Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
L’ennuie avec les lectures du Club comme avec la tenue du blog, c’est que j’enchaîne la lecture les livres trop rapidement. Pour certains, ce n’est pas si grave car ils font partie de la lecture détente, et je suis ravie de partager ces moments avec les lectrices et lecteurs de mon blog. D’autres résonnent plus profondément en moi, et je veux les lire et relire jusqu’à ce que je les possède et qu’ils m’appartiennent. Les livres ne m’ont jamais appartenu parce qu’ils sont bien rangés dans mes rayonnages, cela je l’ai cru dans ma jeunesse. Ils m’appartiennent parce que je sais me souvenir, en les évoquant, du plaisir qu’ils ont su me procurer. Avec Carole Martinez, il faut du temps pour savourer son histoire et sa façon de la raconter.
Toutes les lectrices qui aiment ses livres sont sous le charme de son écriture passionnée. Aussi bien « les fanas de livres » que Asphodèle et Krol. Cette écriture mérite qu’on la déguste par petites touches, sans se presser qu’on puisse laisser cette histoire et la reprendre juste pour le plaisir de s’entendre raconter une histoire tragique. Tragique comme ces petites filles mariées au sortir de l’enfance dans une France de 1361, si rude, ravagée par la peste, la guerre de cent ans et les compagnies armées qui un temps désœuvrées par le traité de Brétigny soumettent les populations aux violences rapines et pillages.
Carole Martinez sait mettre son écriture au service de ce qu’elle imagine de cette époque. Sous sa plume, les légendes , la religion, les faits historiques se mélangent et nous avons l’impression comme la petite Blanche de presque douze ans, d’être emportés sur les flots de la Lou sans pouvoir maîtriser notre destin. D’être submergés par l’angoisse et la peur des hommes capables de déchaînements de violence. Cette violence et cette absence de respect pour la vie d’enfants si fragiles et si exposés aux maladies, rend la mort presque douce. Roman étrange qui ne tient que par cette écriture à deux voix, celle de la mémoire de l’enfant qui est devenue « la vieille âme » et qui éclaire parfois la voix de « la petite fille » qui a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive.
Citations
C’est tellement vrai !
Car qui mieux que Dieu peut légitimer un pouvoir temporel ?Que Dieu soit muet arrange bien les choses.
La présence du Diable
Le diable s’insinue aussi dans les caresses, il rampe sur la peau des jeunes filles, c’est même là qu’il fait son nid, le filou ! On le chasse à coups de badine ! Il faut corriger ses enfants, les faire pousser droit, dit le père, il le faut. Sinon, gare à l’enfer !
Gare à l’enfer où les morts souffrent mille morts ! Gare à l’enfer où les démons nous écartèlent,nous sucent la moelle des os, nous ébouillantent, nous écorchent joyeusement, nous éviscèrent et nous arrachent tout ce qui dépasse en riant !
la disparition des lieux éternels
Leurs noms, leurs tombes sont désormais perdus. Cluny est tombé et, même si les vivants prient toujours pour les morts, plus aucun nom n’est prononcé et ceux qui ont payé ne sont pas mieux servis que la vieille enterrée dans son champ.La puissance des représentants du divin sur terre est aussi temporelle que le reste, les croyances, elles – mêmes, sont temporelles.