sont d’abord des êtres souffrants d’avoir perdu leur identité, et dans les mains des réfugiés pour les aider à se redresser et à redevenir les hommes ou les femmes qu’ils sont au delà de ce statut qui les écrase. Ce livre n’a rien de tragique et pourtant on y croise la tragédie tout est sauvé par le style d’un grand écrivain . Velibor Čolić arrive dans la langue française avec son accent, mais à l’écrit ça ne se sent pas trop, avec aussi sa propre façon d’écrire sans pathos et sans la fameuse logique cartésienne. Il y a de la poésie même dans ses beuveries et dans les locaux un peu crasseux où il doit habiter, mais surtout il y a cet humour ravageur qui le sauve de toutes les situations les plus scabreuses. Je pense que oui, un jour, il l’aura le Goncourt même s’il a gardé un accent pour dire : « Où est la poste » .

(PS les hortensias c’est pour sa nouvelle identité bretonne !)

 

Citations

Sa langue

Je murmure une complainte, stupide et enfantine, tout en sachant que les mots ne peuvent rien effacer, que ma langue ne signifie plus rien, que je suis loin, et que ce « loin  » est devenu ma patrie et mon destin…

La France vu par des exilés

– Quel drôle de pays la France, radote Alexandre, ici le pain blanc est moins cher que le pain noir. 
-Et en plus, dis Volodya, il mange de la salade avant la viande, et pas comme nous en même temps…. 
– Oui, oui j’ajoute avec un air sérieux, les Français et leur mille sortes de fromages qui puent… Chez nous on a deux sortes de fromages -salé et demi salé- et pour le reste débrouille-toi camarade. 
Ensuite nous trinquons et buvons au goulot, à la slave.

Deux leçons pour survivre dans l’exil :

Comment faire ses courses

Tu sors dans la rue piétonne, la rue principale, la rue la plus fréquentée et tu attends que la première grosse mama africaine arrive. Ensuite tu te faufiles derrière elle, discrètement, telle une ombre. Là où elle fait ses courses c’est garanti moins cher en ville.

Comment mener une bagarre

Il faut toujours que tu tapes en premier. Peu importe la situation, peu importe l’adversaire il faut que tu le cognes d’abord, après seulement tu peux discuter. Pour la bagarre il faut éviter, dans la mesure du possible, les petits mecs. Les grands sont plus faciles à prendre. La plupart du temps le grand bonhomme est tranquille, tout le monde s’écarte devant lui, il n’a pas l’habitude de se battre,. Tandis que le petit, et bien lui s’est battu toute sa foutue vie, pour se faire une place, pour se faire entendre, pour prouver qu’il existe. Donc, attention aux petits, ils sont à éviter ! 

Concours des horreurs de guerre : l’Africain a gagné

D’accord, sourit un Africain, une fois un copain a été blessé à la jambe. Il criait et criait tellement fort, qu’au bout d’une demi-heure j’ai été obligé de lui dire. « Écoute mon vieux, toi tu es blessé à la jambe et tu pleures comme une gonzesse, mais regarde, ton camarade de combat, il a reçu un obus sur la tête et il ne dit rien. »

Histoires de guerre dans l’ex Yougoslavie

Un beau jour, narre Omer, on était 1992 avec mon copain Asim le plongeur, on s’arrête sous un vieux pont en bois pour se soulager un peu, tu vois. Et c’est justement à ce moment-là que l’armée serbe décide de bombarder le pont. Les obus pleuvaient et nous on était en bas, le pantalon baissé en train de vider, tu vois, nos ventre. « Je demande à mon cousin. Tu as peur ? Il me dit : « Mais non pas du tout. Pourquoi ? » Alors je réponds : « Si tu n’as pas peur pourquoi tu essayes de me torcher les fesses ? « 
Voilà une autre histoire vraie, j’ajoute, pendant la guerre l’armée serbe entra dans une maison bosniaque. Ils trouvèrent juste une grand-mère assise près de la fenêtre. « Écoute la vieille, dit-leur commandant, dis-moi rapidement où est ton fils. » Et la mamie. « Où est ton fils, où est ton fils, où est ton fils… Ce n’est pas assez rapide ? Sinon je peux encore aller plus vite. Et ton fils, où est ton fils, où est ton fils… »

La langue française

Les bottes jadis noires, sont dans un piteux état. Je ne me rappelle plus comment je les ai eues. Je m’interroge : peut-on dire pour les chaussures aussi qu’elles sont de « deuxième main » ? Ou de « deuxième pied ?

 

Édition Flammarion, collection Étonnants Classiques

Il m’arrive d’aider mes petits fils à formuler leurs idées à propos de la lecture d’œuvres au programme de leur classe de français. J’ai rarement été aussi touchée par une lecture des programmes scolaires. Je connaissais la poétesse Andrée Chédid, mais je ne lui connaissais pas ce talent de romancière. Je trouve extraordinaire qu’on le fasse découvrir à des élèves de troisième, car il raconte de façon juste ce que sont les guerres aujourd’hui. Andrée Chédid dit qu’elle avait été marquée par une photo prise à Sarajevo lors de la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie. Mais cela pourrait être dans le Liban des années 70 ou en Syrie aujourd’hui. Ici, nous assistons à l’agonie de Marie qui a été touchée par une balle d’un sniper alors qu’elle rejoignait Steph, le grand et seul amour de sa courte vie. Un couple âgé, Anton ancien médecin et Anya essaieront de lui venir en aide mais c’est trop tard, le roman se consacre sur « Le Message » que Marie veut faire parvenir à Steph pour lui dire combien elle l’aime. La guerre se moque bien de l’amour et des amoureux . Nous vivons avec une grande intensité la fin inexorable de Marie et le destin de ce « Message » qui doit absolument parvenir à Steph. C’est très poignant et le style de cette auteure est superbe. J’espère que les jeunes qui liront ce texte comprendront que pour s’opposer à la folie des hommes nous sommes si faibles. Face à la barbarie qui se déchaîne si facilement nos armes sont dérisoires et pourtant essentielles : la culture, la poésie des mots et l’amour.

 

Citations

Les ruines

Autour, les arbres déracinés, la chaussée défoncée, les taches de sang rouillées sur le macadam, les rectangles béants et carbonisés des immeubles prouvaient clairement que les combats avaient été rudes ; et la trêve, une fois de plus précaire .

 

L’horreur

Dans chaque camp on arrachait les yeux, on coupait des mains, on violait, on faisait des seins, on tranchait des têtes, on achevait d’une balle dans la nuque. Un jeune mongolien, que les voisins chérissaient, fut retrouvé devant la boutique de primeurs de son père, empalé une énorme pomme dans la bouche. On avait forcé un violoniste à jouer, jour et nuit, sans dormir. On le cravachait dès que la musique s’arrêtait. Un poète, qui avait refusé de se battre, fut emmené jusqu’au fleuve et noyé sous les applaudissements.
« – Tu peux encore croire en Dieu ? Demanda Anya révoltée. 
-Et toi ? Tu peux encore croire en l’humain ?
-L’ humain est multiple. 
-Dieu aussi. »

L’auteure s’adresse à son lecteur

Sur cette parcelle du vaste monde, sur ce minuscule îlot de bitume, sur cette scène se joue, une fois de plus, une fois de trop, le théâtre barbare de nos haines et de nos combats. 
Massacres, cités détruites, villages martyrisés, meurtres, génocides, pogroms… Les siècles s’agglutinent en ce lieu dérisoire, exigu, ou la mort une fois de plus, joue, avant son heure, son implacable, sa fatale partition. 
Tandis que les planètes – suivant leurs règles, suivant leurs lois, dans une indifférence de métronome- continue de tourner. 
Comment mêler Dieu à cet ordre, à ce désordre ? Comment l’en exclure ?

Traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye.

Repéré chez Blogart , je pensais vraiment tomber sous le charme de ce roman, mais ma lecture fut beaucoup plus laborieuse que la sienne. La construction du roman est originale : l’auteur scrute cette photo prise pendant la deuxième guerre mondiale et anime ces personnages statiques en leur donnant une personnalité enrichie de ses connaissances historiques.

 

Ce départ est vraiment très intéressant  : vous voyez ces deux jeune filles, l’une d’elles regarde des hommes en uniforme allemand. Tout le drame de la Slovénie est dans ce regard. Voici donc la jeune Slovène, Sonja, qui sait que son amour, Valentin, est dans les geôles de la Gestapo qui est dirigée par un Slovène, Ludek, fervent militant de l’idéal Nazi. Il est plus allemand que n’importe quel soldat de la Wehrmacht. Pour cela, il oublie son identité slovène et veut se faire appeler Ludwig. Contre les faveurs de la jeune fille, il acceptera de libérer son amoureux que nous suivrons dans les maquis de la résistance yougoslave. Aux horreurs nazies s’opposent les horreurs des maquisards, la population est broyée par des brutes sanguinaires qui se méfient de tout le monde. Que reste-t’il de l’âme d’un peuple lorsque de telles logiques totalitaires se mettent en place ? Pas grand chose, des bribes de poésies qui hantent encore les mémoires et parfois des personnages qui gardent leur humanité, mais ils sont si seuls. C’est un roman désespérant et difficile à lire car on change souvent de point de vue, les mêmes faits se répètent racontés par des personnages différents. Et puis parfois, les faits décrits sont tout simplement insoutenables, comme les assassinats par les communistes de pauvres gens qui n’ont que le tort d’être là au mauvais moments, comme les tortures dans les geôles nazies. Personne n’est à l’abri, surtout quand on commence à penser que les espions peuvent être partout. Ce roman montre, une fois de plus que lorsque l’horreur s’abat sur un pays personne n’en sort indemne contrairement aux versions officielles construites par les vainqueurs.

Citations

Traitement des prisonniers par les SS

Il s’agit de creuser des tombes pour les fusillés

Là il y a des hommes condamnés définitivement qui purgent une peine de prison ça pourrait se faire. Et les prisonniers de guerre du camp de Melje. Les Anglais ? demanda quelqu’un à travers un nuage de fumée. Ça n’ira pas. Ça ne peut absolument pas être des Anglais, d’après la convention de Genève, les prisonniers de guerre anglais ne peuvent pas faire ce travail. Mais on a des Russes, eux, on peut les utiliser.

Un pays en guerre

Mais même si c’était la guerre et si les informations toujours plus mauvaises, parfois même terrifiantes se bousculaient, les gens vivaient leur vie de tous les jours. Dès que les sirènes s’arrêtaient de hurler et des bombes de tomber, ils allaient au théâtre et au cinéma ou avant chaque film on passait une revue hebdomadaire, Wochenshau, où des militaires en tanks que déboulaient toujours plus superbement dans les plaines polonaises et défendaient la frontière occidentale de l’invasion des Barbares, d’autres allaient aux expositions à Paris et mangeaient des croissants dans les café en compagnie de femmes, d’autres encore faisaient tourner les roues des canons et leurs obus déchiraient le ciel nocturne au-dessus de l’Allemagne et battaient les avions qui apportaient la mort avec leurs bombes. C’était la guerre, en ville, la vie continuait, on obtenait de la nourriture avec des cartes de rationnement, les trafiquants du marché noir gagnaient de l’argent grâce à la viande qu’ils rapportaient des fermes environnantes, les bureaux travaillaient impeccablement, les travailleurs continuaient à sortir de l’usine. On ne savait pas on ne voulait pas savoir ce qui se passait dans les bureaux où aller travailler Ludwig Mischkolnig et Hans Hochbauer ni dans les caves où Johann retroussait ses manches.

L’amour et la guerre

L’amour triomphe de la distance, l’amour triomphe de tout. Sauf de la guerre. La guerre triomphe de tout, même de ceux qui se battent. Et de ceux qui attendent que ça passe.

Le militant le courage en temps de guerre.

Avec une mitrailleuse, au-dessus de Vitanje, il avait tenu la position tout un après-midi dans la neige de sorte qu’on avait pu se replier. Un combattant, un fou. Peut-être qu’il n’aurait pas dû devenir chef du renseignement. Un communiste. Un idéaliste. Mais entre l’idéalisme et le sadisme, la voie est parfois étroite, estimait Vasja, le sadique est celui qui sait quel démon il a en lui.

 

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Coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Il n’y a pas que les lectrices du club qui ont été touchées par ce très court roman épistolaire, Jérôme, Aifelle chez qui je l’avais déjà remarqué, partagent leurs avis. Je l’ai également beaucoup apprécié. Il s’agit d’un texte qui se lit en une heure ou deux mais qui trotte dans votre tête pendant beaucoup, beaucoup plus longtemps. Puisqu’il se lit vite on peut s’appesantir sur chaque mot et sur ceux qu’on ne peut pas prononcer tellement l’horreur est parfois au delà des mots.

Prenez, par exemple, ce texte qui sert d’introduction :

1991. L’Armée populaire yougoslave, soutenue par les forces paramilitaires, envahit la Croatie pour mettre fin à sa volonté de sécession. Les combats font des milliers de victimes. Des villes et des villages subissent de lourds dommages.

Ce genre de phrases, on les lit souvent, on est choqué puis on oublie. « Les combats », « les victimes » « les dommages » : ce ne sont que des mots, des mots ordinaires et sans beaucoup de contenu, des mots « normaux » puisqu’il s’agit de guerre. Antoine Choplin et Hubert Mingarelli, vont grâce à la correspondance de deux hommes qui ont participé à cette guerre nous la rendre dans toute son horreur à partir d’un seul fait qui n’est somme toute qu’un détail aux yeux de l’Histoire. Leurs lettres commencent alors qu’ils se sont revus après les événements qui les ont tellement marqués l’un et l’autre, on ne sait pas combien de temps s’est écoulé depuis qu’ils sont revenus à la vie civile, Pavle en Argentine et Jovan à Belgrade.. En revanche, on sait qu’un certain Branimir , n’est plus qu’un souvenir pour eux. Les lettres sont échangées d’abord sur un ton banal et puis peu à peu la tension monte jusqu’à la chute finale. Pavle et Joan, ne pourront jamais vivre comme si la guerre était derrière eux. Elle est en eux maintenant , et pour toujours.

La guerre c’est donc ça : pousser trois copains qui aiment rire et faire des projets d’élevage de lapins à commettre les pires atrocités ?

Citations

La fin du roman

Je vais aller m’asseoir au bord de la rivière et vous serrer dans mes bras, toi autant que Branimir. Je vais regarder passer l’eau et attendre. Demain je mettrai en marche ma scie à ruban et je regarderai les planches défiler. Le soir j’irai boire avec Herman, le contremaître. Je boirai comme un cochon et tous les deux nous aurons les larmes aux yeux. Un jour, toi et Branimir me manquerez à nouveau.

Un jour je t’écrirai.