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J’avais tellement apprécié « les forêts de Ravel » que je me suis précipitée sur ce roman. C’est encore une fois Sandrine qui m’a fait noter son arrivée dans une rentrée littéraire trop encombrée pour moi. Michel Bernard a deux talents, il sait décrire la guerre dans toute son horreur et les sentiments patriotiques qui conduisent des hommes jeunes à risquer leur vie. Et cet auteur sait aussi raconter la création artistique. Le premier remord de Monet, c’est l’histoire de ce jeune talentueux, courageux et très beau Frédéric Bazille  qui est mort pendant la guerre de 1870, alors que Monet est réfugié à Londres loin des tumultes des armes. Frédéric Bazille c’est ce grand jeune homme allongé sur ce tableau.dejeuner-pouchkine

Le début du roman commence par la quête du père de Frédéric, il veut retrouver son fils, Michel Bernard nous décrit, alors, ce qu’a représenté cette défaite de la France. Une armée mal préparée, une république toute neuve qui n’a pas pu se défendre des soldats prussiens qui venaient de vaincre Napoléon III. La quête de ce père, fou de chagrin, à travers le pays dévasté, puis son retour sur ses terres avec le corps de son fils pour qu’il soit enterré dignement est bouleversant. On retrouve le talent de cet écrivain pour nous parler de la guerre comme il l’avait fait pour raconter celle que Maurice Ravel a faite en 14-18.

L’autre qualité du roman de Michel Bernard , c’est de nous faire partager l’élan créateur de ce peintre. Et ce sera le second remord de Monet que son amour pour Camille dont il a laissé de nombreux portraits . L’écrivain cerne au plus près les sensations du peintre et nous comprenons peu à peu les forces qui l’ont poussé à créer toute sa vie. Le roman suit l’artiste à Londres, à Argenteuil, sous le soleil, sous la neige, il épouse les différents moments de la vie de Monet et nous retrouvons des tableaux si célèbres et tant de fois admirés. Comme celui-ci dont j’ai toujours trouvé la lumière si belle :monet-la-piePuis viendra, pour Monet, le moment des séries et toujours la remise en question de son travail que ce soit à travers les peupliers, la cathédrale de Rouen. Je crois qu’après avoir lu ce roman, on comprend mieux la quête de la lumière pour les peintres en particulier les impressionnistes. Et quel superbe final que cette réalisation de son jardin de Giverny et sa séries des nymphéas. Monet a réussi sa vie, je ne sais toujours pas s’il a eu des remords mais ce qui est sûr, c’est qu’il a offert à la France une oeuvre magistrale à laquelle Michel Bernard rend un très bel hommage.

Citations

Les phrases que j’aime lire

Les cyprès, lanternes des morts au soleil de la Méditerranée, fusaient au-dessus des murs du cimetière.

L’élan patriotique

Les armées prussiennes étaient entrées en France et marchaient sur Paris. Cela avait décidé Frédéric, le doux rêveur Frédéric, à s’engager. Il avait lui aussi trouvé stupide ce conflit, stupide ce régime à bout de souffle, stupides ces généraux carriéristes ressassant les nostagies impériales. La défaite et l’invasion changeaient tout. Le pays était malheureux, la France était blessée, il fallait faire son devoir.

La création des nymphéas

Les teintes glauques, où les effets de lumières assourdis mêlaient l’air et l’eau, baignaient voluptueusement le regard blessé du peintre. Une autre dimension des choses vivantes lui apparaissaient qu’il n’aurait pas su voir quand il était jeune. Elle était supérieure, il le sentait, parce qu’elle lui apportait une certaine sérénité dans la contemplation. Il avait fallu la longue préparation d’une vie pour l’atteindre et le comprendre. Il y a vingt ans, il avait deviné que quelque chose était là, qui l’attendait, mais c’était encore trop tôt. Impatient, tumultueux et désordonné, il s’était prématurément jeté à la conquête de ce qu’il fallait encore attendre. Maintenant, devant ses yeux usés, un monde intermédiaire s’ouvrait, neuf pour lui et vieux comme la Création.

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20160813_105713Traduit du danois par Raymond ALBECK

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Quel livre ! Je le dois encore une fois à Dominique. Que sa curiosité insatiable soit mille fois remerciée ! Sans son blog ce livre ne serait pas parvenu jusqu’à moi puisque ma médiathèque ne possède pas encore (depuis j’ai convaincu les bibliothécaires de l’acheter) ce « chef d’oeuvre », comme le dit la quatrième de couverture. Et je suis entièrement d’accord, c’est un petit chef d’oeuvre. Thorkild Hansen, décrit avec une précision extraordinaire, tant sur le plan technique qu’humain, une expédition qui part du Danemark en 1761, pour faire connaître au monde un pays alors inviolé : « L’Arabie Heureuse ». Un roi danois Frédéric V, soutenu par un ministre, Bernstorff, particulièrement gagné à l’esprit des lumières, mobilise des sommes importantes pour financer une expédition audacieuse. Il s’agit de rassembler des savants les plus pointus de l’époque pour découvrir une partie de la planète où aucun occidental n’était encore allé.

D’abord, il s’agit de comprendre ce nom : pourquoi s’appelle-t-elle « Heureuse » cette Arabie ? Qui sont les peuples qui la composent ? Pour cela, il faut un savant linguiste , ce sera un Danois von Haven. Pour comprendre la géologie et les plantes, on fera appel un savant suédois Peter Forsskal, un médecin physicien danois le docteur Kramer pour soigner les membres de l’équipe , un peintre graveur Baurenfeind pour ramener les illustrations de tout ce qui sera découvert et un arpenteur d’origine allemande, Carsten Niebuhr, le moins titré des cinq hommes. Tous ces gens ont beaucoup écrit, envoyé de longs rapports sur leur voyage (sauf le docteur Kramer). Torkild Hansen, les a tous lus et pour certains de ces écrits, il en était le premier lecteur.

Son récit nous faire revivre de l’intérieur cette incroyable épopée qui a failli être un des plus grands fiascos de tous les temps. Pour une raison que l’on sait dès le début du livre van Haven et Forsskal se haïssaient, et malheureusement Bernstorff n’a pas su anticiper les conséquences de cette haine implacable. Il aurait au moins fallu désigner un chef, mais non, on leur demande à tous de s’entendre ce qu’ils sont totalement incapables de faire. La raison en est sans doute que l’éminent professeur danois von Haven, décevait beaucoup son employeur qui n’osait pas l’avouer. Sur le terrain la mollesse d’esprit et de corps de von Haven le discréditera totalement, au profit du courageux, énergique mais coléreux Forsskal.

La malaria emportera dans la mort ces deux hommes, le premier n’aura rien découvert d’important, se plaignant à longueur de rapports de l’inconfort et de l’insécurité. Le second au contraire a réussi à envoyer de multiples rapports, de nombreuses caisses de plantes, d’animaux empaillés, ou conservés dans l’alcool , de semences, de plantes séchées. Tout cela parfaitement décrit dans de mult ouvrages. Malheureusement, rien ou presque de son fabuleux travail n’a été exploité. Pourquoi ? Il était suédois et le roi du Danemark n’avait guère envie que la Suède s’attribue le succès d’une expédition qu’elle avait financée. Forsskal est un élève de Linné qui est déjà un savant reconnu mais suédois, les conséquences de ce nationalisme absurde c’est que von Haven n’a rien découvert par paresse et que les extraordinaires découvertes de Forsskal ont été complètement négligées ou presque.

Il ne reste donc rien de cette expédition qui dura 7 ans ? et bien si ! Le seul personnage peu titré était cet arpenteur d’origine allemande : Carsten Niebhur qui a toujours refusé le moindre titre honorifique, il est le seul à revenir vivant de cette extraordinaire épopée et il a fourni au monde, pour plusieurs siècles, des cartes exactes de cette région du monde. Même s’il a donné le nom correct à l’Arabie « Heureuse » : le Yemen , il n’a pas trouvé pourquoi on l’avait si longtemps appelé Heureuse. La réponse est dans le livre, à vous de l’y trouver…

C’est peu de dire que j’ai lu avec passion ce voyage absolument extraordinaire, ne m’agaçant même plus d’un procédé qui d’habitude me gêne beaucoup : l’auteur nous annonce souvent les événements importants à venir. Je préfère toujours découvrir les différentes péripéties au cours de ma lecture sans effet d’annonce. Quand j’ai réalisé que l’énorme travail de Forsskal, d’une qualité remarquable allait être réduit à néant par la stupidité et la mesquinerie humaine, j’ai alors lu ce livre comme un thriller, je n’arrivais pas à le croire ! Si je dois encore vous donner une raison supplémentaire pour vous plonger dans ce voyage, lisez-le simplement pour découvrir une des plus belles personnalité que les livres m’ont permis de connaître : celle d’un arpenteur qui avec ténacité et intelligence a permis de faire de cette expédition une superbe réussite. Une personnalité de cet acabit : modeste, honnête, humaine, altruiste, courageuse, sans préjugé … bref, à lui seul, il mérite un collier entier de coquillages !

Citations

Les temps anciens

Ce ministre nourrissait pour l’art et la science un intérêt qu’il nous est difficile d’imaginer, alors que nous avons améliorer la constitution de l’État et que le despotisme éclairé a fait place à la démocratie non éclairée.

Trait de personnalité toujours sujette à la critique

Il avait de la valeur, on le lui eût pardonné, mais il le savait lui-même, montrait avec ostentation qu’il en était convaincu, et cela était inexcusable.

La science et les mythes : l’explication de la fluorescence de la mer.

Des expériences plus récentes ont prouvé que la phosphorescence de la mer est due à des organismes vivants. Les filles de Nérée sont tout simplement des protozoaires unicellulaires, flagelles et rhizopodes.

Des questions hautement scientifiques

Presque toutes les universités européennes demandent aux voyageurs d’étudier tous les problèmes imaginables : entre autres, un circoncis éprouve-t-il plus de plaisir au cours d’un coït qu’un incirconcis.

Le langage diplomatique dans toute sa splendeur

Il ne va pas jusqu’à dire que von Haven, à bout d’arguments, avait demandé à Forsskal de lui « baiser le cul », mais que « von Haven avait eu recours à une insulte si grossière que le respect que m’inspire Votre Excellence m’interdit de la lui répéter, et toutefois comme les circonstances me font un devoir de préciser, j’indiquerai que la populace s’en sert pour accuser un homme de la lâcheté la plus abominable, en lui attribuant certaines habitudes canines » ….

La fin terrible de cette aventure pour les deux savants de l’expédition

Les deux professeurs ambitieux et querelleurs ont partagé en fin de compte le même destin. L’un fut tout au long du voyage sans énergie, dépourvu d’esprit d’initiative, manquant d’idées, intéressé seulement par des questions de confort. L’autre a travaillé du matin au soir, s’est passionné pour tout ce qui l’entourait, a découvert des problèmes captivant là où les autres ne voyaient que des vérité de la Palisse, et a su les résoudre. Il a collectionné, catalogué, décrit. Il n’a pas laissé derrière lui un simple journal : ses manuscrits remplissaient sept lourds colis et ses collections au moins vingt grandes caisses. Mais il n’en a pas plus tiré profit que le premier. On a connu la plus grande partie de ses découvertes seulement après que d’autres les eurent refaites et publiées. La mise de chacun est différente mais le résultat est le même : il ne reste rien.

Peter Forsskal

Le seul souvenir vivant de Peter Forsskal qui mourut à Yerim, en Arabie Heureuse, la plante de Forsskal, est une ortie.

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Je savais que je lirai cette BD , mes tentateurs habituels m’avaient convaincue , en particulier Jérôme. Je me réfugie vers les BD quand, parfois, les romans m’agacent ou se répètent , et que l’actualité me fait peur . La BD est souvent consolatrice et celle-ci, bien que très triste, a parfaitement joué ce rôle. Les personnages sont émouvants, le dessin très beau et l’histoire elliptique est chargée du sens que chaque lecteur et lectrice voudra bien y mettre. On peut sourire, par exemple en apprenant que si le personnage féminin s’appelle Épilie c’est parce que son père était enrhumé le jour où il a déclaré son prénom à la mairie. On part à l’aventure comme dans toute BD parce que « même si on est bien » le bonheur est peut-être ailleurs

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On s’instruit aussi et Gaston explique très bien le phénomène des marées. On est séduit par la tendresse et la naïveté affectueuse du petit Abélard et on compte sur Gaston pour l’aider, l’instruire et le protéger .

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Mais dans aucune autre BD , on ne trouve des messages de sagesse qu’on a tant envie de garder pour soi en les partageant avec tout le monde !

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Depuis La Fractale des Raviolis, je sais que je lirai ce roman soutenue dans cette volonté par Jérôme, Noukette et Keisha. Il était dans mes bagages depuis longtemps, et je suis ravie de l’avoir lu et relu puisque j’avais du temps. Je fais partie du club des lecteurs qui adorent les histoires, Pierre Raufast me permet de retrouver mes plaisirs d’enfance , du temps où des adultes me racontaient « Le Livre de la Jungle » ou « Les lettres de mon Moulin » . Je peux comprendre que l’on n’adhère pas à cet auteur car il semble si peu sérieux aujourd’hui de lire des histoires inventées qui s’enchaînent avec une logique implacable. L’imaginaire n’est pas à la mode sauf pour les enfants, ou en bandes dessinées. Je pense qu’un jour un dessinateur s’emparera de cet univers si particulier. En attendant, pour toutes celles et tous ceux qui veulent rêver, sourire et se laisser emporter par des fictions si bien construites qu’on est prêt à croire sur parole cet auteur qui expliquent avec le plus grand sérieux des histoires nous emportent loin, bien loin de tous nos soucis du quotidien , lisez cette « Variante Chilienne ».

J’ai adoré le moment où les deux compères quelque peu éméchés ont essayé divers techniques pour éteindre les vers luisants, je vous dirais bien comment c’est possible mais vous perdriez tout le sel de cette histoire. Je vous mets quand même sur la piste : claquer des mains ne suffit pas ! On ne peut pas raconter ce livre, car l’art d’un conteur est subtile et vient autant de l’histoire elle-même que de la façon de la raconter. Mais quand même, sachez pour les esprits sérieux, que vous apprendrez comment cueillir des noix grâce aux hélicoptères, le pourquoi du ratage du prix Nobel de littérature pour Jorge luis Borges, vous vivrez dans un village où il a plu pendant 10 ans sans discontinuer : entre réalité et fiction, mensonge et vérité, Pierre Raufast signe un second roman qui m’a sans doute encore plus ravi que le premier parce que finalement je trouve qu’il aide à vivre quand on a l’âme en peine (la preuve : je lui mettrai bien 6 coquillages !).

Citations

Humour (irrésistible pour moi !)

Difficile à croire, mais cet endroit avait été le bordel de campagne des paysans du coin avant la guerre. Il fut maquillé sous l’Occupation afin d’éviter que les soldats allemands ne souillent le patrimoine national.

Je connais des gens comme-ça, mais ils le disent moins bien

L’été je mets ma peau en jachère, je la laisse se reposer. Au bout d’une semaine, ma barbe a poussé. Alors, je suis content. Au bout d’un mois, de grosses boucles blanches se forment. Là je suis tout à fait heureux. Mes talents de philosophe décuplent. Je suis le Samson de la barbe blanche. À la rentrée des classes, je me rase. Je redeviens le professeur fatigué qui tourne la meule du savoir.

Les énumérations que j’adore

Avec passion, il découvrit la science du mélange des terres, argile, marne et silice : le malaxage, le pourrissage, l’estampage, le modelage, le calibrage, le montage, le tournage, le tournassage, le moulage, le coulage, l’ansage, le séchage et la cuisson, qu’il appelait par déformation « le cuissage ».

J’adore cette phrase

Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

La perte des histoires non-racontées

Quel gâchis ! Un cimetière, c’est comme une bibliothèque remplie de vieux livres dont on aurait perdu la clef.

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Je considère Dominique comme une bienfaitrice de l’humanité des lecteurs et lectrices. Je n’avais pas un moral extraordinaire et ce livre m’a fait beaucoup rire et m’a remis en forme. Pourquoi « une bienfaitrice » et non « la » bienfaitrice ? Car je donne également ce titre à tous les auteurs qui me font du bien . Cependant, les signaler à mon intention doit être récompensé comme il se doit ! Vous devez lire cet ouvrage, surtout si, comme moi, dans les musées, il vous est arrivé de mourir d’ennui en traversant certaines salles . Savoir que, si l’on porte un regard critique sur des chef d’œuvre (s’ils sont au Louvre, ce sont bien des chef d’œuvre non ?) on est en bonne compagnie, m’a fait un plaisir immense.

Avez-vous déjà remarqué le nombre de vierges à l’enfant qui tiennent très mal le bébé qu’on leur a mis dans les bras ? Si vous avez essayé de tenir le vôtre de cette façon, il serait à coup sûr tombé par terre. Peut-être qu’elle ne l’aimait pas tant que ça, ce bébé, et après tout, avec tous les soucis qu’il lui donnera plus tard, on peut la comprendre. Je suis aussi souvent agacée sur les remarques basiques que j’entends sur l’art de notre époque, pour ça aussi cela me fait du bien qu’on se moque des œuvres qui, bien qu’anciennes et consacrées, ne sont pas si bien construites que ça ! Je me demande si, depuis que ce livre est paru, des gens se promènent avec ce guide sous le bras et se tordent de rire dans cette vénérable institution en regardant ce genre de tableau et en lisant le commentaire qu’en on fait nos auteurs.

Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend voici un exemple :

20160504_154547Il s’agit de l’enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus 1755 peint par Louis Lagrenée (vous le trouverez Sully 2e étage. Vigier Le Brun salle 52)

Centaure et sans reproche

Au moins, on ne pourra pas dire reprocher à Louis Lagrenée de gâcher de la toile ! Il a incontestablement travaillé les effets de matière, à tel point qu’on ne sait plus quoi regarder : le paysage flou et sucré à l’arrière-plan, les muscles bien dessinés des athlètes sans maillot, les mètres de drapés virevoltants, sans oublier le crin blanc de la queue nerveuse du centaure, ni la transparence de l’eau.

Au premier plan, un homme âgé – quoique fort bien bâti- se roule part terre de dépit, tirant la queue d’un autre candidat, qui a tellement abusé des hormones que son corps en a été modifié, moitié cheval, moitié vache (notez la robe, si caractéristique des normandes). A l’arrière-plan, un candidat en plein effort. Certes, il appuie légèrement son pied gauche sur un rocher, mais il pourrait décocher ses flèches en faisant des pointes s’il le voulait tant il a travaillé ses quadriceps. Concentrons nous sur Dénajire : pourquoi avoir investi dans autant de tissu pour se retrouver un sein (fort beau d’ailleurs) à l’air ? Est-ce pour cela qu’elle arbore un air si tragique ou bien est-elle déçue d’être embarquée par le culturiste blond ? L’énorme jarre située en bas à gauche prend alors tout son sens : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Grâce à ce tableau, Luis Lagrenée a été reçu membre de l’Académie royale de peinture. Autre temps, autre mœurs.

20160503_104806Traduit de l’Arabe (Irak) par François Zabbal.

Quatre raisons pour lire ce roman :

  • Comprendre que l’Irak a été un pays d’une grande culture très ancienne riche et variée avant que tous les malheurs du monde s’abattent sur lui..
  • Comprendre ce que représente l’exil pour des êtres parfaitement adaptés à leur pays avant les guerres civiles.
  • Savourer la langue d’Inaam Kachachi.
  • Et puis …. je lui ai attribué, sans l’ombre d’une hésitation, cinq coquillage…

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Je crains de ne pas être assez convaincante pour vous dire à quel point j’ai apprécié la lecture du roman de Inaam Kachachi . Tout m’a touchée dans son écriture. Elle sait par son style nous faire partager la beauté de la langue poétique arabe. J’ai pensé que François Zabbal, même si ce n’est pas facile à rendre en français, avait dû prendre bien du plaisir car un traducteur est un amoureux de deux langues et cette auteure m’a fait regretter de ne pas lire l’arabe.

Le roman parle de l’exil des chrétiens Irakiens. Le personnage central est une femme gynécologue de 84 ans, Wardiya, qui arrive en France d’abord chez une nièce poète et de son fils Iskandar adolescent. Un lien très particulier se tissera entre cette femme extraordinaire porteuse de tout le riche passé de l’Irak et cet ado qui a vécu principalement en France, il ne connaît son pays qu’à travers les innombrables morts pleurés par ses proches ; cela lui donnera l’idée de créer un cimetière virtuel qui connaîtra un certain succès auprès de sa tante. L’auteure sait nous faire revivre son pays et on se rend compte que l’humanité toute entière a beaucoup perdu à travers la destruction d’une ancienne et riche civilisation, en particulier l’occasion de faire vivre ensemble une mosaïque de peuples aux mœurs divers et variés. Il n’en reste pas grand chose et le pays est, aujourd’hui, aux mains de gens sans honneur ni dignité . Les chrétiens sont les dernières victimes, ils ont essayé de rester mais, quand la peur quotidienne est au rendez vous, on ne peut que fuir. Comme Wardiya qui a vu un jour dans son cabinet, rempli de femmes qui venaient en consultation, une toute jeune fille arriver avec une ceinture d’explosifs et qui, par quel miracle ?, ne voulait plus mourir, ce dernier épisode tragique la décidera à partir de son cher Bagdad.

Ce roman raconte aussi, ce que représente l’exil quand, ce qui est souvent le cas, les familles sont complètement éclatées. Wardiya a trois enfants, l’une à Dubaï, son fils à Haiti et sa fille au Canada. Elle a essayé de rejoindre sa fille médecin comme elle, mais le Canada lui a refusé son visa, elle rend hommage dans son livre à Sarkozy (c’est si rare que l’on parle de lui positivement que je le souligne !) qui a ouvert les portes de la France aux réfugiés chrétiens d’Irak. Elle raconte bien comment à l’arrivée un simple toit sécurisé et la disparition de la peur rend n’importe quel réfugié de zone de guerre heureux. Puis vient le moment où on se rend compte qu’il faut s’adapter à un monde qui n’est pas le sien. Avec toute la famille dispersée sur toute la planète. C’est vraiment très dur quand on a plus de 80 ans. On se demande si la vraie patrie de cette Wardiya ce n’est finalement pas la médecine, en tout cas c’est dans sa confrontation avec les médecins qu’elle se sent revivre complètement. Plusieurs voix se font entendre dans ce roman et plusieurs époques s’entremêlent, il fallait bien cela pour nous faire comprendre à quel point voir ses proches dispersés par l’exil est une véritable douleur même si chaque jour qui passe on remercie le ciel ou la France d’être en vie.

Pour en savoir un peu plus sur les chrétiens d’Orient ce reportage bouleversant d’Arte
http://www.arte.tv/guide/fr/060824-000-A/la-fin-des-chretiens-d-orient

Citations

Les premiers appartements des réfugiés

Le studio dans lequel ils vivaient verticalement le jour, et horizontalement la nuit.

L’exil

Je me calfeutre dans mon appartement et je suis les nouvelles du pays. J’écris de la poésie. Je dialogue avec Bagdad à l’aide de la télécommande, et je me considère comme une patriote. Mes poèmes sont les armes que je manie le mieux. Que puis-je faire de plus qu’aligner les mots et les lamentations à la manière des poètes d’antan. Même la tendresse, je m’évertue à l’ extirper de moi afin de ne pas être envahie par la nostalgie. Je ne veux pas retourner là-bas, pas même pour en savoir plus. Les liens se sont interrompus depuis que les écrans ont été envahis par des Irakiens qui ne ressemblent pas aux Irakiens. Des voleurs, des coupeurs de têtes , des nervis qui exhibent sur la poitrine les médailles de leur forfait.

Les juifs en Irak dans les années 50

C’était l’année de la déchéance de la nationalité pour les juifs. Ceux d’entre eux qui voulaient quitter le pays étaient autorisés à s’en aller à la condition de ne plus jamais revenir. Et cette année là, aucun juif ne fut admis à l’université.

Une pointe d’humour

La France leur a ouvert la porte de manière inopinée. Elle les a accueillis en même temps que des milliers de réfugiés. Ils ont cru alors qu’on les privilégiait parmi les Noirs, les Jaunes et les métis, et qu’ils auraient droit à un meilleur traitement et de meilleurs logements. Mais les poux sont analphabètes, ils ne savent ni lire ni écrire et ils ne font pas la différence entre la tête d’un Vietnamien et celle d’un Somalien, d’un Tchétchène ou d’un Irakien.

Rapport entre la nièce et sa tante

La venue de ma tante de Bagdad n’a pas vraiment changé le rythme paisible de ma vie, mais elle en a bousculé la routine.

Elle m’a transformée comme un jeu de cartes qu’on brouille avant de distribuer les 10, les as et les rois. Chacun des joueurs assis autour de la table tente de lire sur le visage de ses partenaires s’ils possèdent ou non un joker. Wardiya les avait tous. Une femme qui porte quatre-vingts ans sur ses épaules ne s’avance pas légère et seule, sans son passé. En s’exilant, ma tante m’a jeté celui-ci dans les bras.

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5J’ai assisté au spectacle de Fred Pellerin, artiste-conteur-chanteur québécois à Saint- Malo, c’est un véritable régal. Il est en tournée en ce moment en France, s’il passe près de chez vous, ne le ratez pas. Avec son accent de là-bas , il vous conte l’histoire de son village (Saint-Elie de Caxton) et tout à coup vous croyez entendre tous les chanteurs à l’accent rocailleux, tous les livres du Québec et vous vous sentez heureux. Son barbier coiffeur, vous fera sourire , celui qui même après sa mort a su ne pas se faire oublier du village grâce (ou à cause ?) des nombreuses cicatrices sur le visage de ses clients. Vous n’oublierez pas non plus les sœurs à cornette ou plutôt à hublot qui ont hanté son enfance. Son spectacle est absolument irracontable, tout ce que je peux dire c’est que ce soir-là à Saint-Malo, la salle était très gaie et a éclaté de rire plusieurs fois. Mon seul regret c’est qu’il a peu chanté alors que j’adore sa voix. Si j’avais su qu’il chantait aussi peu je n’y serai sans doute pas allée et j’aurais eu bien tort car j’ai pris beaucoup de plaisir à entendre ses histoires.

Une de mes chansons préférées

https://www.youtube.com/watch?v=Vs89gUC7T9I

20160417_121555(1)Je dois cette lecture à Gambadou « le blog des fanas de livres« .

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Je lui mets ces cinq coquillages sans aucune hésitation, cela fait longtemps qu’un roman pour la jeunesse ne m’a pas autant tenu en haleine. La première partie est absolument remarquable. Un ado, « Mo », diminutif de Morgan, passe sa vie à jouer aux jeux d’ordinateur. Dans la vie virtuelle, il est très fort et ne s’intéresse vraiment qu’à ça. Et puis, cet ado mal parti pour être heureux va vivre une expérience absolument extraordinaire, et peu à peu, il se transformera et se prendra d’amour pour la nature. Une créature qui aurait pu avoir sa place dans un jeu de rôle lui apprendra à survivre dans des conditions extrêmes.

J’ai bien conscience du flou de mes propos mais ce serait vraiment dommage de dévoiler ce qui fait un des charmes de ce récit : la nature même des personnages principaux. C’est très beau et en dehors de bien des sentiers battus. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la lente conversion de l’adolescent vers un autre monde, réel celui-là mais qui lui demande de savoir utiliser toutes ses compétences acquises dans le monde de l’imaginaire. Le suspens est intense et la fin est peu prévisible. Les personnages secondaires sont loin d’être des caricatures et enrichissent le récit . L’oncle chasseur de blaireaux que l’on aimerait bien détester n’est pas qu’une sombre brute. La mère un peu dépassée par l’éducation de cet adolescent si peu scolaire saura lui montrer qu’elle l’aime et lui fera confiance finalement. Même le policier qui détruit le rêve de Mo est un être beaucoup plus sensible qu’il n’y paraît.

Aucun des adultes n’est tout à fait capable de comprendre les difficultés auxquelles doit faire face Mo, mais aucun ne voudrait vraiment lui faire du mal. Il doit cependant réussir à trouver ses solutions en lui-même pour grandir définitivement.

Citations

La nature la nuit

C’est une nuit très vibrante, tous les bruits voyagent à des kilomètres à la ronde, on dirait qu’on est sur une corde tendue, que chaque brindille qui craque de l’autre côté du monde trouve son écho près de nous.

C’est une nuit blanche et bleue. blanche parce que la pleine lune nous éclabousse de sa lumière. Et bleue comme l’obscurité profonde qui nous enveloppe, si douce qu’on dirait du velours.

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. où il a obtenu un coup de cœur sans aucune hésitation.

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Quel roman ! On est pris par le récit parfois palpitant, par les descriptions de si beaux paysages, par l’évocation de personnalités romanesques, et puis par cette guerre qui a failli tout détruire. Le Liban c’est le pays de mes amis, et cette photo le raconte : entre les gâteaux qu’ils m’offrent et cette nappe qu’ils ont fait broder pour moi, j’ai placé ce livre qui m’a fait revivre les histoires qu’ils m’ont maintes fois racontées. Ces grandes familles libanaises qui, au delà de leur confession, s’entendaient parce qu’ils aimaient leur pays et savaient trouver les alliances pour le tenir en équilibre. Les grandes familles étaient, chrétiennes, chiites, druzes ou sunnites. Elles étaient avant tout libanaise, et ce doux pays aux vergers incomparables vivaient en se respectant. Certes les classes sociales étaient très marquées, et les amours devaient servir à conforter des alliances financières, mais au-delà de ces contraintes la vie était belle. Les réfugiés palestiniens, chassés de leurs pays ont apporté les premiers troubles, et puis, on connaît les enchaînements tragiques.

Cette grande famille des Hayek* alliée aux Ghosn*, est mise à mal par la mort du patriarche et la guerre qui se passe à leur porte. À l’intérieur de leur superbe villa, Marie la femme, et Mado la belle sœur, qui cultive sa haine pour la femme de son frère se livrent une guerre sans merci. C’est également une des réussites du roman : cette guerre fratricide qui suit les aléas de l’autre guerre.

Sans trop dévoiler le roman, le titre « la Villa des femmes » permet de se dire qu’elles arriveront peut-être à s’unir pour lutter contre la destruction ambiante. L’avant-guerre, ce Liban des grandes familles nous entraîne dans un monde merveilleux, celui des princes et des princesses, mais au  XX°siècle. J’ai adoré la scène où toute la maisonnée galope sur de beaux pur-sang pour récupérer les chevaux qui se sont échappés. On sent le vent, les odeurs , la mer .. on rêve. J’ai adoré aussi la scène ou Mado crache son venin sur sa belle-sœur : c’est de la tragédie grecque et Médée n’est pas loin. Bref, je suis enthousiaste et la petite note qui me fait du bien, c’est écrit dans un français superbe parce que dans ce Liban là, la langue de la civilisation des idées et de la littérature c’était la mienne, la nôtre le français.

* La famille Hayek d’origine libanais existe vraiment, et inutile de présenter aux Français la famille Ghosn

Citations

Des histoires de cimetières et de mesquineries

Dans la voiture, elle se mettait en colère et marmonnait dans mon dos contre son frère qui laissait faire, qui donnait son accord pour que fussent inhumés là une vieille femme ou un vieillard trépassés simplement parce qu’ils s’appelaient Hayek . « On n’est plus entre nous, ni sur nos terres ni en dessous » grommelait-elle.

L’amour romantique

Badi’ les accompagne souvent, et voilà la messe est dite, regards équivoques, rougeur sur les joues de Marie qui petit à petit est gagnée par l’audace, qui s’isole avec Badi’, encouragée par ses cousines, et tout le monde évidemment joue avec le feu parce que l’on sait très bien que le mariage de Badi’ et Marie est impossible. Mais on s’amuse, on élabore des scénarios, on essaie de les faire exister, la vie pour un moment est comme un roman.

La guerre et les milices

De jeunes guerriers oisifs, en chemise de corps et qui paraissaient au courant de nos ennuis, si nous avions bien affaire à Salloum dit le Vicieux. J’opinai et je les vis échanger une moue qui semblait signifier que nous n’étions pas au bout de nos peines… Le domaine recommença à être envahi. les miliciens reprirent leurs aises de tous côtés.

À ne pas lire par les anti-divulgâcheuse : la dernière phrase du roman

Et, dans le formidable mais déraisonnable espoir que tout cela recommencerait, il ramena son regard vers les choses qu’il avait sous les yeux et qui portaient les traces de l’usure, du temps, et me demanda : « Bon, alors, par quoi commence-t-on ? »

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Traduit de l’américain par Pierre Furlan. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Thème : le Far-West.

5
Une nuit inoubliable passée en partie avec ce livre qui a eu un coup de cœur à notre club. Quatre lectrices ont défendu avec une telle passion ce roman que j’ai succombé à mon tour. Quel chef d’œuvre ! Cela fait longtemps que je n’ai pas éprouvé un plaisir aussi parfait. Je dis souvent que le suspens me dérange pour apprécier une histoire, je rajouterai maintenant, sauf quand l’auteur est beaucoup plus intelligent que moi. Car il s’agit bien de cela un combat d’intelligences, entre celle des personnages, celle des lecteurs mais par dessus tout celle de l’écrivain. Et le plus fort de tout, c’est qu’au fond de lui Thomas Savage ne croit qu’à la gentillesse et à l’humanité, il se méfie de l’intelligence surtout quand elle est destructrice.

Ce livre d’hommes sur fond de western, est un hymne à la douceur des gentils dans un monde si brutal que l’on n’imagine pas que la moindre fleur puisse y déployer ses pétales. Pourtant Rose et Georges que son frère Phil, appelle Gras-Double surmonteront ensemble les noirceurs de la violence. Ce livre ne se raconte pas, il faut faire confiance et se laisser porter vers un Far West qui n’a rien de romantique mais qui est si humain qu’on est beaucoup plus proche, sans doute, de ce qui s’est vraiment passé que dans n’importe quel film de John Wayne.

On a aussi, et avec quelle maîtrise, les décors natu­rels, les odeurs , les scènes d’animaux, les chevau­chées, les saloons, les personnes fortes, les humi­liés, mais rien de tout cela ne raconte complè­te­ment cette histoire, c’est un décor dans lequel se joue un drame si prenant qu’on ne peut le lire que d’une traite. Mais c’est surtout un livre qui permet de comprendre que sans l’intelligence du cœur, l’homme n’est qu’un misérable « tas de petits secrets » en contredisant Malraux et son admiration pour les grands hommes si courageux soient-ils, comme l’est Phil qui a gâché sa vie et celle des siens pour un secret que seul la lecture du roman pourra vous dévoiler.

Citations

Conseil d’un père à son fils

– Je te dirai, Peter, de ne jamais te soucier de ce que racontent les gens. Les gens ne peuvent pas savoir ce qu’il y a dans le cœur des autres.
– Je ne me soucierai jamais de ce que racontent les gens.
– Peter, s’il te plait, ne le dis pas tout à fait comme ça. La plupart des gens qui ne s’en soucient pas, oui, la plupart d’entre eux deviennent durs, insensibles. Il faut que tu sois bienveillant. Je crois que l’homme que tu es capable de devenir pourrait faire beaucoup de mal aux autres, parce que tu es si fort. Est-ce que tu comprends ce qu’est la bienveillance, Peter ?
– Je n’en suis pas sûr, père.
– Eh bien, être bienveillant, c’est essayer d’ôter les obstacles sur le chemin de ceux qui t’aiment ou qui ont besoin de toi.
– Ça je le comprends.

L’ivrogne du saloon

Un soûlot, dès qu’il vous met le grappin dessus, il vous bassine avec des âneries. Il fait semblant d’être ce qu’il n’est pas, il joue un personnage trop grand pour lui. Et vous aurez beau l’insulter ou lui balancer n’importe quoi pour le remettre à sa place, il continuera à jacasser.

Définition d’un aristocrate

Phil avait un esprit pénétrant, curieux – un esprit qu’il enrichissait et qui déroutait maquignons et voyageurs de commmerce. Car, pour ces gens, un homme qui s’habillait comme Phil, qui parlait comme Phil, qui avait les cheveux et les mains de Phil, devait être simplet et illettré. Or, ses habitudes et son aspect obligeaient ces étrangers à modifier leur conception de ce qu’est un aristocrate, à savoir quelqu’un qui peut se permettre d’être lui-même.

L’amour maternel

Je l’aime mais je ne sais pas comment l’aimer. Je voudrais que mon amour l’aide pour quelque chose mais on dirait qu’il n’a besoin de rien.