SONY DSC

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
3

Pour que le club de lecture fonctionne correctement, il faut que les livres soient lus en moins d’une semaine, les romans courts et incisifs sont donc largement avantagés par rapport aux romans de cinq cent pages où il faut prendre son temps. Et dans celui-ci, Eric Fottorino prend tout son temps pour nous raconter au moins quatre vies.

  • Celle de son enfance chez les Ardanuit à Bordeaux où, jusqu’à l’âge de 10 ans, il sera « le petit » confronté à l’aigreur d’une grand-mère destructrice qui fréquente beaucoup trop les églises, Notre-Dame-des Chartrons entre autre. Tout est mortifère chez elle, un peu comme dans la chanson de Brel « ces gens là »

Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie

Frida serait Lina sa trop jeune maman du « petit François », elle est très belle et voudrait trouver un homme qui l’aime elle et son enfant.

  • Sa période heureuse, quand Lina se marie avec Marcel Signorelli, un ostréiculteur de la région de La Rochelle, les Signorelli, c’est le midi, le soleil qui chasse tous les miasmes de la bigoterie bordelaise.
  • La fin de sa vie, quand rongé par la maladie de Korsakov ,il s’approprie, au point de croire que c’est la sienne, la vie de Fosco Signorelli qui a dû partir de Tunis au moment de l’indépendance alors qu’il avait fait totalement sien ce fier et si beau pays du désert et de ses habitants.
  • Et par dessus tout cela, celle d’un certain MAMAN dont il est le fils naturel mais qui n’a pas pu ou pas voulu être son père.

Korasakov est une maladie étrange qui est le plus souvent le signe d’un alcoolisme sévère, elle ronge la mémoire à le manière d’un Alzheimer, mais en plus fait adopter au sujet qui en est atteint, une des personnalités qu’il a rencontrée. On peut se demander si tous les écrivains qui s’approprient la vie de leurs personnages ne sont pas, plus ou moins, passagèrement atteints de ce syndrome. En tout cas cela sert bien le roman d’Eric Fottorino. Il peut lui l’enfant sans père, s’approprier la vie de ce grand père d’adoption et nous la faire revivre.

Tout le long du roman, cet enfant qui n’a su dire le mot « papa » qu’à 10 ans découvre que son père biologique s’appelle « Maman » qu’il faut prononcer Mamane. On ne s’étonnera pas que cet enfant soit si attaché aux mots qu’il comprend parfois de travers, on se demande aussi si sa maladie ne vient pas du fait qu’il a dû assumer trois identités. J’ai lu récemment « Chevrotine » du même auteur et assez curieusement on retrouve le même thème dans une partie du roman. L’ostréiculteur au grand cœur, et surtout Carla la seconde femme du narrateur qui ne saura pas aimer Marco le fils pianiste, né du premier mariage, et comme dans « Chevrotine » le père un peu lâche laissera son fils s’éloigner de lui.

C’est donc un roman très dense où les vies se mêlent, j’avoue m’y être ennuyée car il veut brasser trop d’aspects qui n’ont rien à voir ensemble : la vie étriquée de Bordeaux dans un milieu aigri catholique, la vie d’un homme sorti de prison qui se pend , son oncle homosexuel qui se suicide , puis la mafia à Palerme, puis la Tunisie et les combats au moment de l’indépendance. Malgré les 500 pages on a l’impression de survoler et de n’entrer vraiment dans aucune histoire. Mais comme je l’ai dit en commençant , c’est peut-être un roman qu’il faut lire avec du temps mais alors, bon courage ! car le lecteur est souvent entrainé dans les sables mouvants d’une tristesse teintée de culpabilité. Évidemment, on pense à « Chevrotine » .

Citations

La bigoterie

– Il paraît que le père Castelain a le cancer, murmure la vieille je prie pour lui.
– Je priera aussi, renchérit Odette.

D’autres mots fusent à mi-voix. Méningite. Zona. Bile verte.

L’énumération des souffrance ragaillardit les deux vieilles.

Les Ardanuit oublient qu’ils ont passé leur vie à faillir. Failli réussir, failli s’en sortir, failli gagner à la loterie nationale, failli tout racheter, le Château-Gaillard, les terres de Sologne et les étangs à nénuphars, tout. Failli relever le nom et le blason, failli sauver l’honneur et les authentiques couverts en argent. Faili être heureux. Ils se tiennent chaud avec des presque et des peut-être, des demain si Dieu le veut. Dieu ne veut jamais.

IMG_2137 Suivant les conseils de Jérôme , j’ai offert « le grand méchant Renard », toute la famille a bien voulu écrire ce billet :

5
Rémi
6 ans : Mon passage préféré c’est quand le renard a dit « on va creuser un trou très profond pour s’enfuir », et c’était des navets, il pensait que c’était les poussins et les a mangés et il a dit « pouah c’est des navets », mais toute la BD est très drôle. J’ai beaucoup aimé que papa me la lise tous les soirs. Je crois que je pourrai le lire tout seul mais ça me prendra du temps. Mon autre livre préféré c’est Anuki à qui lui mettrai 4 coquillages, je préfère « le grand méchant Renard ».

4
Jules 9 ans : Je vais résumer l’histoire : « C’est l’histoire d’un Renard qui veut manger des poussins à l’aide du Loup, mais le Loup est terrifiant, il ne peut pas rentrer dans la ferme alors que lui, le Renard, il peut. Du coup, il vole des œufs, alors, voilà, il les vole, il dit « On attend qu’ils éclosent » et le Loup dit :  » Non c’est toi qui les couves », le Renard dit : « Ah bon t’es sûr , on ne peut pas faire un jour toi , un jour moi »  » Non, non  » « Peut-être que ça peut être que moi ? » « Oui oui, je préfère .. » En fait, il les a volés à la Poule. La Poule a dit au Chien de la ferme  » il faut que tu ailles me retrouver mes œufs », en fait le chien il va chercher dans le frigo. Quand la poule les prend, elle dit : « Depuis quand je ponds des œufs avec une date imprimée dessus ? ». La poule lui lance les œufs sur les yeux et le poursuit avec un bâton. Quand les œufs sont éclos le renard dit au loup : « Allez on les mange » « le loup dit ah non on va attendre qu’ils soient plus gras ». Six mois plus tard le loup dit : « Allez on va les manger », et le Renard dit « Ah bon tout de suite », le loup pense que le Renard s’est attaché aux poussins, les poussins ont fait un dessin pour le Renard ,un bouquet… Le Loup veut manger les poussins alors le Renard lui a donné un panier avec des navets à la place des poussins.
Le passage qui m’a fait le plus rire c’est quand la poule dit « depuis quand je ponds des œufs avec une date de « prévention » dessus ». J’ai bien aimé le dessin, il m’a fait penser à Anuki. Je conseille cette BD aux enfants de mon âge, car elle est très drôle, et je lui mets quatre coquillages.
Je mettrai 5 coquillages aux  » légendaires » et  » les Quatre de Baker Street ».

Le papa : j’ai bien aimé raconter cette BD, quand les adultes ont autant de plaisir à raconter une histoire que les enfants l’écouter, c’est plutôt bon signe. Et quand on glousse tous ensemble sur une blague, c’est la confirmation que ce livre a su nous rassembler. Il a fait l’unanimité.

La maman : J’ai beaucoup ri, je pense que les enfants de ma classe « moyenne section maternelle » ne seraient pas sensibles à l’humour, ils poseraient tout le temps des questions, et cela casserait l’humour. Je pense qu’on peut la faire lire vers 6 ans. Les dessins sont très bien. C’est une BD qui rejoint les deux publics, parents et enfants. J’ai beaucoup ri quand le Renard enferme les poussins dans un chaudron parce qu’il ne supporte plus leurs cris. Et puis quand tout est silencieux il commence à s’inquiéter. Il a peur qu’il soient morts, il ouvre le chaudron, les petits poussins dormaient, et… bien réveillés ils recommencent à piailler…

SONY DSC

3
J’ai cherché à la médiathèque un livre noté chez Jérôme L’incendie par Choplin et Mingarelli.Il n’y était pas, en revanche, j’y ai trouvé plusieurs romans de Mingarelli, dont celui-là. Il s’agit plus d’une longue nouvelle que d’un roman. Trois soldats allemands en Pologne préfèrent partir à la chasse aux juifs que passer leur journée à les fusiller. On les sent fatigués et mal à l’aise de devoir fusiller tant de gens. Ils auraient même eu quelques sentiments pour deux juifs qui avaient, pendant un mois laver et plier leur linge. Il partent donc dans un froid terrible et très bien rendu dans ce texte. Ils réussiront à trouver un juif caché dans un trou en forêt, et dans une scène assez dramatique passeront un certain temps dans une pauvre masure à chauffer une soupe qu’ils partageront avec un Polonais qui déteste encore plus les juifs qu’eux. Ils donneront donc une partie de la soupe chaude au juif pour, semble-t-il, uniquement ennuyer le Polonais.

J’avoue ne pas trop apprécier ce genre de fiction : que les Allemands aient été fatigués de tuer des juifs, qu’ils aient eu mauvaise conscience, et qu’ils se demandent ce que leurs enfants penseront d’eux, ne me semble pas très important au vu du résultat final. Cela me gêne aussi, qu’ils se sentent mieux que ce Polonais et qu’ils supportent mal sa haine des juifs. Mais, je le souligne, ce romancier sait créer une ambiance dramatique à cause du froid et de la faim, ils doivent brûler tout ce qui est en bois dans cette masure pour arriver à faire bouillir une marmite de soupe.

Citation

Formule très évocatrice

Tout à l’heure nous avions traversé un village polonais, triste comme une assiette en fer qu’on n’a jamais lavée.

Le froid

On s’arrêta pour fumer. Autour de nous il n’y avait que des champs immenses. Le vent avait fait onduler la neige, il avait construit des vagues longues et régulières que le froid avait figées depuis longtemps. nous regardions comme si nous étions au milieu d’une mère toute blanche. Au-dessus , c’était pareil, à part là-bas vers l’est, le voile à peine coloré devant le soleil.

On en parle

Tiens tiens, Aifelle avait vraiment beaucoup aimé en 2012.

SONY DSC

Reçu et lu dans le cadre de Masse critique de Babelio

3
Loin des divers autofictions ou récits puisant dans une enfance tourmentée, voici une auteure qui s’appuie sur ses connaissances historiques pour inventer le sujet d’une fiction agréable à lire. C’est un livre de bonne compagnie, léger, comme le fut sans doute l’époque : nous sommes en 1928/1929, juste avant la crise boursière qui va secouer les États-Unis, puis l’Europe. Le personnage principal est un chef cuisinier, d’un grand restaurant parisien. Lui, et son ami maître d’hôtel sont des rescapés de la grande guerre, ils ont retrouvé une forme d’apaisement sinon de bonheur en créant un lieu luxueux consacré à la gourmandise ; une façon d’exorciser les souvenirs trop lourds des morts des tranchées. Michelle Tourneur fait vivre dans son roman, des personnages réels de la vie parisienne, comme le couturier et parfumeur Paul Poiret, (le titre du livre vient d’un des flacons de ses parfums), Serge de Diaghilev et les ballets russes, et des personnages de fiction très vivants les commerçants des halles parisiennes, la fleuriste des rues.

L’auteure a choisi ce court instant, où en France, on commence à oublier la guerre, et où les menaces de la prochaine ne sont pas encore là. Elle a donc le temps de laisser vivre une relation entre une riche héritière américaine et le chef du restaurant. Pearl était venue faire des photos elle rencontre l’amour, pour quelqu’un dont elle épousera assez vite la sensibilité. Ensemble, ils se retrouveront dans la recherche du beau. Malgré un certain plaisir et une lecture fluide, je suis restée un peu sur la réserve, autant le cadre, l’atmosphère et les circonstances me plaisaient, autant les personnages principaux me semblaient trop esquissés, on a du mal à les imaginer, ils manquent de consistance. Un des personnages secondaire, un bel Hongrois qui joue merveilleusement du piano, passe comme une ombre, on se demande d’où il vient et pourquoi il a cette destinée. On peut, soit trouver que cette légèreté donne tout le charme au roman, soit, comme moi, trouver qu’il manque de profondeur. Mais dans les deux cas, on appréciera le style parfait de l’auteure et le charme avec lequel elle nous entraîne dans son atmosphère.

Citation

la personnalité de Charles-Henry Chelan

Comme celle (cette histoire) poignante qui voulait que Charles-Henry eût fait graver, à l’envers de tous les marbres utilisés en cuisine, la liste de ceux qu’ils avaient vus disparaître au front. Un mémorial personnel en somme. C’était possible. Rien n’est impossible, rien n’est prouvé. Les mouvements de l’âme primaient en lui dans la hiérarchie des faits. Le patron n’était pas bâti sur le moule commun.

La rencontre amoureuse

Il lui effleura le bras. Le contact de sa peau, son parfum, une senteur tonique lui rappelant celle du buis au soleil, lui donnèrent la sensation qu’un vent chaud avant l’orage s’engouffrait dans le taxi.

 « C’est peut-être ça, l’imprévisible, dit-il remué. Quand le familier devient étranger.

On en parle

beaucoup d’excellentes critiques dans Babelio

SONY DSC

 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Il a fallu la force de persuasion de ma bibliothécaire préférée pour que je lise ce roman. J’avais gardé un souvenir en mi teinte du « Secret » mais je ne sais plus pourquoi, et surtout je crois que je confonds le livre et le film. Ce roman raconte une amitié de petits garçons qui se poursuit jusque dans l’âge jeune adulte. L’auteur nous fait revivre les années 50 , celles de son enfance et mai 68 époque de sa jeunesse, comme cela se passe à Paris dans un milieu bourgeois où les femmes passent leur temps à jouer au bridge en mangeant des petits fours, ce n’est pas tout fait la vie de tout le monde. Ce roman nous concerne cependant, car Philippe Grimbert raconte très bien l’universalité des comportements humains, des nôtres donc. On aurait pu appeler ce roman, récits des trahisons ordinaires : comme beaucoup d’enfants, Loup, le narrateur, niera de connaître son meilleur ami Mango quand une bande de garnements lui demandera s’il ne connaît pas l’Italien de Fénelon, à l’adolescence Loup espacera les visites à sa tante Nine, qu’il a tant aimé dans sa petite enfance, et plus grave il la trahira au moment de sa à la mort comme il trahira également Gaby, l’amie excentrique qui lui a tant apporté.

Mais ce roman n’est pas un énième roman sur la mauvaise conscience, même si la culpabilité y joue un grand rôle, c’est beaucoup plus un roman sur « la » mauvaise rencontre.Et là, il m’a beaucoup touchée, je sais que chaque mot est exact, ce n’est pas si difficile pour Philippe Grimbert étant donné sa formation et sa profession, mais c’est très bien raconté .

Je sais que beaucoup d’entre vous n’aimez pas qu’on donne les clés de l’intrigue romanesque, alors je ne peux vous en dire plus et ne lisez pas ma dernière citation, qui est trop explicite si vous voulez lire ce roman avec un effet de suspens. Pour moi, c’est l’inverse, je l’ai lu une première fois assez légèrement sans trop m’y intéresser. Avec la clé qui n’est donnée qu’à la fin ou presque, je l’ai relu avec beaucoup plus d’intérêt, j’ai alors décidé de lui mettre 4 coquillages.

Citations

Il y a presque tout dans ce début de roman

Rien n’aurait dû les séparer, croix de bois croix de fer, à la vie à la mort. Il n’y a pas eu de rivalités imbéciles, c’est autre chose qui les a déchirés, quelque chose qui était là depuis le début, mais que personne ne pouvait encore imaginer.

Amitié de petits garçons

Très vite nous avions su que nous allions devenir inséparables, mais, au contraire des filles, les petits garçons ne se disent jamais qu’ils s’aiment : ils se donnent des tapes dans le dos, se poursuivent, se bagarrent.

Jeux de garçons

Nous y mourions aussi, car les petits garçons adorent ce jeu : deux doigts pointés vers l’autre et bang ! Le corps qui s’effondrait en vrille, avec la grimace du cow-boy rencontrant enfin la balle qui lui était destinée… Les petites filles qui partageaient nos jeux se précipitaient et sanglotaient, couchées sur notre poitrine. Nous aimions mourir, elles aimaient pleurer.

La mort

Mais il ne peut plus m’entendre, un raz de marée l’a emporté, avec tout ce qui faisait notre complicité. Du sans-retour, aussi fort que la mort. Alors un nouveau choc, encore plus violent, me fait vaciller. Je viens de comprendre que Mando, l’intègre, l’exigeant Mando, a une fois de plus tenu parole. Ce soir, après toutes ces années et en dépit du silence de ces derniers mois, il est resté fidèle au pacte de notre adolescence, au serment échangé solennellement : le premier qui passe de l’autre côté fait un signe à celui qui reste.

La mauvaise rencontre

On ne devient pas psychotique on l’est . L’apparition des symptômes était souvent le fruit de ce qu’il a appelé la mauvaise rencontre…

 IMG_2054(1)
 J’ai trouvé ce roman chez Jérôme, et je l’ai offert à Jules, il a bien voulu écrire un billet pour Luocine.
4
« C’est l’histoire de Camille sa mère est morte et du coup, il vit avec deux pères , leur maison est joyeuse tout le temps. Il est nouveau à l’école , ça ne se passe pas bien, car il dit qu’il a une règle d’or. Donc des élèves le maltraitent car ils veulent lui voler sa règle en or. Alors que sa règle d’or ce n’est pas ça , c’est qu’il dit  : qu’il ne doit jamais faire aux autres ce qu’il n’aimerait pas qu’on lui fasse à lui.
J’ai 9 ans, j’aime bien lire et j’ai trouvé que ce livre était bien pour un enfant de mon âge. Je n’ai jamais rencontré d’enfant comme Camille, mais moi je n’aime pas faire du mal aux autres alors je suis un petit beaucoup comme Camille. J’aimerais bien que mes amis lisent ce livre mais je ne sais pas trop pourquoi. J’ai tout aimé dans ce livre. Je lui ai mis quatre coquillages et voilà deux livres auxquels je mettrai cinq coquillages sans hésiter :
  • Les chroniques de Spiderwick
  • Le journal d’un dégonflé »

La phrase qui me plaît dans le livre

Il ne faut jamais faire quelque chose que nous n’aimerions pas que l’on nous fasse.

20150122_123407

Traduit du norvégien par Jean Baptiste Coursaud.

4
J’ai trouvé le premier tome de la trilogie des « Elling » dans ma médiathèque préférée. Alors, peu importe si j’avais déjà lu « Potes pour la vie« , je me suis précipitée sur le début de la vie d' »Elling ». Il n’y a aucune nécessité à commencer la trilogie par le début. De plus, ce premier tome peut même vous décourager de lire la suite ce qui serait bien dommage. La plus grande partie de ce roman raconte un voyage en Espagne avec sa mère. C’est triste et drôle à la fois, parfois c’est carrément tragique, mais le rythme du roman est beaucoup plus lent que « potes pour la vie ». C’est normal, il raconte sa vie avec sa mère qui malgré son immense amour n’a pas pu le lancer dans une vie indépendante d’elle. On le voit prendre toutes les mauvaises solutions, malgré son implacable logique. Mais son regard d’homme inadapté à la vie en groupe, nous fait aussi voir autrement les voyages organisés dans les lieux touristiques accueillant des milliers de touristes et Benidorm sur la « Costa Blanca » n’est pas exactement mon endroit de rêve même si au creux de l’hiver j’ai des envies de soleil.

Évidement, même cette image est trompeuse, la réalité pour Eling sera encore pire, lui et sa mère auront une chambre donnant sur une arrière cour, avec vue sur les poubelles. Et, catastrophe leur chambre n’aura qu’un seul lit, ce qui entraînera pour Elling un délire des plus fou sur ce qui peut se passer dans l’esprit de quelqu’un qui veut qu’un fils de 30 ans, couche dans le même lit que sa mère.

Il sera d’ailleurs beaucoup question de sexualité dans ce roman, la scène dans le bain au milieu des jeunes femmes espagnoles est un peu lourde mais très drôle. Et puis il y a le tragique, son enfance où des jeunes l’ont pris comme souffre douleur, en lui faisant subir des violences sexuelles et autres. Dans ce récit tourmenté où tous ses souvenirs prennent corps on comprend combien sa vie et celle de sa mère ont été compliquées et ce qui est très triste, combien l’amour n’a pas suffi à faire de lui un être à part entière. Non, Elling n’est ni débile ni fou mais sa différence ne lui permet pas d’affronter le monde extérieur. Par contre l’analyse qu’il en fait nous met face à nos travers de façon très drôle.

Finalement, il se retrouve avec Kjell Bjarne dans un centre psychiatrique et lui invente des histoires amoureuses, ensemble ils réussiront à mieux affronter le monde extérieur. Je lirai certainement le troisième tome, et si j’espère que nos sociétés peuvent faire une place à des gens aussi différents, je n’en suis pas sûre.

Citations :

La vision des bains de mer selon Elling

Ne mettrais-je pas plutôt ces vacances à profit pour me baigner, ou éventuellement faire des promenades sous les palmiers ? Eh bien non, justement, ce n’était pas dans mon intention. ! Une promenade pédestre vite expédiée sous les palmiers – je voulais bien . Mais la baignade comme le nom l’indiquait c’était une activité que je pratiquais dans la baignoire. Et en compagnie de nul autre que moi-même. Non pas que j’ai honte de mon propre corps, loin de là, il n’était guère différent de la plupart des autres corps . Mais ce n’était pas une raison pour l’accumuler à une centaine d’autres qui déjà se serraient comme des sardines sur une plage. De plus, je nourrissais une profonde aversion pour la fréquentation collective d’une eau souillée par un bataillon entier d’hommes n’ayant pas fait leur toilette et de femmes en plein cycle menstruel.

Voyage en avion remarque pertinente d’Elling

Une fois sur le tarmac, il s’est produit cette anecdote singulière. Quelques-uns des passagers se sont mis à frapper dans leurs mains. Voilà des gens qui sans vergogne, applaudissaient ! Mais pour quoi ? Si je peux me permettre de demander, et je le fais d’ailleurs. Ah ici ça aurait bonne mine si les passagers de la ligne 3 du métro d’Oslo se mettaient à frapper dans leurs mains chaque fois que la rame s’arrêtait à une nouvelle station. Ce serait ridicule.ce serait ni plus ni moins qu’une ridiculisation du chauffeur.

SONY DSC

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Traduit du Polonais par Anna Smolar.

3
Cet amour de pierre, c’est celui que ressent Grazyna pour Wotjek reporter de guerre. Ils s’aiment beaucoup et cherchent à construire une vie à deux, seulement voilà la guerre va peu à peu transformer en pierre ce qui était le dynamisme de leur vie : leur amour. Grazyna va sombrer dans une grave dépression, car elle se sent envahie par les histoires plus atroces les une que les autres que son mari lui raconte en revenant des conflits qui ont hanté notre quotidien ces dernières années. On voit passer, l’Afghanistan, la Géorgie, la Tchétchénie, l’Ouganda,le Cachemire, Ceylan, l’Afrique du sud… Grazyna porte maintenant en elle le destin de Taïa, violée pendant des années par les soldats russes, ou par une autre femme décapitée. Wotjek aime la sensation de peur et la montée d’adrénaline lorsqu’il suit un conflit, il aime aussi son épouse et a besoin de la savoir heureuse lorsqu’il est sur le terrain. Alors, ils vont tout essayer pour que ce qui les lie reste beau et vivant. Elle essaiera d’être son reporter photographe, mais ça ne marchera pas, car il n’osera plus prendre de risques de peur de la mettre en danger. Ils repartiront ensemble faire un voyage touristique, mais Wotjek est incapable de voyager comme un touriste, il s’ennuie, il lui manque quelque chose. Finalement, il renoncera à son travail, mais seront-ils heureux pour autant ?

Ce roman décrit très bien ce qui se passe chez tous les couples où l’un à une vie très intense (ici en plus très dangereuse) et que l’autre est réduit à l’attente. Dans cette situation déséquilibrée, il faut tout le savoir faire des femmes de marins ou de militaires, pour résister à la dépression chez la femme, et l’envie de fuite chez l’homme. Je ne peux pas dire que j’ai été passionnée par l’histoire qui semble très proche de la vie réelle de Grazyna JAGIELSKA, je trouve qu’elle ne fait rien pour s’inscrire dans sa vie personnelle. Ses enfants passent comme des ombres dans ce roman, et son métier de traductrice complètement absent. Elle n’attend les solutions que de son mari , or, on sait dès le début que ça ne peut que la détruire. J’avoue qu’elle m’a agacée plus d’une fois, mais elle raconte très bien les traces que peuvent laisser la guerre pour ceux qui en sont témoins.

 

Citations

Un couple qui se délite

Il sait m’accabler de tous ses problèmes, même la crainte d’arriver en retard à la guerre de Tchétchénie .

Je prépare la marinade de la dinde et fais semblant de ne rien entendre. Après toutes ses années, je continue à croire qu’on n’a pas le droit de dire des choses pareilles. Peut être qu’on peut les faire ? Se dépêcher pour ne pas arriver en retard à la guerre ? Je n’en sais rien vraiment.

La place de la guerre dans leur couple

Je sens la peur et l’impuissance m’envahir. Je me trouve là, à côté de lui ; autour de nous un été illusoire et incertain….J’ai envie de rejoindre le chat, de ramper dans les canalisations et d’y rester. Ne plus participer à quoi que ce soit. Ne plus regarder mon mari partir, et fermer la porte. Ne pas chercher de marques sur son visage quand il revient. Il me semble qu’à chacun de ses retours, il me prive de quelque chose. Il ramène ds gens dans ses bagages, mais il laisse une grosse partie de lui-même de l’autre côté, dans un monde auquel je n’ai pas accès.

Plaisir du reporter de guerre

Je fais quelque chose d’extraordinaire : je fais le contraire de ce qu’il est bon de faire dans de telles situations. Est-ce la raison de mon excitation ? D’habitude, les gens désertent les lieux qui m’attirent. Je suis spécialiste en condition extrêmes. J’entre en action là où les autres se sentent paralysés. N’est ce pas une façon de réaliser un rêve d’enfance ? Celui de devenir pompier, pionnier, ou encore soldat ?

SONY DSC

Traduit de l’anglais par Odile Demange.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
C’est un roman qui a connu un grand succès, si j’en juge par les critiques très positives de Babelio. Je l’ai lu rapidement et avec beaucoup d’intérêt. L’auteur raconte une histoire du point de vue d’un jeune autiste, et mieux qu’un grand discours théorique sur l’autisme, il nous fait parfaitement comprendre combien leur façon d’appréhender le monde est différent du nôtre. A aucun moment, l’auteur ne quitte la façon qu’à Christopher d’appréhender les nombreuses difficultés liées à l’enquête dans laquelle il se lance.

Un chien a été sauvagement trucidé par un coup de fourche en face de chez lui. Il veut savoir qui a fait cela et pour cela, pose des questions à son voisinage. Il découvrira la vérité mais hélas , également que son père lui a menti. Un autiste ne sait pas mentir et le mensonge d’une personne à qui il avait accordé sa confiance provoque un séisme dans sa conscience.

On sent à travers ce roman toute la difficulté d’élever un enfant autiste. Ses parents ne sont ni meilleurs ni pires que les autres, mais pour élever un tel enfant il faut être à la fois un génie et un saint. Incapables de compromis, ils peuvent se mettre en danger et mettre en danger les autres sans se rendre compte de ce qu’ils font. Et puis, si jamais vous voulez les contrarier, comme Christopher, ils peuvent se rouler en boule et commencer à hurler. Et puis, heureusement, il y a les mathématiques, domaine où enfin les choses sont bien rangées dans un ordre qu’aucun affect ne saurait déranger. Alors loin de tout ce qui lui fait peur, le jeune Christopher s’adonne à sa passion et est certain qu’il a une place dans le monde.

Je ne peux pas dire que je partage l’enthousiasme de la centaine de critiques de Babelio, mais cela m’a fait du bien d’accompagner les efforts d’un écrivain qui veut aider à comprendre le monde si étrange des autistes.

Citations

 Les sentiments de Christopher

J’aime bien les chiens. On sait toujours ce qu’ils pensent. Ils ont quatre humeurs. Content, triste, fâché, et concentré. En plus, les chiens sont fidèles et ils ne disent pas de mensonges parce qu’ils ne savent pas parler.

Sa difficulté à comprendre les autres

Je trouve les gens déconcertants.

Pour deux raisons essentielles.

La première raison essentielle est qu’ils parlent beaucoup sans se servir de mots. Sioban dit que si l’on lève un sourcil, ça peut signifier plusieurs choses différentes. Ça peut signifier « J’ai envie d’avoir des relations sexuelle avec toi » mais aussi « Je trouve que ce que tu viens de dire est complètement idiot. »

20150105_114540

Un séjour assez long à Fontenay-sous-Bois à l’occasion d’une naissance m’a permis d’utiliser le Kindle pour satisfaire mon envie de lecture.
Traduit de l’anglais par Natalie Zimmermann

 4
J’ai donc saisi l’occasion de lire un livre de plus sur « l’affaire » grâce à Sandrine qui tient le blog « Tête de lecture » et j’en suis ravie. Ce n’est pas la première fois que je dois au romancier l’évocation de l’affaire Dreyfus. Adolescente, j’ai dévoré les romans de Roger Martin du Gard , plus tard j’ai retrouvé « l’affaire » chez Proust , j’ai étudié en classe « J’accuse » de Zola. Et voilà donc un roman qui m’a replongée dans cette incroyable erreur judiciaire. Le romancier choisit de raconter la prise de conscience du colonel Picquart, et en cela il est novateur et passionnant. Deux conceptions de l’honneur de l’armée s’affrontent. Celle de Picquart.

Ce jeune et brillant colonel persuadé de l’innocence de Dreyfus est également certain que l’armée doit reconnaître son erreur pour retrouver son honneur.

Commence alors pour lui une véritable descente aux enfers digne d’un véritable thriller et écrit comme tel par Robert Harris. Même si on connaît la fin, on craint pour sa vie , et même si on connaît bien l’affaire, on est surpris de l’acharnement de l’armée à son encontre. Il risque de perdre sa carrière, son honneur et sa vie pour défendre un homme pour qui, au début, il a très peu d’estime. Lorsqu’il a la preuve que celui qui a écrit le bordereau sur lequel se fonde l’accusation est Esterhazy , il croit naïvement qu’une enquête va être diligentée pour confondre le traitre et innocenter Dreyfus.

Il s’oppose à l’état major parisien qui croit aussi défendre l’honneur de l’armée, en préférant ne pas reconnaître ses erreurs plutôt que de déclarer un juif innocent. Tout le monde au début est de bonne foi , mais lorsque les preuves des faux d’Henry seront découvertes, une autre affaire commence : celle des preuves secrètes (entièrement fabriquées) pour ne pas revenir sur un jugement qui arrangeait tout le monde. Tout cela mené par le ministre de la guerre le général Mercier

Ce roman se dévore comme un roman policier et en ces temps où l’intolérance fait encore des ravages, cela fait du bien de se replonger dans les périodes difficiles qui ont forgé les valeurs de la république française. Comme dans le livre de Bredin, on constate que, même si Dreyfus a été réintégré avec les honneurs dans l’armée française à laquelle il était si attaché, ses années aux bagnes n’ont pas été prises en compte dans sa carrière militaire alors que les deux années où Picquart a été renvoyé de l’armée lui ont permis un avancement rapide.

Citations

Les bassesses humaines, la présence de la foule haineuse lors de la dégradation de Dreyfus

C’est à ce moment que je compris ce que Mercier avait saisi depuis le début, à savoir que le désir humain d’assister à l’humiliation de l’autre formerait toujours une protection amplement suffisante contre le froid le plus intense.

L’antisémitisme dans l’armée et le plaisir des bons mots :

Remarquez, commandant Picquart : les Romains jetaient les chrétiens aux lions ; nous leur servons des Juifs. C’est un progrès, me semble-t-il.

Propos prêtés au Colonel Sandhers responsable du contre-espionnage et du dossier contre Dreyfus :

– Vous pensez que si la guerre éclate, il sera nécessaire d’enfermer les juifs ?

– Il faudra au moins les obliger à s’inscrire sur un registre et les contraindre à un couvre-feu et des restrictions de déplacement.

Le choix du silence, le choix de l’armée française en 1894, le choix de Picquart  :

– Je peux vous assurer que je n’éprouve strictement rien pour Dreyfus, ni dans un sens ni dans un autre. Franchement, je voudrais qu’il soit coupable – cela me faciliterait grandement la vie. Et, jusqu’à très récemment, j’étais persuadé de sa culpabilité. Mais maintenant que j’ai les pièces entre les mains, j’ai le sentiment qu’il ne peut pas être coupable. Le traitre c’est Esterhazy

– Peut-être que c’est Esterhazy, et peut-être pas. Vous ne pouvez pas en être certain. Cependant, le fait est que si vous ne dites rien, personne ne le saura.

Nous avons donc enfin atteint le cœur même de ce sombre problème. La pièce me paraît encore plus silencieuse qu’auparavant. Gonse me regarde bien en face. Je choisis mes mots avant de répondre :

– Mon Général, ce que vous dites est abominable ; je ne sais pas ce que je ferai, mais je n’emporterai pas ce secret dans la tombe.

On en parle

Un excellent site, Alfred Dreyfus pour ou contre.