Édition Plon, feux croisés . Traduit de l’anglais Aurélie de Maupéou

Tout est dit avec ces deux coquillages : ce roman n’était pas pour moi ! Pourtant Keisha en avait parlé avec un tel enthousiasme, je n’avais donc aucun doute sur mon plaisir de lecture. C’est peu dire que je me suis ennuyée avec cette pauvre Frances . Cependant, tout le long de la lecture, je me tançais en me disant : « Si Keisha a aimé c’est qu’il y a quelque chose que tu ne vois pas allez continue ! ». Mais tout est triste fade et convenu dans ce roman et j’ai été bien soulagée de le terminer et d’aller bien vite m’en débarrasser. Voici le sujet : Frances est correctrice dans un journal, mais là il ne se passe rien mais alors, rien du tout. Si vous voulez en savoir plus sur le monde de la correction et vous amuser un peu, lisez l’excellent livre de Muriel Gilbert « Au bonheur des Fautes » . Les parents de Frances sont « ordinaires » et leur fille les aime en les méprisant quelque peu. Ce sont les quelques soirées chez eux qui sauvent un peu le livre, je suis toujours intéressée par les différences sociales et les préjugés qui vont avec. Frances est le témoin d’un accident mortel pour la femme d’un écrivain de renom Laurence Kyte. Commence alors les manœuvres pour cette pauvre fille un peu terne pour se faire aimer du grand écrivain. Et tant pis pour vous, je vais raconter la fin (ce livre m’a tellement énervée !) : OUI la correctrice anonyme va devenir l’épouse du grand Laurence Kyte . Elle va savoir se rendre indispensable pour les deux enfants dans un premier temps, puis saura se faire aimer par leur père. Tout est prévisible dans ce roman et jamais mon attention n’a été captée, il est possible que je n’étais pas d’humeur à me laisser porter par ce roman qui vaut sans doute mieux que ce que j’ai éprouvé. Et surtout, je vous recommande chaudement le blog de Keisha chez qui je trouve souvent des suggestions de lectures merveilleuses !

 

Citations

Le jardin de sa mère

C’est un jardin de très bon goût. Avec un minimum de couleur et d’odeur – ma mère considère que la plupart des fleurs sont vulgaires, or elle a une terreur profonde de la vulgarité, comme si celle-ci pouvait l’attaquer par surprise dans une ruelle sombre – mais une abondance de textures et de formes. À cette époque de l’année, tandis que le crépuscule s’épaissit, il semble plus triste encore que d’habitude.

Humour

Parfois, tout au moins en ce qui concerne ma mère, je soupçonne que le but réel d’avoir une famille consiste à avoir un sujet de conversation tout prêt quand elle croise madame Tucker au supermarché.

 

Édition Christian Bourgeois. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet

 

Un livre passionnant dont pourtant je n’ai pas eu envie de noter beaucoup de passages, mais cela n’est pas du tout un signe d’une moindre qualité. L’intérêt du roman vient de la confrontation des différents personnages à propos d’ un fait divers. À travers chaque chapitre de longueur variée la romancière cerne la réaction d’un des personnages autour d’un tragique accident. Il n’y a pas de grandes pensées au delà des faits, et pourtant la réalité se construit peu à peu, avec une précision étonnante et qui m’a captivée. L’effet roman choral provoque chez moi un besoin de pause entre les personnages, mais ce n’est pas du tout gênant. Je vous présente rapidement les personnages :
– Driss Guerraoui, propriétaire d’un restaurant a été renversé et tué par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’il traversait devant son établissement pour reprendre sa voiture .
– Sa fille Nora, une musicienne de talent, pense que l’acte était volontaire et avec elle on ressent que les musulmans Marocains ne sont pas si bien vus que ça aux USA.
– Efrain est originaire du Mexique et a été témoin de l’accident mais il n’ose pas témoigner car il est en situation irrégulière et a très peur d’être reconduit à la frontière. – Maryam la femme de Driss a laissé plus de la moitié de sa vie au Maroc qu’elle a dû fuir à cause de la répression qui s’est abattue sur les opposants marocains dans les années 80. – Son autre fille Selma qui semble avoir si bien réussi cache mal des fêlures qui l’empêche d’être heureuse. – Coleman est la femme policière chargée de l’enquête. Ce sont tous « les autres » Américains, je mets aussi la policière parce qu’elle est noire et subit le racisme ordinaire des blancs.

Il y a aussi le voisin du restaurant qui tient un bowling, et de son fils, d’eux je ne peux rien dire sans divulgâcher l’enquête policière qui sous-tend ce roman.

Et puis, on entend aussi la voix de Jérémy qui est revenu d’Irak tellement meurtri qu’il a failli sombrer dans l’alcoolisme comme son copain de guerre qu’il cherchera à aider au détriment de sa relation avec Nora.

Chaque personnage est une partie du puzzle qui constitue ce roman et qui donne une image des USA qui est certainement plus divisé que l’on ne peut l’imaginer. Bien sûr, depuis Trump on connaît la fameuse fracture qui divise ce pays mais ce roman témoigne qu’il y en a bien d’autres et que ce n’est pas du tout certain que le modèle américain permette une meilleure adaptation des populations d’origine étrangère que le système français. Ce roman permet de sentir que ce n’est pas si simple de passer d’une culture à une autre et de faire un seul pays avec des arrivants du monde entier, mais grâce à la démocratie il y a quand même un espoir et une place pour la vérité et la justice. Un livre prenant facile à lire et qu’on n’oublie pas.

Citations

Dans les année 80 : guerre Sahara Maroc en 1975

On y est, je me rappelle avoir pensé, c’est la fin du régime. Comment pouvait-il survivre au fait de tuer ses propres enfants en plein jour ? Mais alors que cette pensée se cristallisait dans mon esprit, un des policiers m’a repéré sur le toit, il a levé son arme et m’aviser. Même quatre étages plus haut, j’ai vu le canon noir sur moi. Je me suis laissé tomber à genoux, ne comprenant qu’au sifflement proche que la balle m’avais manqué. Adossé contre le mur, j’ai guetté le bruit sourd des bottes des policiers dans l’escalier. J’ai attendu pendant tout l’après-midi. Même une fois la nuit tombée, j’attendais encore. J’entendais encore les sirènes des voitures de police. Des crissements de pneus. Les bris de verre. Les cris des gens. Le vent dans les palmiers.

L’exil

Pour ma mère, les choses se déroulaient toujours comme elles n’étaient pas censées se passer. Elle avait quitté son pays avec sa famille, mais tout ce qu’elle n’avait pu emporter avec elle lui manquait encore. Son ancienne maison lui manquait, ses amis d’enfance, l’appel à la prière à l’aube. Quel que soit le plat somptueux qu’elle cuisinait, il lui manquait toujours quelque chose -un ingrédient, ou bien le goût n’allait pas. Le mariage de ma sœur l’a propulsée dans les paroxysmes de nostalgie qui ont transformé notre maison en un bazar empli de motifs au henné, de ceintures brodées, de plateaux en cuivre et même d’un palanquin pour les mariés. Ma mère a dû laisser beaucoup de traditions derrière elle et, plus le temps a passé, plus elles sont devenues importantes à ses yeux.

Analyse d’un mariage

Mais comme Maryam n’aimait aucun des tissus que j’ai choisis, j’ai fini par céder. On a acheté les rideaux qu’elle aimait et on est rentré à la maison. J’ai sorti l’échelle et mes outils mais, chaque fois que je faisais un trou, la tringle, selon elle, devait être un peu plus haute ou plus basse. Dans les rideaux ont enfin été installés, il y avait cinq trous dans le mur et la tringle penchait à gauche. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ça, autant d’années plus tard, ce n’est vraiment qu’un détail. C’est peut-être parce que j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que la vie est courte. Sans en avoir conscience, j’avais cheminé sur la route qui va de la naissance à la mort avec la mauvaise compagne.

Remarque sur les américains vus par une marocaine d’origine .

J’avais déjà remarqué ça chez les Américains, ils veulent toujours passer à l’action, ils ont du mal à rester en place ou à se laisser ressentir des émotions désagréables.

Édition Pocket 

Je dois à Dominique cette lecture qui n’a pas été simple pour moi. Il faut dire que « le théorème de l’incomplétude » même expliqué par le génial Kurt Gödel, je dois m’accrocher aux branches pour seulement imaginer que j’effleure le début d’une compréhension.

Ce qui tombe bien, c’est que ces brillantissimes découvertes, nous sont expliquées par Madame Gödel, qui pour toute formation a étudié la danse de cabaret à Vienne à la belle époque. Elle, comme moi, nous avons quelques difficultés à suivre les discussions entre Kurt, Albert (Einstein), Robert (Oppenheimer), Wolgang (Pauli), et la bataille autour de la physique quantique me laisse sur le côté de la route. Adèle Gödel a sacrifié sa vie pour que son génial mari ne meure pas trop jeune d’anorexie ou de dépression gravissime. Car les mathématiques du côté des génies cela ne réussit pas à tout le monde. On ressort de ce roman avec quelques interrogations, sont-ils tous, ces médaillés Fields, géniaux en mathématiques parce que fous, ou le deviennent-ils à cause des mathématiques ? En tout cas Kurt Gödel mourra de faim dès que sa femme sera hospitalisée car elle seule arrivait à le nourrir parfois à la petite cuillère !

J’ai plus de réserves que Dominique à propos de ce roman, car je n’ai pas aimé le mélange des deux temps de la narration. Autant la vie d’Adèle et de Kurt Gödel m’a beaucoup intéressée, autant celle d’Anna Roth la documentaliste chargée de récupérer les documents de Kurt Gödel auprès de sa veuve ne m’a pas du tout passionnée. Le parallèle entre ces deux destins de femme m’a même fortement agacée . L’une a compris que son mari était un génie et a sacrifié sa vie pour lui permettre d’exprimer toute sa pensée. L’autre est coincée dans une vie trop confortable et a du mal à trouver un homme avec qui elle aimerait faire l’amour.

Mais ce n’est pas le plus important loin de là, on vit au plus près des gens qui ont à la fois souffert du nazisme et du McCarthysme, on suit l’évolution intellectuelle des ces années auprès des gens les plus brillants à Princeton et on comprend tellement les frustrations d’Adèle qui aimait Kurt pas seulement pour ces théorèmes ! Ils sont enterrés ensemble à Princeton et cette femme par amour, son courage et sa ténacité mérite bien la célébrité que Yannick Grannec lui a donné à travers ce roman. Je sais depuis qu’Aifelle a laissé un commentaire sur mon blog qu’elle avait également recommandé cette lecture même si elle trouvait quelques longueurs (je suppose que comme moi elle n’est pas trop à l’aise avec le théorème de la complétude ni avec son corollaire !) .

 

Citations

Humour

Pour moi, la religion était un souvenir de famille vouer à prendre la poussière sur la cheminée. En ce temps-là, on entendait tout au plus cette prière dans la loge des danseuses. « Marie, vous qui l’avez eu sans le faire, faites que je le fasse sans l’avoir. » On avait toutes peur de se faire refiler un locataire, moi la première. Beaucoup finissaient dans l’arrière-cuisine de la mère Dora, une vieille tricoteuse.

Une blague juive.

Un psychiatre, c’est un Juif qui aurait voulu être médecin pour faire plaisir à sa mère mais qui s’évanouit à la vue du sang.

Le couple des parents d’Anna Roth.

Georges, doctorant bien peigné, avait rencontré Rachel, dernière pousse d’un arbre généalogique cossu, à la réception des nouveaux étudiants en histoire à Princeton. La jeune fille frissonnait, il lui avait prêté son gilet. Elle avait été impressionnée par sa décapotable et son accent bostonien. Il avait admiré son corps de déesse hollywoodienne et sa détermination encore raisonnable. Il lui avait téléphoné le lendemain. Elle lui avait présenté sa famille. Ils s’étaient mariés, avaient appris à haïr leurs différences après les avoir aimées, s’étaient trahis pour le sport, puis par habitude, avant de se séparer avec fracas.

Une façon originale de juger les hommes politiques.

Je préfère croire aux hommes plutôt qu’aux idées . Reagan ne m’inspire pas confiance. Trop de dents. Trop de cheveux.

La jeunesse et les math.

L’expérience ne peut remplacer les fulgurances de la jeunesse. L’intuition mathématiques s’évanouit aussi vite que la beauté. On dit d’un mathématicien qu’il a été grand comme d’une femme qu’elle fut belle. Le temps est sans justice, Anna. Vous n’êtes plus tout jeune pour une femme, où le sourire encore moins pour une mathématicienne.

Humour d’Einstein.

Seules deux choses sont infinies, Adèle. L’univers et la stupidité de l’homme. Et encore, je ne suis pas certain de l’infinité de l’univers !

Humour.

Pourquoi le génie arrive-t-il si jeune ? Comme chez les poètes. Les portes d’accès du royaume des Idées se referment-elles avec la maturité ?
Gladys opina du chef :
– Ça doit être hormonal. Après, ils prennent du ventre et s’inquiètent uniquement du dîner.

De l’importance de la colère.

La colère vous purge. Mais qui peut la vivre à long terme ? La colère rentrée vous consume. Puis elle finit par s’échapper par petits pets fielleux qui ne font qu’empuantir un climat déjà délétère. Que faire de toute cette colère ? À défaut, certains la font rejaillir sur leur progéniture. Je n’avais pas cette malchance. Je la réservais donc aux autres : aux fonctionnaires incompétents ; aux politiciens véreux ; à l’épicière tatillonne ; à la coiffeuse intrusive ; à la météo ingrate ; à tous les empoisonneurs dont je n’avais rien à faire. J’étais devenue une mégère par mesure de sécurité. Je ne m’étais jamais mieux portée.

Édition Picquier Poche . Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako

 

J’ai reçu ce cadeau d’une amie qui sait transformer le moindre repas en un moment où chaque convive se sent bien. Tous les plats de mon amie respirent la gentillesse et ses petits gâteaux sont autant de gages de son attention à autrui. Je ne suis pas surprise qu’elle ait aimé cette histoire. Moi, j’ai une réserve sur le style de l’auteure entre la naïveté de l’enfance et la maladresse d’un récit un peu simpliste, je ne suis pas totalement partie dans son univers. Mais, pour le plaisir de la cuisine japonaise ce roman vaut la peine d’être lu. La lecture ne vous retiendra pas très longtemps une soirée sans doute. Mais vous ferez un beau voyage parmi des saveurs que vous aurez envie de découvrir.

Une jeune fille, cuisinière, est abandonnée par l’homme qu’elle aime. Elle revient dans son village et retrouve sa mère avec laquelle elle n’a plus aucune relation. Le choc de la rupture amoureuse a été si violente qu’elle a perdu sa voix et doit donc s’exprimer par écrit et surtout à travers sa cuisine. Elle y met tout son cœur et s’efforce de comprendre au mieux les gens qui viennent dans son restaurant. Bien sûr on comprendra le pourquoi de sa relation avec sa mère et le secret de sa naissance. Ce n’est certainement pas ce qui vous donnera envie de lire ce petit roman. En revanche, la description des plaisirs que peuvent procurer la cuisine exécutée par une Japonaise qui sait mélanger ce qu’il y a de meilleurs dans toutes les cuisines du monde entier pourraient vous ravir.

 

Citations

 

 

La cuisine de sa grand mère .

C’était ma grand-mère qui, en douceur, m’avait initiée à l’univers de la cuisine.
 Au début, je m’étais contentée de regarder, mais au fil du temps, j’avais pris place à ses côtés devant les fourneaux et j’avais appris à cuisiner. Elle ne me donnait que peu d’explications mais elle me faisait goûter au plat à chaque étape de leur préparation. Peu à peu, mon palais a emmagasiné les consistances, les textures, les goûts.
 La silhouette de ma grand-mère en train de s’affairer dans la cuisine m’apparaissait nimbée d’une lumière à la fois divine et sublime, il me suffisait de la contempler. Le simple fait de l’aider me donnait l’impression de prendre part, moi aussi, à une tâche sacrée.

Sa mère et elle.

Entre ma mère et moi s’élevait une muraille faite de dix années accumulées, si haute que le sommet en restait invisible.

Avec ma mère, c’était toujours la guerre froide. J’étais capable d’amour pour presque tous les humains et les êtres vivants. Il n’y avait qu’une seule personne que je n’arrivais pas à aimer sincèrement – ma mère. 
Mon antipathie pour elle était profonde et massive, presque autant que l’énergie qui me faisait aimer tout le reste. 
Voilà qui j’étais vraiment. L’être humain ne peux pas avoir le cœur pur en permanence.
 Chacun recèle en lui une eau boueuse, plus ou moins trouble selon les cas.
Donc, pour maintenir propre cette eau fangeuse, j’avais décidé, dans la mesure du possible, de la laisser reposer paisiblement.
 Ma mésentente avec ma mère était précisément cette boue en moi, mais si je demeurais sereine, elle ne salirai pas tout mon cœur. Donc je donc, je faisais en sorte d’éviter ma mère le plus possible. En un sens, je m’appliquais à ignorer sa présence. J’étais convaincue que c’était là le seul moyen de garder le cœur pur.

La cuisine japonaise.

Le « kimpira » de pétasite du Japon aux prunes séchées, la bardane mijoté avec une bonne dose de vinaigre, le « barazushi » de riz vinaigré aux petits légumes, le flan salé « chawan-mushi » au bouillon fondant et goûteux, le flan au lait aux blancs en neige, les gâteaux à la poudre de soja grillé cuit à la vapeur et bien d’autres recettes encore, héritées de ma grand-mère, étaient vivantes en moi.

Style de l’auteure un peu enfantin. Ou japonais ?

Le soleil s’enfonçant entre les immeubles de la ville avait aussi son charme, mais le coucher de soleil, ici, et c’était comme si la nature exhibait ses biceps. Devant une telle magesté les hommes devraient renoncer à essayer de faire plier la nature selon leur bon vouloir. Le corps de mon insignifiante personne était prolongé par une ombre étirée comme un bâton.

La cuisine française .

On a souvent tendance à penser qu’il est impossible de cuisiner français sans poisson ni viande, mais les légumes, s’ils ont une force intrinsèque, peuvent jouer un rôle de premier plan dans un menu. Il y a un secret à cela.
 Je me suis remémoré mon apprentissage dans un restaurant français, délicatesse des saveurs et audace dans l’esthétique, des principes que je me suis efforcée de respecter en mettant la dernière main au plat. 
En entrée, salade de fraises. J’avais mis de la Roquette, du cresson frais et des fraises à macérer dans une réduction de vinaigre balsamique. 
Pour le premier plat principal, des carottes frites. Des carottes avec leur peau, simplement coupées en deux dans le sens de la longueur et roulées dans la chapelure, frites à. À l’huile végétale. Servies avec une garniture de salade de légumes, on aurait dit, étonnamment, de magnifiques crevettes panées.
 En deuxième plat principal, un steak de radis blanc. Du radis blanc, préalablement blanchi et poêlée avec des shiitake semi-séchés. En assaisonnement, sel, sauce de soja et huile d’olive.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Phébus , traduit de l’anglais par Jean buhler

Ce roman s’est retrouvé dans les propositions du club de lecture dans le thème : « écrivains américains ayant habité en France ». J’ai appris ainsi que Louis Bromfield a séjourné des dizaines d’années en France puis, il est retourné dans son Ohio natal pour y fonder une ferme écologique qui se visite toujours. Ce roman, je l’ai lu et relu dans ma jeunesse, j’adorais les passages où Mrs Parkington règle ses comptes avec les médiocres qui n’avaient pour eux que la richesse due à leur naissance. J’ai éprouvé un plaisir très régressif à le lire de nouveau. L’intrigue est bien menée : une riche héritière d’un mari peu scrupuleux qui a amassé une fortune considérable voit s’effondrer un monde basé sur l’appartenance à une classe sociale et qui se croit à l’abri des lois et du commun des mortels. Elle fera tout ce qu’elle peut pour sauver son arrière petite fille des retombées qui vont éclabousser son père qui a épousé la petite fille de Susie Parkington. L’auteur fait de constants retours en arrière qui nous permettent de revivre la vie de cette femme et expliquent pourquoi leurs enfants et petits enfants ont tant de mal à se sentir bien dans leur peau. Trop beaux pour ses fils, pas assez belle pour sa fille, mais dans tous les cas beaucoup, beaucoup trop riches, ils n’auront pas su être heureux. En relisant ce roman, j’ai pensé qu’aujourd’hui les requins de la finance n’ont guère été punis pour leurs actions qui ont ruiné tant de gens dans le monde. Il y a bien des aspects de ce roman auxquels je suis moins sensibles aujourd’hui et que je trouve même agaçants. La place de la femme, qui doit être belle, courageuse, soutenant son mari en toute occasion, et en même temps heureuse, on est loin des combats féministes ! L’idée que l’hérédité explique les difficultés des descendants : les « Blairs » étaient des originaux les enfants seront marqués un peu bizarres. En revanche, j’avais oublié à quel point ce roman était une critique du capitalisme américain et soutenait la politique de Roosevelt, le roman raconte la fin d’un monde fondé sur un capitalisme prédateur et l’arrivée d’un société plus humaine et plus honnête. L’auteur critique beaucoup les Américains qui croient que la naissance leur permettent d’appartenir à un monde au-dessus des lois, ce que je trouve un peu étrange car pour moi l’image de l’Américain est plutôt représenté par le « self made man ». Et finalement, je l’avoue, avoir de nouveau éprouvé de la sympathie pour cette femme extraordinaire même si je ne crois pas du tout que ce genre de personnalité avec toutes ces qualités puisse exister.

Plus qu’un jugement objectif sur ce roman, les cinq coquillages viennent illustrer tous les bons souvenirs que cette lecture m’a rappelés.

 

 

Citations

Sa jeunesse admirons au passage la nature féminine….

Susie ne manquait jamais de voir le soleil se lever, car sa mère et elle étaient toujours debout avant l’aube afin de préparer les provisions des hommes qui allaient travailler dans les mines. Il fallait emballer des sandwichs et verser le café dans des bouteilles. Active et précise dans ses gestes, la mère de Susie était jolie, avec ses petits yeux bleus et ses joues à se joue à fossettes. C’était une de ces femmes qui ont besoin de travailler sans relâche, de par leur nature même. Elle n’aurait pu se priver de fournir de grand effort physique. Susie connaissait aussi ce besoin dévorant d’activité, cette inquiétude qui ne l’eût jamais laissé en repos si son énergie n’avait été heureusement tempérée par une forte propension à la rêverie et à la contemplation.

Le personnage négatif de l’ancien monde

Ned avait peu d’expérience, mais il avait déjà rencontré assez d’individus de la trempe d’Amaury pour pouvoir les juger au premier coup d’œil. Ces gens-là croyaient être protégés par des privilèges spéciaux du fait de leur naissance et échapper ainsi aux lois qui régissent les actes de l’ensemble du peuple américain. Ils étaient nés dans cette période où le sentiment des valeurs avait été faussé, où l’on ne croyait qu’à la puissance de l’argent et où l’on négligeait complètement les qualités du cœur et de l’esprit.

Une phrase que je dédie à ceux qui sont toujours en retard

Toujours ponctuel, le juge Everett arriva à onze heures trente. L’exactitude est le propre des gens qui travaillent beaucoup. Seuls les oisifs peuvent se permettre de gaspiller le peu de temps qui nous est accordé pour vivre.

Réflexions sur un type de personnalité que je trouve assez juste

La pauvre duchesse, avec son visage blême et ses yeux pitoyables de tristesse, semblait demander l’aumône d’un peu de sympathie, mais dans l’instant qu’on lui accordait, elle la refusait contre toute attente et se cachait derrière l’écran de sa dignité blessé. Elle était triste comme seuls peuvent l’être ceux qui sont parfaitement égoïstes, ceux qui sont condamnés à souffrir toujours et partout, parce qu’ils ne veulent pas voir plus loin que les murs de la prison dans laquelle les tient enfermés le souci de leurs propres peines.

C’est « la souris jaune » qui m’a donné envie de lire ce roman. Et aussi le fait que cet auteur ait reçu « le Goncourt des lycéens ». Depuis Farrago de Yan Appery , je fais toujours attention à ce prix. Ce roman est composé de deux parties assez différents la première partie raconte l’amour désespéré de Sacha Malinoff pour la belle Cynthia la fille du Maître des Paons. Il en viendra à tenter de disparaître, puis il s’imposera peu à peu dans la vie de la famille très originale de Cynthia. Un peintre uniquement occupé à peindre des paons et un frère très bizarre. En réalité, le personnage principal de ce curieux récit est » le mas des paons » une demeure attirante remplie de mystère. J’ai beaucoup pensé au château de la fête du « Grand Meaulnes », à cause de l’attirance et du mystère qui entoure cette demeure et ces habitants. J’ai beaucoup aimé le style de cet auteur, une langue aussi précise que poétique. Mais je suis restée sur ma fin sur le plan de l’intrigue, j’éprouvais comme un léger ennuie pendant cette lecture ; je reconnais que cela allait bien avec le sujet.

 

Citations

La mémoire

J’ai observé au cours des cinquante premières années de ma vie, une vie qui m’échappe de plus en plus, que chacun entretient avec sa mémoire une relation personnelle, unique, sauvage, inavouable assez souvent, comme avec son corps, sa langue, ses humeurs et l’ensemble de l’univers.

 

Le charme des timides

Mon truc, c’était de prendre les devants sans en avoir l’air. Je me moquais de moi avant qu’elle n’eût le temps de le faire. J’affectais une gaucherie de convention pour masquer la véritable que je ne pouvais maîtriser. Aller vite en donnant l’impression d’être trop lent, cacher la précision sous l’embarras, c’est le procédé des vieux clowns. Ce fut le mien. Que n’aurais-je fait pour que son regard triste et bleu s’arrêtât longuement sur moi sans chercher plus loin son bonheur ?

Beauté du style

J’allais m’asseoir, encore tremblant, sur un billot abandonné, quand me parvint du fond du bois, pour la première fois cette année-là, le cri le plus insaisissable de la nature, la double note du coucou, triomphante, moqueuse, délurée, qui soutient à la face de l’univers la suprématie vagabonde des dieux furtifs.

Les timides

J’étais d’une timidité de lynx, animal que sa vue a rendu célèbre, mais qui craint à bon droit les hommes et qui les évite. Certes, comme tous ceux qui souffrent du même mal, et qui sont légion, j’usais de remèdes désespérés pour combattre la maladie, alcools d’hiver, recherche vestimentaire, lunettes noires, et un lot presque inépuisable de plaisanteries à lancer en cas de détresse.

Les rencontres avec Cynthia et le mas des paons

À l’occasion de cette visite de jours, je déchiffrai dans le regard mélancolique de Cynthia une demande à laquelle je me soumis immédiatement et qui constitue la clause tacite (et unique) de notre pacte. Je ne devais jamais poser de questions concernant la propriété et ses habitants. Ne pas chercher à visiter les parties des bâtiments qu’on ne m’avait pas encore montrées. Me garder de toute indiscrétion. N’être surpris de rien. À ces conditions seulement, je ne serais pas un intrus, et tout me serait révélé peu à peu, à son heure, sans brusquerie.
 Ce pacte resta en vigueur aussi longtemps que je fréquentai le domaine et je crois qu’il avait du bon puisque il m’est impossible aujourd’hui de repenser à ma découverte lente des lieux sans retrouver les battements de cœur qui l’accompagnèrent toujours.

Amour désespéré

Il y a des jours où je fus à deux doigts d’avouer à Cynthia que je l’aimais, mais ne le savait-elle pas et n’avait-elle pas répondu à mon silence par le sien, qui disait tout autre chose ? Je suis tenté de croire aujourd’hui, sans en être certain, que je me gardais de tout aveu pour ne pas dissiper une ambiguïté où logeait encore de l’espérance.
Après le premier baiser qui n’était que de circonstances et n’engageait rien, la main gauche du séducteur, sa bonne main qui maniait avec une égale élégance le stylo à plume et la canne, cette main sinistre, je ne crains pas de le dire, habituée aux fouilles babylonienne, dégrafa sans attendre une permission et les trois boutons du chemisier -un trio qui m’avait souvent intrigué- et elle fit jaillir les seins de leurs bonnets, afin que la pleureuse comprît par cet attentat amoureux que le grand homme ne la consolait pas par pitié, dans un esprit de sacrifice chevaleresque, mais qu’il agissait pour le compte d’une puissance supérieure à la compassion, sous l’empire du désir fou.

 

Édition Zoé . Traduit de l’anglais par Christine Raguet

Et pour une fois le nom de la traductrice est sur la couverture, bravo aux éditions Zoé.
Il y avait pour ce livre tant de tentatrices ,que je savais que je le lirai, heureusement que je n’avais pas dit quand ! Aifelle en novembre 2019, Athalie en octobre 2019, et Kathel en juin 2020. À chaque fois, je me disais que ce roman était pour moi, je confirme totalement cette impression. Merci à vous de m’avoir guidée vers ce roman.

Dans un quartier chic du Cap, deux femmes vieillissent, rien ne les unit, si ce n’est une haine farouche. Toutes les deux deviennent veuves au début du roman. Marion, la femme blanche architecte était mariée à un certain Marc, elle découvre que celui-ci ne lui a laissé que des dettes . La vente d’un tableau acquis il y a bien longtemps pourrait la tirer d’affaire, il s’agit d’un tableau de Pierneef peintre qui a une belle côte aujourd’hui en Afrique du Sud :

Seulement voilà , Hortensia a entrepris des travaux et une grue s’est abattue sur sa maison et le tableau a disparu. Ne croyez surtout pas que cette anecdote soit très importante. En fait ce qui est important c’est pourquoi ces deux femmes sont arrivées à se haïr avec une telle force : Hortensia, sait mieux que quiconque déceler le racisme ordinaire qui dicte la conduite de Marion. Celle-ci a déjà perdu le contact avec ses enfants à cause de ses comportements humiliants pour leur employée Agnes. Hortensia n’a plus d’illusion sur l’humanité, et elle sait très bien débusquer toutes les petitesses de chacun même si elle est souvent méchante, elle est aussi très drôle et j’ai beaucoup appréciée quand elle bouscule le côté dame patronnesse de Marion. C’est une femme qui a très bien réussi dans le design et qui au contraire de Marion , n’a aucun soucis d’argent. Son mari Peter meurt et laisse une clause très étrange dans son testament. Il demande à Hortensia de prendre contact avec Emée une jeune femme de 40 ans qui est sa fille légitime. Il manque un élément pour que le décor soit planté. La maison dans laquelle habite Hortensia a été conçue par Marion et celle-ci aurait voulu l’habiter. Les deux femmes vont être amenées à devoir se supporter. Il n’y aura pas de renversement de situation mais une sorte de paix des braves ! Au fil de l’histoire on en apprend beaucoup sur le racisme ordinaire en Grande-Bretagne, et les horreurs de l’Afrique du Sud . La façon dont l’auteure nous présente les deux personnalités est passionnante. Tout en se doutant de la suite, on laisse l’auteur nous emmener sur les chemins de deux femmes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Il n’y a pas de « gentilles » mais des femmes qui ont connu une vie originale, la dureté d’Hortensia cache une grande intelligence et une sensibilité qui n’a jamais pu s’épanouir complètement . Marion est plus prévisible mais on la sent prête à abandonner quelques une de ces certitudes. Enfin !

Bref, je joins ma voix à celles qui ont avant moi découvert ce roman, c’est un roman qui m’a laissé une très forte impression et dont j’ai savouré toutes les pages.

Citations

 

Le ton est donné

La rivalité était assez tristement célèbre pour que les autres représentantes du comité se tiennent en retrait afin d’assister au spectacle. Il était de notoriété publique que les deux femmes partageaient une haine et une haie, qu’elles élaguaient l’une comme l’autre avec une ardeur qui démentait leur âge.

Marion et Hortensia

-Je suis convaincu que si on les contraignait, ces gens auraient du mal à justifier leur droit. Des gens à l’affût d’argent facile, si vous voulez mon avis.
– Quand vous dites ces gens, ce que vous voulez dire en fait, c’est « des Noirs », si j’ai bien compris ?
– Absolument pas et je voudrais..
– . Marion, je ne suis pas d’humeur aujourd’hui à supporter votre sectarisme. J’ai le souvenir précis de vous avoir demandé de garder vos conversations racistes pour votre propre salle à manger.

 Le mari d’Hortensia

Peter n’avait jamais été croyant, mais il avait affecté des postures de croyant qu’Hortensia n’avait jamais été capable de déchiffrer parfaitement. Il sifflotait « Morning has broken », puis l’entonnait, mais il s’embrouillait dans les paroles, le cantique disparaissant dans sa gorge. Il jouait au golf le dimanche, mais à Noël il voulait des chants de Noël. Et maintenant, il meurt et voilà qu’il veut une église.

Les sentiments d’Hortensia

Hortensia en vint à comprendre la qualité de sa vie aurait grandement gagné à connaître plus de colère et moins de ressentiment. Le ressentiment est différent de la colère. La colère est un dragon brûlant tout le reste. Le ressentiment dévore vos entrailles, perfore votre estomac.

L’intelligence et la jeunesse

Hortensia était en désaccord avec l’opinion répandue qui veut que les jeunes aient l’esprit vif et de la jugeote. Au contraire, sur ses vieux jours, elle avait découvert que les jeunes (d’une manière générale) se protégeaient sous une sorte de douillet cocon d’idées arrêtées, qui les mettaient à l’abri du monde et que l’on pouvait aisément prendre pour de l’intelligence, à la condition que vous, l’observateur, manquiez un peu de vigilance dans vos appréciations.

L’ histoire du papier toilette(qui permet de comprendre la photo d’Athalie)

Lara avait couru à l’office pour aller chercher un rouleau de papier toilette et elle était revenue avec le papier simple épaisseur.
« Celui-là est pour Agnes, avait hurlé sa grand-mère, avant de marmonner  » pourquoi est-ce qu’elle va mettre ses affaires dans mon office ? »
 La fillette eut l’air troublée. Pourquoi sa grand-mère achetait-elle deux qualités de papier toilette ? « Parce que » avait dit Marion.
 Parce que le double épaisseur est plus cher et que, compte tenu de sa condition, il paraissait parfaitement raisonnable de penser qu’Agnes se contenterait du simple épaisseur. La fillette posait des questions sur les choses auxquelles Marion n’avait jamais eu de raison de réfléchir, mais c’était ainsi -la voilà la raison. Mais les dégâts avaient déjà été faits. Lara était contrarié, Marelena était contrariée. Elle consola sa fille et fit une moue réprobatrice à sa mère. « Je croyais qu’après tout ce temps tu en aurais fini avec ces choses-là. » Marion était jugée. Amère à l’idée d’être mal comprise, elle souleva l’affaire avec Agnès.
« Pourquoi mets-tu tes rouleaux de papier toilette dans mon office Agnes ? Quand les courses arrivent, quand tu vides les sacs, prends ce qui te revient et mets-le dans ton studio.
-Non, patronne.
-Quoi ?
Agnès avait rarement l’occasion d’utiliser le mot « non » quand elle parlait avec Marion. En fait, Marion ne pouvait se rappeler qu’une seule fois elle l’avait entendu l’employer.
-Celui-ci n’est pas mon papier papier toilette, patronne. Le mien, je l’achète moi-même. – Pourquoi achètes- tu ton propre papier ? avait demandé Marion. Quel changement avait bien pu se produire ? Elle travaillait ici depuis des dizaines d’années et connaissait les règles. Agnès, qui était en train d’essayer les petites taches sur le marbre du plan de travail de la cuisine, haussa les épaules.
– J’avais besoin de quelque chose de meilleure qualité, patronne.
Un jour, peu après cette conversation, alors qu’Agnes était occupée avec le linge sale, Marion se glissa dans le studio pour en inspecter la salle de bain. Là se trouvait le papier toilette en cause. Triple épaisseur. Elle rougit et, pour ne jamais être en reste, lors de son déplacement suivant chez Woolworths Marion choisit une grande quantité de rouleaux de papier toilette triple épaisseur pour elle-même.

Vieillir

– De toute façon, je suis trop vieille. Je ne peux pas avoir un copain. J’ai toutes sortes de douleurs. Trop.
-C’est ainsi, et oui.
-Quoi ?
-Ça. Vieillir. Avoir de plus en plus de douleurs.
 Marion fit une grimace.
-Et essayer de tout réparer.
– Et ça marche ?
-Quoi ?
-D’essayer de tout réparer ?
– Pas vraiment. J’ai quatre enfants, Hortensia. Trois à qui je n’ai pas parlé depuis presque un an. Je ne les vois jamais. Marelena, mon aînée , elle appelle, mais j’ai toujours l’impression, quand on parle, qu’elle me braque un revolver sur la tempe. Et que j’en braque un sur la sienne.

 

 

 

 

Un petit livre trouvé chez Nouketteet que j’ai lu, moi aussi, en une soirée, ce petit Adrien qui a le mot « rien » dans son nom est bouleversant. Il voudrait être aimé , il voudrait avoir un papa, ou au moins savoir qui est son papa. La vie n’est pour lui qu’une succession de choses qui vont mal, comme ses reins qui sont fichus et qui le mettent en grand danger de mort, comme sa maman qui a un grave accident, comme sa tante – la sorcière- qu’il déteste et qui ne sait pas aimer les enfants. Est-ce qu’un jour la vie lui sera un peu plus douce ? On l’espère mais c’est vraiment mal parti, en attendant, l’auteure a su nous embarquer dans les méandres des pensées des enfants pour qui rien n’est simple. De l’extérieur on peut penser qu’ils s’y prennent très mal ! mais si on savait ! C’est si compliqué pour un enfant de chercher à se faire aimer d’adultes qui n’ont pas résolu leurs conflits. Le regard du petit garçon choisi pour la couverture du livre poche dit bien toute la détresse de ce petit Adrien.

 

Citations

 

le début

Aussi loin que je m’en souvienne, je l’attendais assis, le menton sur les genoux, les bras autour des jambes et le dos appuyé contre la porte du placard.

 

Sa maladie

 

Je lui ai alors expliqué que j’étais malheureux au sixième étage de cet immeuble où nous vivions, que je détestais le sous-sol, que je m’ennuyais avec elle pendant les weekends et sans elle pendant la semaine. Elle n’avait qu’à arrêter de travailler s’occuper de moi, au lieu de m’abandonner à ma sorcière de tante. Bien sûr, il y avait la maladie, cette fichue maladie des reins fichus qui me faisait manquer l’école,

 

Édition Gallimard NRF

Un roman pudique qui exprime pourtant si bien la violence, la solitude, la peur, l’amour et surtout la force de la musique. On est loin des six cent pages obligatoires du moindre roman américain et pourtant, je suis certaine que ce texte restera dans ma mémoire autant par l’ambiance que ce romancier a su créer que par la force de l’histoire. C’est la deuxième fois que je rencontre ce romancier, je me souviens avoir déjà beaucoup aimé « Une langue venue d’ailleurs » .
Le récit commence par une scène de terreur. En 1938, au Japon, un groupe de quatre musiciens amateurs se réunit pour répéter Rosamunde de Schubert. Mais ils sont interrompus par un militaire qui les soupçonne de communisme . Le père du narrateur a juste le temps de cacher son fils dans une armoire avant d’être brutalisé par ce soldat qui va les arrêter tous les quatre , d’autant plus furieux que trois d’entre eux sont Chinois. L’enfant caché verra toute la scène, en particulier le soldat qui écrase de son pied botté, le violon de son père. Ensuite le roman passe quelques décennies et Rei l’enfant est devenu adulte, il est luthier et a épousé une archetière (un mot que ce roman a rajouté à mon vocabulaire). Nous apprendrons que cet enfant a été élevé par un couple de français ami de son père qui lui, a disparu dans les geôles de l’empire du Japon pendant la guerre. Le roman permet de retrouver les protagonistes ou leurs descendants de la scène initiale. C’est aussi un roman sur la musique, le travail du luthier, sur la langue japonaise. Rie a réussi à reconstruire le violon de son père, je ne peux sans divulgâcher la fin du récit, vous dire quelle virtuose jouera sur cet instrument de facture française. Je connaissais la tradition de luthiers de Richemont, petite ville des Vosges, mais je ne savais pas que, sans dépasser la tradition de Crémone, Richemont a donné des violons d’une qualité très recherchée, encore aujourd’hui. le père de Rei possède un Jean-Baptise Vuillaume.

Si je mets 5 coquillages à ce roman, c’est que j’aime tout dans la façon de raconter de Akira MIZUBAYASHI en particulier sa pudeur, son élégance et son goût pour la langue aussi bien japonaise que française.(Il écrit en français !)

 

 

Citations

 

Destruction du violon

Emporté par la haine féroce, il balança le violon par terre de toutes ses forces et l’écrasa de ses lourdes bottes de cuir. L’instrument à corde, brisée, aplati, réduit en morceaux, poussa d’étranges cris d’agonie qu’aucun animal mourant n’eût émis dans la forêt des chasseurs impitoyables.

Rei avait assisté, par le trou de la serrure, à toute cette scène insoutenable sans pouvoir suffisamment saisir les échanges entre son père et le militaire. Il était retourné par la violence que son père subissait. Pétrifié de peur, recroquevillé sur lui-même, dévasté par son impuissance d’enfant, il se morfondait dans l’obscurité de sa cachette. Seul vibrait au fond de son conduit auditif la monstruosité du mot « Hikokumin* »et les sons événements, plaintifs et dissonants du violon mourant de son père.
Hikokumin : antipatriote

Scène initiale

Plusieurs longues secondes passent. Je ne sais ce qu’il fait, le corps ne bouge pas d’un pouce. J’ai peur. Instinctivement, je ferme les yeux. Le silence persiste. Je rouvre les yeux à moitié. Il se penche alors lentement, très lentement, comme s’il hésitait, comme s’il n’était pas sûr de ce qu’il faisait. Une tête d’homme, coiffé d’un képi de la même couleur que l’uniforme, apparaît devant mes yeux. À contre-jour, elle est voilée d’une ombre épaisse. Du bord du képi descend par derrière jusqu’aux épaules une pièce d’étoffe également kaki. Les yeux seuls brillent comme ceux d’une chatte qui guette dans les ténèbres. Mes yeux, maintenant grands ouverts, rencontrent les siens. Je crois pouvoir reconnaître un discret sourire qui s’esquisse et qui se répand autour des yeux. Qu’est-ce qu’il va faire ? Il va me faire mal ? Il va me sortir de force de cette cachette ? Je me blottis davantage sur moi-même. Soudain, il se penche de côté et se baisse un peu, puis il se relève aussitôt avec, dans la main, le violon abîmé qu’il a posé sans doute, il y a quelques instants, sur le banc juste à côté de l’armoire où je suis réfugié.

Le thème de Rosamunde

Le thème que je vais jouer est d’après moi l’expression de la nostalgie pour le monde d’autrefois qui se confond avec l’enfance peut-être, un monde en tout cas paisible et serein, plus harmonieux que celui d’aujourd’hui dans sa laideur et sa violence. En revanche, j’entends le motif présenté par l’alto et le violoncelle « tâ…. takatakata……., tâ…. takatakata… », comme la présence obstinée de la menace prête à envahir la vie apparemment sans trouble. La mélodie introduite par Kang-san traduit l’angoissante tristesse qui gît au fond de notre cœur.

Le travail du Luthier

Le vieil homme était en tablier bleu marine recouvert, de-ci de-là, de quelques copeaux fins. Il retourna à son établi tout en longueur où se trouvait, à côté d’un violoncelle détablé et en restauration, un violon ou un alto en cours de fabrication dans son état de bois brut non vernis. L’instrument n’avait encore ni manche ni touche, mais son corps échancré était achevé, toutes ses parties constitutives bien assemblées, minutieusement montées. L’homme au tablier bleu marine contemplait son objet d’un air satisfait, en le tenant de la main gauche. Les ouïes lui firent penser comme souvent au long yeux bridés d’un masque japonais « Okame ». Elles transformaient alors la surface de la table d’harmonie gracieusement bombées en un visage de femme souriant et rayonnant. Sur le mur, en face de lui, étaient accrochés une variété incroyable d’outils de menuiserie et de lutherie. Plus haut, on voyait un diplôme encadré, celui de la « Cremona Scuola Internazionale di Liuteria ». Au bout de quelques minutes, ses yeux quittèrent son enfant encore à l’état de fœtus pour se porter sur les nombreux instrument à cordes verticalement accrochés à une planche en bois d’une dizaine de mètres qui, juste au-dessous du plafond, allait horizontalement d’une extrémité à l’autre de tout le mur peint en blanc. Il tourna sa chaise en direction de sa collection de violon et alto parfaitement alignés.

Sa femme est archetière

Hélène avait été frappée par le métier d’archetier, lorsqu’elle était entrée dans l’atelier d’un maître archetier. Une simple baguette en bois de pernambouc c’était transformée en un bel objet dans la courbe lui apparaissait pour la première fois -alors qu’elle avait vécu jusque-là tous les jours au contact des archets et de ses parents- sous l’aspect d’une mystérieuse beauté qui faisait penser à celle d’un navire céleste voguant sur les flots argenté des nuages. Ses parents lui avaient dit que la sonorité de leur instrument changeait sensiblement en fonction de l’archet qu’ils considéraient comme le prolongement naturel de leur bras droit.
et pour votre plaisir une des multiples version de Rosamunde

 

 

 

Éditions Rivages . Traduit de l’anglais (Étais-Unis) par Martine Aubert.

Je l’avais repéré chez Katel mais je sais que vous êtes plusieurs à en avoir parlé. J’ai bien aimé ce roman mais sans en faire un coup de coeur . Je commence par mes réserves pour ensuite aller vers ce qui m’a permis d’aller au bout des 576 pages (roman américain oblige !).

Le fil conducteur du roman c’est une maison du XIX ° siècle qui s’effondre sur ses occupants. En 1871 , la famille de l’instituteur Thatcher Greenwood est divisée à propos de leur voisine Mary Treat personnage qui a vraiment existé. En 2016, la maison (enfin le roman montrera que ce n’est pas si simple) est occupée par la famille de Willa et Iano Tavoularis .
Voilà pour les présentations, le roman se divise donc en chapitres qui alternent en 1871 et en 2016. C’est ma première difficulté, à peine est-on bien installé avec une des deux familles qu’il faut la quitter pour sauter les siècles et entrer dans une autre problématique. Il y a aussi chez cette auteure des « trucs » pour lier les deux parties du roman que j’ai trouvés complètement artificiels . Le dernier mot du chapitre sert de titre au chapitre précédent. Dans l’histoire qui se passe en 2016 il y a un bébé qui pleure beaucoup, on entendra des pleurs de bébé dans une réunion en 1871. Ce sont des détails, ce qui m’a le plus gênée, c’est le politiquement correct des propos du roman. L’héroïne de 1871 est une femme remarquable et reconnue à son époque qui ne semble en rien porter les thèses féministes d’aujourd’hui. La montée de Trump en 2016 est incarné par un grand père acariâtre, raciste et borné . Et l’idéal de vie d’un des personnages la fille de Willa se passe à Cuba où tout semble paradisiaque. En lisant ce roman, j’ai pensé que pour que l’Amérique redevienne une grande nation il faudrait que les démocrates cultivés fassent des efforts pour ne pas uniquement mépriser les « trumpistes » sans chercher à les comprendre.

Et pourtant j’ai aimé lire ce roman . Car il décrit bien une Amérique que nous avons vue se déchirer lors des dernières élections. On voit aussi comment une classe moyenne est toujours à la limite de la pauvreté. On voit aussi, combien il a été difficile pour les Américains des siècles passés de s’affranchir de la pensée religieuse . On sait que pour beaucoup d’habitants de ce grand pays Darwin est un auteur maudit qui contredit la sainte Bible. Le pire étant, qu’aujourd’hui encore, c’est l’opinion de certains américains. Mary Treat est une scientifique reconnue dès son époque et qui a entretenu une correspondance avec Darwin et tous les grands noms de l’époque. Le personnage de l’instituteur est une fiction romanesque mais qui permet de représenter la difficulté d’inculquer dans une petite ville une réflexion scientifique, surtout sans prononcer le nom de Darwin qui équivaudrait à une mise à pied immédiate. La ville a été créée par un Charles Landis -personnage historique- un promoteur entré en politique pour assouvir sa soif d’argent et de pouvoir (encore une allusion !) . Pour Willa en 2016 les difficultés sont avant tout financières. Elle cherche par tous les moyens à sauver la maison qui s’effondre. Elle pense que Mary Treat y a habité et veut donc faire classer sa maison, elle découvre qu’elle a habité en face dans une maison actuellement démolie, elle pense alors que c’est la maison de l’instituteur mais hélas ! pour elle cette maison est plus récente. Tout cela avec le soucis de la fin de vie de son beau-père qui comme beaucoup d’américains est mal couvert par son assurance maladie. Et l’arrivée chez son fils aîné d’un bébé que la mort brutale de sa belle fille (donc de la maman du bébé) rendra orphelin de mère . Son fils Zeke sera incapable de faire face au deuil de sa femme et à l’arrivée du bébé. Et j’oubliais la vieillesse et la mort de son chien qui semblent plus l’affecter que l’horreur de la fin de vie de son beau père dont les membres sont « bouffés » par la gangrène à cause de son diabète.

Une plongée dans l’Amérique et qui permet de mieux comprendre pourquoi elle est si divisée aujourd’hui.

 

Citations

Le statut des professeurs d’université aux US

Des tas d’universitaires passaient leur vie à courir de ville en ville après leur titularisation. Ils constituaient une classe nouvelle de nomades cultivés, qui élevaient des enfants sans vraiment pouvoir répondre à la question de savoir où ils avaient grandi. Dans une succession de maisons provisoires, avec des parents qui avaient des horaires de folie, voilà la réponse. Des enfants qui faisaient leurs devoirs dans un couloir pendant que leurs parents étaient en réunion de professeurs. Qui jouaient à cache-cache avec les mômes des physiciens et des historiens de l’art sur la pelouse de quelque doyen pendant que les adultes sifflaient du chablis bon marché et se lamentaient en chœur contre leur chef de département. Et aujourd’hui, sans une plainte, Iano avait accepté un poste d’enseignant qui faisait insulte à un homme possédant de telles références.

D’où vient le titre en français mais je ne trouve pas cela très clair.

– Mais nous sommes des créatures comme les autres. La vérité de Mr. Darwin est incontestable.
-Et parce qu’elle est vraie, nous la contesterons comme le font les êtres vivants. Nos yeux ne sont pas neufs, pas plus que nos dents et nos griffes. J’entrevois hélas un grand travail de sape pour retrouver nos vieilles suprématies, madame Treat. Nulle créature n’accepte facilement de vivre à découvert.
 – À découvert, nous nous tenons dans la lumière.
– À découvert, nous nous savons destinés à mourir.

L’immigration mexicaine

– Je vois. Les migrants mexicains illégaux ont envahi ton usine, ont mis les types blancs à terre, les ont conduit à la sortie, et puis ils ont dit à l’entreprise : « Hé patron nous, on n’a pas besoin des salaires minimums syndicaux. »
C’est comme ça que ça s’est passé ?
 – Pas exactement.
– Les lois ont changé de sorte que les propriétaires d’usines ont eu les moyens de casser les grèves, dans les années quatre-vingt. Je le sais, je couvrais l’actualité syndicale à l’époque. L’échelle des salaires s’est effondré. Tu le sais, Nick. Tu as pas été forcé de prendre une retraite anticipée ?
Nick ne répondit pas. Elle savait que le licenciement l’avait blessé dans sa fierté. Willa eut un pincement au cœur, pas de sympathie envers un compagnon d’infortune, mais d’excitation au souvenir de son secteur et des polémiques passionnantes. Les reporters plus âgés s’étaint moqués d’elle, qui venait travailler en basket pour qu’on l’envoie couvrir un affrontement sur un piquet de grève, mais les infos qu’elle en ramenait ne les faisaient plus rire du tout. Elle était tellement inexpérimentée à l’époque, pas facile d’acquérir le style cool du journaliste professionnel, et de ne pas aborder ces sujets de manière émotionnelle. Même s’ils se prenaient des bombes lacrymogènes.
-S’il n’y a que des travailleurs Mexicains dans cette usine aujourd’hui, ajouta-t-elle, consciente de s’adresser à un sourd, c’est parce que personne d’autre ne veut faire un boulot aussi dangereux pour un salaire minable.

Pour toutes les personnes qui ont connu des bébés qui ne veulent pas dormir

Le bébé gagnait en civilité mais continuait à résister aux siestes de l’après-midi plus férocement qu’il semblait possible chez un bébé de cinq mois. Il en venait à être si fatigué que sa tête molle s’affaissait sur sa tige, mais même avec le biberon de l’après-midi il refusait de d’assoupir comme un bébé normal. Il tétait son lait maternisé le front plissé jusqu’à ce que son déjeuner liquide fasse place à un sifflement gazeux, puis hurlait aux injustices de la vie. Willa avait essayé de lui proposer un deuxième biberon à la suite du premier. Tout le monde avait tenté quelque chose, le bercer, le promener, voire le laisser « pleurer jusqu’à épuisement » comme les experts le recommandaient aujourd’hui, mais cet enfant était capable de pleurer des heures.