Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Quel livre ! Bravo Alexandre Duyck vous avez su de nouveau m’intéresser, je devrais dire, me passionner pour la guerre 14/18. Encore ce sujet, peut-on dire , oui mais ce roman donnera un éclairage que je crois indispensable à une bonne compréhension de cette guerre. Augustin Trébuchon est déclaré mort le 10 novembre 1918, c’est écrit sur le monument au morts mais c’est un mensonge ! Il est mort en réalité le 11 novembre 1918. L’auteur retrace le parcours de ce berger de l’Ariège qui a choisi de partir à la guerre alors qu’orphelin, il aurait pu être dispensé en tant que soutien de famille. Nous revivons avec lui, l’enthousiasme des premiers jours de 1914. L’auteur remarque que les plus enragés à vouloir tuer les boches sont des gens qui ne la feront pas, cette guerre, mais qui se croient obligés de dire, plus fort que tout le monde, combien ils auraient aimé la faire ! Puis viennent les combats, l’horreur que nous connaissons si bien, mais aussi l’évocation de la dure condition de berger qui n’est pas étrangère à l’engagement d’Augustin . Berger en Ariège, c’est être le plus pauvre des paysans, et le moins considéré des hommes. Au point où, Augustin n’ose même pas aborder la fille qu’il aime ; bien sûr, il aime la faire danser au son de l’accordéon le soir où il y a bal au village, mais ce n’est pas tout à fait suffisant. La vie d’ Augustin est donc remplie par sa connaissance des animaux, ces moutons et les animaux sauvages de la montagne, ainsi qu’une perception très fine de la nature. Ce savoir, si peu valorisé dans son village, va se révéler un précieux atout pour résister aux quatre longues années de guerre, jusqu’au 11 novembre 1918, où il attend avec toute sa compagnie la dernière sonnerie de clairon qui va signifier que l’armistice est signée, elle l’est d’ailleurs depuis quelques heures. Il rêve à ce qu’il va faire , et surtout à l’Argentine où il a prévu de s’exiler. Cette attente est bien longue et l’auteur rend parfaitement l’ambiance de ces derniers instants.

Hélas un gradé , un de ceux que détestent Augustin lui demande d’aller porter de toute urgence un message de la plus haute importance aux troupes postées à l’avant de leur ligne. Il est 1o heures 45, dans un quart d’heure le clairon doit sonner, mais l’urgence du message et l’ imbécillité du gradé ne souffrent d’aucun retard , Augustin tombera sous une balle ennemie avec dans sa poche ce message :

 « Rendez-vous à Dom-le-Mesnil pour la soupe à 11h30 »

Citations

Les chefs

Les chefs qui jouent les gentils qui m’appellent « mon petit : alors que j’ai quarante ans, qui demande de mes nouvelles et moi comme un con, je leur réponds mais à peine ai-je commencé à parler, il regarde déjà ailleurs, je me plains de mes pieds, ils répondent :  » Parfait, c’est très bien continue comme ça mon petit », ces chefs-là sont tous des faux-culs, des lâches qui n’assument pas d’être des chefs mais qui, dans le dos des petits sont pires encore que les autres parce qu’à la fin ils trahissent toujours la confiance.

Les rapports des hommes entre eux

C’est notre côté cul-terreux, disaient les Parisiens, les pires de tous, les Lyonnais sont pas mal non plus mais les Parisiens restaient les pires, si certains de tout savoir, les pires des pires étant les instituteurs parisiens devenus lieutenant et qui nous parlaient comme à des demeurés, à des gosses, à leurs élèves, à croire qu’ils n’ont eu que des dégénérés dans leur école, les instits parigots, faudraient les livrer en masse au boches, en cadeau, faites-en ce que vous voulez, montrez leur du pays mais par pitié, ne nous les rendez pas ou alors mort, et encore. Les instituteurs et la science infuse, comme ils disent, la haine du patois, leur beau Français dont ils usent comme d’une arme pour mieux t’humilier, te démontrer leur supériorité, ils emploient des verbes, des temps de conjugaison dont tu n’as jamais soupçonné l’existence ni deviné l’utilité mais il en abuse, ils en jouissent, ils te parlent d’écrivains célèbres dont tu ignores jusqu’au nom, nous des frustrés qui te refusent le droit de moins bien parler qu’eux, qui te jugent parce que tu en sais mille fois moins qu’eux et qui sont incapables de se débrouiller sans une carte

Les humiliations des gradés

Il me répète ce que je sais déjà, dans moins de 30 minutes la guerre va s’achever, nous avons gagné, les boches ont signé l’accord, on va tous pouvoir rentrer chez nous :  » Moui dans ma belle maison pour y baiser maman », qu’il dit  » Toi dans ton trou à rat de bouseux de Lozérien ». Ne pas réagir, ne pas laisser apparaître la moindre émotion, Pons m’a expliqué comment faire comme si de rien n’était. Comme j’ai peur de le regarder dans les yeux, j’applique la méthode que m’a expliqué un copain, fixer des poils entre les deux sourcils, on fait croire à l’autre qu’on le regarde droit dans les yeux mais en fait on ne fait que compter ses poils entre les sourcils.
Des gars sont morts de froid dans les tranchées, des tas de gars, c’est quand même fin de mourir de froid la guerre. Moi je ne m’en suis jamais plaint. Mais je ne suis jamais endormi les fois où j’ai compris qu’il valait mieux ne pas. Un jour j’ai entendu un jeune sous-lieutenant se vanter : »Les poilus ont de la paille, moi un lit ». C’est la première fois depuis le début de la guerre, je crois, où j’ai vraiment eu envie de tuer quelqu’un.

 

 

Traduit du néerlandais (Belgique) par Daniel Cunin

 

Ce roman prêté par ma sœur, lui avait beaucoup plu car il se focalise sur un aspect peu connu de la guerre 14-18 vu du côté britannique, à savoir la minorité qui n’a pas participé à l’élan patriotique qui a conduit une génération à faire la guerre. J’ai partagé son plaisir de lecture et j’ai aimé les rapports entre les deux personnages principaux  : John le pacifiste et Martin le va-t-en-guerre. Ils ont grandi auprès de la même femme. La mère de Martin,madame Bombley, d’un milieu très pauvre et secoué par l’alcoolisme brutal d’un père marin, heureusement souvent absent, a été la nourrice de John dont la mère n’a pas survécu à son accouchement. Son père se réfugie dans la douleur et la passion pour les livres anciens qu’il ne lit pas mais qu’il collectionne. John Patterson est destiné aux études, malheureusement la guerre 14-18 viendra interrompre cette destinée.

Le choix de ces deux personnages permet à l’auteur de cerner au plus près le patriotisme en Grande Bretagne. C’est ma réserve par rapport à ce roman, les patriotes sont tous abrutis et seuls les pacifistes ont le courage de réfléchir. C’est intéressant de voir tous les procédés qui ont amené les Britanniques à s’engager dans une guerre qui, somme toute, n’était pas la leur. Par exemple des groupes de femmes qui décorent de plumes blanches les hommes qui ne s’engagent pas alors qu’ils pourraient le faire. Les agents recruteurs postés dans tous les endroits stratégiques de Londres qui entraînent tous les jeunes à vouloir au plus vite servir leur pays, les effets de la propagande qui représentent les Allemands comme des sauvages et qui annoncent victoire sur victoire des troupes anglaises. Face à cela, deux personnages qui s’opposent à la guerre et dont les personnalités sont très bien analysées et ont, cela se sent, toute la compréhension de l’écrivain.

Finalement, John s’engagera, lorsque son père sera tué, victime annexe d’un bombardement allemand avec un zeppelin. Il recherchera Martin et voudra savoir ce qui lui est arrivé. Ce sera encore l’occasion de détruire un peu plus l’image de l’héroïsme et dénoncer la cruauté des armées au combat.Tout ce qui est dit est vrai, sans doute mais explique mal l’élan de tout un peuple pour faire cette guerre. L’intérêt du roman, réside dans l’analyse de l’amitié conflictuelle qui lie Martin et John et aussi le portrait du père de John, le facteur qui ne supporte plus d’apporter les lettres annonçant la mort des soldats dans les foyers anglais. Le titre du roman est très important car si tout se joue sur le terrains au milieu des bombes et des balles qui fauchent les vies, l’auteur accorde une grande importance au courrier qui peut à lui seul changer le sort de ceux qui reçoivent ces lettres.

Le point de vue de cet auteur belge sur l’engagement britannique est original et très fouillé, mais j’ai vraiment du mal à croire que seuls les abrutis voulaient faire la guerre cela a dû jouer sur un ressort plus profond de la nation anglaise.

 

Citations

Comment influencer ceux qui ne sont pas assez patriotes

Quatre filles de mon année, qui m’avaient à quelques reprises accosté, lambinaient dans le couloir ; sans tarder, je partis dans la direction opposée alors que le garçon aux boucles, qui ne se doutait de rien, tomba dans leur piège. Je ralentis le pas pour écouter ce qui allait suivre. Comme je m’y attendais, les filles s’empressèrent de lui adresser la parole sur un ton méprisant.
« Qu’est-ce que tu fabriques au cours de Ker ? » lança l’une d’entre elles coiffée à la garçonne.
« On ne t’a jamais vu avant, fit l’autre. Tu t’es perdu ? »
« Tu as peut-être perdu ta maman ? gloussa la troisième.
 Le géant resta bouche bée. Bien souvent, la meilleure réponse réside dans le silence. Mais les étudiantes n’étaient pas décidés à lâcher leur proie.
« Tu veux qu’on t’aide à trouver ton chemin ? suggéra la fille à la physionomie garçonnière. Il y a un bureau de recrutement à deux pas d’ici. C’est là qu’est ta place. A moins que tu ne sois trop poltron pour te battre  ? »
 Le ton devenait plus agressif.

Pourquoi les jeunes se sont-ils engagés ?

Les gens sont des lemmings, reprit-il. Ils s’acharnent à marcher avec la multitude. Au sein de laquelle il se croit en sécurité. Qui les dissuade de réfléchir. De choisir. Suivant aveuglement le courant quel que soit l’endroit où il les même. Animés, et chauffés par l’haleine de la masse. Toujours plus loin. Entraînant tout et tout le monde. Jusqu’au jour où…

Traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye.

Repéré chez Blogart , je pensais vraiment tomber sous le charme de ce roman, mais ma lecture fut beaucoup plus laborieuse que la sienne. La construction du roman est originale : l’auteur scrute cette photo prise pendant la deuxième guerre mondiale et anime ces personnages statiques en leur donnant une personnalité enrichie de ses connaissances historiques.

 

Ce départ est vraiment très intéressant  : vous voyez ces deux jeune filles, l’une d’elles regarde des hommes en uniforme allemand. Tout le drame de la Slovénie est dans ce regard. Voici donc la jeune Slovène, Sonja, qui sait que son amour, Valentin, est dans les geôles de la Gestapo qui est dirigée par un Slovène, Ludek, fervent militant de l’idéal Nazi. Il est plus allemand que n’importe quel soldat de la Wehrmacht. Pour cela, il oublie son identité slovène et veut se faire appeler Ludwig. Contre les faveurs de la jeune fille, il acceptera de libérer son amoureux que nous suivrons dans les maquis de la résistance yougoslave. Aux horreurs nazies s’opposent les horreurs des maquisards, la population est broyée par des brutes sanguinaires qui se méfient de tout le monde. Que reste-t’il de l’âme d’un peuple lorsque de telles logiques totalitaires se mettent en place ? Pas grand chose, des bribes de poésies qui hantent encore les mémoires et parfois des personnages qui gardent leur humanité, mais ils sont si seuls. C’est un roman désespérant et difficile à lire car on change souvent de point de vue, les mêmes faits se répètent racontés par des personnages différents. Et puis parfois, les faits décrits sont tout simplement insoutenables, comme les assassinats par les communistes de pauvres gens qui n’ont que le tort d’être là au mauvais moments, comme les tortures dans les geôles nazies. Personne n’est à l’abri, surtout quand on commence à penser que les espions peuvent être partout. Ce roman montre, une fois de plus que lorsque l’horreur s’abat sur un pays personne n’en sort indemne contrairement aux versions officielles construites par les vainqueurs.

Citations

Traitement des prisonniers par les SS

Il s’agit de creuser des tombes pour les fusillés

Là il y a des hommes condamnés définitivement qui purgent une peine de prison ça pourrait se faire. Et les prisonniers de guerre du camp de Melje. Les Anglais ? demanda quelqu’un à travers un nuage de fumée. Ça n’ira pas. Ça ne peut absolument pas être des Anglais, d’après la convention de Genève, les prisonniers de guerre anglais ne peuvent pas faire ce travail. Mais on a des Russes, eux, on peut les utiliser.

Un pays en guerre

Mais même si c’était la guerre et si les informations toujours plus mauvaises, parfois même terrifiantes se bousculaient, les gens vivaient leur vie de tous les jours. Dès que les sirènes s’arrêtaient de hurler et des bombes de tomber, ils allaient au théâtre et au cinéma ou avant chaque film on passait une revue hebdomadaire, Wochenshau, où des militaires en tanks que déboulaient toujours plus superbement dans les plaines polonaises et défendaient la frontière occidentale de l’invasion des Barbares, d’autres allaient aux expositions à Paris et mangeaient des croissants dans les café en compagnie de femmes, d’autres encore faisaient tourner les roues des canons et leurs obus déchiraient le ciel nocturne au-dessus de l’Allemagne et battaient les avions qui apportaient la mort avec leurs bombes. C’était la guerre, en ville, la vie continuait, on obtenait de la nourriture avec des cartes de rationnement, les trafiquants du marché noir gagnaient de l’argent grâce à la viande qu’ils rapportaient des fermes environnantes, les bureaux travaillaient impeccablement, les travailleurs continuaient à sortir de l’usine. On ne savait pas on ne voulait pas savoir ce qui se passait dans les bureaux où aller travailler Ludwig Mischkolnig et Hans Hochbauer ni dans les caves où Johann retroussait ses manches.

L’amour et la guerre

L’amour triomphe de la distance, l’amour triomphe de tout. Sauf de la guerre. La guerre triomphe de tout, même de ceux qui se battent. Et de ceux qui attendent que ça passe.

Le militant le courage en temps de guerre.

Avec une mitrailleuse, au-dessus de Vitanje, il avait tenu la position tout un après-midi dans la neige de sorte qu’on avait pu se replier. Un combattant, un fou. Peut-être qu’il n’aurait pas dû devenir chef du renseignement. Un communiste. Un idéaliste. Mais entre l’idéalisme et le sadisme, la voie est parfois étroite, estimait Vasja, le sadique est celui qui sait quel démon il a en lui.

 

Lu dans le cadre de masse critique de Babelio.



Je me souviens que le résumé de ce livre m’avait attirée car on y parlait de la guerre en Abyssinie en 1936. C’est une guerre dont on parle peu mais qui m’a toujours intéressée et révoltée. L’Éthiopie d’aujourd’hui est aussi un pays qui m’intrigue et qui semble avoir un dynamisme où l’on retrouve cette fierté nationale dont parle ce roman. Je ne regrette pas d’avoir dérogé à mes principes et d’avoir répondu à « Masse-critique ». Ce roman historique qui commence en 1936, en Éthiopie pour se terminer à Rome en 1945, est passionnant et a d’étranges résonances avec la période actuelle. L’auteure Theresa Révay à choisi comme héroïne principale une correspondante de guerre. C’est une idée géniale car cela lui permet d’exercer son regard critique sur tous les points chauds du globe à l’époque. De la guerre d’Espagne à la montée du nazisme à l’entrée en guerre de l’Italie fasciste de Mussolini en passant par les guerres du désert et de la vie à Alexandrie. Elle aura tout vu cette sublime Alice et tout compris.

Le seul point faible du roman c’est cette superbe histoire d’amour entre ce prince italien et la belle correspondante de guerre américaine. Mais il fallait bien un amour pour relier entre eux des événements aussi tragiques. J’avoue que je n’y ai pas trop cru, c’est un peu trop romanesque mais ce n’est pas là l’essentiel. L’important c’est de revivre ces époques et se demander si le monde n’est pas à nouveau en train de partir sur des pentes aussi dangereuses que dans ces moments tragiques. Lire le récit de tous ces épisodes dans un même roman cela fait peur car l’enchaînement tragique était évitable sans la mollesse des consciences dans les démocraties. Le Nazisme a vraiment la palme de l’horreur et pourtant Mussolini et Franco n’étaient pas des anges. Je verrais bien ce roman dans une série, chaque guerre constituant une saison ; on aurait alors le temps d’aller au bout des dessous des conflits. Je crois, par exemple, que le public serait content d’en apprendre plus sur la façon dont les Italiens se sont conduits en Abyssinie.

Citations

Les armes chimiques en 1936 en Abyssinie

Après la grande Guerre, les armes chimiques avaient pourtant été proscrites aux termes d’une convention internationale ratifiée par l’Italie. Leur usage était un acte scandaleux et méprisable.

Le correspondant de guerre

Les relations avec les hommes d’État ressemblaient à un jeu de poker. Il fallait garder l’esprit clair, dissimuler ses pensées tout en obtenant qu’ils dévoilent les leurs.

Description qui permet de se croire au Vatican : sœur Pascalina

Le voile sombre ondulé ondulait sur ses épaules. Sa jupe effleurait le sol, dissimulant ses pieds, si bien qu’on avait l’impression qu’elle flottait au-dessus d’un pavement de marbre

Portrait d’Hemingway à Madrid en avril 1937

En face d’elles, un grand miroir se fendilla sur toute sa hauteur. Hemingway, torse bombé, gesticulait en cherchant à rassurer son auditoire. Le célèbre écrivain s’était d’emblée imposé comme le cœur ardent de la bâtisse. Non seulement parce qu’il stockait dans ses deux chambres, outre d’innombrables bouteilles d’alcool, des jambons, du bacon, des œufs, du fromage, de la marmelade, des conserves de sardines, et des crevettes, du pâté français t d’autres victuailles improbables en ces temps de pénurie, mais aussi parce que sa ferveur à défendre la cause républicaine et son tempérament homérique laminaient son entourage.

L’histoire d’amour

Ainsi allait le monde d’Umberto. Elle était consciente de ne pas y avoir sa place. (…) Elle mesura encore une nouvelle fois combien Umberto était écartelé entre sa vie de famille et les moments qu’il lui accordait. (…) A son corps défendant, une pointe douloureuse la transperça et elle regretta d’être devenue une femme amoureuse tristement banal.

Le fascisme

Je viens d’entendre le cri nécrophile « Viva la muerte ! » Qui sonne à mes oreilles comme « À mort la vie ! » s’était écrié le philosophe, avant d’ajouter : Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincre parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincre pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. » Ses adversaires, fou de rage, avaient hurlé : « À mort l’intelligence ! »

Le nazisme

Pour être innocent sous le Troisième Reich, il fallait être enfermé dans un camp de concentration ou mort.

20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

5
Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.

20160718_100133Traduit de l’anglais par Mathilde Bach. Lu grâce au club de lecture de la médiathèque de Dinard, il a obtenu « un coup de cœur », ce sont des valeurs sûres ces coups de cœur de notre club !

4
Superbe roman qui tient en haleine le lecteur jusqu’au point final. Plusieurs histoires se croisent et interfèrent les unes dans les autres. On y retrouve cette sensation qu’un « froissement d’aile de papillon » dans un coin de la planète aura des répercussions dans le monde entier. Dans la périphérie de Las Vegas, la famille de Daniel vit au rythme des missions militaires d’un genre particulier. Il dirige des drones sur des terroristes qui menacent la planète. Une guerre propre ? Seulement est-ce qu’une guerre peut l’être ? Ce jour là , Daniel et Maria ne tueront pas seulement un terroriste sur la frontière afghane et pakistanaise, en appuyant sur un bouton, ils tueront aussi le grand amour d’un écrivain : Michael. Celui-ci, terrassé par cette mort qu’il ne comprend pas, essaie de se reconstruire auprès de Samantha (à qui le livre est dédié) Josh et leurs deux filles dans un agréable quartier de Londres. Mais là encore, la bavure des militaires américains aura des conséquences tragiques.

Le roman raconte la lente reconstruction d’un homme écrivain après un deuil tragique. Le fait qu’il soit écrivain est important, il a toujours écrit ses livres grâce à un un don particulier : il sait entrer dans la vie des gens et ceux-ci lui font confiance au point de ne rien lui cacher de leur sentiments les plus intimes. Grâce à ce don, il devient l’ami indispensable de ses voisins, celui qui est invité à toutes les fêtes et qui peut donc un jour pousser la porte de leur maison en leur absence afin de récupérer le tournevis dont il a un besoin urgent. Le roman peut commencer, nous progressons dans la maison des voisins de Michael, saisi peu à peu par un sentiment d’angoisse terrible.

Je m’arrête là, car le roman est construit sur un suspens que je n’ai pas le droit de divulgâcher sans me mettre à dos tous les amateurs du genre qui seront ravis, car c’est vraiment bien imaginé. J’ai personnellement été plus sensible aux réflexions sur l’écriture. Ce personnage d’écrivain reporter m’a beaucoup intéressée. Faire son métier en utilisant la vie d’autrui comporte toujours une part de voyeurisme qui est aussi un des thèmes de ce roman. Mais évidemment l’autre centre d’intérêt qui questionne aussi beaucoup notre époque ce sont les conséquences de la guerre de notre temps qui utilise des drones pour éviter de faire mourir au sol les soldats de la force dominante.

Citations

Une bonne description

Ces hommes qui travaillaient dans des bureaux, et que les costumes ne semblaient jamais quitter, même nus.

L’anglais international

Il n’arrivait pas à reconnaître son accent. Ses phrases commençaient en Europe puis elles migraient, comme des hirondelles, survolaient l’Afrique à mi-chemin du point final.

Les vertus de la mer

La côte n’avait jamais été son décor naturel. Et cependant il se réveilla avec la certitude que seul l’océan pouvait l’apaiser. La mer semblait assez immense pour réprimer les angoisses qui le déchiraient . Assez pure pour lui dessiller les yeux.

Les peurs américaines et la guerre des drones

Las Vegas fournissait à l’Amérique des versions du monde, afin que l’Amérique n’ait pas besoin de s’y aventurer. D’autres pays, d’autres lieux étaient ainsi simultanément rapprochés et tenus à distance. Exactement comme ils l’étaient sur ces écrans qu’il observait à Creech. N’était-ce pas ce qu’ils faisaient également là-bas, lui et Maria, avec leur tasse à café qui refroidissait sur l’étagère à côté ? Introduire dans l’Amérique une version de la guerre. Une version à la loupe mais à distance, un équivalent sécurisé, où ils n’étaient pas obligés d’aller eux-mêmes.

20160612_111430

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Isabelle Caron. Lu dans le cadre du meilleur des coups de coeur de l’année 2015/2016 au club de lecture de la médiathèque de Dinard

3
J’ai eu beaucoup de mal à lire ce livre qui utilise un procédé étonnant et, comme tous les procédés, très artificiels. Le personnage principal est souvent en grand danger de mort, en si grand danger que la mort l’emporte … le roman pourrait alors s’arrêter. Ce serait méconnaître le pouvoir de l’écrivain qui reprend là où l’histoire s’est mal engagée pour la survie d’Ursula . Ce bébé meurt au chapitre un, à la naissance car le médecin n’a pas pu arriver à temps, à cause de la neige. Kate Atkinson reprend : le médecin arrive et Ursula respire…. Puis, elle périra noyée mais en reprenant le récit là où le danger était si grand que la fin logique était la noyade, elle sera sauvée par un peintre qui peignait une marine de cette si belle côte avec deux enfants jouant sur le rivage.

Bref, de récit en récit, on arrive à connaître parfaitement la Grande Bretagne de 1910 à 1946. Ce roman ne donne pas toutes les clés ni des relations des personnages entre eux, ni du pourquoi de leur présence dans des lieux si chargés historiquement : le lecteur est promené du Blitz dans les caves de Londres, au nid d’aigle aux côtés d’Eva Braun et Hitler. Au début, je me perdais à cause de ce procédé qui crée de multiples retours en arrière et puis je m’y suis habituée. J’ai pensé que c’était comme si l’écrivain vous proposait de refaire votre vie autrement à chaque fois que la souffrance vous a totalement submergé. Ursula prend peu à peu conscience qu’elle possède un pouvoir à la fois de prémonition et aussi celui d’empêcher la catastrophe en déviant les forces du destin, il faut pour cela effectuer un retour en arrière. Comme je lisais simultanément « La Variante Chilienne » je trouve que cette citation convient parfaitement à « Une Vie Après l’Autre »

Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

Pour être plus claire, je prends un exemple : Bridget la nourrice et aide cuisinière de la famille, toute heureuse de la fin de la guerre 14/18 veut aller avec son amoureux fêter le retour des soldats à la gare de Londres. Dans la première version du roman, elle y attrape le virus de la grippe espagnole, elle en mourra mais le transmettra au plus jeune frère d’Ursula. Celle-ci met toutes ses forces pour revenir au moment de la prise de décision d’aller à Londres pour empêcher ce projet dont elle seule connaît les funestes conséquences. Cela nous vaut trois récit différents car Bridget veut absolument mettre son projet à exécution, Ursula finira par la précipiter du haut de l’escalier de la maison. Les conséquences sont doubles, Bridget n’ira pas à Londres, personne dans la famille n’aura la grippe espagnole. Mais on ferra soigner la petite fille pour trouble mentaux, elle rencontrera un psychiatre qui sera bienveillant et qui l’accompagnera une grand partie de son enfance. Je crains qu’en disant cela, vous soyez comme moi dérouté par ce procédé, ce serait alors vous priver d’un roman qui décrit si bien l’Angleterre de cette époque. Je n’ai jamais rien lu d’aussi précis à propos de l’horreur des bombardements sur Londres pendant la guerre. Et puis, il y a cet humour si britannique qui fait tellement de bien.

Un livre surprenant donc mais qui plaira aux amoureux de notre chère Grande Bretagne qui vient de choisir de quitter l’Europe !

Citations

L’éducation sexuelle toute britannique

Sylvie n’avait pas la moindre idée d’où venaient les bébés, elle n’avait guère été plus avancée pendant sa nuit de noce. Sa mère, Lottie, avait fait des allusions, mais craint de donner des précisions anatomiques.Les relations conjugales entre Hommes et femmes semblaient mystérieusement impliquer des alouettes prenant leur essor au point du jour.

 

Des contacts physiques contraires à la bonne éducation britannique

Le bébé emmailloté comme une momie pharaonique fut enfin remis à Sylvie.Elle caressa doucement sa joue de pêche et dit « Bonjour, ma petite » et le Dr Fellowes se détourna afin de ne pas être témoin de démonstrations d’affection aussi sirupeuse.

Les sentiments pour une belle mère

Adelaïde menaçait de mourir depuis plusieurs années, mais « n’avait jamais tenu sa promesse » disait Sylvie.

Les bienfaits de l’Europe

Ursula était vierge en s’embarquant pour l’Europe, mais ne l’était plus à son retour. Elle pouvait en remercier l’Italie. (« Ma foi, si on ne peut pas prendre un amant en Italie, on se demande bien où s’est possible », disait Millie).

Le sens du roman

Et si nous avions la chance de recommencer encore et encore jusqu’à ce que nous finissions par ne plus nous tromper ? Ce ne serait pas merveilleux ?

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. où il a obtenu un coup de cœur sans aucune hésitation.

5
Quel roman ! On est pris par le récit parfois palpitant, par les descriptions de si beaux paysages, par l’évocation de personnalités romanesques, et puis par cette guerre qui a failli tout détruire. Le Liban c’est le pays de mes amis, et cette photo le raconte : entre les gâteaux qu’ils m’offrent et cette nappe qu’ils ont fait broder pour moi, j’ai placé ce livre qui m’a fait revivre les histoires qu’ils m’ont maintes fois racontées. Ces grandes familles libanaises qui, au delà de leur confession, s’entendaient parce qu’ils aimaient leur pays et savaient trouver les alliances pour le tenir en équilibre. Les grandes familles étaient, chrétiennes, chiites, druzes ou sunnites. Elles étaient avant tout libanaise, et ce doux pays aux vergers incomparables vivaient en se respectant. Certes les classes sociales étaient très marquées, et les amours devaient servir à conforter des alliances financières, mais au-delà de ces contraintes la vie était belle. Les réfugiés palestiniens, chassés de leurs pays ont apporté les premiers troubles, et puis, on connaît les enchaînements tragiques.

Cette grande famille des Hayek* alliée aux Ghosn*, est mise à mal par la mort du patriarche et la guerre qui se passe à leur porte. À l’intérieur de leur superbe villa, Marie la femme, et Mado la belle sœur, qui cultive sa haine pour la femme de son frère se livrent une guerre sans merci. C’est également une des réussites du roman : cette guerre fratricide qui suit les aléas de l’autre guerre.

Sans trop dévoiler le roman, le titre « la Villa des femmes » permet de se dire qu’elles arriveront peut-être à s’unir pour lutter contre la destruction ambiante. L’avant-guerre, ce Liban des grandes familles nous entraîne dans un monde merveilleux, celui des princes et des princesses, mais au  XX°siècle. J’ai adoré la scène où toute la maisonnée galope sur de beaux pur-sang pour récupérer les chevaux qui se sont échappés. On sent le vent, les odeurs , la mer .. on rêve. J’ai adoré aussi la scène ou Mado crache son venin sur sa belle-sœur : c’est de la tragédie grecque et Médée n’est pas loin. Bref, je suis enthousiaste et la petite note qui me fait du bien, c’est écrit dans un français superbe parce que dans ce Liban là, la langue de la civilisation des idées et de la littérature c’était la mienne, la nôtre le français.

* La famille Hayek d’origine libanais existe vraiment, et inutile de présenter aux Français la famille Ghosn

Citations

Des histoires de cimetières et de mesquineries

Dans la voiture, elle se mettait en colère et marmonnait dans mon dos contre son frère qui laissait faire, qui donnait son accord pour que fussent inhumés là une vieille femme ou un vieillard trépassés simplement parce qu’ils s’appelaient Hayek . « On n’est plus entre nous, ni sur nos terres ni en dessous » grommelait-elle.

L’amour romantique

Badi’ les accompagne souvent, et voilà la messe est dite, regards équivoques, rougeur sur les joues de Marie qui petit à petit est gagnée par l’audace, qui s’isole avec Badi’, encouragée par ses cousines, et tout le monde évidemment joue avec le feu parce que l’on sait très bien que le mariage de Badi’ et Marie est impossible. Mais on s’amuse, on élabore des scénarios, on essaie de les faire exister, la vie pour un moment est comme un roman.

La guerre et les milices

De jeunes guerriers oisifs, en chemise de corps et qui paraissaient au courant de nos ennuis, si nous avions bien affaire à Salloum dit le Vicieux. J’opinai et je les vis échanger une moue qui semblait signifier que nous n’étions pas au bout de nos peines… Le domaine recommença à être envahi. les miliciens reprirent leurs aises de tous côtés.

À ne pas lire par les anti-divulgâcheuse : la dernière phrase du roman

Et, dans le formidable mais déraisonnable espoir que tout cela recommencerait, il ramena son regard vers les choses qu’il avait sous les yeux et qui portaient les traces de l’usure, du temps, et me demanda : « Bon, alors, par quoi commence-t-on ? »

20160102_184800Traduit de l’américain par Anne Laure Tissut. Ce roman est arrivé jusqu’à moi grâce à Keisha qui ne l’a pas commenté et Aifelle que je remercie pour sa gentille attention.

3
Laird Hunt plonge le lecteur du 21e siècle dans la guerre civile américaine que nous appelons en France guerre de sécession. Elle fit un million de morts, il faut se souvenir qu’elle fut la guerre la plus meurtrière de la nation américaine. Comment la faire revivre aujourd’hui ? L’auteur a pris le parti de la raconter du point de vue d’une femme, puisqu’il est avéré qu’une centaine de femmes se déguisèrent en homme pour participer aux combats. C’est évidemment un point de vue original, car même si Constance a un fort tempérament, l’horreur de ce qu’elle doit vivre fera vaciller sa raison. Peu à peu, le lecteur perd pied dans l’imaginaire d’une femme dont l’esprit flotte entre la réalité sordide des violences de la guerre et les souvenirs de son enfance qui sont aussi marqués, on le découvrira peu à peu, par des scènes traumatisantes. Elle doit faire face à deux dangers, celui de tout soldat à la guerre et celui d’être reconnu comme femme. Une seule chose est vraiment douce pour elle, son amour pour Bartholomew trop faible pour être soldat.

Pourquoi ne suis-je pas plus enthousiaste pour ce roman encensé par la critique et la blogosphère ? Je sais que cette guerre est encore un sujet brûlant aux États-Unis, beaucoup moins pour moi. Je reconnais à cet auteur un talent certain pour faire revivre cette époque et les troubles psychologiques causés par les faits de guerre. Mais je dois dire que la conscience troublée de Constance ne m’a pas permis de toujours bien comprendre ce qu’elle vivait. Distinguer le réel du cauchemar est compliqué quand le filtre passe par un cerveau dérangé. Comme pour Constance , le début de la guerre est clair et précis, donc ma lecture enthousiaste et rapide, et peu à peu, je me suis embourbée dans l’horreur, les cadavres putrides, les corps mutilés, la folie traitée à coups d’eau glacée et ma lecture est devenue très laborieuse.

Citations

Problème de traduction ?

 Il y avait des batailles en aval et dès que la rumeur eut circulé que nous allions à leur rencontre, le régiment connut une saignée sévère de recrues. Ce n’était à faire que de sortir du rang pour ne plus revenir.

Un beau personnage de femme mais qui trahira Constance

Elle parlait d’amour et d’amour anéanti par la guerre . Cela ne la dérangeait pas de trahir la cause pour laquelle son mari avait combattu et péri, me dit-elle. Les États confédérés avaient fait sécession par entêtement, et la guerre était venue emporter son mari . Elle partirait au Nord quand tout serait fini. Elle retournerait dans ce village du Maine qu’elle avait quitté tant d’années plus tôt.
– » S’ils m’acceptent , dit-elle.
– Pourquoi ne le feraient-ils pas ?
– Cette guerre, fit-elle. Cette guerre, cette guerre. »

Résumé de ce qu’a vécu Constance

Il en fallait plus que que la brûlure du fouet du vieux pour me donner du cœur à l’ouvrage. Plus que l’homme à la corde avec son pistolet de cavalerie . Plus que le souvenir de tous les hommes avec qui j’ai vécu dans l’armée de l’Union,. Des hommes capables de pisser sur un chat à l’agonie. De se moquer d’un petit garçon perdu. De violer une femme entrée dans l’automne de sa vie. De faire brûler une maison appartenant à des femmes d’église. De vous boucler dans une taule à fous et de vous y laisser pourrir.

Un nouveau mot

Secesh : homme du sud.

SONY DSC3
Désolée pour la couverture de ce livre, j’ai rarement vu plus moche. Heureusement, comme ce roman a été couronné par tant de prix et admiré dans le monde des blogs cela n’empêchera personne de l’acheter . J’avais d’autant plus envie de le lire que j’avais commencé à l’entendre lu par l’auteur lui-même. L’histoire est maintenant bien connue, deux soldats de la guerre 14-18 réchappent de très peu à la mort, malgré la cruauté d’un « salopard de gradé » le lieutenant d’Aulnay Pradelle qui en veut à leur vie. Réunis par la mort qui est passée si près d’Albert Maillard, et qui a gravement mutilé Edouard Péricourt en lui arrachant la moitié du visage, les deux anciens poilus vont essayer de survivre dans l’après guerre, puis ils vont imaginer une fabuleuse escroquerie. Les deux personnalités sont totalement opposées autant l’un est timoré et ne cherche qu’à se faire le plus discret possible, autant l’autre est complètement hors norme.

Un des intérêt du roman, c’est de mettre en scène l’après guerre. Et si l’arnaque aux monuments aux morts est une invention romanesque, le scandale de la façon dont on s’est occupé des dépouilles des soldats tués au combat est en revanche tout à fait historique. Le roman est soutenu par un suspens très fort, on se demande si, ayant échappé au pire, ces deux hommes ne vont pas connaître un destin funeste. Le personnage de Henri d’Aulnay-Pradelle est tellement odieux, qu’il en est caricatural ; on espère sans cesse que la vie va lui faire payer toutes ses turpitudes. C’est ma grande réserve pour ce roman, je n’ai pas pu croire aux personnages des méchants. Pas plus d’ailleurs, qu’au personnage du fonctionnaire incorruptible : il est mal aimé, mal habillé, porte un dentier qui tient mal, sent mauvais, n’est compris de personne, il faut donc avoir ce physique là pour ne pas être corruptible ?

Le rythme du récit fait penser à un roman policier, et les traits des personnalités à une bande dessinée (et, il existe maintenant en bande dessinée). Comme souvent, quand on attend beaucoup d’un roman, on est parfois déçu. Je m’attendais à beaucoup plus de nuances dans le traitement des personnages. Ce serait si simple si les méchants étaient tous comme Henri d’Aulnay-Pradelle, et tous les hommes politique corrompus jusqu’au dernier.

Citations

Verdun

En 1916, au début de la bataille de Verdun – dix mois de combats, trois cent mille morts-, les terrains de Chazières-Malmont, pas loin des lignes de front, encore accessible par la route et assez proches de l’hôpital, grand pourvoyeur de cadavres, s’étaient révélés, pendant un moment, un lieu pratique pour enterrer les soldats. La fluctuation des positions militaires et les aléas stratégiques bousculèrent à plusieurs reprises certaines parties de ce vaste quadrilatère dans lequel se trouvaient à présent ensevelis plus de deux mille corps, personne ne connaissait réellement le nombre, on parlait même de cinq mille, ce n’était pas impossible, cette guerre avait fait exploser tous les records.

J’adore cette scène

Henri (le sale type de l’histoire) n’attendit pas la fin de la phrase pour quitter la pièce en claquant violemment la porte derrière lui. Ce bruit allait faire vibrer la maison de haut en bas. Hélas, l’effet tomba à l’eau. Cette porte, munie d’un mécanisme pneumatiques, se rabattit lentement avec des petits ouf… ouf… ouf… saccadés.

les sentences de Madame Maillard qui scandent le roman à chaque difficulté de son fils Albert

Albert a voulu partir aux colonies , bon, moi je veux bien. Mais s’il fait comme ici et qu’il se met à pleurnicher devant les indigènes, il va pas arriver à grand chose, c’est moi qui vous le dis ! Mais bon c’est Albert. Qu’est ce que vous voulez, il est comme ça.