Édition J’ai Lu

Après les déportations de masse, l’exportation de masse. Face à des chiffres spectaculaires, comment ne pas considérer que les communistes ont, dans les faits, achevé l’oeuvre des fascistes ? En débarrassant la Roumanie de ses juifs, ils sont parvenus enfin à ce que le maréchal Antonescu et son clan désignaient, en 1940, comme « le moment tant attendu de la délivrance ethnique ». une délivrance sans effusion de sans ; Un effacement corps et âme, doublé d’un juteux trafic.

Quel livre ! La journaliste a mené une enquête fouillée pour comprendre le sort des juifs en Roumanie. Elle mêle de façon très judicieuse la vie de sa propre famille d’origine juive roumaine et l’histoire du pays. Il faut vraiment lire jusqu’au bout ce livre, car les questions qu’elle se pose dans le dernier chapitre je me les posais tout le long du livre.

Anna Yes a aussi chroniqué ce livre et elle pourra voir combien ce livre m’a plu, (je l’avais lu une première fois sans mettre de billet )

Rappel historique, la Roumanie s’est retrouvée avec une forte minorité juive après la guerre 14/18 , car étant du côté des vainqueurs son territoire a été augmenté de provinces où vivaient de fortes minorités juives. Pendant la montée des nationalismes fascistes avant la guerre 39/45, ces minorités juives posent un problème important au régime nationaliste roumain. L’originalité de ce pays est de n’avoir pas déporté sa population juive de Bucarest. Ce que les archives montrent c’est que leur extermination était prévue mais le dirigeant de la Roumanie a compris que les Allemands pouvaient perdre la guerre , donc les neuf derniers mois de guerre ils ont changé de bord. La famille Deleanu, grands-parents de Sonia Devillers, était une famille juive très influente de Bucarest. Ils ont perdu tous leurs droits pendant la guerre mais pas la vie ! Ils épousent avec enthousiasme la cause communiste, et ne parlent jamais des exterminations qui ont eu lieu dans d’autres régions roumaines. Il faudra beaucoup de temps pour que ce pays accepte ses responsabilités sur l’extermination qu’elle voulue et organisée. Officiellement, la Roumanie voulait être le pays qui a défendu ses juifs.

Et puis, le communisme, a refermé le pays sur lui-même et la chasse aux juifs a recommencé. Mais, et c’est là le sujet du livre, il a su en faire une monnaie d’échange pour renflouer les caisses de cet état qui était très pauvre, car l’URSS leur a fait payer leur solidarité avec l’Allemagne. Le régime a donc échangé les juifs roumains contre ce qui manquait tant à ce pays : des cochons, des vaches, des fermes, des abattoirs …

Ainsi chaque juif qui est parti de ce pays peut savoir ce qu’il valait , car les comptes sont très bien tenus : tant de porcs pour le départ d’un juif.

À la tête de ce trafic humain, un passeur qui fait tout ce qu’il peut pour permettre aux juifs de sortir, Sonia Devillers essaie de cerner la personnalité de ce passeur, est-il un mafieux ou un sauveur ? Elle ne peut pas répondre à cette question.

La question qu’elle pose aussi à la fin de ce livre, qui lui a été suggérée par des lettres de Roumains, on peut être, choqué de voir que la vie de ses parents valait tant de porcs, ou de vaches, mais comme le disent les pauvres Roumains au moins, vous, vous pouviez sortir et vivre.

Ce qui est choquant aussi, c’est que tous ces faits ont été révélés depuis longtemps mais la presse française (elle cite Libération et le Monde) ne voulaient pas le dire car il y a eu si longtemps une Omerta sur la dénonciation de l’antisémitisme communiste. Il a fallu l’ouverture des archives de Roumanie, pour que ces faits choquants soient enfin révélés pour l’opinion publique européenne.

Il me reste aussi une question , échanger des êtres humains contre de l’argent que ce soit sous forme d’animaux ou de dollars, n’est ce pas ce que fait tout état pour récupérer des otages ? Il est vrai que ce qui est différent c’est qu’il s’agissait de Roumains persécutés parce que juifs donc otages dans leurs propres pays par leurs compatriotes.

Le livre est passionnant, et se lit très facilement mais il faut aussi savoir que c’est souvent insupportable en particulier les exterminations par les Roumains de la population juive sans aucune défense.

 

Extraits

Début.

 Ils n’ont pas fui, on les a laissés partir. Ils ont payé pour cela une fortune. Des papiers leur ont été accordés, puis retirés, puis finalement accordés. Ils ne voulaient pas quitter leur pays. ils ne voulaient pas mais ils n’avaient plus le choix.

La jeunesse de sa grand-mère.

La jeunesse de Gabriela, en revanche, on y avait droit, avec emphase et trépidation : sa famille remarquable, sa ville pimpante Bucarest dite le « petit Paris des Balkans » dans l’entre-deux-guerres. Ma grand-mère se targuer de trouver dans les librairies les romans français « ,le lendemain de leur sortie à Saint-Germain. »

En 1940 .

En 1940, la Roumanie en proie à un immense désordre, subit la pire des humiliations. Les belles provinces qui lui avaient été rattachées à l’issue de la Première Guerre mondiale lui furent brutalement retirées par le pacte germano-soviétique. Ces territoires largement peuplés de juifs, allaient donc passer aux mains des Russes. Et cela, on ne le pardonnerait pas aux juifs, traités de vermine invasive d’abord, de traîtres par la suite. Les youpins et les rouges allaient pactiser, c’était certain. L’exaspération nationalistes n’avait alors d’égale que la détestation du « judéo-bolchevisme ». La nation semblait menacer de désintégration. La psychose battait son plein.

Le silence de ses grands parents.

J’aurais voulu l’entendre de la bouche de mes grands parents. Obtenir une bribe, ne serait-ce qu’une bribe, de ce qu’ils avaient ressenti face à une telle démonstration de force, une telle légitimation de la rage antisémite. J’ai entendu parler un peu, enfant, de la Garde de fer, de sa révolte, de la rafle de mon grand-père. Mais les mots étaient lisses. Les mots étaient vides. Les mots étaient prononcés d’un ton détaché. Ils plantaient le décor sans autre émotion. Une anecdote de plus. Sans plus mes grands-parents ont tous vécu, presque tout dit, mais c’est comme s’ils n’avaient rien senti.

La Shoa organisée par les Roumains (les moyens d’exécution sont insoutenables).

 Enfin la tuerie du camp de Bogdanovka reste une des plus impressionnantes de toute la Seconde Guerre mondiale. En fait de camp, il s’agissait encore de batteries de porcs délabrées ouverte à tous les vents. Mais comme le disait le commandant alors qu’il gelait à pierre fendre : « la paille c’est pour les cochons pas pour les youpins ! » la décision d’en finir avec les huit mille détenus juifs fut prise en décembre 1941.

Négation de la Shoa sous le régime communiste.

 Au delà des procès, la Roumanie communiste avait proscrit le mot « juif ». L’ethnologue Andrei Osteanu constate qu’à l’époque le terme a été éradiqué des romans comme des textes de sciences sociales. Sous prétexte de prendre le contre-pied de la littérature et de la presse d’avant-guerre, obsédées par le péril juif, le Parti refuse de nommer les juifs pour ne pas les stigmatiser. Mais ce faisant, il finit par les effacer. Et Andrei Osteanu de rappeler qu’en régime totalitaire, « si on en parle pas, c’est que ça n’existe pas ».

La situation de sa grand-mère à Paris.

 Les exilés romains riches ne la recevaient pas parce qu’elle avait été communiste. Les intellectuels français, non plus. Ils étaient tous de gauche dans les années 1960 et 1970. Ils considéraient les communistes qui avaient fui comme des traîtres ou des fascistes déguisés. Gabriela ne se sentait aucune affinité avec une quelconque diaspora juive. Immigrée et sans travail, il était difficile de s’intégrer à la bourgeoisie parisienne. Gabriela n’avait sa place nulle part

Le troc.

 L’argent, tout l’argent des familles roumaines qui voulaient s’enfuir, les douze mille dollars que mes grands-parents mettraient une vie à rembourser, avait servi à acheter des porcs. Des bataillons de porcs, des élevages entiers de porcs. Attention, pas n’importe quels porcs, des porcs de compétition, plus précieux, plus productifs, plus rentables que es citoyens qui quittaient le pays. Depuis la nuit des temps, ceux-là profitaient beaucoup et rapportaient peu : les juifs

Perec en 1981 dit ce que c’est être juif pour lui.

 « Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne me rattache à rien. Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, ou à une pratique, à un folklore, à une langue. Ce serait plutôt un silence, une absence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude. Une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil. »

 

 

Édition l’iconoclaste

 

Un vrai roman comme je les aime, je suis complètement partie dans cette histoire au point où j’ai dû vérifier si Michelangelo Vitaliani avait vraiment existé, car l’auteur mélange si bien la fiction avec l’Histoire qui a secoué l’Italie au Vingtième siècle que c’est compliqué de faire la part entre le réel et son son imagination. Une petite réserve sur la longueur du roman et le côté invraisemblable de cette histoire d’amour.

Nous sommes avec un homme qui va mourir, il longtemps vécu et terminé sa vie en 1986, dans un couvent . Le père responsable de ce couvent, Vicenzo, est aussi le gardien d’un très lourd secret que le romancier mettra du temps (trop peut-être ?) à nous dévoiler. La chronologie est quelque peu bousculée mais nous suivrons l’enfance misérable de Mimo que sa mère a confié en 1916 à un individu sans coeur Zio. Le père de Mimo était sculpteur et Zio aussi . Le roman se situe en Ligurie dans un village Pietra d’Alba.

De ce lieu, le romancier met en lumière les oppositions de l’Italie de cette époque. La famille noble, les Orsini, qui ont un château et les pauvres comme Zio et les deux enfants dont il a hérité, bien malgré lui ,de la charge. Alinéa (Vittorio) et Mimo.

Celui-ci va s’avérer un artiste de grand talent, cela nous vaut de très belles pages sur la création artistique d’un sculpteur. Dans ce petit village, il va faire la connaissance de Viola la cadette des Orsini, le destin de ces deux enfants est intimement lié, ils découvrent qu’ils sont nés le même jour et se déclarent jumeaux cosmiques. Viola est une enfant surdouée qui retient tout ce qu’elle lit et veut devenir une savante. Un jour elle grandira pour devenir une très belle jeune femme mais pas Mimo qui est atteint de achondroplasie c’est à dire qu’il ne fera jamais plus d’un mètre quarante.

C’est un roman touffu, il s’y passe beaucoup d’évènements liés à l’histoire de l’Italie. La montée du fascisme est bien rendu, car si Mimo ne s’occupe pas de politique, il en est un témoin privilégié. La famille Orsini est toujours aux manettes du pouvoir et manipule tout le monde, les deux frères de Viola, le brutal fasciste qui a su retourner sa veste juste à temps et le prélat à l’air si doux tiennent dans leurs mains le destin de Mimo et Viola. L’amour de Mimo pour Viola est impossible mais également très beau. Elle sera victime de sa beauté, de sa richesse et surtout de son intelligence, ce roman décrit bien la condition des femmes de cette classe en Italie à cette époque. C’est un roman à la gloire des femmes italiennes et à leur courage, la révélation finale en est un superbe symbole.

Tout au long du roman on parle aussi de ce que Vicenzo doit garder bien caché dans des souterrains sous son église, je peux vous le dire, car on le sait assez vite, il s’agit d’une sculpture de Mimo, mais on ne sait qu’à la toute dernière page (ou presque) pourquoi il fallait la dissimuler à tous les regards.

J’ai passé des heures merveilleuses avec ce roman et j’ai beaucoup regardé la Pieta de Michelangelo et consulté Wikipédia pour vérifier les faits historiques. Si vous ne l’avez pas encore fait lisez le vite, dépaysement garanti. Mais sachez quand même qu’Athalie a beaucoup plus de réserves que moi et et que « mot à mot » est bien d’accord avec elle.

 

 

 

 

Extraits

 

Début.

 Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l’abbaye en ce jour d’automne 1986, au bout d’une route à faire pâlir ceux qui l’empruntent. En mille ans rien n’a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides -il faut l’être quand on vit perché au bord du vide-, trente-deux corps qui le furent aussi dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.

Le marbre et la sculpture.

 Il fronça les sourcils. Son regard alla du marbre à moi, de moi au marbre, puis il écarquilla les yeux. – Oh non, non. non Mimo. Zio va te tuer il y a un chefs-d’œuvre dans ce bloc.
– Je sais. Je le vois.
(Et 10 jours plus tard)
 Je ne me relevais pas aussitôt admirant l’ours, qui se dressait au dessus de moi. Il émergeait du bloc de marbre à mi-hauteur, une patte appuyée sur la pierre comme pour s’en arracher, l’autre tendue vers le ciel. Sa gueule pointait aussi, ouverte en un grognement que sa tête légèrement penchée, rendait moins menaçant. Je n’avais sculpté que la moitié supérieure du bloc, à partir de la taille, de plus en plus en détails. Si bien que l’œil du spectateur, partant du bas du socle jusqu’au sommet du museau, entreprenait un voyage de la brutalité à la délicatesse, de l’immobilité vers le mouvement. On dira ce qu’on veut de mon travail, mais je crois qu’il y avait là quelque chose du divin, dans cette genèse de marbre qui n’était d’abord rien, un condensé d’angles et de néant, puis se brisant, donnait naissance dans un jaillissement de blancheur à un monde violent, tendre, tourmenté une oursonne abandonnée qui en saluait une autre.

L’Italie.

 Ce n’est pas pour rien qu’un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l’intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l’autre a bâti, et l’émotion est la même.
 l’Italie, royaume de marbre et d’ordures. Mon pays

Jolie façon de raconter.

 Je dois beaucoup aux femmes dite « perdues », et mon oncle Alberto était le fils de l’une d’elles. Une fille courageuse qui se couchait sous les hommes, au pont de Gênes, sans colère ni honte. C’était la seule personne dont mon oncle parlait avec respect, une ferveur confinant à la vénération

L’après guerre en Italie.

 Les nations victorieuses se disputaient la charogne des vaincus. Les tensions de l’année passée se répandaient comme une peste dans tout le pays, obéissant au schéma précis dont j’avais été témoin : revendication de justice suivies d’une répression impitoyable par des groupes à la solde des tout jeunes Faisceaux italiens de combat, créés par un ancien socialiste à Milan.

Un moment d’humour (il n’y en a pas beaucoup).

-J’ai bientôt seize ans. Et je ne vole toujours pas. Je ne serai jamais Marie Curue.
– Quelle importance ? Tu es toi Viola, et c’est beaucoup mieux.
Viola leva les yeux au ciel et sortit sans prendre la peine de refermer la porte de la grange, nous laissant spéculer dur les,énigmatiques vertus du mystérieux Maricuri.

L’arrivée de Mussolini au pouvoir.

 Le 28 octobre de cette année-là, les plus forts d’entre eux, fascistes, squadristes, anciens partisans tentèrent leur chance. Une bande dépareillée marcha sur Rome, bien décidée à intimider le gouvernement en place. Malgré leur succès à réprimer les émeutes socialistes, dont j’avais été témoin, ils étaient mal armés, hésitants et, surtout peu sûrs de leur coup. Tellement peu sûrs que leur courageux chef Mussolini, tremblant dans ces pantalons bouffants d’ancien socialiste et de futur dictateur avait préféré rester à Milan. Il avait jugé plus prudent de ne pas rejoindre la marche, pour pouvoir décamper en Suisse au cas où les choses tourneraient mal. L’ère était à la lâcheté. Et parce que L’ère était à la lâcheté, le gouvernement puis le roi décidèrent de laisser faire au lieu d’envoyer l’armée, pourtant prête à agir. Le planqué de Milan se retrouva du jour au lendemain à la tête du gouvernement ce dont il fut le premier surpris.

Édition Points . Traduit de l’allemand par Nicole Bary

 

Ma quatrième participation au mois « les feuilles allemandes » 2023, organisé par Eva 

 

En lisant les avis sur Babelio, j’ai vu que Aifelle avait beaucoup apprécié ce roman, et je suis d’accord avec ce qu’elle en dit.

La filiation et le poids des crimes d’un père sont les thèmes de ce roman. Konstantin et Gunthard Boggosch, sont tous les deux les fils de Gerhard Müller et de Érika Boggosch. Si les deux enfants portent le nom de leur mère c’est que celle-ci découvre horrifiée, que pendant la guerre 39/45, non seulement son mari était un Nazi convaincu mais, de plus, a commis des crimes si monstrueux qu’il a été jugé et pendu en Pologne à la fin de guerre. Le destin des deux frères va totalement diverger, et cela permet à l’auteur d’analyser les différentes façons de se construire avec le poids du passé quand on est allemand. L’ainé, veut absolument croire au passé glorieux d’un père militaire et il refuse de le voir en criminel, quelques soient les preuves à charge. C’est d’autant plus facile pour lui, que ses preuves sont fournies par les Russes qui sont détestés par tous les Allemands. Il y a aussi un oncle à l’ouest qui a entrepris de réhabiliter son frère. Cet aspect est très intéressant car on comprend, alors, combien les Allemands de l’ouest ont été plus enclins à oublier le nazisme que ceux de l’est.
le personnage principal du livre, Konstantin, sera comme sa mère hanté, par le passé de son père. Et surtout ce passé se dressera sur sa route dès qu’il voudra réaliser quelque chose de sa vie. Parce que son père était un criminel de guerre, il ne pourra pas aller au Lycée. Commence alors pour lui, un parcours incroyable, fait de coïncidences trop exceptionnelles, pour moi. Il va fuir en France, car son premier projet est de s’engager dans la légion étrangère. Il rencontre à Marseille un groupe d’anciens résistants pour lesquels il va travailler comme traducteur car grâce à sa mère il parle français, russe, italien, anglais. Un jour, il reconnaîtra son propre père dans une photo prise dans le camp de travail forcé où son employeur et ami a failli mourir.
Trop honteux de cette filiation, il repart en Allemagne et, le jour où, le mur empêchera à jamais les gens de se réfugier à l’ouest, lui, il va à l’est pour retrouver sa mère.
Il sera refusé à l’école de cinéma, toujours à cause de son père. C’est certainement l’aspect le plus intéressant du livre : cette ombre qui empêche à jamais cet homme de faire des choix librement. La description du régime de l’est et des éternelles suspicions entre collègues dans le milieu enseignant est aussi tragique que, hélas, véridique.
En lisant ce livre, j’ai pensé à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon , il est évident que les Français ont laissé plus de liberté aux enfants d’anciens collaborateurs. En Allemagne de l’Est qui est passé du Nazisme au communisme, les traditions d’espionnage individuel et de dénonciations n’ont pas permis aux enfants de Nazi de pouvoir oublier le passé de leur père. Mais on peut aussi se scandaliser de la façon dont à l’ouest on a si vite tourné la page qu’il suffisait de devenir anticommuniste pour faire oublier son passé nazi et antisémite.

J’ai lu avec grand intérêt ce roman, mais j’ai eu du mal à croire aux aventures de Konstantin. Il y a trop de hasards dans ce récit, en revanche la partie où il raconte ses difficultés pour mener une vie « normale » d’enseignant en RDA m’a semblé très proche de la réalité.
Il y a un aspect que je comprends pas, il revient en RDA pour revoir sa mère mais il ne la verra que peu souvent. Il s’offusque que son frère la fasse vivre dans la cave de sa maison, enfin dans un sous-sol, mais il ne la prend pas chez lui.

Ce ne sont là que des détails par rapport à tout ce que j’ai appris sur l’ex-RDA.

 

Extraits.

Première phrase d’un roman allemand . Un petit coup de nature…

 Les jeunes bouleaux semblait chuchoter leurs feuilles étaient violemment agitées, bien que l’on ne sentît pas le moindre vent. Sous le pesant soleil estival de cette fin d’après-midi le blanc cassé des troncs frêles à l’apparence fragile brillait de mille feux.

Les souvenirs .

Avec nos souvenir nous essayons de corriger les échecs de notre vie c’est pour cette seule raison que nous nous souvenons. C’est grâce aux souvenirs que nous nous apaisons vers la fin de notre vie. Ce sont les souvenirs terribles qui finalement nous permettent de faire la paix avec nous-même. Regardez les volumes de mémoires qui paraissent chaque année. Ce sont tous des personnages merveilleux. Des caractères magnifiques, sincères courageux. Intrépides, désintéressés, la justice en personne. Des types dont on aurait aimé être les contemporains. Le problème est qu’ils étaient mes contemporains, et ils n’étaient pas sympathiques. Et ne croyez pas que je veux vous persuader maintenant que mes souvenirs n’en sont plus exacts, plus vrais, plus dignes de confiance. Non, chère mademoiselle, moi aussi je vous raconterai ce qui correspond à l’image que je me fait de moi-même, que je veux faire miroiter aux yeux des autres. Je tairais bien évidemment ce qui me gêne dans ma propre personne. Et pour cela je ne devrais pas faire des efforts particuliers. Ce qui est dérangeant, ce qui ne me plaît pas, je ne devrais même pas le passer sous silence, ce n’est pas la peine. Je l’ai oublié depuis longtemps et même radicalement.

Le poids d’un père .

 Je ne pouvais pas m’installer en France, pas non plus en Angleterre, ou en Italie, ou en Pologne, ou en Union Soviétique, je tomberais partout sur des hommes de la « Résistance », sur des partisans, sur ceux qui avaient combattu Hitler. Je ferais leur connaissance, ils deviendraient mes amis, et un jour ils devraient apprendre que vi gt ans auparavant ils avaient été confrontés à mon père, le « Vulcan » craint de tous. Dans chaque pays je le trouverai sur ma route partout je serais le fils du  » SS Vulcan ».

 


Édition Metallié. Traduit de l’allemand par Alban Lefranc

Ma troisième participation au mois « les feuilles allemandes » 2023 , organisé par Eva 

 

 

 Un grand merci et cinq coquillages pour Anne-yes qui m’a permis d’aller vers ce livre, c’est une lecture indispensable pour mieux comprendre l’Ukraine d’hier avec les conséquences qu’on connaît aujourd’hui . La mère de Natasha Wodin, l’auteure, est d’origine ukrainienne, elle est née à Marioupol, son père bien qu’Ukrainien est de langue allemande . Ce livre, retraçant le destin douloureux de sa mère, se divise en quatre parties.

– La première est consacrée à la recherche sur Internet de sa mère dont elle ignorait tout, sauf qu’elle venait de Marioupol. Très vite elle obtient une réponse qui lui vient de Russie d’un homme qui sera son ange gardien dans ses recherches. Un certain Konstantine, et à sa grande surprise, elle découvrira que les mensonges qu’elle racontait quand elle était enfant sont en grande partie vraie. Elle s’imaginait princesse et elle découvre que sa famille d’origine italienne était une des plus riche de Marioupol et, qu’effectivement, ils habitaient un palais. Toute l’enfance de l’auteure, en Allemagne, elle s’est sentie paria ( elle dit même « un déchet » en parlant d’elle) car elle, et sa famille faisaient partie des anciens travailleurs de l’est pays qui sont devenus communistes (donc ennemis !) C’est l’aspect de ce livre qui m’a le plus passionnée, car je n’ai jusqu’à présent rien lu sur ce sujet  : que savons nous de ces milliers (peut être millions ?) de personnes déplacées pour servir d’esclaves au troisième Reich en manque de main d’œuvre ? Nous connaissons en tout cas le sort de ceux qui sont retournés sous le joug stalinien : fusillés comme traître ou envoyés directement au goulag.
– Son enquête avance grâce à Konstantine, et elle raconte dans la deuxième partie, le sort de Lydia la sœur de sa mère. Celle ci a écrit ses mémoires et on peut alors découvrir toute l’horreur des débuts du communisme en Ukraine jusqu’à la famine qui sera un des plus grand crime commis contre un peuple. Bien que condamnée au goulag, Lydia a survécu et sa mère qui était venue garder son enfant aussi, elle était arrivée en 1941 quelques jours avant l’invasion allemande et ne pourra plus jamais repartir. Natasha comprend en enfin pourquoi sa mère a été abandonnée par sa propre mère.
– Dans la troisième partie, grâce à ce qu’elle sait maintenant, elle cherche à comprendre pourquoi sa mère est partie en Allemagne à la fin de la guerre. Elle y rencontrera son père lui aussi travailleur déplacé qui l’a beaucoup aidée et lui a permis de survivre.
– Enfin dans la quatrième et dernière partie, on voit cette femme plonger dans une dépression terrible qui fera fuir son mari violent et alcoolique. La petite Natasha s’enfonce dans ses mensonges pour fuir cette chape de malheur qui tue sa mère à petit feu.

Tout l’intérêt de ce livre vient de ce que l’auteure sait nous faire découvrir la vie de sa mère au fur et à mesure de ses propres recherches. Elle n’avait qu’une très vague idée de qui était sa mère, elle lui en voulait d’avoir si peu su lui faire une vie heureuse et d’être éternellement cette femme déprimée. Mais, comme elle, nous sommes bouleversées de voir que son destin aurait pu être moins tragique si elle avait su que sa propre mère et sa sœur avaient survécu au goulag.
Historiquement, le destin de ces travailleurs venus des pays occupés par l’Allemagne Nazie est mal connu et terrible. Mal connu, car il pèse sur eux le jugement de collaboration avec le régime de l’occupant et personne n’a vraiment pris la peine d’analyser leurs souffrances, on sous entend souvent qu’ils avaient le choix de ne pas y aller. Ce qui est loin d’être vrai. En plus si vous aviez le malheur d’être slave alors vous faisiez partie de la race des esclaves et votre sort était plus proche de l’univers concentrationnaire. Le pire, pour ces hommes et ces femmes, est qu’aucun pays n’attendait votre retour. En France les anciens du STO sont rentrés sans gloire, certes, mais ils ont retrouvé une vie normale. Les Ukrainiens et les Russes étaient renvoyés chez eux à une mort certaine plus ou moins immédiate.

Un très beau livre, tout en émotion et qui nous fait revivre l’histoire si douloureuse de ce pays.

 

Citations

Travailleurs déportés .

Depuis de nombreuses années déjà, je cherchais en vain un livre écrit par un ancien travailleur forcé, une voix littéraire qui m’aurait permis de m’orienter. Les survivants des camps de concentration avait produit une littérature universelle, les livres sur l’holocauste remplissaient les bibliothèques, mais les travailleurs forcés non juifs, qui avaient survécu à l’extermination par le travail restaient silencieux. On les avait déportés par millions vers le Reich allemand ; des trusts, des entreprises, des artisans, des exploitations agricoles, des ménages privés dans tout le pays s’étaient servi à leur guise dans le contingent d’esclaves importés selon un programme d’exploitation maximale pour le coup le plus minime possible.

Le soleil se lève sur le lac.

 Des levers de soleil comme sur ce lac, je n’en avais encore jamais vu ailleurs. Ils s’annonçaient des trois heures du matin à l’horizon, d’abord comme un rosissement à peine perceptible du ciel au dessus de l’eau, qui se transformait progressivement en une orgie lumineuse d’une beauté irréelle. Je m’étonnais que tout le monde soit endormi, que personne à part moi ne semble assister à ce spectacle cosmique. Le ciel brûlait de toutes ces couleur du vert clair à l’or, du violet au rouge flamboyant chaque jour différent chaque jour nouveau : des spectacle de lumières des tableaux surréalistes que le soleil faisait surgir dans le ciel et donc je suivais la métamorphose minutieuse à partir de mon balcon comme d’une loge quelque part dans l’univers (…)

La tragédie des Ukrainiens.

Tamara avait été exilée de Kiev à Vienne à vingt ans pour travailler dans une conserverie. Après son retour en Ukraine, elle avait échappé au sort de ceux qui avaient été fusillés comme traîtres et collaborateurs ou transférés d’un camp de travail forcé à un autre, mais elle faisait partie de la majorité de ceux pour qui le travail forcé en Allemagne avait eu des conséquences à vie. Ceux qui étaient revenus, qui n’avaient pas réussi à s’opposer à leur déportation par l’ennemi, n’étaient plus acceptés dans la société, la plus part d’entre menaient une vie de misère et de privation jusqu’à leur mort. Pendant de nombreuses années, elle avait été forcée de laisser ses parents l’entretenir, eux qui souffraient de la faim. Finalement, un ami de ses parents est tombé amoureux d’elle, un professeur de biochimie vieillissant qui l’a demandée en mariage. Elle n’a pas répondu à ses sentiments, mais le mariage l’a sauvée, sa survie physique au moins était assurée. Son courageux mari, déjà discriminé en tant que juif, en supporta les conséquences. Pendant longtemps, il est resté le seul professeur de tout Kiev à qui n’avait pas été attribué des appartements et qui devait vivre avec sa femme et ses deux enfants dans un appartement communautaire .

La Russie post soviétique .

 Et en quoi tout cela me concernait, moi ce fiasco soviétique, et post soviétique le fatum sans fin de la Russie, l’incapacité à se réveiller d’un cauchemar collectif, l’emprisonnement entre soumission et anarchie, entre la patience vis à vis de la souffrance et la violence, tout ce monde inexpliqué et sombre cette histoire familiale faite d’impuissance, d’appropriation, d’arbitraire, de mort, cette Russie misérable, la Mater Dolorosa éternelle qui serrait impitoyablement ses enfants dans ses bras.

Les esclaves Ukrainiens.

Les Ostarbeiter représentent un dilemme insoluble pour les nazis. Ils sont indispensables au maintien de l’industrie de guerre allemande mais recouvrir à eux n’est pas compatible avec l’idéologie raciale nazie, cela met en danger la pureté raciale du peuple allemand. Les rapports sexuels avec des Slaves sont strictement interdits aux hommes allemands, et pourtant les viols font partie du quotidien du camp.

Quand l’image de sa mère venant d’un pays glacé se confronte à la réalité.

 Pour la première fois depuis sa mort, ma mère devenait une personne extérieure à moi. Plutôt que dans la neige, je la voyais soudain marcher dans une rue de Marioupol, vêtue d’une robe d’été légère et lumineuse, les bras et les jambes nus, les pieds dans des sandales. Une jeune fille qui n’avait pas grandi dans l’endroit le plus froid et le plus sombres du monde mais près de la Crimée, au bord d’une mer chaude du Sud, sous un ciel peut-être semblable à celui de l’Adriatique italienne. Rien ne me semblait plus inconciliable que ma mère et le Sud, ma mère et le Soleil et la mer. J’ai dû transférer toutes mes idées de sa vie dans une température différente, sous un climat différent. L’inconnu ancien s’était transformé en un inconnu nouveau.

 


Édition « les Éditions de Minuit »

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Deuxième lecture réussie pour le club de cette année. Un livre qui se lit très vite mais qui ne s’oublie pas. L’auteur grâce à une écriture très sensible, raconte le destin d’un enfant appelé « M. » fils d’un soldat français et d’une femme allemande.

Ce n’est pas lui qui nous raconte cette histoire mais le petit fils du soldat français : Malcusi époux d’une femme de 86 ans, Imma. Il apprend le jour de l’enterrement de ce patriarche au caractère peu commode l’existence de cet enfant. Il va partir à la recherche de ses souvenirs et des souvenirs des siens. Imma ne veut pas entendre parler de cette histoire et exige de son petit-fils qu’il cesse cette recherche.
Peu à peu le voile qui cache ce secret de famille se déchire et la vérité à la fois simple et tragique va apparaître.

J’ai appris qu’il y a eu beaucoup d’enfants ayant un père français en Allemagne et tous auraient bien voulu retrouver leur père qui, pour la plus part, ont fui à toute jambe leurs responsabilités.

Parlons du style : d’abord ce que j’aime moins, je n’arrive pas à comprendre le pourquoi de l’absence de majuscule au début des paragraphes. Je ne comprends pas pourquoi non plus le personnage de l’enfant est appelé « M. », j’ai quelques hypothèses mais pas de réponse. De la même façon la femme dont il est en train de se séparer s’appelle aussi « A ».

Mais ce n’est rien par rapport à mon plaisir de lecture, on sent à quel point la révélation de l’existence de cet enfant a transformé la vie du narrateur. Le récit de l’oncle âgé qui a reçu « l’enfant dans le taxi » est bouleversant. Peu à peu, le portrait du grand-père Malcusi s’enrichit mais pas à son avantage ! Je trouve très fort de démarrer le récit avec un personnage positif et de finir avec un homme si peu sympathique ! D’ailleurs sa propre femme revit après son décès : cette veuve très joyeuse fait tout ce qu’elle n’avait pas pu faire du temps de son mariage : apprendre à nager et voyager dans des endroits les plus pittoresques.

Le narrateur, qui est écrivain, est sans doute plus sensible aux malheurs de « M » qu’il est lui-même en pleine séparation avec la mère de ses deux enfants. Les salons du livre auxquels il participe ne suffiront pas à lui remonter le moral.

Un beau roman bien servi par une écriture à laquelle j’ai été très sensible, malgré quelques partis-pris de style que je ne comprends pas.

 

 

Citations

Le début.

 Ce matin-là, elle aide son père à fendre le bois dans la cour. Il a neigé toute la nuit, le sol est blanc, maculé de boue aux endroits qu’ils piétinent. Depuis une heure elle lui présente l’une après l’autre les bûches, ramasse chaque fois le coin dans la neige pour le replacer à l’aplomb d’un nouveau rondin, le buste penché en avant le bras crédit dans l’attente du coup de masse.

Ne pas faire de vagues.

 À l’éternel impératifs de « ne pas faire de vagues » : quelque chose comme un ordre supérieur aux allures de glacis, chape de silence devenue invisible à force d’habitude, d’autant plus puissante que paisible, sans aspérité, sans prise, puisque tous les secrets sont faits de cette pâte innocente, habillée des meilleures intentions, parée de souci du prochain : si je ne t’ai rien dit c’était pour ton bien. Puisque depuis toujours dans l’ordre des familles le crime c’est de vous parler, jamais de se taire.

La vieillesse triomphante.

 Souriant comme chaque fois qu’elle constatait par contraste le délitement de tel ou tel cousin pourtant de vingt ans plus jeune qu’elle.
 Ah oui toi aussi tu l’as vu récemment.
 Baissant brusquement la voix pour chuchoter. 
Tu as vu ce coup il a pris.
Un de ces coups le pauvre, ça m’a fait de la peine. Rien à voir avec moi.
Cela dit avec un sérieux soudain qui manquait me faire éclater de rire. 

Portrait d’une femme efficace .

 La mère qui n’avait jamais voulu voir M., jamais voulu entendre parler de M., jamais voulu se demander si son refus de le rencontrer était légitime ou non, simplement c’était ainsi, cela lui coûtait trop de repenser à tout ça, elle ne voulait repenser à rien et pourquoi aurait-il fallu qu’elle se force. La mère dont l’inclination en tout, toujours, consistait à faire place nette. Des ronces. Des vieux objets. Des blessures. Des souvenirs 

L’enfant du taxi qui voulait voir son père et à été reçu par un oncle.

 Trois jour remplis de douceur et d’amour au terme desquels je l’ai d’un commun accord remis dans le train en sens inverse, si bien qu’il est reparti, avait continué Louis, la fameuse erreur de jeunesse de Malusci est reparti renvoyé à sa mère qui a pensé quoi du récit rapporté par le gamin, pensé quoi de le voir revenir si vite quand elle croyait peut-être lui avoir dit adieu pour des années. 
trois jours forts gravés dans la mémoire de Louis qu’il avait dû retenir son l’émotion, attendre que le tremblement de sa voix cesse avant de raconter la lettre que Jacqueline et lui avaient une semaine plus tard reçue, écrite dans un français maladroit qui la rendait encore plus belle, une lettre dans laquelle M. nous remerciait joyeusement, avait dit Louis une lettre dans laquelle il racontait avec humour qu’il mettait tout le temps ma chemise, dormait dans mon pyjama
grâce à vous je me suis senti comme un fils terminait le bref courrier qui ne disait pas un mot de l’humiliation infligéee par Malusci, ne formulait les pas une plainte, pas avoir un regret, ne montrait pas un seul signe d’amertume
 grâce à vous je me suis senti.comme un fils.

 

 

Édition La Peuplade Roman

Traduit du roumain par F et JL Courriol

 

Quel roman ! c’est un mélange de passages superbes et de moments très pénibles, c’est très difficile d’en venir à bout et ceci pour plusieurs raisons :

 

  • la mise en page : c’est écrit en petits caractères, il n’y a pratiquement pas de paragraphes et les phrases peuvent être très longues.
  • La chronologie : le récit n’est pas linéaire et c’est très difficile de trouver les repères pour comprendre quand se passe le récit.
  • Le peu d’explications pour comprendre car le narrateur s’efface et nous voyons tout à travers le regard de gens qui parlent très peu.
  • Les exagérations qui parfois m’ont gênée.

Malgré cela il y a de très beaux passages qui m’ont permis d’aller jusqu’au bout de ce gros pavé, mais j’avoue avoir parfois lu en diagonale.

Il s’agit donc de la vie de cet homme Iochka qui est né en Roumanie avant la guerre 39/45 et qui finit sa vie dans une vallée peu accessible comme fabriquant de charbon de bois. Il a tout connu cet homme : la guerre, le goulag, mais aussi le plus beau des amours avec Ilona, la naissance de son petit garçon, et la mort de cette femme tant aimée. Dans cette vallée , Iochka a trois amis, le pope, le contremaître, et le docteur de l’asile, tous ces gens boivent à longueur de temps et se donnent du courage pour surmonter les difficultés de la vie, et, il y en a beaucoup. Une autre femme, celle qui partagera la vie du contremaître, Iléana, va devenir l’amie de Iochka et d’Ilona. Cette vallée est loin des turbulences de la société roumaine, ensemble ils font tout pour que cette vallée reste loin des autres hommes. Parfois les crimes arrivent jusque dans la vallée, comme cet homme qui a été tellement torturé qu’il finit dans l’asile du docteur. Les souvenirs des horreurs de la guerre qui ont traumatisé les différents protagonistes. hantent ce récit.

Il y a une telle pénétration de la nature dans la vie des habitants de la vallée que cela, m’a gênée comme cet amour physique entre Iléana et un loup . L’amour de Iochka et d’Ilona est superbe mais complètement hors de la réalité et évidemment la mort de la femme a plongé Iochka dans une forme de folie mais on sait qu’il va survivre puisque le roman débute par cet homme presque centenaire qui circule dans sa vieille voiture. J’ai noté beaucoup de passages pour ne pas oublier ce qui m’a plu dans ce roman. Mais je redis que cette lecture était parfois un pensum et je n’arrivais pas à retenir mon attention : je lisais mais ne retenais rien. Un roman étrange que je ne peux pas vraiment vous conseiller, à vous de voir.

 

 

 

Citations

La première phrase.

 Avec un vieux moteur de voiture allemande et une carriole à essieu renforcé, un volant de tracteur et une boîte de vitesses de camion, beaucoup de patience et non moins d’ingéniosité, Iochka s’était fabriqué une espèce de camionnette qui lui servait à monter dans les bois au-dessus de Roudaritsa pour en rapporter des chutes de branches de hêtres et de bouleau laissées sur place par les ouvriers de l’exploitation forestière.

La boue si célèbre depuis la guerre en Ukraine.

 Puis lorsque arrivait l’automne et que la steppe se transformait en une mer de boue qui engloutissait tout, chevaux, hommes, camions, canons et tanks, il ne sortait plus, des jours de suite, de sous sa bâche, restait là à contempler le brouillard épais et humide, une terrible nostalgie du pays montait en lui et que rien ne pouvait apaiser ni les doïnes entonnées par les soldats au coucher du soleil ni les maigres rations fumantes qu’on leur servait deux fois par jour, matin et soir.

Le destin d’un soldat Roumain fait prisonnier par les Soviétiques.

C’était dans un lieu tout pareil que la botte l’avait frappé en pleine tête, lui avait brisé le nez, mis les lèvres en compote le jour où, sans force après une semaine d’errance, il s’était assis sur une souche pour reprendre haleine et que le Russe, avec une haine qu’il n’avait jamais pu vraiment comprendre, l’avait violemment battu et l’avait obligé, couvert de sang, boitant le dos en capilotade, à rejoindre la colonne de prisonniers qui se dirigeaient vers un lieu inconnu à l’est où ils ne parviendraient qu’après une semaine de marches forcées, un camp de concentration où il passerait d’années dix année de sa vie, une sorte de village où régnait la famine et où les hommes travaillaient du matin au soir et dormaient entassés comme des bêtes sur des planches qui leur servaient de lit.

La terreur.

 Il se sentait de nouveau comme dans le camp, terrorisé, impuissant, jouet de bois entre les mains d’un destin impénétrable, il n’attendait plus que la petite détonation et de voir l’homme à genoux s’effondrer tête la première dans le lit du ruisseau, dans son esprit naissait l’image d’une flaque de sang s’écoulant du crâne pulvérisé par la balle, il serrait de toutes ses forces le cadre de la fenêtre et comme sur un signe, l’étranger et les deux soldats se sont tournés et ont regardé exactement du côté de Iochka. Il s’est glacé le sang s’est figé dans ses veines, il a retenu son souffle comme un animal pourchassé dont la fin est proche, la main qui tenait le pistolet s’est levé, est resté en l’air quelques secondes avant de descendre à une vitesse terrible pour frapper l’homme à la nuque

L’avenir radieux.

 Parfois dans la vallée arrivaient aussi des gens qui n’y tenaient guère, on les voyait descendre des camions avec l’aie penaud, mesurant de leurs regards perdus l’endroit comme si c’était une prison toute neuve, un beau lieu où on les aurait mis de force et d’où, même si on ne les obligeait pas vraiment à trimer, ils ne pouvait sortir qu’avec une autorisation spéciale et une heure de retour imposée. On leur disait, racontait-il, qu’ils devaient construire un avenir radieux.

Les grands chantiers sous le régime communiste.

 Mais, le plus clair du temps, la vallée ressemblait à une station de villégiature où les gens s’adonnait à la boisson et à ne rien faire, activités élevées avec le temps au rang de l’art. Il y avait une centaine d’ouvriers et normalement cette voie ferrée aurait pu être construites en quelques mois, un an maximum, mais le travail durait déjà depuis une dizaine d’années et il n y avait pas le moindre risque que les rails dépassent réellement un jour l’endroit où se trouvait la maison de Iochka et encore moins qu’il avance dans la montagne de derrière et qu’ils en atteignent le bout.

La liberté.

 Ces hommes étaient libérés de ce que lui n’avait jamais connu, personne ne les menaçait plus, personne ne mettait en danger leur vie et celle de leurs familles, ça il le comprenait, il était clair pour lui que, pendant la guerre, par exemple, il n’avait pas été libre de faire ce qu’il voulait, ni plus tard quand il était prisonnier. Des gens haut placés, pouvaient le condamner à tout moment à être fusillé, lui avait dicté ce qu’il devait faire et comment il devait vivre. C’était cela l’absence de liberté aurait dit le vieux Iochka si on le lui avait demandé. La liberté, selon lui, c’était de vivre sans être menacé de mort par les gens qui disposent de votre vie.

La fin des illusions.

 Ils avaient tous les deux milité dans l’illégalité, ils avaient lutté pour un monde meilleur qu’ils ne voyaient nulle part maintenant, ils avaient voulu que les paysans et les ouvriers ne connaissent plus la pauvreté et ils avaient juste réussi à les rendre plus pauvres, ils le savaient parfaitement, ils essayaient de faire le bien autant qu’ils le pouvaient par une bonne action pour un tel ou pour un autre. Impossible d’en faire davantage. Ils vivaient avec cette frustration comme ils respiraient, ils aidaient les gens autant qu’ils le pouvaient, ils défendaient leurs ouvriers chaque fois qu’il y avait un problème, le rêve pour lequel il avait vécu s’était évanoui pour laisser place à une misère plus terrible que celle d’avant. Les pauvres étaient encore plus pauvres, les riches n’avaient pas disparu. Et pourquoi tout ça ? Était-ce pour cette pauvreté qu’ils avaient lutté ?

Un paradis.

 Un paradis d’avant et d’après le désastre qu’est toujours la civilisation, un lieu oublié et pour cette même raison inoubliable, immortel et vivant dans la mesure seule où le vivant, dans ce qu’il a de plus essentiel, échappera toujours à la compréhension humaine. Un paradis qui attendait sa mort, rien de plus. Et les gens qui étaient en lui, vieillissant sans le sentir, attendaient leur mort, eux aussi.

Une idée.

 Est-ce que ce qui n’est pas pensé peut exister ? Y a-t-il au monde une chose vraiment historique si un seul homme ignore son existence ?

L’oppression.

 Car l’oppression ne vient pas que des grands de ce monde, on la trouve aussi à d’autres niveaux, si un satrape est maître absolu de ses ministres, de même ses ministres règnent sur leurs subordonnés et ainsi de suite jusqu’au dernier paysan.

L’alcool accompagne tous les moments du récit.

 Il était harassé, il s’est laissé tomber comme une grosse pierre, puis a attrapé la bouteille devant lui et a bu, avec une grande soif à même le goulot, oubliant l’usage des verres.
 Il a attrapé une autre bouteille dans le placard et deux petits verres propres ….
Le contremaître, le docteur et le pope vidaient verre après verre…

 

 

 

Édition Pocket

L’auteur, pour écrire ce roman que j’ai beaucoup apprécié, s’appuie sur l’histoire véridique de Wilhem Furtwängler, pour évoquer le rapport des Nazis avec la musique classique. Il crée des personnages romanesques, nous suivons donc la formation de Christophe Meister excellent musicien et de sa mère Christa grande cantatrice qui déteste le nazisme et sera déportée car elle a un père juif. Tous deux personnages fictifs.

Comme tous les romans qui se passent lors de la montée du Nazisme, j’éprouve une angoisse pour tous les personnages juifs. Quand on sait ce qui va leur arriver, on a envie de leur dire : « fuyez mais fuyez vite ». C’est le cas pour la mère de Rodolphe, Christa qui hélas sera déportée alors qu’elle s’était réfugiée en France.

Mais j’oublie de vous dire le thème principal de ce roman, qui s’appuie sur des sources historiques très sérieuses, à savoir les rapports de Wilhlm Furtwängler avec le nazisme. Dès 1920, il est un chef d’orchestre reconnu et à la tête de l’orchestre de Berlin, il est une gloire internationale. Il n’a jamais été membre du parti Nazi et on le sait aujourd’hui à aidé de nombreux juifs à s’échapper de la persécution nazie. mais en revanche, il est resté en Allemagne jusqu’à la fin et a joué pour les dirigeants Nazis dont leur chef Hitler. Il était de façon évidente une caution pour le régime.

Pourquoi n’est-il pas parti de ce pays dont il détestait le régime ? Sans doute, c’est la thèse du livre, mettait-il la musique au dessus de la politique. Il voulait, aussi, montrer que l’Allemagne avait autre chose à montrer que ces horreurs nazies. Les paradoxes de la dénazification feront qu’il aura beaucoup de mal à se disculper alors que Karajan, nazi convaincu et membre du parti n’aura aucun ennui.

La partie romanesque, permet de raconter beaucoup de choses sur la direction d’orchestre et de rendre plus incarnée la montée du Nazisme. Je n’ai pas du tout aimé la révélation finale et cela ne rajoute rien au roman. J’espérais de toute mes forces que l’auteur n’oserait pas, mais si …

Un bon roman qui fait revivre une période si détestée sous un angle original

 

Citations

Mélange histoire et fiction.

 Le pays est envahi par des uniformes, des bruns des fauves, des oriflammes noir et rouge pendent aux fenêtres, avec cette croix ridicule au centre de chacun. Le nombre d’uniformes augmente chaque jour, depuis les élections. Pareil pour les drapeaux.
Furtwängler fend la foule qui s’est agglutinée autour d’un crieur de journaux. Des policiers patrouillent, raides et sévères dans leur uniformes verts. Les gros aigles de fer sur le front de leurs képis jettent des éclats dans le soleil rasant de la fin de journée. Des SA marchent à leurs côtés, un chien en laisse la gueule bavant dans une muselière.

Hitler.

Furtwängler ne l’avait pas pris au sérieux le mépris est toujours mauvais conseiller. L’homme au physique de garçon coiffeur tient à présent le destin de l’Allemagne dans ses mains qui paraissent fragiles. Il l’éventre, son pays le balafre en tout sens, fait sortir de terre le monde d’en dessous, celui des mauvais génies. Des grues et des bennes vont et viennent. Berlin est devenu un vaste chantier qui patauge dans la boue froide. L’ Allemagne n’est plus à genoux devant l’Europe. Elle accueillera les jeux Olympiques dans un an.

Un chef d’orchestre parle de son art.

J’ai bien connu Nikish, dit il notre père à tous. Il savait faire chanter un orchestre chose extrêmement rare. Il ne se préoccupait que de la sonorité, de la création et de l’accomplissement de cette sonorité. Pour moi, diriger un orchestre, c’est comment s’y prendre pour qu’il ne joue pas seulement de façon rythmique précise, mais qu’il chante avec toute la liberté indispensable à une réalisation vivante de la phrase mélodique. N’oubliez jamais que diriger signifie pouvoir créer librement.

L’espoir humain.

Rodolphe se met à espérer. C’est bête on ne croit jamais vraiment au pire. L’homme est ainsi fait, il n’envisage jamais vraiment le mot de la fin. À moins d’en avoir la certitude absolue.

Édition Robert Laffont

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’avais beaucoup aimé « un été au Kansaï » qui m’avait permis de connaître le quotidien des Japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Dans ce roman l’auteur raconte les huit jours de « la débâcle » française en juillet 1940 . Il choisit pour cela des personnages qui lui semble typiques de la France de l’époque , un soldat qui va se battre courageusement, et dont la fiancée une superbe mannequin fuit Paris. Sur les routes de l’exode, nous suivrons une famille très riche qui sera plus émue par la mort du petit chien que de leur petite bonne, un couple qui part aussi avec beaucoup d’argent.
Nous verrons les trains bombardés, et qui avancent au grè des déplacement des troupes, nous verrons aussi les avions allemands mitrailler sans relâche la population sur les routes.

Nous entendrons les propos qui dessinent une France tellement divisée , ceux qui pensent que tout est de la faute du « youtre » Blum , ceux qui attendent les troupes russes avec tant d’espoir. Nous verrons l’armée totalement désorganisée et les actes de bravoures absolument inutiles. L’horreur absolue arrive avec le traitement des soldats d’origine africaine, les allemands ont commis des massacres dont on a peu entendu parler après la guerre.

Ce roman est pénible à lire car il y a peu de gestes de simple humanité, il y en a parfois. Il montre trop bien les mesquineries dans une France où aucune valeur ne tient debout. La partie historique est sérieuse mais je n’ai pas compris que pour la partie romanesque l’auteur aille aussi loin dans l’horreur, le père incestueux qui non seulement fait de sa fille son jouet sexuel mais qui de plus a fait assassiner les petites bonnes quand elles étaient enceintes de ses oeuvres, est pour le moins surprenant. Je crois que l’horreur de la guerre me suffisait largement. Les cadavres qui jonchent les routes, la peur des enfants, la soif sous ce mois de juillet trop chaud, l’impression qu’on ne peut fuir nulle part tout cela est bien rendu. Mais les côtés romanesques m’ont semblé plaqués sur le fil de l’histoire, comme la jeune fille de bonne famille de quinze ans qui veut absolument « baiser » avec le premier venu pour connaître le plaisir sexuel . C’est peu de dire que les personnages sont caricaturaux, il le sont à l’excès et de plus la documentation historique semble encombrer l’auteur qui inflige aux lecteurs les détails techniques qui alourdissent bien inutilement le roman.

J’étais très triste en lisant ce livre car j’ai pensé qu’aujourd’hui encore la France était divisée et je me demande si nous serions capables de nous unir pour sauver la République et ses valeurs.

Bref une déception, ou un mauvais jeu de mot une débâcle ! et je ne serai certainement pas aller jusqu’au bout de ce roman sans mon club de lecture.

 

Citations

Humour !

 Un des surveillants Jean Lasne, qui peignait et écrivait des vers, a été tué le seize mai dans les Ardennes au début de la catastrophe. Elle ne le connaissait pas, mais apprenant son sort Jacqueline a fondu en larmes. Très fiere de ses beaux yeux verts, elle pense de toute facon que pleurer la rend plus intéressante. 

C’est un récit que j’ai déjà entendu par mes parents : l’arrivée des Allemands en France .

Comme à la parade défilent des chars légers de combat, et de curieux véhicules, semi-chenillés, sortes d’autobus découverts dans lesquels sont assis cinq par cinq, sur quatre rangs, des fantassins boches casqués se tenant bien droit leur armement entre les jambes ; en tête, des officiers dans des petites voitures plates décapotées, et, en serre-file, les motocyclistes avec des side-cars. 

La guerre.

 Il est frappé un court instant par l’incongruité de la chose : ces types qu’il ne connaît pas, avec qui il aurait pu échanger des propos aimables lors de sa traversée touristique de l’Allemagne, avancent gavés de slogans nazis pour le tuer ou le capturer, lui, Lucien Schraut. Et lui doit les tuer pour se défendre. Parce que c’est la guerre. Parce qu’on ne porte pas le même uniforme. 

L’auteur a fait des recherches donc je pense que c’est vrai !

 Et puis les industriels déteste toujours augmenter le salaire des ouvriers, ça diminue leurs profits et les dividendes de leurs actionnaires. Voilà pourquoi on a regardé de plus en plus du côté d’Hitler qui face à Staline, représente le dernier espoir pour l’Europe Unie ! Notamment dans la manière de traiter les rouges et les syndicalistes. Dès 1933 Schneider-Creusot fournissait au Reich des chars français du dernier modèle, les expédiant en catimini via la Hollande. Et, depuis le début de la guerre, la France a livré des quantités considérables de minerai de fer à l’Allemagne et reçu du charbon en retour. Cette fois le transit s’effectuait par la Belgique … Ce que je te raconte là espt des plus secrets, bien entendu.

Aux hasards des rencontres de l’exode.

 L’officier est inscrit au PPF : durant tout le trajet, il ne cesse de se vanter de ses relations politiques et journalistiques, de critiquer le gouvernement, les juifs, les francs-maçons, les instituteurs, de faire l’éloge de Weygand et de Pétain. 
 La femme hait Daladier, déplore la politique d’apaisement et la reculade de Munich. C’était mal, et en plus idiot d’avoir abandonné la Tchécoslovaquie, qui en 1938 possédait une armée solide et pouvait nous aider à combattre Hitler.

 


Édition Gallimard NRF – Traduit de l’italien par Danièle Valin

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

« Le voilà donc, se dit Ilaria le familialisme amoral. » Et la famille était la sienne. Son père, l’illettré éthique. Dysfonctionnement, privilège et favoritisme vus comme des moteurs évidents de la société.

J’ai déjà lu et apprécié les deux premiers romans de cette écrivaine italienne que Dominique m’avait amenée à lire . Eva dort (mon préféré) et Plus haut que la mer . Je me souviens bien de ces deux romans ce qui est un gage de qualité pour moi. Comme dans ses précédents romans Francesca Melandri, mêle l’histoire de l’Italie à une histoire d’une famille fictive pour nous la rendre plus humaine. Le reproche que je fais à ce dernier roman, c’est qu’elle a voulu cette fois couvrir une très large période de l’histoire italienne et que son roman est donc très dense voire un peu touffu.

La famille d’Iliaria Profeti est compliqué car son père, Attilio Profetti a eu deux épouses , trois enfants d’un premier mariage et un fils avec sa maîtresse qu’il a fini par épouser. De son passé, éthiopien, sa fille Iliaria n’aurait rien su si un jeune éthiopien du nom de son père n’était venu un jour frapper à sa porte lui apprenant de cette façon que son père était le grand père d’un jeune immigré en situation irrégulière. Ce sera un autre aspect du roman le parcours semé de souffrances à peine inimaginables, d’un jeune éthiopien, qui sans le recours à un ressort romanesque aurait été renvoyé en Ethiopie et à une mort certaine. L’inventaire de tous les thèmes abordés vous donnerait sans doute une impression de « trop », mais l’auteur s’en sort bien même si, parfois, j’ai eu besoin de faire des pauses dans ma lecture.

  • L’interdiction du divorce en Italie et les doubles vies que cela entrainait.
  • L’engagement dans le mouvement fasciste d’un jeune diplômé.
  • Le parcours d’un prisonnier italien aux USA pendant la guerre 39/45
  • L’injustice d’une mère qui dévalorise un enfant au profit d’un autre.
  • Le parcours des immigrés arrivés clandestinement en Italie.
  • Les théories racistes reprises par le mouvement fascistes.
  • La corruption en politique.
  • La construction à Rome.
  • Les marchands de sommeil.
  • Les malversations de Berlusconi.
  • Et le plus important la guerre en Éthiopie menée par les fascistes Italiens avec son lot d’horreurs absolument insupportables.

Et peut-être que j’en oublie, mais on comprend sans doute mieux quand je dis que ce roman est touffu, car L’écrivaine veut aussi montrer que tout se tient . En particulier, que de ne pas avoir voulu regarder en face le passé fasciste entraîne de graves conséquences sur les choix politiques actuels en Italie. Elle a pour cela créé le personnage d’Attilio Profetti, un homme à qui tout sourit dans la vie. « Tous, sauf moi » c’est lui. Il sait se sortir de toutes les situations car il a de la chance. Sa première chance : avoir été l’enfant préféré de sa mère, Viola qui en sous main oeuvre pour la réussite de son fils adoré jusqu’à dénoncer anonymement un supérieur dont une grand-mère est juive ! Ensuite, il sait grâce un charisme indéniable aider les supérieurs militaires à gagner du terrain dans la guerre coloniale en se faisant aider par une partie de la population éthiopienne. Cela ne l’empêchera pas de participer aux actions les plus horribles de la conquête comme le gazage des derniers combattants avec le gaz moutarde et ensuite de les brûler au lance flamme. Il a su partir à temps du parti Fasciste et se refaire une dignité dans la politique d’après guerre. Et finalement, comme tous les politiciens de cette époque, il a vécu et bien vécu de la corruption.

Sa fille, Ilaria, se sent loin de tout cela sauf quand elle comprend que l’appartement qu’elle occupe, cadeau de son père, est certainement le fruit de la corruption.

Le personnage le plus intègre, c’est le frère aîné d’Attilio, Othello, qui a été prisonnier pendant la guerre . On voit alors un fait que je n’ignorais complètement. Les Américains ont demandé à partir de 1943 aux Italiens, de combattre pour eux. La situation était complexe puisque l’Italie était alors en partie occupée par les Allemands, donc l’autre partie s’est déclarée alliée des États Unis. Les prisonniers italiens qui ont accepté ont eu une vie très agréable et ont retrouvé leur liberté. Othello qui n’était pas fasciste n’a pas réussi à comprendre comment il pouvait après avoir combattu pendant deux ans les Américains et les Anglais devenir leur allié. Il paiera cette décision au prix fort, d’abord le camps de prisonniers devient très dur et ensuite en revenant il aura l’étiquette fasciste, ce qu’il n’avait jamais été, contrairement à son frère qui lui a réussi à faire oublier son passé. Et il ne pourra pas faire carrière comme ingénieur alors que lui avait eu tous ses diplômes (son frère non !)

Voilà un roman dans lequel vous apprendrez forcément quelque chose sur le passé italien. Quant à moi je n’oublierai jamais les pages sur la guerre en Éthiopie (même si je n’ai pas noté de passages sur cette guerre tout est trop horrible !).

 

Citations

Le frère d’Ilaria ,accompagnateur d’excursions pour voir des gros poissons sur son bateau à voile.

 Puis il y a ceux qui à la fin veulent une réduction parce que le rorqual est resté trop loin ou que les cabrioles des dauphins n’étaient pas assez spectaculaires, peut-être parce qu’ils n’ont pas danser des claquettes comme dans les dessins animés. Ce sont en général des pères qui passent toute excursion à accabler leur malheureuse famille de leurs connaissances sur les manœuvres de bateaux à voile, en gênant sans arrêt le travail d’Attilio. Il gagnerait sûrement de l’argent en écrivant un livre sur les expressions de la navigation à la voile dites au petit bonheur par ses passagers, en commençant par « borde la grand-voile ». Ils croient ainsi restaurer leur autorité sur leur progéniture adolescente qui, en réalité, nourrit déjà un sévère mais juste mépris pour eux.

Scène tellement plausible en Éthiopie actuelle.

 Un matin alors qu’il était avec elle, un policier s’approcha de lui et murmura à son oreille  » : « Rappelle-toi qu’elle elle s’en va, mais que toi tu restes. » Le jeune homme ne traduisait pas la phrase à la journaliste. Mais il lui demanda : « Laisse-moi partir avec toi. » Elle regretta beaucoup, mais non, malheureusement elle ne pouvait pas l’emmener au Danemark. Elle lui donna pourtant son adresse mail et lui dit une dernière fois «  »Amaseghenallõ » avec un sourire qui était l’orgueil de l’orthodontie occidentale. 

Visions de Rome.

 Piégés dans leur voiture les Romains se défoulaient en klaxonnant. Ailleurs, cette cacophonie aurait terrorisé et fait fuir au loin les étourneaux, mais ceux de Rome y étaient habitués. Massés en de frénétiques nuages noirs face aux magnifiques couleurs du ciel, ils bombardaient de guano les voitures bloquées. « Voilà ce qu’est devenue cette ville pensa rageusement Ilaria, une beauté démesurée d’où pleut de la merde. »
Celle qui avait été une des plus belles places de la nouvelle Rome capitale grouillait maintenant de rats gros comme des petits chiens, de dealers et de toute substance chimique et végétale, de putains dont à la différence de celles du bon vieux temps (« Bouche de la vérité », « Mains de fée », « La Cochonne »), personne ne connaissait le nom : elles restaient dans les recoins de stands mal fermés le temps d’une pipe, puis elle disparaissaient remplacées par d’autres encore plus droguées et meurtries.

Régime éthiopien .

 En Éthiopie les journalistes sont mis en prison quand ils ne sont pas assassinés, de même que quiconque protestent contre la corruption et les déportations dans les villages tribaux ; pourtant les occidentaux disent que l’Éthiopie est un rempart de la démocratie. Et pourquoi le disent-ils si ce n’est pas vrai ? Parce que l’Éthiopie leur est indispensable dans la guerre contre les terroristes.

Berlusconi et la pertinence sémantique du verbe voler …

 « Moi j’ai confiance en lui dit Anita quelqu’un d’aussi riche n’a pas besoin de voler. « 
Atilio ressentit une de ces nombreuses pointes d’irritation provoquées par sa femme qui ponctuant ses journées. Comme si en politique l’essentiel était de ne pas voler ! Et puis, que signifiait exactement cette expression présente dans toutes les bouches à la télé, dans les journaux, dans les dîners ? Lui, par exemple avait-il volé ? Non. Il avait pris mais seulement à ceux qui lui avaient donné. À ceux qui étaient d’accord. Comme d’ailleurs était d’accord Casati, l’homme dont il était le bras droit depuis des dizaines d’années. Et Anita aussi  : vivre dans cet immeuble liberty avec vue sur la Villa Borghèse ne lui déplaisait surement pas. Bref, ils étaient tous d’accord sur le peu de pertinence sémantique du verbe « voler ».

La visite de Kadhafi à Berlusconi .

 Il est accompagné de deux gardes du corps des femmes comme toujours. Elles ont des corps massifs moulés dans des treillis, des lèvres étrangement gonflées, un double menton. Elles cachent leur regard derrière des lunettes encore plus noires que leurs cheveux et identiques à celles de leur patron. Qui l’est dans tous les sens du terme, disent les gens bien informés. Dans les cercles diplomatiques, on raconte que les fameuses amazones du colonel font partie du vaste harem d’esclaves sexuelles qu’il choisit lui-même parmi les étudiantes libyennes, avec de sombres menaces contre les parents qui envisagent de s’y opposer, pour des pratiques telles que le « bunga bunga ».  » Drôle d’expression, pense Piero, jamais entendu en Italie. » Il l’a entendue à Tripoli en accompagnant Berllusconi lors de sa première visite il y a deux ans, celle du fameux baise-main. L’ambassadeur italien en Libye lui avait expliqué qu’il s’agissait d’une pratique de groupe incluant le sexe anal, de très loin le préféré de Kadhafi.

Rapport d’enquête au sénat italien (on pourrait le dire pour d’autres pays).

 La coopération italienne n’a pas été un instrument de grands développement pour les pays du tiers-monde, mais simplement une occasion de prédation, de gaspillages et de bénéfices pour les entreprises italiennes, protégées et garantie par l’État aux dépens du contribuable. L’ aide aux pays tiers était un résultat marginal, s’il tant est qu’il y en ait eu. Le secteur des grands travaux a été le secteur des vols.

L’Italie et son passé fasciste.

 Et tout ce qui, à tort ou à raison était associé au fascisme était considérés comme un corps étranger, une parenthèse, une déviation du vrai cours de l’histoire de la patrie celui qui reliait l’héroïsme du Risorgimento à celui de la Résistance. L’Italie était un ancien alcoolique qui, comme tout nouvel adepte de la sobriété, ne voulait pas être confondu avec le comportement qu’il avait eu lors de sa dernière et tragique cuite. Elle ne désirait que les petits progrès quotidiens du bien-être moderne qui germait comme les pissenlits de mars sur les décombres.

Le mépris de classe.

 « Récapitulons donc, lança Edoardo Casati pour finir, je vous offre un bon salaire et d’excellentes perspectives de carrière ; en revanche je ne vous offre pas ma gratitude et encore moins ma confiance. Celle-ci se donne entre pairs, et nous deux, nous ne le sommes pas. Vous êtes le fils d’un chef de gare, moi j’ai dans les veines le sang de sept papes. Vous comprenez bien que ni vous ni moi ne pourrons jamais l’oublier. » 

Les bordels en temps de guerre.

 Au bordel de Bagnacavello maintenant, il y avait beaucoup de femmes d’origine moins populaire : veuves de soldats au front, fille de parents exterminés tous les deux par un seul bombardement orphelines des ratissages nazis. La tenancière les avait toutes accueillies dans un esprit d’œcuménisme, sans distinction. Et on peut dire bien des choses horribles sur la guerre, mais pas qu’elle enlève du travail aux putains.

On peut imaginer ce genre de propos de quelqu’un qui lit « Physiologie de la haine » de Paolo Mantegazza.

« Vous êtes jeune et compétent. Mais vous avez encore beaucoup de choses à comprendre. Il y a des peuples qui ont l’esclavage dans le sang. D’autres comme le peuple italien ont la civilisation dans le sang. Et nul ne peut changer ce qui coule dans ses propres veines. »


Édition Stock. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 Le temps de la mémoire n’est jamais linéaire. 

Il y a des choses qu’on regarde mais que l’on ne voit pas. Malgré les traces qu’elles laissent.

Ce roman est la preuve que, quel que soit mon désir d’objectivité (qui, en réalité, n’est pas du tout mon désir premier !), je peux apprécier dans un livre ce que je déteste dans un autre : Michela Marzano, dans un genre que l’on pourrait classer dans « l’autofiction- biographique-historique » nous raconte son frère, homosexuel, ses parents en particulier son père député de la gauche italienne et surtout son grand père qu’elle croyait royaliste alors qu’il a été un des premiers fascistes et membre important du gouvernement de Mussolini , elle ignorait tout du passé de son grand-père, et c’est un choc pour elle car elle pensait qu’à l’image de son père sa famille avait toujours été du bon côté de l’Histoire . Comme je ne savais rien de la « défascisation » en Italie, son livre est devenu passionnant. Je me faisais une opinion fausse du fascisme et de la Shoah . Si au début de la prise de pouvoir par Benito Mussolini, celui-ci n’était pas antisémite, il l’est devenu par la suite et a fait promulguer des lois leur enlevant tous leurs droits et a organisé leur déportation.

Michela Marzano m’a fait découvrir le mot « anamnèse » contraire à l’amnésie et qui fait qu’elle vit totalement encombrée par le passé. C’est devenu une maladie mentale qui l’a rendue anorexique et à avoir des comportement suicidaires. Ce genre de récit impudique me gêne d’habitude, mais elle a su me le faire accepter, et surtout j’ai compris que, pour se confronter à ce père tyran domestique , elle n’avait pas le choix. Car cet homme a une conduite incroyable avec sa femme et ses enfants .

Ce livre foisonne d’informations sur l’Italie et je remercie cette écrivaine de s’être donné la peine d’être aussi précise dans ses recherches historiques. On comprend, aussi, ses souffrances, en particulier sa peur d’être mère et de transmettre à un enfant tout ce qui l’a rendu malade. Rien, sans doute ne la consolera de n’avoir pas eu la force d’être mère, mais elle enrichit d’une autre façon l’avenir de son pays grâce à ce livre.

Elle écrit aussi bien en français qu’en italien. En italien elle a choisi comme titre : »Stirpe e Vergogna » qui décrit la honte de sa lignée et en français le titre « Mon nom est sans mémoire  » insiste plus sur l’amnésie de sa famille par rapport à l’engagement de son grand-père auprès de Benito Mussolini dont il donnera pourtant le prénom à son fils en quatrième position. Cela contribuera à l’absence de mémoire de sa famille et au silence de son père.

 

Citations

La bonne conscience de gauche

 J’ai la conscience tranquille. C’est ce que je ne me dis, même si, au fond, je ne me sens pas très bien. Mais j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose car, autrement, tout vacille : ma certitude inébranlable d’avoir toujours été du bon côté de l’Histoire, mon petit univers angéliques, la bonne conscience de gauche de mon père, La possibilité de me regarder dans un miroir sans avoir honte.

Antisémitisme italien.

 D’autant qu’en Italie, la persécution contre les juifs n’a été ni soudaine ni imposée par Hitler – comme l’ont prétendu Renzo de Felice et Georges Mosse. Elle s’inscrit parfaitement dans l’héritage de l’expérience coloniale italienne quand en 1936 le Duce chez part en guerre contre le « métissage » dans les colonies, et qu’il prétend que les métis sont une atteinte biologique à l’intégrité de la race, le racisme est déjà bien présent d’abord les Noirs puis les Juifs.

 

J’aurais eu aussi honte qu’elle !

 J’avais tellement honte quand j’étais petite et que mon père trouvait toujours le moyen de caser dans son discours son titre de professeur des universités(..)
Je me souviens nous sommes en vacances en Haut-Adige et mon père veut nous emmener faire un tour en Autriche. Mais à la frontière, l’agent lui dit que sa pièce d’identité est périmée et qu’il ne peux pas nous laisser passer. Mon père est surpris : « Je suis professeur d’économie politique à l’université la Sapienza de Rome ! » dit-il avec fierté. Mais quel rapport ? pensé-je en rougissant. Pourquoi n’arrête-t–il pas de nous mettre tous dans l’embarras ? D’autant que l’agent impassible rétorque tout de suite :  » Je comprends, monsieur le professeur, mais je ne peux quand même pas vous laisser passer.« 

Bataille sur le front italien guerre 14/18.

La onzième bataille de l’Isonzo, en dépit de la prise du haut plateau de la Bainsizza, se conclut par un échec retentissant et coûte à l’Italie 144 000 hommes : morts, blessés ou disparus. En moins d’une semaine !

Jolie expression italienne .

 Il sait parfaitement qu’il s’agit de Rosa Campo, que sa famille est l’une des plus en vue de la ville, et que sa mère, donna Giuseppe a, comme on dit en Italie, « la puanteur sous le nez » ce qui veut dire qu’elle est assez hautaine.

Un mari et père odieux.

 « Tu aimes cette robe ? » demanda un jour ma mère à son mari. Au début de leur mariage, les parents ne roulaient pas sur l’or. Cela faisait des années qu’elle n’achetait rien qu’elle se débrouillait avec ce qu’elle avait déjà, qu’elle faisait des sacrifices et qu’elle cherchait à montrer à son mari qu’elle n’était pas une femme frivole.
« Je te souhaite de ne jamais la porter » répondit mon père glacial. Il était tellement dédaigneux que, ayant assisté par hasard à la scène, je courus m’enfermer dans ma chambre, et pris dans mes bras ma poupée, pour la consoler et lui dire de ne pas pleurer.

Le poids du prénom

« Nomen omen »,le nom est présage, disaient les Romains, convaincus que dans le nom de chaque homme était indiqué son destin.

Toujours son père.

La scène est plus ou moins la suivante : nous sommes en vacances ; mon père est en train de marcher devant, et rapidement ; lorsqu’il se rend compte que ma mère, mon frère et moi, sommes restés en retrait, il nous réprimande en disant que quand on se déplacent en groupe on doit rester « dans le groupe ». Il nous dit :  » Bougez-vous un peu. » Il dit : » Je ne veux pas entendre d’histoires. » La mère et moi commençons donc à accélérer le pas sans dire un mot. Mon frère, lui, ne bouge pas. Mon père crie alors : » Arturo, ça vaut aussi pour toi. » Mon frère réplique : « Pardon, mais qui décide où est le groupe si trois personnes sur quatre ne veulent pas suivre la quatrième ? » Et là, mon père devient fou de rage : » le groupe c’est moi. »

La phrase qui tue !

 Et systématiquement au retour de mon père c’était des scènes et des cris : « Vous êtes des incapables pires que votre mère vous ne ferez jamais rien de votre vie ! »