SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard dans le thème « mère fille ».

5Je me demande qui d’entre les participantes du club découvrira à cette occasion Annie Ernaux, je dois avouer que, s’il y en a une, je l’envie un peu. Je me souviens du choc que fut pour moi ses premiers romans. J’ai commencé par « la Place » et je n’ai jamais quitté cette auteure. En relisant « Une femme » pour notre future rencontre, je me suis demandée si j’allais découvrir des aspects que j’avais oubliés. Et bien oui, je ne me souvenais pas à quel point, elle réfléchissait sur sa façon d’écrire :

Mon projet est de nature littéraire, puisqu’il s’agit de chercher une vérité sur ma mère qui ne peut être atteinte que par des mots. ( C’est-à-dire que ni les photos, ni mes souvenirs, ni les témoignages de la famille ne peuvent me donner cette vérité). Mais je souhaite rester, d’une façon, au-dessous de la littérature.

À part cet aspect que j’ai trouvé très intéressant, j’ai tout retrouvé : cette mère qui parle trop fort qui aime sa fille mais qui sait si mal le lui dire. Cette façon dont elle a poussé sa fille vers les études et la réussite mais qui était aussi le chemin vers la séparation avec le monde de son enfance.

À l’église, elle chantait à pleine voix le cantique de la vierge, « J’irai la voir, un jour, au ciel, au ciel ». Cela me donnait envie de pleurer et je la détestait.

Elle avait avait des robes vives et un tailleur noir en « grain de poudre », elle lisait « Confidences » et « La mode du jour » ; Elle mettait ses serviettes avec du sang dans un coin du grenier, jusqu’au mardi de la lessive.

Quand je la regardais trop, elle s’énervait, « tu veux m’acheter ». 

Je trouvais ma mère voyante. Je détournais les yeux quand elle débouchait une bouteille en la maintenant entre ses jambes. J’avais honte de sa manière brusque de parler et de se comporter, d’autant plus vivement que je sentais combien je lui ressemblais.

À chaque fois que je lis ce livre, je suis saisie par la justesse de cette analyse, je crois qu’Annie Ernaux explique mieux que quiconque que changer de culture : passer de « Nous deux » à « Proust » , c’est une rupture absolue, un exil définitif et comme tout exil c’est très douloureux. Cela passe par des moments qui peuvent être violents :

À certains moments, elle avait dans sa fille en face d’elle, une ennemie de classe.

Pour celles et ceux qui n’ont pas encore lu cette auteure, j’enfonce des portes ouvertes en rappelant que, ce que l’on remarque tout de suite, c’est son style, tout en retenu et pourtant dévoilant tout ce qui peut être su par l’autre même ce qui d’habitude est caché. Dans ce « roman » ce qui me touche le plus c’est ce cri d’amour, cette fille a su écrire son amour à sa mère, Annie Ernaux est maintenant une grande dame de la littérature de notre époque et celle qui l’a mise au monde, cette femme un peu rude, un peu trop voyante peut être fière de sa fille.

Voici le moment télévisé où je l’ai découverte, le lendemain j’allais acheter son livre. Que de souvenirs !

20151010_105342Traduit, de façon si agréable que l’on pense que ce roman est écrit en français, par Laurent LOMBARD.

Après l’horreur du 13 novembre à Paris, nous devons, nous, les blogueurs et blogueuses amoureux des livres, surveiller qu’aucune petite lumière chargée de culture, d’espoir et d’humanité ne s’éteigne à jamais.

5
C’est un article d’Aifelle, suivi de tous vos commentaires, qui m’ont dirigée vers cette lecture. Quel petit bijou ! Totalement inclassable, mais dans une langue si belle que l’on pourrait oublier la narration. Je comprends bien pourquoi toutes les blogueuses qui aiment l’évocation de la nature ont été subjuguées, moi j’y suis moins sensible et pourtant la langue poétique Antonio Moresco a su complètement me séduire. J’ai lu et relu les descriptions des arbres, des plantes, des vols d’hirondelles. Tout est d’une majesté mais aussi d’une précision à couper le souffle. Autant l’histoire ne se décide pas entre le réel et le surnaturel, autant les évocations de tous les éléments sont pratiquement l’œuvre d’un scientifique spécialiste de la nature. De l’infini petit jusqu’à de l’infini de l’univers. C’est grâce à cela que j’ai accepté de ne pas exactement comprendre si l’enfant et la petite lumière sont de notre monde ou pas, si le narrateur les rejoint dans l’infini de l’univers ou dans la mort. Un jour la nature sera là pour engloutir toutes les créations humaines à l’image de ce village de montagne abandonné par les hommes et régulièrement secoué par des tremblements de terre.

Citations

La beauté d’une description qui sonne juste

Quand il y a la lune, on voit distinctement, éclairé comme en plein jour par sa lumière spectrale, le talus de la petite route envahi par la végétation, les précipices d’où monte un bruit d’eau creusant son lit dans les antres sonores des montagnes imprégnées de pluie, les hautes silhouettes des arbres qui se découpent sur le ciel. Il n’y a que la nuit, dans la lumière lunaire, que l’on comprend ce que sont les arbres, ces colonnes de bois et d’écume qui s’élancent vers l’espace vide du ciel.

Un châtaigner et la question du livre

En face, plus bas, sur l’à-pic recouvert de forêts, se dresse un châtaigner moitié vivant et moitié mort. Sa haute cime s’élève, nue et blanche, sur le vert des arbres, pétrifiée, tandis que le reste est un déchaînement luxuriant de feuilles. Il y en a beaucoup d’autres comme ça, des châtaigniers surtout, je crois. Certains sont presque complètement morts, et se découpent sur la forêt dans leur évidence spectrale. Mais, de quelque point de ces troncs fossiles, quand c’est la saison, partent deux ou trois branches chargées de bogues à se briser.
Parfois je m’arrête devant un de ces arbres et je le regarde.
– Mais comment on peut vivre comme ça ? je lui demande. C’est impossible pour les hommes : ou ils sont vivants ou ils sont morts. Enfin, c’est ce qu’on croit…

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Un livre différent, un bel objet et des photos qu’on n’oublie pas. L’imaginaire se remplit pour un moment d’images de feu, de croûtes, de farine, d’eau. Geneviève Hofman est une artiste photographe reconnue, et chacune de ses expositions sont des moments de doux bonheurs. Elle recherche à chaque fois à interpeler notre regard au-delà de nos évidences. Comme le dit si bien dans l’introduction Héloïse Conésa (conservatrice responsable de la collection de photographie contemporaine de la BnF) :

Si la photographe s’attache depuis plus de trente ans à représenter ce qu’elle nomme sobrement les « matières » : linge, marbre, chaux et sable de l’estran, ce n’est pas tant pour en sonder les caractéristiques que pour les transformer en surfaces de projection propices aux analogies.

J’étais au vernissage de son exposition dans le fournil du boulanger où sa recherche a commencé, et comme beaucoup de gens je suis repartie avec son livre et un pain de Thierry Depaix, propriétaire du fournil artisanal de Saint Cast-Guildo, sous les regards complices du boulanger et de la photographe. Les textes permettent aussi de comprendre ce qui a motivé quatre ans de travail, comprendre la magie de cet aliment si simple et si fondamental. La longue et très riche introduction « du » grand spécialiste du pain Steven Laurence Kaplan se termine par un très bel hommage :

Aucun photographe avant Geneviève Hofman n’a su rendre à cette pâte son statut primordial de chose vivante.

Si les photos m’ont entièrement séduite, j’ai été, également, agréablement surprise par la qualité des textes qui savent allier l’information à l’intensité des sensations ressenties par l’auteure-artiste dans les différents fournils.

Pour donner envie de tourner les pages une photo mais qui est tellement plus belle dans le livre !

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Nicolas Supiot referme la porte derrière lui pour garder la chaleur et pendant une heure environ, la pâte va « pousser », grandir, « maturer ; on va laisser le temps aux chaînes de protéines du gluten de se dérouler et de s’agripper les unes aux autres, sans brusqueries, dans un mouvement d’expansion. La pâte peut et va tranquillement lever, tout en restant tendre et d’une grande douceur, de celle qui remplit maintenant toute la pièce.

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J’ai beaucoup apprécié « le cas Einstein » le précédent roman de cet auteur. J’ai reçu celui-ci en cadeau et je l’ai lu avec grand plaisir. J’ai aimé sa construction, la vie de Léna Kotev, serait incompréhensible sans l’évocation de tous les morts de médecins juifs qui peuplent son histoire. L’alternance des chapitres assez courts, permet de supporter la lecture des violences antisémites. Le fait de retrouver Léna, dans sa vie de femme chef de service en cancérologie dans un grand hôpital parisien en 2015, me permettait de reprendre ma respiration. Car du souffle, il en faut pour supporter la description des pogroms de Ludichev en 1904, puis la folie des Nazis à Berlin en 1934, puis a Nice en 1943, et enfin à Moscou en 1953, la folie antisémite des communistes staliniens.

J’ai aimé également que le roman soit elliptique et fasse l’impasse sur les détails des connexions de tous les personnages. On a l’impression de n’avoir que les temps forts de cette histoire dont on peut imaginer les passages non écrits. Quand on referme ce roman après la page 296, comme l’histoire se déroule de 1904 à 2015, on a l’impression d’avoir lu des milliers de pages.

Si j’ai mis ce livre dans une bibliothèque, c’est que le père de Léna, Tobias, est un fou amoureux des livres, qui ont une grande importance tout le long du roman. Laurent Seksik, médecin, écrivain et historien, parle d’une façon très riche de l’être humain. Celui qui souffre dans son corps, comme celui qui souffre dans son âme. Ses personnages traversent différentes périodes de l’histoire, et on vit intensément chaque moment car il a su rendre réels les événements dont il parle. Les pogroms de Ludichev sont une pure horreur dont je n’avais pas vraiment pris conscience. La nuit de Cristal, la persécution Nazie en France, le procès des médecins juifs sous Staline tout cela est plus présent dans la littérature comme dans notre mémoire collective. Mais on doit au talent de Laurent Seksik de savoir nous en parler avec un nouvel éclairage et sans aucune lourdeur. Chaque personnage est habité par une foi indestructible d’abord dans la foi juive dans la vieille russie, puis dans le progrès scientifique à Berlin et enfin dans l’humanité en 2015. C’est vraiment un roman superbe : quelle leçon de vie !

Citations

Réflexion du médecin le soir chez lui, jolie phrase

Son cerveau était un dispensaire à l’heure où les douleurs languissent.

Description de la vérole

Pavel n’avait pas été alerté par la petite écorchure sur le pénis que présentait son patient. Le chancre avait rapidement disparu, la maladie s’était éclipsée. La vérole était revenue de longs mois plus tard, sous d’autres masques, plaques rosées sur la peau, gorge enrouée puis, lentement, le mal avait ravagé chaque partie du corps, de la plante des pieds au cuir chevelu, jusqu’à pourrir les chairs, briser les os, boucher les artères, broyer le visage, rendre taré, débile, estropié, tordu ; les tourments de la peste et du choléra réunis dans une lenteur programmée. À la fin, le mal avait mordu le cœur, liquéfié l’encéphale. La mort seule mettrait un terme au supplice.

Condition juive du temps des pogroms, débats à l’infini sur la théologie

Dans le doute, chacun faisait à sa manière. Trois ou quatre heures ? Cette seule question résumait aux yeux de Pavel toute la condition juive, une interrogation permanente, un questionnement de tous les instants, un interminable, dérisoire et splendide voyage dans un infini et vain champ de réflexion.

La vérité est dans les romans

Moi, je me moque de la stricte vérité. Si je veux le vrai, je lis le journal. Si je veux de l’intelligence, je lis la philosophie. Mais la vérité de l’homme – qui n’a rien à voir, j’en conviens, avec la vérité des faits- est dans l’émotion. Je la trouve dans les romans. 

La plainte d’un hypocondriaque

Tu ne prends pas ma souffrance au sérieux. Personne n’a jamais pris ma souffrance au sérieux de toute façon. C’est à désespérer de souffrir.

Le communisme

Camarade Kotev, n’attends rien non plus de notre humanité. La compassion est au pouvoir communiste ce que l’autoritarisme est à la démocratie.

Citation du journal L’humanité de 1953

Un groupe de médecins terroristes vient d’être découvert en Union soviétique : ils ont été démasqués commis des agents des services de renseignement américains, certains d’entre eux avaient été recrutés par l’intermédiaire du Joint, organisation sioniste internationale.
Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la causé de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels…

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Le second titre de ce recueil, est : « Portraits cévenols », il s’agit bien d’une galerie de portraits, tous plus inoubliables les uns que les autres. Mais surtout, il s’agit de la langue de Gilbert Léautier entre poésie et l’oralité d’un conteur. Un conteur poète et fin observateur des gens qui l’entourent.Ces textes ont été écrits pour être lus à haute voix. C’est un plaisir ressenti à la moindre phrase. Merci à cet ami qui, sachant que je recherche des textes à lire pour des personnes très âgées, m’a conseillé ce recueil. J’espère savoir leur lire et aimer ces portraits. Le monde qui est mis en scène, est celui des campagnes désertées par les habitants qui ne pouvaient que difficilement vivre sur une terre aussi ingrate. Le climat rude de l’hiver, la solitude, la difficulté de vivre, ont forgé des personnalités sans tendresse souvent, mais avec un sens de le vie qui se ressent même dans la façon de détester son voisin.

J’ai tellement envie de vous faire apprécier ce recueil que je passais mon temps à vouloir noter des passages, les phrases sonnent juste et les personnalité s’éloignent du romantisme habituel du sage rural, face à la superficialité du citadin pour aller à l’essentiel de l’être humain. L’auteur connaît bien cette région, il s’est pris de passion pour un château au cœur des Cévennes : le Château d’Aujac, il a rencontré et vécu auprès de Cévenols dont il parle. On peut imaginer « l’attirance-répulsion » de ces ruraux pour cet homme de théâtre, citadin lyonnais qui a entrepris de remonter les ruines du château de leur village mais à la vue des photos, on comprend son choix, tout en regrettant qu’il ait cessé d’écrire.

Au carrefour de trois départements: Gard, Lozère, Ardèche. Surplombant la Vallée de la Cèze. Dominant les Hautes Cévennes. Le site castral du Cheylard d'Aujac. Copyright chateau-aujac.org

Citations

L’Émile

C’était son penchant pour le vin qui pestiférait ce parent pauvre !
On trouvait plus facilement l’Émile à l’ombre de la cave qu’à l’ombre du pommier.
Il avait le tonneau tendre et le verre agile

L’Éloi

C’était le fils qui avait le langage.
C’est le fils qui a su dire :
– Il faut être de son temps. 
C’est lui qui avait expliqué :
– Une bête, ça mange tous les jours, alors qu’un tracteur ne consomme que ce qu’il travaille. 
Ça, c’était un argument !
Cette science du petit rendait fier le père. 
Mais l’ennui des arguments de poids, c’est toujours la fragilité de leur réalité.

L’Yvonne

Tu veux que je te dise ?
Une femme comme ça, ça ne se laisse pas marier.
Ça te donne la permission de l’épouser. 
Tu veux que je te dise ?
L’Yvonne, elle ne se met devant rien mais elle est derrière tout.

Les gens d’ici

Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d’ici. 
Bailler, pour eux, c’est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête. 

Pas de romantisme sur le monde rural

À côté de chez moi, il y a un bloc de granit pelé qu’on appelle « Rocher des quatre sous ».
C’est parce qu’il a fallu quatre procès pour savoir à qui appartenait cette misère de pierre !
L’harmonie campagnarde est une mythologie des villes.

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5Une BD qui met de bonne humeur, cela arrive souvent, et avec les romans de Daniel Pennac toujours, alors cela fait au moins deux raisons de lire cette BD, en plus de tous les avis favorables que j’avais entendus et lus. Si je mets plusieurs photos c’est que la couverture ne donne pas une idée de la façon dont est rendue l’histoire d’amour, c’est une dessin vivant, coloré et généreux. L’histoire est belle et tout le monde peut s’y retrouver : les amateurs de BD, les amateurs de littérature classique, les amoureux de Paris, les amoureux de la Provence, les amoureux tout court et tous ceux qui aimeraient que le monde fonctionne un tout petit peu avec des bons sentiments.

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Même Proust est présent décidément, Personne ne peut se passer de lui ! Et je remercie les deux auteurs d’avoir donné leur façon de voir Swann et Odette, malgré mes lectures fréquentes de Proust, je ne le savais pas vus encore dans cette position comme quoi je manque d’imagination !

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C’est raconté à la Pennac, c’est à dire qu’on a l’impression que tout son entourage l’aide à écrire ses histoires, il rassemble tous ceux qu’il côtoie pour arriver à écrire son texte, et tous ceux qui ont enrichi son enfance. On sourit, on est heureux ce n’est pas si souvent.

Citations

Pour vous mettre de bonne humeur

Après le déluge, Noé qui en avait marre de la flotte a inventé le pinard.

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Pour une fois, je mets sur Luocine un bestseller absolu. Arthur a 11 mois et on peut lui lire à l’infini les histoires de Paco. Je peux donc le conseiller à tous les parents et grands parents, c’est un album très agréable à raconter, les images sont imaginatives et il y a plein de petits détails sur lesquels on peut insister.

Mais surtout, comme vous ne l’avez peut-être pas remarqué c’est un livre sonore et les musiques sont très jolies. Quel progrès ! à ma génération, il y avait des livres sur lesquels on pouvait appuyer et ça provoquait un couinement abominable censé imiter le cri de tous les animaux. Ce livre est un peu fragile (c’est bien le seul bémol, pour un livre musical il en fallait bien un !) car les pages sont assez fines mais cela ne dérange pas Arthur qui a besoin d’un adulte pour trouver le bon endroit qui déclenche cette musique magique qu’il écoute avec ravissement, cela ne l’empêche nullement d’essayer d’appuyer de tout son cœur sur toute la page.

Si vous cherchez un cadeau pour un bébé, celui-là fera très plaisir aux parents ; à mon avis les enfants peuvent suivre les aventures de Paco jusqu’à quatre ou cinq ans.

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Voici une nouvelle raison de tenir mon blog, et cette raison je la dédie à toutes celles qui ont eu ces temps derniers envie d’arrêter le leur, en espérant que cela leur redonnera l’envie de continuer car la lecture des blogs divers et variés font partie de mes plaisirs de vie. Je me suis promis de relire un tome par été de « La recherche du temps perdu », je l’ai lu depuis longtemps et essayé plusieurs fois de le relire. Mais je me croyais obligée (je me demande bien pourquoi !) de commencer par le début, cela fait que je connais assez bien (avec Proust , il faut toujours rester modeste sur la connaissance de son œuvre) « du Côté de chez Swann » et « à l’Ombre des jeunes filles en fleurs ». Je pense donc qu’en dehors des challenges proposés par les amis, on peut se donner à soi-même des défis en pensant les mettre sur son blog.

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Mettre des coquillages à ce chef d’œuvre, c’est un peu stupide, mais Proust me ravit trop et sa lecture me fait un tel bien que je veux le clamer haut et fort. De même la petite madeleine sur ma photo est quelque peu kitsch, il me pardonnera surement mes fautes de goûts lui qui sait si bien décortiquer les ressorts de l’âme humaine. « Le temps retrouvé » dans mon édition est en deux tomes, le premier commence par une soiré à Tassonville chez Gilberte l’épouse de Robert de Saint-Loup et est traversé par la guerre 14/18. Le second par une invitation chez la duchesse de Guermantes , soirée lors de laquelle Proust (ou le narrateur de « la Recherche ») comprendra la nécessité dans laquelle il se trouve d’écrire son œuvre alors que tous les acteurs qu’il a dépeints jusqu’à présent sont au bord de la grande vieillesse. On y trouve, donc, les clés qui motivent la création artistique. Je voudrais dire à tous ceux que la lecture de Proust rebute, qu’il peut être lu de façons tellement différentes qu’il n’est pas possible que l’une d’entre elles ne leur corresponde pas. Bien sûr, il reste son style et ses phrases si longues que parfois on s’y perd, mais voilà , au début on se force, puis on s’habitue et enfin on adore. Je tiens aussi à dire qu’on s’amuse beaucoup en lisant ce grand auteur car il sait mieux que quiconque croquer les travers de gens qui se croient tellement au dessus du « commun ».

Vous pouvez l’apprécier pour la justesse de l’analyse de l’âme humaine, à l’opposé de Zola (autre classique relu cet été), aucun personnage n’est forcé et même si le trait est parfois féroce, c’est toujours dit avec beaucoup d’élégance, ainsi, Madame Verdurin que l’on a vu mépriser les grands de ce monde au début de « la recherche », les fréquente de plus en plus et que nous dit Proust :

On peut remarquer , d’ailleurs, qu’au fur et à mesure qu’augmenta le nombre de gens brillants qui firent des avances à Mme Verdurin, le nombre de ceux qu’elle appelait les « ennuyeux »diminua. Par une sorte de transformation magique, tout ennuyeux qui était venu lui faire une visite et avait sollicité une invitation devenait subitement quelqu’un d’agréable et d’intelligent.

C’est tellement vrai !

On peut aussi savourer les traits d’esprit volontaires chez le Duc de Guermantes…

Si son mari arrivait vraiment ou s’il n’enverrait pas une de ses dépêches dont M. De Guermantes avait spirituellement fixé le modèle : « Impossible venir, mensonge suit. »

… ou involontaire chez Françoise :

« Au commencement de la guerre on nous disait que ces Allemands c’était des assassins, des brigands, de vrais bandits des Bbboches. …. » Si elle mettait plusieurs b à Boches, c’est que l’accusation que les Allemands fussent des assassins lui semblait après tout plausible, mais celle qu’ils fussent des Boches presque invraisemblable à cause de son énormité.

La méchanceté ordinaire des salons :

Certes, je m’attendais à vous voir partout ailleurs qu’à un des grands tralalas de ma tante, puisque tante il y a  » ajouta-t-elle d’un air fin , car étant Mme de Saint-Loup depuis un peu plus longtemps que Mme Verdurin n’était entrée dans la famille, elle se considérait comme une Guermantes de tout temps et atteinte par la mésalliance que son oncle avait faite en épousant Mme Verdurin, qu’il est vrai elle avait entendu railler mille fois devant elle , dans la famille , tandis que , naturellement, ce n’était que hors de sa présence qu’on avait parlé de la mésalliance qu’avait faite Saint-Loup en l’épousant.

Dans la première partie du « Temps retrouvé » la description de la vie parisienne à l’arrière du front est d’une justesse étonnante, deux scènes ont retenu mon attention , la première c’est Madame Verdurin qui, malgré les restrictions alimentaires dues à la guerre, a réussi à se faire prescrire « son » croissant du matin par le docteur Cottard accompagnant son café , car, sans ces deux ingrédients, elle souffre de migraines. Elle lit avec « Horreur » le torpillage du Lusitania tout en essuyant les miettes de son croissant. Et à l’opposé , lorsque l’un des neveux de Françoise se fait tuer sur le front, laissant une très jeune veuve tenir seul un café qu’ils venaient d’acheter, l’oncle et la tante du jeune homme qui vivaient une retraite tranquille viendront l’aider à tenir ce café sans se faire payer.

On peut aussi apprécier des descriptions aussi bien des lieux que des personnages, j’ai beaucoup aimé cette évocation de la vieillesse :

.. qu’on eût dit qu’elle était un être condamné, comme un personnage de féerie, à apparaître d’abord en jeune fille, puis en épaisse matrone, et qui deviendrait sans doute bientôt en vieille branlante et courbée. Elle semblait, comme une lourde nageuse qui ne voit plus le rivage qu’à une grande distance, repousser avec peine les flots du temps qui la submergeaient.

ou de la princesse de Nassau :

Née presque sur les marches d’un trône, mariée trois fois, entretenue longtemps et richement par de grands banquiers, sans compter les mille fantaisies qu’elle s’était offerte, elle portait légèrement, comme ses yeux admirables et ronds, comme sa figure fardée et comme sa robe rose, les souvenirs embrouillés de ce passé innombrable.

Enfin dans la deuxième partie, la réflexion sur la création artistique est absolument passionnante, c’est plus compliqué de donner des citations appropriés à son propos, j’ai été particulièrement sensible à la nécessité d’écrire et à la force qu’il lui faut pour aboutir dans ce projet, en particulier ne pas se laisser divertir par les événements du monde pour éviter d’écrire

Aussi combien se détournent de l’écrire, que de tâches n’assume-t-on pas pour éviter celle-là. Chaque événement, que ce fût l’affaire Dreyfus, que ce fût la guerre, avait fourni d’autres excuses aux écrivains pour ne pas déchiffrer ce livre – là, ils voulaient assurer le triomphe du droit, refaire l’unité morale de la nation, n’avaient pas le temps de penser à la littérature. Mais ce n’étaient que des excuses parce qu’ils n’avaient pas ou plus de génie, c’est à dire d’instinct. Car l’instinct dicte le devoir et l’intelligence fournit des prétextes pour l’éluder.

Enfin lire Proust c’est se régaler de petites phrases tellement justes :

Les vrais paradis sont ceux qu’on a perdus

Et ne peut-on dire cela aujourd’hui encore pour tous ceux qui se font leur opinion à travers les média ? :

Ce qui est étonnant, dit-il, c’est que ce public qui ne juge ainsi des hommes et des choses de la guerre que par les journaux est persuadé qu’il juge par lui-même.

Je termine par cette phrase que je trouve si belle :

Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c’est le chagrin qui développe les forces de l’esprit.

Un site parmi tant d’autres que je recommande à tous ceux et celles qui veulent se familiariser avec Proust et ceux et celles et ceux qui veulent savourer leur plaisir de lecture avec un vrai connaisseur : Proust ses personnages.

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Ces deux livres qui se suivent sur mon blog ont en commun plusieurs choses : Poutine veut revisiter l’époque stalinienne pour en retirer ce qui a été favorable à la Russie, Nicolas Werth accompli un remarquable travail d’historien pour mettre en lumière les horreurs de cette époque et montrer comment et pourquoi elles se sont produites. Poutine pense qu’il faut arrêter de penser au passé et oublier les crimes et les criminels de l’histoire de l’URSS, Nicolas Werth pense que la Russie irait mieux si elle se souvenait de ce qui a eu réellement lieu durant l’ère soviétique.

J’ai essayé plusieurs fois de lire ce livre et plusieurs fois, j’ai renoncé, tant l’effroyable vérité qui s’imposait à moi grâce au travail de Nicolas Werth me rendait littéralement malade. Mais après avoir lu l’essai de Michel Eltchaninoff « Dans la tête de Poutine » , je voulais aller jusqu’au bout du récit de l’horreur. Poutine veut réhabiliter quelques aspects du Stalinisme, déclarant dans une formule célèbre « Celui qui ne regrette pas la destruction de l’Union soviétique n’a pas de cœur. Et celui qui veut sa reconstruction à l’identique n’a pas de tête ». Il nous reste, donc, à lire le travail des historiens pour savoir ce qu’a été exactement cette période de l’histoire de ce malheureux pays.

Nicolas Werth fait un travail très sérieux, il donne toutes ses sources et s’appuie uniquement sur les documents officiels soviétiques . L’île de Nazino ou « l’île aux cannibales » est un des rares événements bien connus des autorités de l’époque. (Mais ne représente que 1 % des disparus des colonies de peuplement) Une enquête a été diligentée sur cette effroyable déportation  : en 1933, on a envoyé des milliers de déportés dans une île entourée de marécages, ils étaient pour la plupart des citadins en tenu de ville et n’avaient aucun outil pour survivre dans un milieu hostiles. Les plus féroces d’entre eux ont tué les plus faibles pour les manger.

Cela n’est pas arrivé par hasard, Nicolas Werth démonte tous les rouages qui ont permis d’en arriver là. On aurait pu penser que l’échec des colonies de peuplement dont le point culminant est Nazino, allait permettre une prise de conscience des dirigeants communistes et effectivement cela a servi de leçon mais pas dans le sens que des êtres humains auraient pu l’imaginer. 1933 n’est que le début de l’élimination des « parasites » qui ne comprennent pas les bienfaits de la grande cause prolétarienne. … et en 1937 commencera « la grande terreur », Staline aura bien retenu la leçon de Nazino, plus de colonies de peuplement , il a mis en place des exécutions très rapides après des jugements expéditifs, Nicolas Werth avance un chiffre de 800 000 personnes fusillées et les autres finirent au goulag au travail forcé.

Si j’étais Russe je manquerai certainement de cœur MONSIEUR Poutine, mais je ne voudrais pas que l’on me force à regretter L’URSS.

Citations

La grande famine en Ukraine : Holodomor

L’horreur des chiffres

Depuis l’instauration des camps de travail et « des villages spéciaux » pour paysans déportés, les prisons, dont la capacité maximale était de l’ordre de 180 000 places accueillaient en règle générale les condamnés à de courtes peines (inférieures à trois ans) et les individus arrêtés en attente de jugement. A partir de l’été 1932, sous l’effet des arrestations massives liées à la campagne de collecte, particulièrement tendue, le nombre des détenus incarcérés en prison augmenta de manières exponentielle pour atteindre le chiffre énorme de 800 000 personnes au printemps 1933. 

Toujours l’horreur

En trois ans, le cheptel sibérien fondit, selon les données officielles, des deux tiers, tandis que les rendements céréaliers baissaient des 45 .Les plans de collecte, quant à eux, augmentèrent durant ces années de plus de 30 % . Dès le printemps 1931, les rapports secrets de l’OGPU envoyés à la Direction régionale du Parti reconnaissaient l’existence de « foyers isolés de difficultés alimentaires » . Le plan de collecte de 1931, très élevé- plus de 1400 000tonnes de céréales et 450 000 tonnes de viande- , fut réalisé avec plusieurs mois de retard et au prix d’un abattage massif du cheptel et d’une confiscation d’une partie des semences pour la récolte de l’année suivante. Dans une quarantaine de districts agricoles du sud de la Sibérie occidentale, les disettes de 1931 evoluerent localement vers de véritable famines durant le printemps 1932

L’île aux cannibales

A Nazino, à la suite d’un faisceau de circonstances aggravantes – un groupe d’individus exceptionnellement démunis et inadaptés, expédiés sans la moindre intendance et débarqués dans des lieux particulièrement inhospitaliers -, ce sont les deux tiers des déportés qui disparaissent en quelques semaines. Exemple extrême, cas limite, cet épisode meurtrier s’inscrit non seulement dans la mise en œuvre d’une utopie , dans le fonctionnement d’un système bureaucratique et répressif-celui des Peuplements spéciaux- mais aussi dans un espace saturé de violence.
 
Les gardes et les commandants n’avaient – dans les premiers jours du moins- guère réagi ni décidé de mesure d’isolement vis- à-vis des individus interpellés en possession de chair humaine ou pris sur le fait d’en consommer. La plupart d’entre eux furent relâchés, au motif qu' »il n’avait pas été établi qu’ils avaient tué la personne dont ils avaient consommé certaines parties du corps » (….) et que « le code pénal soviétique ne prévoyait pas de peine pour les cas de nécrophagie ».

Conclusion

La famine de 1933 , dans les  » peuplements spéciaux » et l' »affaire de Nazino » contribuèrent, de façon décisive, à déplacer le centre de gravité du système du Goulag des villages spéciaux vers les camps de travail.

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 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Un grand merci également à Sandrine qui m’avait déjà donné envie de lire ce roman-biographie, le style est absolument magnifique. L’auteur est totalement imprégné de l’œuvre de Ravel , et il veut que son écriture rende compte à la fois du caractère de Ravel, de son inspiration musicale, et de la violence de la guerre 14/18. Je vous conseille une expérience : lire la page 165, en écoutant le concerto pour la main gauche , les phrases plus belles les unes que les autres parlent si bien de la musique que j’ai eu du mal à maîtriser mon émotion.

Quelques notes claires dans les ténèbres, et c’est comme une énorme bulle remontée des profondeurs, gorgée de lumière, qui s’ouvrirait au visage. La souffrance s’éteint, l’angoisse disparaît, et la beauté familière, si mal connue et tout à coup dévoilée, donne son dernier baiser. C’est la vie qui reflue à celui qui la perd, juste avant la fin le meilleur de la chanson.

Je ne connaissais pas la vie de Ravel, et longtemps je ne pouvais citer de son œuvre que Le Boléro. Peu à peu , j’ai appris à aimer sa musique et j’aime beaucoup ce qu’il a écrit pour la voix. Cette biographie lui rend un hommage vibrant et discret, à l’image de ce qu’a été la vie de ce grand compositeur français. Une élégance et une discrétion qui allait de pair avec un engagement total dans ce qu’il croyait. Sa détermination à servir son pays, alors que, trois fois, il avait été réformé par la médecine militaire est admirable, mais ce qui m’a la plus touchée, c’est lorsqu’il refuse après la guerre la Légion d’Honneur. Lui qui avait vu tant d’hommes mourir au combat ne pouvait pas accepter la moindre récompense pour sa musique qu’il savait par ailleurs admirable.

Il faut lire ce livre, pour ressentir la genèse de la création musicale, la vie de ce compositeur hors du commun et pour comprendre la force du patriotisme en 1914, mais par dessus tout il faut le lire pour le style de Michel Bernard qui m’a réconciliée avec la littérature française, c’est un grand plaisir de lire de si belles phrases dans sa langue maternelle.

Citations

Le désir de servir sa patrie

 La guerre