20160429_091450Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard. Traduit de l’allemand par Corrinna Gepner.

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J’ai décidément du mal avec l’humour allemand même si c’est un peu simpliste de ma part de catégoriser comme ça un roman. Disons que je n’ai pas aimé et pire, je n’ai absolument pas compris la nécessité dans laquelle s’est trouvé l’auteur d’écrire un tel roman. Ma lecture a cependant bien commencé et puis est devenue un véritable pensum ! J’ai apprécié au début que l’auteur s’amuse avec les décisions les plus absurdes du régime nazi concernant les juifs. Je ne sais pas si c’est vrai (je n’en avais jamais entendu parler auparavant), mais les juifs auraient été obligés de changer leurs prénoms pour faire « plus » juifs, peu importe que ce soit vrai ou pas, on est dans la caricature et cela permet de saisir l’absurdité de l’antisémitisme nazi.

Puis nous partons à Hollywood, où le chien de la famille deviendra une vedette célèbre. Et là, ma punition a commencé. Je n’ai rien trouvé de drôle, j’avais beau penser à la quatrième de couverture qui me promettait d’être entraînée dans « un texte irrésistiblement picaresque », m’assurant que Jonathan Crown me ferait « revisiter l’histoire avec humour et sensibilité », je restais sur la touche, tournant la pages avec un ennui profond. Ce chien magique qui joue l’agent secret auprès d’Hitler a su conquérir l’esprit de certains lecteurs si j’en juge sur les critiques dans Babelio, je n’arrive pas bien à comprendre pourquoi. Sauf à me répéter cette phrase un peu absurde : « les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas ». Justement, si, j’aimerais en discuter.

Citation

Remarque qui m’a fait sourire (c’était au début du roman)

Liliencron s’intéresse à ce qui est microscopique. Dans son institut il étudie les relations entre les planctons arctique et antarctique.

« Tout ce qui fait plus de quatre millième de millimètre m’ennuie », aime-t-il à dire.

C’est ainsi qu’il justifie son désintérêt pour Adolf Hitler. ou pour la politique. Ou pour l’avenir. « Trop grand, tout ça », décrète-t-il.

20160425_150845Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard 

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Un roman très court, 113 pages, où l’auteure, sous couvert d’une rocambolesque histoire de roman disparu, traite de la création littéraire. Elle s’est visiblement bien amusée avec force de clin d’œil pour initiés sans m’entraîner dans son histoire et puis, finalement, m’a fortement agacée, un peu comme lorsque les animateurs de télé parlent de leurs propres émissions et rient eux mêmes de leurs bonnes blagues. Colombe Boncenne cherche à perdre son lecteur dans les méandres du monde de l’édition. Son personnage retrouve par hasard un roman de son auteur fétiche. Personne ne connaît ce roman, l’auteur lui même nie l’avoir écrit.

Est-ce que « Neige noire » existe ? A-t-il été écrit par Émilien Petit ? Autant de questions qui tournent en boucle dans la tête du personnage principal qui mène une vie peu passionnante entre sa femme Suzanne et sa maîtresse Hélène. Quelques écrivains viendront peupler ce roman peu consistant, comme je le disais , c’est un exercice intellectuel où les gens se reconnaissent se renvoient la balle, c’est de l’entre-soi et peu à peu je me suis sentie exclue de ce qui ressemble à un exercice de style pour initiés.

Citations

Les journaux de province

Le journal local, qui constitue l’une de mes petites joies d’un weekend en province : du reportage de proximité au menu du restaurant scolaire en passant par la légende délicieusement ordinaire des photographies, je me délecte toujours d’apprendre que la confrérie des chasseurs de papillons s’est réunie vendredi dernier à l’heure où les enfants des écoles primaires dégustaient une cassolette de légumes de saison dans le cadre de la semaine du goût.

Les vacances en Bretagne, les clichés sur la météo c’est quand même un peu facile non ?

L’été, Suzanne parvenait toujours à me traîner sur l’île de Groix, en Bretagne, quand moi, je rêvais de soleil et de rythme méditerranéen. Suzanne était plus douée que moi en matière d’organisation, elle me prenait toujours de court, réservait une location très en avance, convainquait des amis de venir avec nous et usait de toute la mauvaise foi qui pouvait être la sienne lorsque je protestais : « Tu ‘avais qu’à t’en occuper, des vacances. » Alors, en fait de tapas, d’horaires décalés et de soirées langoureuses, je me retrouvais à filer sous la halle aux aurores pour espérer y acheter quelque poisson pêché dans la nuit, puis chez un éleveur de chèvre baba-cool pour tâcher d’y obtenir un fromage frais ; l’après midi sur la plage, à essayer de me baigner dans une eau à 17 degré sous le prétexte d’un rayon de soleil ; enfin le soir, à jouer au Scrabble au coin du feu, car oui il faut l’admettre, un bon petit feu nous réchaufferait. Et encore, je parle des jours où la météo était clémente. Quatre semaine passèrent ainsi, je me baignai quatre fois et gagnai dix-sept parties de Scrabble sur trente-huit- c’est dire le temps qu’il fit.

Un moment où j’ai souri

Quelques jours après cet anniversaire, dans une rame de métro bondée, je crus avoir une hallucination : au fond du wagon une femme discutait avec un épi de maïs. Une observation plus précise de la scène me fit comprendre qu’un minuscule appareil portable était coincé entre son oreille et le lainage de son bonnet, en réalité, elle téléphonait tout en grignotant un maïs grillé.

20160421_164157Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Charles Recoursé

J’ai bien aimé la présentation de ce roman par la maison d’édition :

Une mère meurt. Elle laisse derrière elle deux petits garçons et leur père terrassés par le chagrin. Un soir, on frappe à la porte de leur appartement londonien. Surgit alors un étrange personnage : un corbeau, doué non seulement de parole mais d’une verve enfiévrée, d’un aplomb surprenant et d’un sens de l’humour ravageur. Qu’il soit chimère ou bien réel, cet oiseau de malheur s’est donné une mission auprès des trois âmes en péril. Il sera leur confident, baby-sitter, analyste, compagnon de jeu et d’écriture, l’ange gardien et le pitre de service — et il les accompagnera jusqu’à ce que la blessure de la perte, à défaut de se refermer, guérisse assez pour que la soif de vivre reprenne le dessus.

Bouleversante, hilarante, audacieuse et unique, cette fable moderne est un bijou littéraire qui nous rappelle ceci : ce sont les pouvoirs de l’imaginaire et la force des mots qui nous tiennent en vie.

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J’avais eu, aussi, envie de le lire en lisant les billets de Jérôme Noukette ... Mais, je dois avouer que ce très court roman n’a pas fonctionné pour moi. Sans remettre la traduction en cause, je pense quand même que c’est plus facile à savourer en anglais. L’humour du corbeau m’est complètement passé à côté. J’ai été très sensible au désespoir des enfants et du père, l’arrivée du corbeau qui cherche à sa façon à les ramener vers la vie ne m’a pas gênée au début. Et puis, les sons bizarres, les suites de mots sans aucun sens m’ont détachée de ses propos et du livre. Je ne sais pas comment on peut raconter le deuil, d’une femme aimée, mère de deux jeunes garçons, cet auteur a essayé sans me montrer une voie, je respecte cela mais je suis restée à côté, un peu comme lorsque des amis traversent des épreuves si lourdes que cela nous rend muets . Je garderai cependant cette phrase toute simple des enfants après la mort brutale de leur maman :

Les vacances et l’école c’est devenu pareil.

20160417_121555(1)Je dois cette lecture à Gambadou « le blog des fanas de livres« .

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Je lui mets ces cinq coquillages sans aucune hésitation, cela fait longtemps qu’un roman pour la jeunesse ne m’a pas autant tenu en haleine. La première partie est absolument remarquable. Un ado, « Mo », diminutif de Morgan, passe sa vie à jouer aux jeux d’ordinateur. Dans la vie virtuelle, il est très fort et ne s’intéresse vraiment qu’à ça. Et puis, cet ado mal parti pour être heureux va vivre une expérience absolument extraordinaire, et peu à peu, il se transformera et se prendra d’amour pour la nature. Une créature qui aurait pu avoir sa place dans un jeu de rôle lui apprendra à survivre dans des conditions extrêmes.

J’ai bien conscience du flou de mes propos mais ce serait vraiment dommage de dévoiler ce qui fait un des charmes de ce récit : la nature même des personnages principaux. C’est très beau et en dehors de bien des sentiers battus. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la lente conversion de l’adolescent vers un autre monde, réel celui-là mais qui lui demande de savoir utiliser toutes ses compétences acquises dans le monde de l’imaginaire. Le suspens est intense et la fin est peu prévisible. Les personnages secondaires sont loin d’être des caricatures et enrichissent le récit . L’oncle chasseur de blaireaux que l’on aimerait bien détester n’est pas qu’une sombre brute. La mère un peu dépassée par l’éducation de cet adolescent si peu scolaire saura lui montrer qu’elle l’aime et lui fera confiance finalement. Même le policier qui détruit le rêve de Mo est un être beaucoup plus sensible qu’il n’y paraît.

Aucun des adultes n’est tout à fait capable de comprendre les difficultés auxquelles doit faire face Mo, mais aucun ne voudrait vraiment lui faire du mal. Il doit cependant réussir à trouver ses solutions en lui-même pour grandir définitivement.

Citations

La nature la nuit

C’est une nuit très vibrante, tous les bruits voyagent à des kilomètres à la ronde, on dirait qu’on est sur une corde tendue, que chaque brindille qui craque de l’autre côté du monde trouve son écho près de nous.

C’est une nuit blanche et bleue. blanche parce que la pleine lune nous éclabousse de sa lumière. Et bleue comme l’obscurité profonde qui nous enveloppe, si douce qu’on dirait du velours.

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Traduit de l’anglais (États-Unis) par Eric Chédaille.

4Je dois à Keisha un certain nombre de nuits et de petits déjeuner très éloignés des côte de la Manche, avec ce roman de 987 pages qui fait rouler l’imagination dans les grands espaces de l’ouest américain. J’aimerais comprendre pourquoi les français aiment à ce point changer les titres. En anglais l’auteur a appelé son roman « The Big Rock Candy Mountain », en 2002 le livre est publié aux éditions Phébus, sous le titre traduit exactement de l’anglais « La bonne Grosse Montagne en sucre ». Et maintenant, il revient avec ce titre raccourci, pourquoi ? Dans l’ancien titre, on croit entendre la voix de Bo, le personnage principal, qui fait déménager sa famille tous les 6 mois pour les convaincre d’aller rechercher la fortune sur une « bonne grosse montagne en sucre » . Bref, je m’interroge !

Je suis restée trois semaines avec Bo, Elsa, Chet et Bruce. J’ai trouvé quelques longueurs à cet énorme roman, mais n’est-ce pas de ma part un phénomène de mode ? Je préfère, et de loin, quand les écrivains savent concentrer ce qu’ils ont à nous dire. Je reconnais, cependant, que, pour comprendre toutes les facettes de cet « anti-héros » Bo Wilson, mari d’une extraordinaire et fidèle Elsa et père de Chet et de Bruce, il fallait que l’auteur prenne son temps pour que le lecteur puisse croire que Bo soit à la fois « un individu montré en exemple par la nation toute entière » et un malfrat violent recherché par toute les polices sans pour autant « être un individu différent »  : ce sont là les dernières phrases de son fils, Bruce qui ressemble fortement au narrateur (et peut-être à l’auteur), il a craint, admiré, détesté son père sans jamais totalement rompre le lien qui l’unit à lui.

Cet homme d’une énergie incroyable, est toujours prêt pour l’aventure, il espère à chaque nouvelle idée rencontrer la fortune et offrir une vie de rêve à sa femme. Il y arrive parfois mais le plus souvent son entreprise fait naufrage et se prépare alors un déménagement pour fuir la police ou des malfrats. Elsa, n’a aucune envie d’une vie dorée, elle aurait espéré, simplement, pouvoir s’enserrer dans un village, un quartier un immeuble, entourée d’amis qu’elle aurait eu plaisir à fréquenter. C’est un personnage étonnant, car elle comprend son mari et sait que d’une certaine façon, elle l’empêche d’être heureux en étant trop raisonnable. Son amour pour ses enfants est très fort et ils le lui rendent bien. Cette plongée dans l’Amérique du début du XXe siècle est passionnante et l’analyse des personnages est fine et complexe. C’est toute une époque que Wallace Steigner évoque, celle qui a pour modèle des héros qui ont fait l’Amérique mais qui s’est donné des règles et des lois qui ne permettent plus à des aventuriers de l’espèce de Bo de vraiment vivre leurs rêves. Jamais dans un roman, je n’avais, à ce point, pris conscience que la frontière entre la vie de l’aventurier et du bandit de grand chemin était aussi mince.

Citations

Justification du titre

Il y avait quelque part, pour peu qu’on sût les trouver, un endroit où l’argent se gagnait comme on puise de l’eau au puits, une bonne grosse montagne en sucre où la la vie était facile, libre, pleine d’aventure et d’action, où l’on pouvait tout avoir pour rien.

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas

Henry était pondéré, inoffensif, réticent même à annoncer sans ambages qu’il venait pour la voir elle et non son père, au point qu’il s’était montré capable de passer une demi-douzaine de soirées au salon à converser avec Nels Norgaard sans adresser plus de dix mots à Elsa. Il était posé, incapable d’un mot dur envers quiconque, gentil, si digne de confiance mais si dépourvu de charme. Comme il était dommage, songea-t-elle une fois en soupirant, que Bo, avec son aisance insolente, son intelligence, son physique puissant et délié, ne possédât pas un peu du calme rassurant d’Henry. Mais à peine commençait-elle à se laisser aller à cette idée qu’elle se reprenait : non, se disait-elle avec une pointe de fierté, jamais Bo ne pourrait ressembler à Henry. Il n’avait rien d’un animal de compagnie, il n’était pas apprivoisé, il ne supportait pas les entraves, en dépit de ses efforts aussi intenses que fréquents.

la famille déménageait tous les ans parfois quatre fois par an

Longtemps après, Bruce considérait cette absence de racines avec un étonnement vaguement amusé. les gens qui vivaient toute leur vie au même endroit, qui taillaient leur haie de lilas et repiquaient des berbéris, qui changeaient de carrée en ronde la forme de leur bassin de nénuphars, qui déterraient les vieux bulbes pour en mettre de nouveaux, qui voyaient pousser et un jour ombrager leur façade les arbres qu’ils avaient plantés, ces gens-là lui semblaient par contraste suivre un cheminement incertain entre ennui et contentement.

L’amour

L’amour est quelque chose qui fonctionne dans les deux sens, dit Elsa d’une voix douce. Pour être aimé, il faut aimer. 

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Je ne parle pas souvent des maisons d’édition car je trouve, le plus souvent, qu’elles font seulement leur travail (ce qui n’est pas si mal, évidemment !). Or, grâce à ce roman, j’ai découvert la maison de Joëlle Losfeld et ses qualités méritent d’être soulignées. En plus du texte parfaitement présenté, et donc, agréable à lire, d’une couverture utilisant une photo de statut de l’antiquité égyptienne où l’on croit reconnaître le sourire énigmatique de Gohar (le personnage principal, ex-philosophe), l’éditeur a enrichi ce livre d’une série de documents nous permettant de mieux connaître Albert Cossery. Cet auteur célèbre dans les années 50 dans le petit monde de Saint Germain-des-Prés est quelque peu oublié aujourd’hui. Cette maison d’édition sait le faire revivre et j’aurais plaisir à garder ce bel objet-livre qui dans ma bibliothèque.

Je dois cette lecture à Goran un nouveau venu dans ma blogosphère, et je me suis rendu compte en allant chercher ce titre dans une bonne librairie parisienne, que cet auteur était pour de nombreux lecteurs une référence indispensable pour la littérature égyptienne. Égyptienne ? écrit par un homme ayant surtout vécu en France, il a d’ailleurs reçu le prix de la Francophonie en 1992, et visiblement très influencé par la littérature française. On pense tout de suite à un autre Albert, Camus celui-là. Le mendiant le plus intéressant, Gohar, est un super Meursault, il a encore moins que lui de raison de tuer et il est autrement plus puissant car il entraîne celui qui aurait dû le punir dans son sillage du monde de l’absurde ou la notion du bien et du mal disparaît. Un mendiant de plus, un ancien policier, hantera les rues du Caire dans des lieux consacrés uniquement à la survie, et où le plus important c’est de respecter un code de l’honneur fondé surtout sur l’esprit de dérision. Ce n’est ni cet aspect, ni l’enquête policière assez mal menée qui a fait pour moi l’intérêt de ce livre, c’est la découverte de ce monde et de toutes les petites ficelles pour survivre. Le crime gratuit me révulse, et le côté philosophique du dépassement du bien et du mal est tellement daté que cela ne m’intéresse plus. En revanche, la vie de ces êtres qui n’ont plus rien est très bien décrite.

Je doute totalement de la véracité des personnages car ils sont décrit par un intellectuel à l’abri du besoin et résidant en France. Je pense que c’est toujours plus facile d’imaginer les très pauvres dans une forme de bonheur et refusant les facilités de notre société que comme des exclus du système et qui aimerait bien en profiter un peu. Mais là n’est pas du tout le propos du roman et je rajoute que c’est un livre qui se lit facilement et agréablement, j’ai tort d’avoir un jugement moral sur son propos car c’est justement ce que dénonce Albert Cossery : cette morale occidentale qui fait fi de l’énorme misère des pauvres en Égypte, ce que nous dit cet auteur c’est que puisqu’on ne peut rien y changer le meilleur moyen c’est encore de vivre comme les mendiants du Caire. Une absence de volonté de posséder quoique ce soit est, pour lui, beaucoup plus dangereuse pour l’équilibre de la société qu’une quelconque révolte. On peut le penser comme une première pierre à l’édifice de la compréhension de ce pays, mais je pense que des roman comme « Taxi » de Kaled Khamissi ou « L’immeuble Yakoubian » de Alaa El Aswani mettent en scène une Égypte beaucoup plus contemporaine et les auteurs ne sont plus encombrés par le poids des idées des intellectuels français (marxisme, existentialisme et autres structuralisme).

Citations

L’ironie

Peut-être était-il atteint d’une maladie contagieuse.  » Les microbes ! » se dit-il avec angoisse. Mais presque aussitôt la peur des microbes lui parut risible. Si l’on devait mourir des microbes, pensa-t-il, il y a longtemps que nous serions tous morts. Dans un monde aussi dérisoire, même les microbes perdaient de leur virulence.

Le pays paradisiaque (ça a bien changé ! mais peut-être pas pour ce détail)

En Syrie, la drogue n’était l’objet d’aucune interdiction. Le haschisch y poussait librement dans les champs, comme du véritable trèfle ; on pouvait le cultiver soi-même.

Une putain heureuse de l’être

« Pourquoi irais-je à l’école, dit Arnaba d’un ton méprisant . Je suis une putain, moi. Quand on a un beau derrière, on n’a pas besoin de savoir écrire. »

La ville européenne

L’avenue Fouad s’ouvrit au centre de la ville européenne comme un fleuve de lumière. El Kordi remontait l’avenue, d’un pas de flâneur, avec le sentiment inquiétant d’être dans une ville étrange. Il avait beau se dire qu’il se trouvait dans son pays natal, il n’arrivait pas à y croire… Quelque chose manquait à cette cohue bruyante : le détail humoristique par quoi se reconnaît la nature de l’humain.

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard 

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Ce roman est une lente déambulation, parfois poétique, dans un corps qui commence à vieillir, dans le deuil d’un ami proche, dans la création artistique. Rien n’est très difficile pour ce cinéaste, sa vie est douce sans aspérité, Philippe Claudel a créé un personnage d’aujourd’hui qui a la chance de pouvoir encore aimer et être aimé. Il se laisse aller à la tristesse car son ami qui avait de l’énergie pour deux a été vaincu par un cancer. Commence alors pour lui une réflexion sur la vie, la mort et le vieillissement. Le titre du roman vient de cette civilisation des Toraja qui font une place très particulière aux morts et aux funérailles.

J’ai été très touchée par cette image des tout petits bébés que l’on enterre dans le tronc des arbres pour qu’ils puissent continuer à grandir, en quelque sorte. Ce livre se lit sans déplaisir certains passages m’ont bien plu car ils expliquent assez bien ce que je ressens quand l’âge s’attaque à mes forces vitales. Pour autant, sans le club, je n’aurais certainement pas lu ce roman et je ne sais pas s’il peut vraiment plaire à un large public.

Citations

Nous enterrons nos morts. Nous les brûlons aussi. Jamais nous n’aurions songé à les confier aux arbres. Pourtant nous ne manquons ni de forêts ni d’imaginaire. Mais nos croyances sont devenues creuses et sans écho. Nous perpétuons des rituels que la plupart d’entre nous seraient bien en peine d’expliquer. Dans notre monde, nous gommons désormais la présence de la mort. Les Toraja en font le point focal du leur. Qui donc est dans le vrai ?

Le vieillissement

Vous entrez dans la phase que j’appelle « le corps inamical ».

Pendant des années, vous avez vécu avec lui, en lui, en parfaite osmose, dans un équilibre qui vous satisfaisait : vous l’entreteniez du mieux que vous pouviez, et il vous procurait en échange ce que vous attendiez de lui, au moment où vous l’attendiez, performances physiques, amoureuses, plaisirs alimentaires, sensations… Puis le temps a lentement érodé votre partenaire. Vous avez senti peu à peu sa présence, je veux dire sa marque, son usure, son défaut à vous suivre.

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Vous avez été nombreux à dire du bien de ce roman, Keisha, Jérôme, Noukette, je savais donc que je le lirai. Un roman vite lu sur un sujet tragique : la maladie mentale . C’est une jeune femme extraordinaire qui est malade, elle a su se faire aimer d’un homme inventif et très drôle . L’amour est ici un feu d’artifice , brûlant et pétillant. L’enfant, au milieu d’adultes aimant la vie et s’aimant si fort que rien n’aurait dû pouvoir les séparer , se construit son monde et ses jugements sur les adultes qui l’entourent. Un monde de fête et d’absence totale de convention. Bien sûr on se laisse prendre, qui peut résister à la voie de Nina Simone et à tant d’amour. En plus c’est vraiment plein d’humour et de moments très drôles.

Malheureusement pour bien connaître la maladie mentale je me sens un peu mal à l’aise : je n’ai pas connu de moments de vraies fêtes avec des bipolaires, mais j’ai vu, même quand ils semblaient gais et inventifs à quel point ils souffraient. C’est ma réserve pour ce roman, mais je ne veux priver personne d’imaginer que l’on peut se sentir heureux dans la folie, ça fait une très belle histoire, c’est certain.

J’ai, depuis peu, lu plusieurs billets qui expriment également des réserves sur l’aspect joyeux de ce livre et de la folie. Dasola par exemple.

Citations

Début du roman (comment ne pas lire la suite ?)

Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon. Il m’avait montré le harpon et une mouche écrasée.
– J’ai arrêté car c’est très difficile et très mal payé, m’avait-il affirmé en rangeant son ancien matériel de travail dans un coffret laqué.

Dialogue entre ses parents

À cette époque, je l’ai toujours vu heureux, d’ailleurs il répétait souvent :
Je suis imbécile heureux !
Ce à quoi ma mère répondait :
– Nous vous croyons sur parole Georges, nous vous croyons sur parole !

La réalité de la maladie mentale

Après des années de fêtes, de voyages, d’excentricités et d’extravagante gaîté, je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé, que nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d’hôpital, que sa Maman était une malade mentale et qu’il fallait attendre sagement de la voir sombrer.

Et pour écouter cette superbe chanson de la grande Nina Simone sur laquelle les parents ont tant dansé…

« I knew a man Bojangles

And he danced for you
In worn out shoes
With silver hair, a ragged shirt
And baggy pants, the old soft shoe
He jumped so high, he jumped so high
Then he lightly touched down
Mr. Bojangles, Mr. Bojangles
Mr. Bojangles, dance ! »

https://www.youtube.com/watch?v=eAW3y5l6Dm4

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard thème roman épistolaire.

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Ce n’est pas exactement un roman épistolaire, mais l’auteure, Fanny Chiarello, s’est amusée à écrire son roman, à travers des lettres, le journal intime de Carlotta , des comptes rendus de police, des articles de presse, et pour finir de la pièce de théatre qui a été composée à partir de la vie de cette cantatrice.

Que s’est il donc passé (qui m’a si peu intéressée) ? Une cantatrice au sommet de sa gloire disparaît pendant 15 jours, puis revient. Le monde du spectacle ne lui pardonnera jamais cette escapade. Je me demande à qui peut plaire ce roman ? Aux lectrices de la presse people, là où vous apprenez tout sur les amours des chanteuses, actrices et personnel politique ? Je ne le le crois pas parce que dans notre société où même notre président s’échappe du palais de l’Elysée en scooter pour rejoindre sa nouvelle maîtresse, cette histoire doit sembler bien anodine.

Alors, ce roman peut-il plaire aux gens qui comme moi, n’ont aucun intérêt à ce genre d’anecdotes et qui savent trop bien que cette presse peut terriblement nuire à la réputation des personnes ? Si je peux me considérer comme un bon exemple, ça ne m’intéresse pas du tout que cette femme ait eu besoin d’une aventure avec un portier de l’hôtel pour exister. Je ne vois donc, que les amateurs de puzzles pour s’y intéresser puisqu’il faut sauter d’un texte à l’autre pour reconstituer peu à peu toute cette pitoyable histoire. Bref ce livre n’est vraiment pas pour moi, je n’ai même pas eu envie de recopier, pour vous, le moindre passage.

Mais Mior avait aimé alors lisez son avis, cela permet de se faire une meilleure idée peut-être.

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Roman étonnant et que je n’aurais jamais lu sans le Club. J’ai vu que cette auteure a dédié son livre à Nelly Arcan, que je ne connaissais absolument pas. J’ai cherché à comprendre et je me suis rendu compte que ces deux auteures avaient en commun de s’être beaucoup exposées dans les Médias. Nelly Arcan s’est suicidée, et Camille Laurens a fait, subi et gagné un certain nombre de procès. Bref, c’est une adepte d’un genre qui me touche rarement « l’autofiction », à force de se dévoiler dans des romans, on en souffre mais cela peut être le moteur d’une écriture particulière et qui a trouvé son public. Ce roman est vraiment un roman moins auto-fictionnel que d’autres, et même si sa vie lui sert de trame de fond, il a l’avantage d’être également construit de façon littéraire intéressante. Il a pour sujet une manipulation sur Facebook, Claire un peu par vengeance d’un homme qui l’a repoussée parce qu’elle a vieilli (du moins, c’est ce qu’elle pense), décide de créer un profil d’une femme de 25 ans sur Facebook. Commence alors une correspondance, et un lien virtuel entre elle et le meilleur ami de cet homme, et une passion amoureuse partagée par les deux personnages.

Une grande partie du roman parle de ça : du désir, de celui qui disparaît chez l’homme quand la femme de son quotidien vieillit. C’est aussi un roman sur la création littéraire et la façon d’exister au monde à travers ce pouvoir que possède l’écrivain. Au cœur de la vie parisienne, Camille Laurens connaît bien la puissance des rumeurs, des ragots . Elle commence son livre en comparant deux couples célèbres du « Tout Paris » , celui de Moscovici qui a 30 de plus que sa dernière femme sans que cela ne choque personne et Macron qui a 20 ans de moins et dont le couple apparemment est souvent sujet de quolibets. Bien loin de toutes ses réalités qui ne m’intéressent pas vraiment, je partage son avis, le vieillissement de la femme est différent de celui de l’homme, l’âge se marque différemment chez les deux partenaires. Mais pour être entourée de gens très âgés, je vois aussi que passé 80 ans les femmes s’en sortent plutôt mieux côté séduction.

Ce livre m’a souvent agacée, et parfois intéressée, le genre « ragot » ce n’est vraiment pas ce qui peut me retenir, en revanche, la manipulation sur Facebook et le danger qu’il y a à entretenir une relation virtuelle est bien analysé. Comme je plains les personnes réelles qui entourent cette écrivaine, elles peuvent un jour se retrouver dans ses romans et les comptes qui se règlent par écritures interposées ressemblent plus à une guerre civile qu’à une œuvre artistique.

Citations

L’aide quand on va mal

Vous êtes médecin ou seulement psychologue ? Quelle différence, remarquez ? Ce que je n’aime pas dans votre discipline, votre prétendue science, c’est qu’elle ne change rien. Vous avez beau savoir ce qui se passe, ce qui s’est passé, vous n’êtes pas sauvé pour autant. Quand vous avez compris ce qui vous fait souffrir, vous souffrez toujours. Aucun bénéfice. On ne guérit pas de ce qu’on rate. On ne reprise pas les draps déchirés.

Internet et Facebook

Internet est à la fois le naufrage et le radeau : on se noie dans la traque, dans l’attente, on ne peut pas faire son deuil d’une histoire pourtant morte, et en même temps on surnage dans le virtuel, on s’accroche aux présences factices qui hantent la toile, ai lieu de se déliter on se relie . Ne serait-ce que la petite lumière verte qui indique que l’autre est en ligne ! ah la petite lumière verte, quel réconfort , je me souviens.

Humour

C’est comme cette épitaphe sur la tombe d’un Américain au Père-Lachaise. Sa femme a fait graver : « Henry, je sais enfin où tu dors ce soir. »