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Je n’ai pas de mots assez forts pour te dire merci Dominique. 

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J’ai adoré ce livre, c’est drôle, insolent, rempli de trouvailles qui m’ont enchantée. J’avais lu dans les commentaires d’une de tes lectrices que Michel Volkovitch était beaucoup plus intéressant. Encore une fois, la comparaison m’exaspère : ce sont deux auteurs totalement différents réunis par l’amour des langues, je comprends qu’on les associe, mais pas qu’on cherche à les évaluer l’un par rapport à l’autre. Cependant, je n’en veux pas trop à l’auteure de ce commentaire puisqu’elle m’a permis de découvrir Michel Volkovitch.

Il est rare qu’un livre me fasse éclater de rire mais j’ai pouffé plusieurs fois. J’espère que comme moi, vous serez sensible aux charmes et au dangers de la langue Najavo :

En navajo qui n’a jamais chipé un seul verbe à aucune langue étrangère, le refus de principe de l’emprunt aboutit à des résultats certes décoratifs, mais discutables du point de vue de l’efficacité communicationnelle : ainsi « tank » se dit chidinaa’na’ibee’eldoohtsohbikàà’dahnaazniligii, littéralement « voiture qui glisse sur le sol avec de gros fusils dessus. Il est probable que dans la pratique, les Navajos recourent à l’anglais pour le genre de conversations où l’on a à mentionner un tank – c’est une bête question de sélection naturelle : le temps de s’écrier « gare le tank arrive » , l’obstiné navajophone est déjà réduit à l’état de crêpe Suzette, dans l’indifférence de ses compagnons d’armes plongés dans leur dictionnaire.

J’ai retrouvé en le lisant l’ambiance iconoclaste des séminaires de linguistique générale de mon université. Enfin, quelqu’un qui explique le plaisir de la langue, bien loin des stériles discussions sur ce qu’il faut dire ou ne pas dire, qui font tellement plaisir au tout petit monde des gens « comme il faut », qui pensent qu’être bon en grammaire française c’est savoir dire « déjeuner » ou « dîner » et non pas le si vulgaire « manger ». Tout à coup le monde entier est là dans toutes sa diversité, on ne peut plus se hausser du col avec notre si belle langue française, si difficile à apprendre que le monde entier nous envie. D’ailleurs, allez-y, essayez donc de gagner la chaussette mise en jeu au concours de la langue la plus difficile à prononcer :

 Voici comment on dit « J’ai vu un animal de ce type » en kalam, une langue papoue de Nouvelle-Guinée orientale : Knm nb ngnk. Toute personne capable de prononcer cette phrase gagnera une chaussette d’archiduchesse séchée sur une souche sèche.

Il existe donc, des langues tellement plus redoutables à apprendre que le français, à commencer par le basque si proche et si loin de nous, l’esprit humain est également réparti dans le monde entier, divers et si riche que j’en suis restée baba.

De l’esprit, Jean-Pierre Minaudier n’en manque pas mais je ne crois pas que cela me conduise à lire toutes les belles grammaires dont il nous a parlé. Et il est vrai que pour ceux qui ne se posent aucune question sur la langue, ce livre aura quelques passages difficiles, au milieu de moments vraiment joyeux accessibles pour tout le monde grammairien ou non.

Citations

Règlement de compte du linguiste amoureux des langues existantes

Je trouve l’espéranto hideux et grotesque avec son look de patois latin dégénéré, une langue prétendument mondiale moins parlée que le lituanien ou le danois après plus d’un siècle d’existence me semble avoir complètement er sans doute définitivement manqué son objectif.

Les Français du XVIIe ont simplifié certains noms indiens, on peut les comprendre !

Chief Joseph était tout simplement Hinmahtooyahlatkekht en nez -percé. 

Les genres, réflexion d’un Estonien qui n’a pas de genre dans sa langue

Pourquoi diable « un laideron » est-il toujours une femme, et une sentinelle presque toujours un homme.

Difficulté du travail de l’ethno-linguiste

 Frauke Sachse partie étudier le xinka, une langue moribonde du Guatemala, s’est heurtée à une mauvaise volonté générale doublée d’un mercantilisme déchaîné : l’un de ses informateurs potentiels prétendait lui soutirer 10 $ par mot ! Parmi la poignée de derniers locuteurs, certains ont refusé de travailler ensemble, c’est à dire de se parler, suite à des conflits : la zone sortait d’une guerre civile

 Enfin, grâce à ce livre, j’ai trouvé ma langue idéale (il faut dire que je suis un peu fâchée avec la droite et la gauche !)

 L’étude des grammaires nous apprend encore que les concepts de droite et gauche, qui sont relatifs (on est toujours à droite ou à gauche de quelque chose et n’ont rien d’universel : certaines langues possèdent des systèmes d’orientation absolus , comme le taba, langue austronésienne parlée au large d’Almahera, en Indonésie, où l’on distingue « le côté mer » et le « côté de la terre » (les locuteurs du taba habitent les côtes d’une île , laquelle est ronde -il ne s’agit donc pas de points cardinaux). On ne dit pas « Les cigarettes sont à gauche (ou à droite) de la chaise  » mais Tabako adia kurusi ni lewe lema, « les cigarettes sont du côté de la terre par rapport à chaise ; ou Tabako adiia kurusi ni laema pope, « les cigarettes sont du côté de la mer par rapport à la chaise : chacune de ces deux phrases veut dire « à droite  » ou » à gauche » selon la position du locuteur.

 

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Photo prise sur son site que je vous recommande même s’il est très fouilli http://www.volkovitch.com/

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Après avoir lu les blabla de Michel Volkovitch, plus jamais vous n’oublierez de mettre le nom du traducteur quand vous présenterez un livre étranger. Je suis arrivée vers ce livre grâce à un commentaire après le billet de Dominique à propos du livre « Poésie du Gérondif » de Jean-Pierre Minaudier , un des commentaires disait que dans le genre , les livres de Michel Volkovitch était bien meilleur. Comme je possède la liseuse Kindle, j’ai pu pour une somme modique acheter cet ouvrage et le moins que je puisse dire c’est que je me suis régalée. Toutes les réflexions à propos de son métier sont passionnantes. Traduire, c’est à la fois se mettre au service d’une œuvre , se l’approprier et la retranscrire dans une autre langue.

Commençons par son auto portrait

« Pour le traducteur disons plutôt : sans humilité on ne va nulle part. Sans orgueil on ne va pas loin. Certains écrivains ne sont présents qu’à eux mêmes . Le traducteur un écrivain qui écoute. Peut-on bien traduire sans être généreux ? »

Je n’avais jamais pensé à quel point le rythme et les sonorités pouvaient avoir une telle importance. Bien sûr Michel Volkovitch traduit souvent de la poésie, mais cela est vrai aussi pour la prose, il en donne des exemples très parlants. Son livre est rempli de détails amusants . Comment par exemple utiliser l’image d’une femme mante religieuse en portugais , quand on sait que dans cette langue l’animal est surtout symbole de fragilité et de l’éphémère ?

J ai beaucoup aimé, également la façon dont il se moque des débats des universitaires à propos des différentes théories de la traduction. J ‘y ai retrouvé tous les travers que je connais trop bien des enseignants intolérants et enragés dès qu’il s’agit de prétentions intellectuelles. Comme lui, j’ai souvent pensé que : « S’il n’est pas un peu théoricien le praticien n’ira pas loin. Mais s’il n’est pas un un peu praticien , le théoricien n’ira nulle part. »

Hélas ! ces théoriciens remplissent les discussions entre universitaires français. La langue qui lui semble le plus difficile à traduire c’est l’anglais. Le français semblent souvent fade et plat à côté des formules rapides et incisives anglaises. Il dit que « sur le plan de la nervosité et du swing, l’anglais est la reine des langues et le français traîne derrière en s’essoufflant. »

A propos des différentes versions et de la censure voici le genre de détails qui me font éclater de rire

« La véritable apologie de Socrate de Costas Varnalis, dans une version anglaise de 1955 le grec dit « Ils s’enivrent et se roulent dans leur vomi ». L ‘anglais :« ..ils se roulent dans la boue ». Le grec : « ils se curent le nez et collent la morve sous leur siège ». L’anglais : « Ils se raclent la gorge ».

Traduit de l’italien par Danièle VALIN
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Les raisons pour lesquelles le billet de Dominique m’a fait lire ce livre, deviendront peut-être les vôtres et vous vous précipiterez vers ce roman. Allez, une fois n’est pas coutume, je commence par le seul point faible, selon moi, de ce ce merveilleux récit. Je n’arrive pas trop à adhérer à un aspect des deux personnages féminins, d’une beauté telle que tous les hommes chavirent devant elles ! Leur beauté extraordinaire et leur côté femme fatale ne m’ont pas convaincue.

Mais peu importe, le roman vous emportera comme tous ceux ,et toutes celles, qui l’ont plébiscité vers le Haut-Adige ou Tyrol du sud. Comme beaucoup, je ne savais rien de cette région offerte à l’Italie en 1918 , en compensation de la guerre 14/18, cette province autrichienne n’avait jamais été italienne. On imagine la stupeur des habitants- de pauvres paysans montagnards- qui se trouvent confronter à un monde italien qui, hélas pour eux, devient fasciste peu de temps après ! Le choix pour les habitants devient une véritable horreur : devenir fasciste italien ou revendiquer son appartenance à l’Allemagne nazi ! !

Là, je me suis dit, mais comment faire pour rester humains, simplement humain ! Le roman raconte cela et toutes les conséquences, jusqu’à l’assassinat d’Aldo Moro. Oui, toute l’histoire de l’Italie est là devant nos yeux mais vu de cette petite région qui n’avait rien demandé à personne. Les fils de la grand histoire se tressent avec la petite histoire de Gerda et de sa fille Eva, élevée sans père puisque l’auteur de ses jours n’a pas daigné la reconnaître, Eva est une femme libre qui mène sa vie sans rien devoir à personne sauf à sa mère qui s’est battue pour elle. Fille mère, c’est encore un scandale en Italie dans l’Italie des années 60. Eva traverse en train toute la botte italienne pour rejoindre celui qui aurait pu être un père pour elle : Vito , le carabinier italien qui a aimé Gerda la cuisinière tyrolienne. Aucun personnage n’est caricatural et le bien et le mal ne sont pas toujours faciles à reconnaître.

Que de personnages torturés, que de violence cachée et que de souffrances, tout cela parce que cette partie du Tyrol a été offerte à une Italie qui ne la demandait pas !

Citations

Aujourd’hui, un pays aux deux cultures

Après Sterzing/Vitipendo, un peu avant de sortir à Franzensfeste/Fortezza, Carlo s’est arrêté à l’Autobahnraststätte/Autogrill et nous avons mangé un belegtes Brötchen/sandwich.Puis nous avons quitté l’Autobahn/autoroute et nous avons payé au Mautstelle/péage Dans sa Volvo qui heureusement est suédoise et ne se traduit donc ni en allemand ni en italien . Bienvenue dans le Südtirol/Alto Adige, royaume du bilinguisme.

L’après guerre

Nazi, collabo, délateur, criminel de guerre, konzentrationslagerführe : ce n’étaient pas des mots mais des grenades qui n’avaient pas explosé, que l’on contournait sur la pointe des pieds , pour ne pas déclencher une détonation plus terrible, celle de la vérité.

La civilisation de l’argent

Italiens, Allemands ou Autrichiens étaient tous égaux pour Paul Staggl, du moment qu’ils laissaient leur argent dans les caisses des hôtels. Il avait compris bien avant la plupart de ses compatriotes que l’argent, non seulement n’a pas d’odeur, mais n’a pas d’ethnie non plus.

On en parle

chez Mango et Dominique

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J’ai lu depuis un bon moment déjà ce roman autobiographique, mais j’ai attendu que les polémiques s’apaisent pour faire mon billet. Je suis mal à l’aise par ce que j’entends à propos de l’auteur, on dissèque les différents protagonistes de son histoire personnelle et ça devient vraiment glauque. Ses parents, sa mère en particulier, son village, son collège, les autres élèves , tout le monde y passe et rien ne dit ce que j’ai ressenti. J’ai cru être assommé par un énorme coup de poing, autant de souffrance, et une France aussi déshéritée , je ne le savais pas !

Et cela bouleverse pas mal de mes certitudes. Je sais que les enfants au collège peuvent être cruels mais s’ils se transforment en tortionnaires c’est qu’il y a autre chose. Cette autre chose, c’est la désespérance d’un milieu qui n’a que la télé comme ouverture au monde.

Et puis, il y a cette écriture, si précise et qui se met au service du ressenti de l’enfant qu’a été Édouard Louis, du temps où il s’appelait Eddy Bellegueule. Je crois qu’il faut que tout le monde lise ce livre, à la fois pour comprendre ce que les enfants différents peuvent ressentir quand ils sont victimes du rejet , et pour savoir à tout jamais que rien n’est joué d’avance pour ce genre d’enfant.

Et puis aussi, pour mesurer la force du rejet de l’homosexualité dans notre monde. Je pense à tous les enseignants qui sont découragés par le déterminisme social, et bien non ! aujourd’hui encore l’école de la république peut servir à se sortir de ce déterminisme.

Citations

Le malheur de l’enfant victime

Uniquement cette idée : ici, personne ne nous verrait, personne ne saurait. Il fallait éviter de recevoir les coups ailleurs, dans la cour devant les autres, éviter que les autres enfants ne me considèrent comme celui qui reçoit les coups. Ils auraient confirmé leurs soupçons,« Bellegueule est un pédé puisqu’il reçoit les coups » (ou l’inverse, peu importe). Je préférais donner de moi une image de garcon heureux. Je me faisais le meilleur allié du silence, et, d’une certaine manière, le complice de cette violence.

L’importance de la télé pour sa mère

Quand au lycée, je vivrai seul en ville et que ma mère constatera l’absence de télévision chez moi elle pensera que je suis fou-le ton de sa voix évoquait bel et bien l’angoisse, la déstabilisation perceptible chez ceux qui se trouvent subitement confrontés à la folie « mais alors tu fous quoi si t’as pas de télé ? »

Synopsis

Dans la Pologne des années 60, avant de prononcer ses voeux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, part à la rencontre de sa tante, seul membre de sa famille encore en vie. Elle découvre alors un sombre secret de famille datant de l’occupation nazie.
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Cela fait un certain temps que je ne parle pas de cinéma sur mon blog, pourtant je vois de bons films (et des moins bons) mais je trouve que parler d’un film demande une réaction rapide , car souvent les bons ne restent pas longtemps à l’affiche. 
Mais Ida est un pur chef d’oeuvre complètement intemporel , et je pense qu’il passera souvent dans les petites salles à la recherche d’une progammation de qualité. L’émotion est rendue à la perfection parce que les images des protagonistes sont très belles et que l’évocation de la pologne rurale des années 60 est terrible. La misère et la rudesse des campagne , l’antisémitisme à fleur de peau et avec cela la peur que les juifs reviennent réclamer leurs maisons tout cela ne rend pas la Pologne très attirante.
On pense au progrom de Kielce durant lequel l’église catholique polonaise a joué un rôle peu glorieux. Mais dans ce film , il n’y a pas de point de vue moralisateur , seulement la tragédie de deux femmes . Je ne peux en dire plus sans dévoiler l’histoire du film ce qui serait dommage. La musique est remarquable , le mélange musique classique et des musiques modernes est très harmonieux.
Un très beau film que je n’oublierai jamais.

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Quel plaisir de retrouver mon blog avec ce roman. 
J ai beaucoup lu pendant ces semaines bien occupées,tout n’est pas d’égale valeur. J’avais eu le temps de noter ce roman d’abord chez Dominique,puis chez beaucoup d’entre vous. Je vais me joindre au chœur de celles et ceux qui se sont senties bien dans cette épopée du 20° siècle.

Épopée de la vie et de la mort

Épopée de ceux qui ont survécu aux terribles incendies qui ont ravagé les forêts canadiennes dans les années 1910.
L écrivaine a su rendre compte de la force destructrice du feu et de la terreur qui est, à jamais, entrée dans le regard des survivants.

Épopée des êtres si vieux qu’on voudrait les mettre à mourir tous ensemble, et qui décident de vivre leur fin de vie comme ils le veulent, libres et indépendants bien cachés au fond des bois.
Épopée d’une femme enfermée à 16 ans dans un asile psychiatrique et qui n’en ressortira qu’à 80 pour enfin vivre une vraie vie.

Épopée, enfin, de la narratrice, femme photographe qui réussira à monter l’exposition qui lui tenait à cœur pour rendre compte de cette période où « il pleuvait des oiseaux » au-dessus des forêts calcinées du nord canadien.

Si j’ai utilisé le mot « épopée », ce n’est pas pour trahir la simplicité du style ni la banalité des vies ordinaires qui font la richesse du roman, c’est que, je le pense, il y a une grandeur à savoir rendre compte du quotidien des êtres quand ils sont libres et vivent dans leur propre système de valeur.

Un roman superbe, envoûtant et profondément vrai dont j’ai littéralement savouré chaque phrase.

Citations

Comme moi, je pense que tous ceux et celles qui aiment les histoires se retrouveront dans ce passage

J’aime les histoires, j’aime qu’on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu’une personne se retrouve soixante ans, quatre-vingts ans plus tard avec ce regard, ces mains, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise.

 Échapper au sort commun de la vieillesse

– En deux minutes, j’avais fait mon baluchon et en route pour la Liberté !
Et de s’éclater encore d’une grande salve de rires, accompagné de Charlie qui avait abandonné toute retenue et juillet d’un bon rire gras et sonore. Les deux vieillards s’amusaient comme des enfants à l’idée de ce coup asséné à toutes les travailleuses sociales de ce monde qui veulent enfermer les vieux dans des mouroirs .

 l’euthanasie sans les lois

Il y avait un pacte de mort entre mes p’tits vieux. Je ne dis pas suicide, ils n’aimaient pas le mot, trop lourd, trop pathétique, pour une chose qui, en fin de compte, ne les impressionne pas tellement. Ce qui leur importait, c’était d’être libres, autant dans la vie qu’à la mort, et ils avaient conclu une entente.

 Description d’un incendie de forêt

Le feu a des caprices qu’on ne s’explique pas. Il va sur les plus hauts sommets, arrache le bleu du ciel, se répand en rougeoiement, en gonflement, en sifflement, dieu tout-puissant, il s’élance sur tout ce qui est vivant, saute d’une rive à l’autre, s’enfonce dans les ravins gorgés d’eau, dévore les tourbières, mais laisse une vache brouter son herbe dans son rond de verdure. Que peut-on comprendre ? Le feu, quand il atteint cette puissance, n’obéit qu’à lui-même.

 L’esprit de village

Qui Ange Polson était-elle venue embêter ?
Tout le monde et personne en particulier, la réflexion de sa mère ou de la mercière , venait de ce fond inépuisable de méchanceté que les petites villes entretiennent jour après jour.

La dernière phrase qui sonne si juste et pas seulement pour ce roman.

Et la mort ?
Eh bien, elle rôde encore. Il ne faut pas s’en faire avec la mort, elle rôde dans toutes les histoires.

On en parle

à sauts et à Gambades , Sylire , Aifelle, Clara…..

 Traduit de l’américain par Jean-luc PININGRE.

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J’ai passé quatre semaine en compagnie de ce gros roman , j’avais noté cet auteur chez Cuneipage, à propos d’un autre titre que je lirai également. J’ai commencé par celui-là car il était diponible à la médiathèque. C’est un roman exigeant et long à lire, mais jamais ennuyeux et qui peint toute la société nord-américaine aux différents stades de la vie. De l’enfance , en passant par l’adolescence jusqu’à la vieillesse, tout est là avec des propos d’une justesse étonnante. Je sais qu’un livre me restera en mémoire quand j’ai envie de noter une multitude de passages. Les scènes dans le bar de Miles sont criantes de vérité.(Mais trop longues à recopier !).

On rit parfois, par exemple, lorsque le seul jeune américain qui n’avait pas conduit avant de prendre des leçons passe son permis au péril de la vie de l’examinateur est à mourir de rire (finalement , l’examinateur n’aura que le poignet cassé !). On sourit souvent aux remarques douces amères sur les défauts des personnages secondaires. Et des personnages, il y en a beaucoup certains hauts en couleur comme ce vieux prêtres complètement frapadingue qui écoute en confession des amours des uns et des autres, en se faisant passer pour son collègue.

Certains sont d’une humanité qui me touche comme Béa, tenancière de bar,la mère de Jeanine, la future « ex » femme du personnage principal, qui se trompe souvent et qui préfère se fâcher contre sa mère plutôt que d’ouvrir les yeux sur ses conduites. Et puis il y a Francine Whiting qui a provoqué le malheur de tant de gens ! Elle est souvent haïssable mais finalement est-elle responsable ou victime ? Mais le roman ne se résume pas à une peinture de personnages, on a peur également car on sent une tension monter peu à peu jusqu’au dénouement et la violence d’un jeune trop cassé par la vie.

J ‘aime beaucoup la personnalité du personnage principal qui se laisse tout le temps avoir à cause de sa gentillesse , il le sait mais n’arrive pas à devenir méchant. Il accepte de servir dans son bar, l’homme qui lui a ravi sa femme , mais j’ai adoré qu’il lui casse la figure le jour où , enfin, la coupe a été trop pleine. Tout le roman est sous-tendu par une histoire qui s’est passée du temps de l’enfance de Miles, on la découvre peu à peu et on sent que le point final ne pourra être mis que lorsque tout sera enfin éclairci.

Un grand roman j’ai tout aimé et aussi parce qu’il a réussi à me faire ralentir mon rythme de lecture habituel.

Citations

Personnalité du gentil Miles

Il avait suggéré à Mrs. Whiting de le remplacer, mais c’était un appareil coûteux et la vieille dame s’y était refusée tant qu’il fonctionnerait. Quand Miles était d’humeur clémente, il voulait bien se rappeler que les femmes de plus de soixante dix ans n’aimaient pas qu’on leur parle d’une machine âgée, épuisée, qui avait déjà duré plus que leur espérance normale de vie. Lorsqu’il était d’humeur moins charitable, il soupçonnait son employeur de faire coïncider l’obsolescence de tout le matériel -le Hobart, le fourneau Garland, le Grimm, le Mixer à milk-shake, avec son propre décès, minimisant ainsi sa générosité

 L’humour de l’adolescente

La seule bonne chose qu’ait apportée la séparation de ses parents, avait déclaré Tick, était qu’au moins elle n’avait plus besoin d’aller à l’église, maintenant que sa mère avait troqué la religion catholique contre l’aérobic.

 Les disputes dans le couple

Pour Miles un des grands mystères du mariage était qu’ on disait à chaque fois les choses avant de comprendre qu’il aurait fallu se taire.

 Un dicton à méditer

Qui veut s’entendre avec ses voisins met une clôture à son jardin.

 Humour de Miles

À chaque fois que Max l’emmenait en voiture, Miles ressentait une profonde parenté avec tout être vivant incapable de courir plus vite que son père ne conduisait, à savoir -les guépards étant rares dans l’état du Maine- à peu près tous.

 Un personnage vraiment radin et antipathique

Walt avait même dû emprunter pour payer l’alliance et les deux jours de lune de miel foireuse sur la côte, au cours desquels, si Jeanine avait eu un cerveau, elle aurait pu comprendre pourquoi il aimait tant faire l’amour avec elle. Parce que ça ne lui coûtait rien

 Je trouve cette phrase particulièrement juste

Ce n’est pas parce que les les choses arrivent progressivement qu’on est prête à les vivre. Quand ça urge , l’esprit s’attend à toutes sortes de mouvements brusques , et on sait que la vitesse est un atout. La « lenteur » , qui fonctionne sur un mode totalement différent , donne à tort l’impression d’avoir le temps de se préparer, ce qui occulte une réalité fondamentale , à savoir que les choses peuvent sembler particulièrement lentes, on sera toujours plus lent soi-même.

 On en parle

voir Babelio

 Dominique, merci.

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Et, j’espère que mon billet va donner envie à d’autres blogueurs et blogueuses de lire cet essai. Ok ! il est un peu long mais passionnant presque de bout en bout. Le « presque » n’est pas une critique mais décrit la nature même de cet essai. Svetlana Alexievitch part à la recherche de témoignages de citoyens qui ont connu l’URSS et qui vivent maintenant en Russie.Il y a donc, des témoignages plus intéressants que d’autres. Elle sait écouter ses compatriotes et on sent qu’il faut parfois du temps à ces gens pour dévoiler ce qui les rend très malheureux.

L’auteur alterne les témoignages assez longs avec des « propos de cuisine », qui sont un peu les brèves de comptoir chez nous. On y lit l’opinion de « Monsieur et Madame tout le monde » et que, le saucisson a longtemps été l’unité de mesure de la richesse d’un pays ! Tous ou presque sont tristes et les seuls destins moins tragiques sont ceux qui vivent à l’étranger.

On ressort bouleversé par cette lecture, car on se sent aspiré peu peu par les différentes tragédies russes. J ai parfois été proche du malaise, car il ressort de ce livre que le pire ennemi de l’homme c’est l’homme s’il a le droit de tout faire subir à son semblable. Comme ce tortionnaire qui se vante d’avoir fait mourir des prisonniers en leur maintenant la tête dans les seaux d’excréments.

Il se pose alors régulièrement cette question : comment vivre sereinement en Russie, puisqu’aucun tortionnaire n’a été jugé. Les victimes et les bourreaux se partagent donc les lieux de rencontre. Je pense que cela ne doit pas être très facile à vivre. À travers tous ces témoignages un élément ressort régulièrement, du temps de la période soviétique, l’argent n’avait pas d’importance et c’est pour tous un choc énorme d’imaginer qu’aujourd’hui, on soit jugé sur ses capacités financières.

Il y avait peu de plaisirs durant les 70 années du soviétisme, en conséquence de cela (peut-être), les joies de l’esprit -en particulier celles des textes littéraires- s’imposaient. Les jeunes Russes d’aujourd’hui n’ont plus ce goût de lire. Être libres, voulaient dire pour les intellectuels soviétiques, pouvoir lire ce qu’on voulait ,sauf que maintenant ils sont libre et ils ne lisent plus !

Le plus déchirant , parce ce que plus contemporain : les victimes des purges staliniennes appartiennent au passé, c’est le sort des Russes dans les nouvelle Républiques. Les guerres contre les minorités sont horribles , tout est permis et, hélas ! Ça continue.

Un grand livre indispensable pour comprendre notre époque !

 Citations

Humour communiste

Un communiste, c’est quelqu’un qui a lu Marx, et un anti-communiste, c’est quelqu’un qui l’a compris.

L ‘argent

Avant, je méprisais l’argent parce que je ne savais pas ce que c’était. Dans notre famille, on n’avait pas le droit de parler d’argent. C’était honteux. Nous avons grandi dans un pays où on peut dire que l’argent n’existait pas. Je touchais mes cent vingt roubles, comme tout le monde, et cela me suffisait. L’argent est arrivé avec la perestroïka. Avec Gaïdar. Le vrai argent. Au lieu de « Notre avenir, c’est le communisme ! » il y avait partout des pancartes avec « Achetez…Achetez…..L’argent est devenu synonyme de liberté.

 Juger Staline ?

Pourquoi nous n’avons pas fait le procès de Staline ? Je vais vous le dire… Pour juger Staline, il faut juger les gens de sa propre famille , des gens que l’on connaît. Ceux qui nous sont le plus proches.

 Les gens simples

Ils n’étaient pas tous communistes, mais ils étaient tous pour un grand pays. Les changements, ça leur faisait peur , parce qu’après tous les changements, les gens simples finissent toujours par se faire avoir.

 Un pays conçu pour la guerre

Notre État a toujours fonctionné sous le régime de la mobilisation , dès les premiers jours. Il n’était pas conçu pour la paix.

Une formule à retenir

Le communisme, c’est comme la prohibition : l’idée est excellente mais ça ne marche pas.

 Une famille ordinaire

Moi, je fais partie des gens que monsieur l’oligarque envoie se faire foutre. Je viens d’une famille ordinaire : mon père est alcoolique, et m amère se crève la paillasse pour trois fois rien dans un jardin d’enfants. À leurs yeux nous sommes de la merde , du fumier… Un jour quelqu’un me mettra obligatoirement un fusil entre les mains . Et je le prendrai.

 L’exil

J’ai fichu le camp aux États-Unis. Je mange des fraises en hiver. Du saucisson, il y en a autant qu’on en veut ici.

 Les changements

Il y en a qui ont eu le gruyère et d’autres, les trous du gruyère.

Les héros soviétiques à la maison

Un héros ! Pendant longtemps, il s’est pavané avec son manteau militaire, il buvait, il faisait la bringue. C’était ma grand mère qui travaillait. Lui, il était un héros.

On en parle

Chez Dominique où je l’avais noté et « entre les lignes et entre les mots » blog que j’ai trouvé chez Babelio.

 Traduit du russe par Sophie Benech.
Merci Dominique pour cette découverte.

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C’est un petit bijou ! Comme Dominique, je regrette que l’auteur ne se soit pas davantage étendu sur l’histoire de Tatania Gnéditch. Cette femme a traduit de mémoire (848 pages en édition poche !) le Dom Juan de Byron. Son talent est tel, qu’elle a réussi à attendrir un des bourreaux de la Tchéka qui lui a fourni, papier crayon , et une édition de Byron pour qu’elle puisse finir son travail.

Ce récit trop bref, rend compte de la passion des russes intellectuels broyés par le régime soviétique, mais également fascinés par la littérature. Un petit bijou , et il faut parfois peu de mots pour être bouleversée ; l’image de Tatania dans sa minuscule cellule sans lumière de la Loubianka qui se fait rabrouer,et injurier par son gardien car elle se lève parfois, de sa table de travail au lieu de rester assise pour finir sa traduction, est définitivement fixée dans ma mémoire.

L absurdité du régime soviétique peut se lire dans les très longs livres de Soljenitsyne mais aussi dans les raisons qui ont valu à cette femme, en 1945, 10 ans de condamnation au goulag.

« A la demande d’un diplomate anglais, elle avait traduit en huitains anglais un poème de Véra Imber « le méridien Poulkovo », destiné à être publié à Londres. Après l’avoir lu, le diplomate lui avait dit : « Si vous travailliez pour nous , vous pourriez faire beaucoup pour les relations entre la Russie et l’Angleterre ! ».

Ces paroles l’avaient profondément marquée, l’idée de voyage en Grande Bretagne avait commencé à la hanter, et elle considérait cela comme une trahison. Elle avait donc retiré sa candidature au Parti. On comprend fort bien que les commissaires-interrogateurs n’aient pas ajouté foi à cette confession hallucinante, mais on n’avait pas réussi à trouver d’autres chefs d’accusation . Elle avait été jugée(cela se faisait à l’époque) et condamnée à dix ans de camp de redressement par le travail pour « trahison de la patrie », selon l’article 19, qui stipule que l’intention n’a pas été concrétisée. »

Elle reviendra du camp , sera professeur de traduction, et patagera son intimité avec des êtres incultes qu’elle a connus en camp , mais, peut-être qu’au delà de la littérature , ils l’ont aidée à survivre dans ce milieu où tant d’autres ont laissé leur vie.

« Son « mari de camp » , Grégori Pavlovitch (Égor), était alcoolique au dernier degré et jurait comme un charretier. Extérieurement, Tatania l’avait civilisé, elle lui avait appris, par exemple, à remplacer son juron préféré par le nom d’un dieu latin. À présent, il accueillait les élèves de sa femme en disant : « On boit un petit coup, les gars ? Et si, elle veut pas elle a qu’à aller se faire phébus ! »

Vraiment un tout petit livre pour une très grande émotion.

la-traversee-du-continent

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque, Thème littérature francophone canadienne.

5Et voilà 5 coquillages sans l’ombre d’une hésitation : quel plaisir de découvrir un petit bijou de lecture qu’on a immédiatement envie de partager avec tous ceux qu’on aime. Un club de lecture, ça sert à ça : PARTAGER des plaisirs. Une enfant de 11 ans vit depuis 5 ans avec ses grands parents aimants et ses deux petites soeurs, dans un tout petit village francophone, au milieu des champs de maïs ; elle doit traverser le continent Nord américain , pour retrouver sa mère .

Tout est parfait et sonne juste dans ce roman, d’abord la séparation avec les grands parents. L’auteur change de point de vue à chaque fois que Rhéauna (Nana) doit se confronter à la peine d’un membre de sa famille, on suit d’abord les difficultés de la petite fille, puis en quelques pages très sobres, on comprend pourquoi l’adulte en est arrivé à vivre une vie qui semble parfois totalement absurde. Comme le mari de Bébette monstre obèse qui dégoûte profondément la petite Rhéauna.

Le grand-père sait qu’après le départ de ses petites filles qu’il aime encore plus fort que sa propre fille, il n’y aura plus que la mort comme perspective. Sa souffrance m’a beaucoup touchée. La première halte de l’enfant, c’est chez la petite soeur de son grand-père. La mal aimée, l’acariâtre tante révèlera son douloureux et si beau secret à la petite fille émerveillée. Ensuite, elle retrouve Bebette et son fameux « saperlipopette », que de tristesse derrière cette personnalité exubérante !

Puis elle retrouve Ti-Lou , qui est devenue « guidoune » pour faire souffrir son tortionnaire de père. À travers ce voyage , l’enfant va peu à peu se détacher de la déchirure qu’a représentée la séparation de son lieu d’enfance protégé par ses grands-parents et en même temps, s’attacher et aller vers sa mère. Les trois rêves qu’elle fait dans le train sont de très beaux moments de littérature et permettent de comprendre le chemin inconscient de l’enfant qui part de la terreur pour aller vers l’indépendance et l’affection.

La chute, la fin, je ne peux pas la raconter sans déflorer le roman, mais c’est absolument génial. Le style fait beaucoup pour le plaisir de lecture, on ne comprend pas tous les mots mais on savoure une langue venue d’ailleurs, plus rocailleuse que le français mais qui va bien avec ce que décrit l’auteur.

PS je n’explique pas le mot « guidoune » à vous de trouver !

Citations

Les mots qu’on ne connaît pas mais qu’on comprend

Il l’embrasse à pleine bouche, cette fois en ratoureux qui n’a pas d’autre argument.

Les personnalité et les rôles dans les fratries

Elle continuait de faire rire tout le monde, comme toujours, tout en faisant preuve d’une assurance étonnante. Et se montrait tranchante quand elle trouvait bon de l’être, c’est-à-dire à peu près tout le temps.

C’est ainsi qu’elle s’était transformée sans trop s’en soucier en tortionnaire de cette petite sœur qu’elle considérait davantage, à l’instar des autres membres de la famille, comme la servante de la maisonnée que comme la fille cadette des Desrosiers, Bebette commandait, Régina obéissait. Ce n’était nulle part, c’était juste une chose qu’on acceptait sans discuter. Et qui avait durer des années.

J’ai enfin compris l’utilité des dimunitifs

Ils portent des noms impossibles, Althéode, Olivine, Euphrémise, Télesphore, Frida, Euclide, qu’ils font claquer à grands coups de tapes dans le dos ou entre deux embrassades.

 La société dans les années 1900

En grandissant , tu vas te rendre compte qu’on vit dans un monde fait par les hommes, pour les hommes….pis souvent contre les femmes…C’est comme ça depuis la nuit des temps, on peut rien y changer, pis celles qui essayent de changer quequ’chose font rire d’elles… Elles ont beau se promener dans les rues avec des banderoles pour exiger le droit de vote par exemple, tout le monde rit d’elles…même les autres femmes. Tu comprends, on a juste trois choix, nous autres : la vieille fille ou ben la religieuse -pour moi c’est la même chose- , la mère de famille, pis la guidoune.

 On en parle

Babelio en attendant de mettre des liens plus précis