Édition Plon

Un roman historique absolument superbe , je l’avais déjà repéré chez « Aleslire » et Keisha sans pour autant me motiver, et puis, j’ai reçu ce livre en cadeau (et … il fait partie de la sélection de mon club de lecture). Pour moi aussi, c’est un coup de cœur absolu. Tout vient du talent de cet écrivain, Camille Pascal et je me laisserai tenter par ses autres livres tellement celui-ci m’a séduite et embarquée dans une autre époque. Je ne suis pas du tout spécialiste de cette période et si, comme moi les livres d’histoire ont tendance à vous ennuyer, ne soyez pas effrayé par les 646 pages décrivant cet instant où le roi Charle X a dû renoncer à la couronne par pur aveuglement, il faut dire que le prince de Polignac, son ministre l’a bien aidé à tenir fermer des yeux qui ne voulaient pas voir que la monarchie absolue n’était pas possible à restaurer. Pourquoi quatre rois ? Car en quelques jours, la France a vu Charles X abdiquer au profit de son petit fils Le Duc de Bordeaux, mais avant cela, quelques heures seulement son fils, le duc d’Angoulème, aura été le Roi de France le temps de signer son abdication . Et puis, finalement, soutenu par la chambre que Charles X voulait dissoudre, Louis-Philippe deviendra le « roi des français » et acceptera le drapeau tricolore.

Voilà le cadre, mais à l’intérieur de ce décor, on suit pas à pas, les hésitations de Charles X et son départ pour Cherbourg où l’attend le bateau qui l’emmènera en Angleterre. Cet homme est hanté par la mort de son frère Louis XVI. Il est persuadé que ce sont les faiblesses de ce roi qui ont causé sa perte. Hanté par l’image de l’échafaud, il se raidit dans des attitudes qui ne peuvent que l’entraîner vers sa perte. En contre point, à cette cour que rien ne peut éclairer, on voit les très riches bourgeois parisiens manœuvrer pour garder le pouvoir parlementaire même si pour cela il faut libérer les instincts révolutionnaires d’une population miséreuse. À la fin de cet été 1830, Louis Philippe est donc sur le trône de France, grâce à la grande bourgeoisie d’affaires qui effectivement est bien partie pour se développer mais qu’en est-il du peuple ? L’histoire montrera qu’il est plus facile de se débarrasser d’un roi que de la bourgeoisie d’affaires et que des révoltes peuvent être mater plus violemment par les forces de la république que par une armée royale surtout quand celle-ci est composée de mercenaires. Ces journées sont superbement évoquées et il fallait bien 646 pages pour en comprendre toute la portée et sentir l’avenir de la France.

 

Citations

Les odeurs …

 Le roi profita de l’instant pour demander à l’huissier du Conseil d’ouvrir l’une des fenêtres. Aussitôt, l’odeur des orangers vint éteindre celles des parfums de cours, trop musqués.

Motivation de Charles X

L’esprit de la Révolution n’a jamais abandonné une partie de la population. C’est à la monarchie qu’on en veut. Si je cédais, ils me traiteraient comme ils ont traité mon malheureux frère. Sa première reculade a été le signal de sa perte… Ils lui faisaient aussi des protestations d’amour et de fidélité ; ils lui demandaient seulement le renvoi de ses ministres. Il céda, et tout fut perdu … Si je cédais cette fois à leur exigence. Il finirait par nous traiter comme ils ont traité mon frère.

Jolie formule et portrait intéressant

Lui-même n’avait pas été insensible à cette intelligence et à cette vivacité de conversation qui voilait maintenant d’esprit l’affaissement de ses charmes. Cette femme du monde savait être d’excellents conseils et une source inépuisable de renseignements obtenus de première main, qu’elle avait experte. En partageant de temps à autre le lit du duc de Fitz-James, elle tenait la rampe du côté des ultras et des soutiens du ministère Polignac, mais son amitié ancienne avec la duchesse d’Orléans lui ouvrait aussi les portes du Palais-Royal où l’on respire est un air plus libéral. Enfin, sa tendre complicité avec le conseiller Pasquier la plaçait au cœur du juste milieu. Ainsi cette femme de 50 ans, en se tenant à cheval sur les deux Faubourgs, était-elle devenue l’une des plus recherchées et des mieux informées de Paris.

Autre temps autres mœurs

Comment rester un patron digne et respecté aux yeux de ses employés sans droit de vote qui leur permettait de consentir l’impôt et de participer à la vie de la nation ? C’était une honte, un défi au bon sens, un retour à l’ancien régime et à la société d’ordres.

Le luxe en 1830

Casimir Périer salua très aimablement Thiers et Rémuzat qu’il connaissait un peu et fut avec les quatre électeurs d’une amabilité d’homme d’affaires ; il dissimula avec talent le déplaisir qu’il avait à recevoir chez lui des fauteurs de trouble et leur parla comme un livre d’escompte. Ces manières de patricien, le luxe assourdi dont il s’entourait, la coupe parfaite de son habit, l’éclat d’une chemise qui n’avait pu être blanchie qu’à Londres, des souliers glacés au champagne, tout cela émerveillait Thiers et ses amis.

La misère

Jamais le grand référendaire n’avait vu la misère d’aussi près, et elle lui parut bien effrayante. Toute une population d’ouvriers, de gagne deniers, de crève-la-faim, de femmes dépoitraillées , d’enfants morveux, de vieillards édentés toute une gueusaille l’entourait, l’apostrophait, l’agrippait, touchait son beau manteau de velours pourtant taché par la pommade de sa perruque qui n’avait pas résisté à la chaleur et perlait de sa queue de rat sur son col brodé.

Bien dit

À l’hôtel de ville, le marquis de La Fayette s’enivrait de cette popularité qui est à la politique ce que l’encens est au culte des dieux.

 Édition Actes Sud,Traduit du turc par Julien Lapeyre Cabanes

 

Chaque œil qui lit les phrases que j’écris, chaque voix qui répète mon nom est comme un petit nuage qui me prend par la main et m’emporte dans le ciel pour survoler les plaines, les sources et les forêts, les rues, les fleuves et les mers. Et je m’invite sans un bruit dans les maisons, les chambres, les salons. 

Je parcours le monde depuis une cellule de prison.

C’est sur Facebook que j’ai vu passer ce livre, (comme quoi il s’y passe parfois des choses intéressantes !). Pour une fois je vais être impérative et claire : lisez ce livre et faites le lire autour de vous. D’abord parce qu’il faut savoir ce qui se passe sous Erdogan en Turquie, mais aussi parce que c’est l’oeuvre d’un grand écrivain qui sait nous toucher au plus profond de nous. Ahmet Altan est, avant tout, écrivain et il sait qu’aucun mur aussi épais soit-il ne peut tarir sa source d’inspiration et que si ses geôliers, suppôts du régime d’Erdogan, emprisonnent et cherchent à l’humilier l’homme, ils ne pourront jamais éteindre l’écrivain qui est en lui. Il sait, aussi, l’importance pour lui d’être lu par un large public, c’est pour cela que j’ai commencé de cette façon ce billet. Les hasards faisaient que je lisais en même temps un numéro de la revue « Histoire » sur le goulag. Et je me suis fait la réflexion suivante : certes la Turquie va mal, certes cet homme est privé de sa liberté mais ils n’est pas torturé, il peut faire de multiples recours judiciaires, il a pu écrire et peut-être, finalement sortira-t-il de prison, mais c’est loin d’être fait. En attendant il s’est trouvé des avocats assez courageux pour l’aider à faire découvrir ses textes à un très large public international ( partout, sauf en Turquie) . Feuillets après feuillets, mêlés entre les écrits de procédure, les conclusions et les documents de défense de ses avocats, Ahmet Altan a fait sortir son livre de prison, par pièces détachées, avant qu’elles ne soient rassemblées au dehors. Lisez les extraits que j’ai notés pour vous et j’espère que cela vous donnera envie de lire son essai en entier qui est un petit chef d’oeuvre sur l’enfermement, le pouvoir de l’écrivain, et la force de la littérature.

Citations

La prison à vie

À instant où la portière s’est refermée, j’ai senti ma tête cogner contre le couvercle de mon cercueil.

Je ne pouvais plus ouvrir cette portière, je ne pouvais plus redescendre.
Je ne pouvais plus rentrer chez moi.
Je ne pourrai plus embrasser la femme que j’aime, ni éteindre mes enfants, ni retrouver mes amis, ni marcher dans la rue, je n’aurai plus de bureau, ni de machine à écrire, ni de bibliothèque vers laquelle étendre la main pour prendre un livre, je n’entendrai plus de concerto pour violon, je ne partirai plus en voyage, je ne ferai plus le tour des librairies, je ne sortirai plus un seul plat du four, je ne verrai plus la mer, je ne pourrai plus contempler un arbre, je ne respirerai plus le parfum des fleurs, de l’herbe, de la pluie, ni de la terre, je n’irai
plus au cinéma, je ne mangerai plus d’œufs au plat au saucisson à l’ail, je ne boirai plus un verre d’alcool, je ne commanderai plus de poisson au restaurant, je ne verrai plus le soleil se lever, je ne téléphonerai plus à personne, personne ne me téléphonera plus, je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même, je ne me réveillerai plus jamais dans une chambre avec des rideaux.

Dieu et Saint Augustin

Mais cette fois, la lecture de Saint-Augustin m’a mis en rage.
Car il m’est apparu qu’il donnait raison à ce Dieu d’avoir créé la torture, la cruauté, la souffrance, le crime, la cage où j’étais enfermé, autant que les hommes qui m’y avait jeté.
Si je résume grossièrement, dans les limites de mon ignorance, la cause de tous ces mots était le « libre arbitre  » qu’Adam, le premier homme, avait pour ainsi dire inventé en mangeant la pomme.
J’étais donc en prison parce qu’un homme avait mangé une pomme.
C’était Adam créé par Dieu de ses « propres mains », qui l’avait mangée, c’était moi qui me retrouvais en prison.
 Il fallait en plus que je rende grâce au philosophe ?
 J’ai grommelé comme si le vénérable chauve était devant moi il me souriait, avec sa longue barbe, ses vêtements dépenaillés et son air doucereux.
« Dis donc toi, lui ai-je dit, quel est le plus grand pêché : manger une pomme ou mettre toute l’humanité au supplice à cause d’un type qui a mangé une pomme ?
 Puis j’ai ajouté plein de rage :
 « Ton Dieu est un pêcheur.

Les prisonniers

Dans le genre tableau de l’être humain en misérables repris de justice, rien ne valait sans doute cette pathétique procession d’hommes hirsutes et ébouriffés, avec leurs chaussons informes, leurs débardeurs crasseux et leurs pantalons froissés.
Au milieu de cet embouteillages que causait la confusion entre les ordres de marche qu’on nous hurlait dessus et notre maladresse à y obéir, tout ce qui faisait la personnalité extérieure de chacun disparaissait dans une sorte de bouillie humaine sans identité, et personne n’avait plus rien en propre, ni mimique, ni gestes, ni voix, ni démarche.
Dans cette espèce de brouillard grisâtre, la fortune lamentable de notre sort m’apparaissait au grand jour.

les médecins en prison

Et j’ai pensé : Si tu réussi à garder ta dignité même déculotté devant cette femme médecin, alors tu n’auras plus rien à craindre.
Puis elle m’a autorisé à remonter mon pantalon.
En sortant, je lui ai demandé : « Et vous, c’est quoi votre spécialité ? »
La réponse, du genre impérissable :
« Sage-femme. »

Motif de la condamnation à la prison à vie

Dès le début de l’audition nous avons demandé au juge.

« On nous arrêté à cause d’un message subliminal, et maintenant ce chef d’accusation a disparu. Qu’en est-il et pourquoi ? »
La réponse que nous a donné le juge avec un large sourire ironique mérite d’ores et déjà de figurer dans tous les manuels de jurisprudence et d’histoire du droit :
« Disons que nos procureurs aiment employer des termes qu’ils ne comprennent pas. »
En résumé, si nous croupissions depuis douze jours dans les cachots de la police, c’était à cause d’un procureur qui avait pris plaisir à employer un mot qu’il ne connaissait pas ! Le juge ne disait pas autre chose.

Description si vraie d’Istanbul mais de Paris aussi

J’habite dans un quartier où les sultans ottomans, jadis, avaient leur villa d’été, sises au milieu de grand jardin, et qui maintenant n’a plus que de gros immeubles avec de petits jardins… Dans ses jardinets attenants aux immeubles, on peut encore trouver des orangers, des grenadiers, des pruniers et des massifs de rose vestiges d’âge passé… Les descendants des sultans habitent toujours ici.

En prison de haute sécurité totalement isolé

L’unique fenêtre de la pièce, elle est aussi munie de barreaux, donnait sur une minuscule cour de pierre.
Je me suis allongé.
Silence.
Un silence profond, extrême.
Pas un bruit, pas un mouvement. La vie soudainement c’était figé. Elle ne bougeait plus.
Froide, inanimée.
 La vie était morte.
 Morte tout d’un coup.
J’étais vivant et la vie était morte.
 Alors que je croyais mourir et que la vie continuerait, elle était morte et je lui survivais.

Souffrance du prisonnier

Il est impossible de décrire cette nostalgie qu’on éprouve en prison. Elle est tellement profonde, tellement nue, tellement pure qu’aucun mot ne saurait être aussi nu, aussi pur. Ce sentiment que les mots sont impuissants à exprimer, ce sont encore les gémissements, les jappements d’un chien battu qui le dirait le mieux.

 Il faudrait, pour comprendre cette peine, que vous puissiez entendre la plainte intérieur des hommes emprisonnés, or vous ne l’entendrez jamais.
 Ceux qui portent cette douleur en eux ne peuvent la montrer, même a l’être qui leur manque le plus, pire, il l’a dissimule avec un peu de honte.

Encore Dieu

Nous vivons sur une planète où les vivants mangent les vivants. Les hommes ne se contentent pas de tuer d’autres créatures, ils s’assassinent aussi entre eux, constamment. Les montagnes crachent du feu, la terre s’ouvre, engloutit hommes et bêtes, les eaux se déchaînent, détruisent tout sur leur passage, les éclairs tombent du ciel.

Ici me semble résider l’un des paradoxes les plus curieux du genre humain, capable de concevoir que la terre, ce lieu affreux, puisse être l’oeuvre d’une puissance parfaitement bonne, et ainsi démontrer que les hommes sont dotés malgré la barbarie constitutive de leur existence, d’une imagination exagérément optimiste.
Il croit qu’une force à créer tout cela, mais au lieu de s’en plaindre et de la détester, il l’adule plein de gratitude et de reconnaissance.

Les puissants en prison

Je constatais que face à des coups de cette violence là, les gens habitué au pouvoir et à l’immunité sont bien moins résistants que les autres. Pour ces gens-là que le destin a toujours fait graviter dans les hautes sphères, la chute est plus brutale, l’atterrissage plus douloureux. Psychologiquement, la violence du choc les détruit.

Édition Dialogues 

Je sais que j’ai trouvé le nom de cet auteur dans la blogosphère, j’espère que celle ou celui qui me l’a fait connaître se manifestera afin que je puisse mettre un lien vers son blog. Et cela n’étonnera personne c’est chez Keisha que j’ai trouvé ce petit bijou. Depuis, Sylire m’a envoyé son billet intéressant égalememnt.

Je suis amenée à lire beaucoup de recueils de nouvelles pour mes lectures à haute voix dans une résidence pour personnes très âgées. C’est très compliqué de trouver des nouvelles qui conviennent à la fois à ce public et à mes capacités de lectrice. J’élimine les histoires trop violentes et trop glauques, ainsi que toutes les nouvelles qui se passent dans des maisons de retraite (curieusement ce thème fait florès dans le genre, d’ailleurs dans ce recueil il y en a une que je ne leur lirai pas : « La révoltée des quatre saisons »). J’écarte également des nouvelles que j’aime beaucoup où il n’y a pas vraiment de fin, qui sont comme des petits moments suspendus dans le vide. Je ne suis pas assez bonne lectrice pour en donner toute leur saveur. Ainsi que les nouvelles trop courtes qui donnent un peu le tournis à mon public. Nos préférées sont celles qui nous font rire mais elles sont rares nous avons passé de bons moments avec « les racontars » de Jorn Riel et la « vengeance du wombat » de Kenneth Cook .

 Bref, ces nouvelles sont des petits chefs d’oeuvre. Cet écrivain a une sensibilité qui correspond exactement à ce que je recherche. Jamais dans le jugement, ce médecin comprend ses patients et sait nous les rendre sympathiques. Sauf l’horrible M Kervert qui j’espère se reconnaîtra dans cette nouvelle afin que son crime silencieux ne reste pas totalement impuni. J’ai eu plusieurs coups de cœur la plus souriante et qui a fait sourire mon public : « le ventre de Clémentine » la scène de la morsure du ventre par le médecin scientifique français pour chasser le mauvais esprit qui a envahi les rêves de la femme noire est irrésistible. J’ai aussi beaucoup aimé « Le Bistrot » et la sensibilité avec laquelle ce médecin aborde l’addiction à l’alcool. Je vous ai mis quelques passages pour vous donner envie d’aller lire ces nouvelles. Ma préférée qui résonne si fort en moi que j’ai eu du mal à contrôler mon émotion c’est sans doute  » Docteur Schumann ». Aucune de ses nouvelles ne m’a déplu et comme elles ont un fil conducteur : « la relation du malade et de son médecin » , c’est facile de passer de lune à l’autre. Un vrai coup de cœur que j’espère partager avec vous.

Citations

Bistrot

« Depuis la mort de son fils de quinze ans dans un accident de moto , mon ami Jean Lentour s’abandonne à la boisson . Je compte sur toi. »
 La lettre était brève mais suffisamment éloquente pour que j’imagine l’ampleur des dégâts . Elle était signée par l’un de mes fidèles confrères. Je la repliai et me sentit immédiatement désarmé. Comment contrecarrer une telle souffrance , comment imaginer faire contrepoids à un tel processus de destruction ? Je savais toutefois qu’en matière d’alcool, l’avenir restait imprévisible. Avec certains maux, il faut se contenter d’être là, juste pour en limiter les nuisances.

Le bistrot

« Ce café , me dit-il un jour , c’est ma bouée ». La présentation de ce lieu comme moyen thérapeutique finissait par m’agacer. Pour avoir soigner beaucoup de patients alcooliques , je n’étais pas dupe de la fausse complicité entre piliers de bistrot , et de cette prétendue chaude ambiance où l’on se détruit en groupe dans une incroyable solitude.

La fin

Un samedi matin , me dit il , il faisait particulièrement beau . Je m’apprêtais à partir servir comptoir lorsque mon épouse , qui n’a jamais manifester la moindre exigence m’a proposé : « Et si, aujourd’hui, nous allions ensemble au marché ? »
Je ne sais pourquoi , je n’ai pu résister à sa demande . Je me suis brutalement réveillé et rendu compte de l’amour de la femme qui était à mes côtés . Je lui avais fait vivre l’enfer . Elle aussi avec perdu son fils . Pendant que je dérivais dans l’alcool , elle avait tenu bon , attendant mon retour. Vous ne me croirez peut être pas, mais depuis ce jour, j’ai retrouvé la paix.

Édition LA TABLE RONDE

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Qui aurait pu imaginer que je lise avec autant de passion une biographie de Jeanne d’Arc ? Sandrine et Dominique peut être, et d’autres sans doute, qui avaient mis des commentaires élogieux sur leur blog et qui semblaient prêts à se lancer dans cette lecture… Cet auteur a un don, chaque livre est un cadeau car ils nous transportent dans un univers qui n’est pas le nôtre et que pourtant nous connaissons. Quelles connaissances avais-je de Jeanne : Bergère à Domrémy … entend des voix … Pucelle… délivre Orléans… fait couronner le roi Charles VII à Reims… brûlée sur la place publique à Rouen. C’est peu ! mais si on réfléchit, c’est déjà beaucoup. J’en sais beaucoup moins sur Charles VII qui pourtant a été roi de France. J’ai détesté les statues la représentant que je voyais dans les églises du temps de mon enfance et encore plus sa récupération par un parti qui n’a guère ma sympathie.

Malgré toutes ces remarques, je savais que je lirai cette biographie puisqu’elle avait été écrite Par Michel Bernard dont j’ai tant aimé « Les forêts de Ravel » et  » Deux remords de Claude Monet« . Aucune réserve sur ce roman qui a été couronné du prix du roman historique en 2018. Il nous plonge au XV°siècle dans une époque terrible pour la France, les Bourguignons sont alliés avec l’Angleterre et ces deux puissances réduisent le royaume de France à un très petit territoire. C’est dans ce contexte, très bien rendu par l’auteur que s’inscrit l’épisode de Jeanne d’Arc, qui par sa bravoure et son assurance a rendu le courage aux troupes du roi. C’est raconté avec une économie de moyens étonnante, ce qui fait la preuve qu’un bon roman historique n’a pas forcément besoin de milliers de pages pour faire comprendre beaucoup de choses même si la situation est complexe. Le plus frappant chez Jeanne, c’est sa détermination, et le fait que grâce à cela elle s’impose à tous ceux qui l’ont connue de près même les horribles soudards chefs de guerre. Les autres traits de son caractère même s’ils nous étonnent aujourd’hui sont plus ordinaires pour son temps : son immense piété qui s’accorde bien avec celle de son roi, son courage et sa bravoure au combat, à cette époque, on se tue et on se fait tuer avec plus ou moins de panache. Mais là, il s’agit d’une femme enfin d’une Pucelle, c’est à dire un peu plus qu’une enfant et un peu moins qu’une femme. Une femme héroïne de guerre et dominant les hommes, il y a peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité et en plus elle a permis à la France de retrouver son énergie pour bouter les anglais hors des frontières de son pays. Elle a mal fini, certes, mais quand même un court moment on a pu croire que la domination (nom féminin) pouvait changer et devenir l’apanage des femmes.

 

Citations

Première rencontre avec Baudricourt

Des folles, des illuminées, il en avait vu des dizaines depuis quinze ans qu’il commandait la place au nom du roi, mais comme celle-là, qui non seulement lui demandait une lettre de recommandation et une escorte pour la conduire sur la Loire, auprès de son souverain, mais prétendait qu’il lui donnerait, à elle , cette gamine, l’armée à conduire, ça jamais il n’avait connu. Les extravagants couraient les rues et la campagne en ces temps calamiteux. La guerre, la famine et les épidémie les faisaient sortir de nulle part, pulluler et brailler sur les places les carrefours et jusqu’aux porches des églises, chaque fois en se réclamant de Dieu, de la Vierge et de tous les saints.

Le portrait de Jean d Orléans

Jean d’Orléans l’avait vue à Chinon et il avait encouragé le roi à l’écouter et tenter le coup. Il n’était pas sûr qu’elle parviendrait à délivrer la ville, mais sa promesse, en versant l’espoir dans le cœur des gens, l’aidait à tenir. C’était déjà ça. Le roi lui avait confié la défense de ces murs. C’était son affaire, puisque le fief de la famille se trouve et là, et que Charles d’Orléans et son autre demi-frère étaient détenus en Angleterre. Il n’avait que 27 ans, mais c’était aussi l’âge du roi. Assez vieux pour s’être beaucoup battu, il avait non seulement du courage, chose commune chez les gens de guerre, mais de l’instruction, du jugement et de la mesure. Sa bâtardise empêchait que lui soit donné le commandement de l’armée, mais il avait l’estime du roi et de ses pairs qui cherchaient ses avis. Lui aussi avait décelé dans la paysanne de Domrémy ce qui faisait le plus défaut en France, la foi, le désintéressement et le sens d’une grandeur retrouvée. 

Des formules bien trouvées

Le commandant de l’armée anglaise Lord Glasdale, était préoccupé. Les affaires prenait mauvaise tournure. Mécontents de leurs alliés, les Bourguignons avait retiré leur force du siège à la fin de l’hiver. L’entente entre les deux puissances, celle qui faisait bouillir le bœuf et celles qui le mouillait de vin rouge, s’était refroidie.

Un autre portrait et un soldat vaincu par le charme de Jeanne d’Arc

La Hire, de la gueule dirigeait sa compagnie, des yeux suivait sa Pucelle et le grand guerrier qu’il avait dévolu à sa sauvegarde. Le capitaine le plus brutal de l’armée française se montrait le plus attentif à son intégrité. Dans la furie du combat, s’il la savait près de lui, il ravalait ses jurons, ce qui lui coûtait plus que de renoncer à achever un Anglais à terre. Cela aussi, au nom de Dieu, elle l’avait interdit

L’aspect très religieux de Jeanne et de l’époque

Dans cette petite ville sur le Cher , en lisière de la forêt de Sologne, se trouvait une des grandes abbayes du royaume. D’Alençon considérait l’appui logistique que les moines pourraient apporter à un grand rassemblement d’hommes et de chevaux , Jeanne pensait au soutien spirituel que les saints hommes dispenseraient à une armée de pêcheurs. La débauche ne pourrait se donner libre cours dans un pays bâti et labouré par les hommes de Dieu. C’est par la vertu que nous vaincrons, répétait Jeanne, car c’est elle qui donne au bras sa force et à l’épée son tranchant.

Traduit de l’espagnol (Chili) par A.M Métailié Èdition Métailié/Seuil

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Il s’agit d’un livre de jeunesse que les adultes ont grand plaisir à lire. J’ai hâte de le faire lire à des enfants parce que c’est très drôle et que cela rend la leçon de vie complètement acceptable. Je pense que l’auteur aime bien les chats, tellement, qu’il a voulu leur donner ce qui leur manque : « la parole » . D’ailleurs tous les animaux parlent mais ils font bien attention à ne pas communiquer avec les hommes car, lorsque, par hasard ils ont commencé à le faire, ils leur arrivent bien des malheurs : les perroquets doivent répéter « Coco » toute la journée enfermés dans une cage. Et les dauphins doivent faire des cabrioles dans des piscines qui au regard de leur espace naturel leur semblent des petites baignoires !

Un chat devient la mère adoptive d’une mouette et doit lui apprendre à voler, vous pensez que ce n’est pas possible et complètement farfelu et bien lisez donc ce roman et vous verrez que pour un chat rien n’est impossible, il faut beaucoup de cœur, du courage il faut aussi et une grande solidarité entre les animaux. Bref un petit bijou de lecture qui fait beaucoup de bien !

 

Citations

Leçon de vie

Nous t’aimons tous , Afortunada. Et nous t’aimons parce que tu es une mouette , une jolie mouette . Nous ne te contredisons pas quand tu cries que tu es un chat , quand nous sommes fiers que tu veuilles être comme nous , mais tu es différente et nous aimons que tu sois différente. Nous n’avons pas pu aider ta mère , mais toi nous le pouvons. Nous t’avons protégé depuis que tu es sorti de ton œuf. Nous t’avons donné toute notre tendresse sans jamais penser à faire de toi un chat. Nous t’aimons mouette. Nous sentons que toi aussi tu nous aimes, que nous sommes tes amis, ta famille, il faut que tu saches qu’avec toi, nous avons appris quelque chose qui nous emplit d’orgueil : nous avons appris à apprécier, à respecter et à aimer un être différent. Il est très facile d’accepter et d’aimer ceux qui nous ressemblent, mais quelqu’un de différent c’est très difficile et tu nous as aidé à y arriver. Tu es une mouette et tu dois suivre ton destin de mouette. 

Les humains

Par l’encre du calamar ! En mer il arrive des choses terribles. Parfois je me demande si quelques humains ne sont pas devenus fous, il essaie de faire de l’océan une énorme poubelle. Je viens de draguer l’embouchure de l’Elbe et vous ne pouvez pas imaginer la quantité d’ordures que charrient les marées ! Par la carapace de la tortue ! Nous avons sorti des barils d’insecticides, des pneus, des tonnes de ces maudites bouteilles de plastique que les humains laissent sur les plages.

La fin

« Seul vole celui qui ose le faire » 

 

Édition livre de poche Folio

J’avais noté le nom de cette auteure à propos d’un autre livre « J’irai danser si je veux » chez Cuné d’abord, puis chez Aifelle. Voilà une tentation que je ne regrette absolument pas et je vais certainement lire les autres romans de Marie-Renée Lavoie. J’ai commencé par son enfance, car ce livre est paru en poche et que les deux amies blogueuses en disaient du bien. Je vous le recommande sans aucune réserve. J’ai beaucoup ri et souvent retenu mes larmes. J’étais rarement à l’unisson avec Joe-Hélène qui pleure comme une madeleine lorsque son héroïne Oscar du dessin animé qui va enchanter toute son enfance, mourra dans un dernier combat pendant la révolution française. Au contraire quand Joe-Hélène reste digne en nous racontant les souffrances ordinaires des habitants de son quartier, je me suis sentie très émue, les portraits de ces vieux sortis de l’asile qui ont tout perdu sont presque tragiques, même s’ils sont « ordinaires » pour la petite fille qui a toujours vécu parmi eux. « Le vieux » Roger qui veille sur elle à sa façon lui sera d’un précieux secours lors d’une agression où le courage et la beauté de l’enfance ont failli se flétrir définitivement sur un trottoir. La galerie de portraits des habitants du quartiers est inoubliable, cela va de la famille des obèses, à ceux confits en religion, et ce Roger (c’est lui « le vieux ») qui ne dévoilera jamais son secret à la petite fille pour qui il a tant de tendresse, et qui jure dès qu’il ouvre la bouche. J’ai encore oublié ce détail, la langue ! Le québécois a pour moi des charmes qui me forcent à sourire et les « Ostie » « Jériboire » « Face de Bine » « Calvaire » « Crisse » »En Maudit » chantent dans ma tête. J’ai toujours eu des coups de cœur pour les livres qui savent raconter l’enfance. Ce n’est pas si facile : il faut, à la fois, retrouver la naïveté de cet âge-là et en même temps faire comprendre à l’adulte lecteur la réalité du monde dans lequel vivait cette enfant. Joe-Hélène est une petite fille d’un courage incroyable et si elle se trouve bien banale à côté de son modèle « Oscar » jeune fille déguisée en soldat pour servir Marie-Antoinette, elle va faire l’admiration de tous ceux qui, enfants, qui n’ont jamais eu à se lever deux heures avant tout le monde pour distribuer des journaux, afin de gagner quelques sous pour aider la famille. Sa famille est tenue de main de maître par une mère courage. Tout aurait pu se passer à peu près normalement si son père, enseignant, ne trouvait pas dans l’alcool et le tabac des compensations naturelles à un métier où il souffre de ne pas pouvoir imposer son autorité. D’ailleurs de l’autorité, il n’en a pas, il est seulement gentil et profondément humain. Sa femme heureusement tient la famille et grâce à elle cette bande de cinq petites va sans doute s’en sortir. Oui, ils n’ont n’a eu que des filles ! mais quand on voit le portrait des hommes dans ce roman , on se dit que c’est mieux d’être une fille, elles ont plus de courage et sont moins portées sur l’alcool.

Citations

Portrait des voisins

L’énorme fille unique de nos voisins portait, à seize ans à peine, une petite centaine de kilos, une permanente bouclée serrée et une humeur adaptée à sa condition de victime injustement traitée par des légions de médecins incompétents qui osaient prétendre qu’elle était responsable, en grande partie, de son sort. Gargantua Simard, son père, cardiaque de profession, toujours vêtu d’un maillot de corps jauni au travers duquel perçaient des mamelons dont la texture et le mouvement imitaient la pâte à gâteau pas cuite, promenait sont imposantes panse sur le balcon en maudissant à peu près tout. La pauvre mère, la sainte femme, faisait des ménages en plus d’assumer à elle seule toutes les tâches de la maison. Comme elle se mouvait presque normalement, quand ses tâches le lui permettaient, c’est sur elle qu’ils déversaient leur fiel bien macéré. Plus on s’en prenait à elle, plus elle souriait. Elle opérait comme une photosynthèse de l’humeur qui rendait l’atmosphère à peu près respirable. Les deux ventrus – jambus, fessus, doublementonus, têtus- avaient des visages de plâtre plantés sur décor de gargouilles obèses, et jamais l’idée de se rendre sympathique ne leur était passée par la tête.

Deux expériences à ne pas tenter

Je n’avais pas peur de ma mère, je savais seulement qu’il n’était pas possible de tailler, ne serait-ce qu’une toute petite brèche, dans son imprenable personnage. Pas la peine de se plaindre, de pleurnicher, d’argumenter, de se monter un plaidoyer. Insister ne pouvait que condamner à une abdication des plus humiliantes. Je le savais pour m’être quelquefois frottée à son opiniâtreté. Chercher à gagner sur cette femme relevait de la même témérimbécilité que de se coller- avec la même intention de voir ce que ça fait vraiment- la langue sur une rampe de fer forgé bien glacé. Mais bon, j’avais mis un certain temps à le comprendre. Dans les deux cas.

La mort et les jeunes

 Je comprenais ça parce que j’étais à l’âge où la mort n’avait encore aucune prise sur moi. Je n’allais jamais mourir , moi , je n’avais même pas dix ans . Et, à cet âge-là, on accepte d’emblée que les vieux doivent mourir, ça semble même dans l’ordre des choses. Après, le temps coule et ça se complique parce que ça se met à nous concerner. C’est là qu’on a besoin de concepts philosophiques dérangeants, comme celui de l’absurdité, ou d’abstractions humanoïdes réconfortantes, comme la plupart des Dieux.

L’adolescence

De toute façon, les crises d’adolescence ne sont pas à la portée de tous : ça prend avec les parents qui ont de l’énergie pour tenter de discuter, s’énerver, crier et faire des scènes ou encore pour lire des bouquins de psychologie de comptoir et traîner les jeunes ingrats chez des spécialistes. Aucun adolescent ne prend la peine de se farcir une crise sérieuse sans avoir la conviction de susciter la colère d’au moins un petit quelqu’un en bout de ligne. Tous ces petits arrogants en mal de vivre, qui se faisaient les dents sur le dos des professeurs un peu mou, comme mon père, avant de jouer leur grand « Fuck the world » à leurs parents pas payés cette fois pour les endurer, usaient mon père prématurément.

L’obésité et la télécommande

L’emplacement qu’avait choisi mon père était le seul que la télécommande occuperait jamais : sur le téléviseur. Même si le raisonnement qui justifiait cette règle relevait d’un syllogisme des plus fallacieux ( Badaboum utilisait toujours à distance la télécommande, or Badaboum est obèse, donc les télécommandes rendent obèse), le caractère imposant du contre-exemple qu’elle représentait suffisait à nous convaincre de son bien-fondé. L’énormité de l’argument permettait à mon père de faire de petites entorses au sens commun.

Découvertes qui font grandir

Plus jeune, j’avais fait quelques découvertes qui m’avaient arraché un bout de naïveté, mais jamais rien d’aussi grave. Durant l’année de mes six ans, par exemple, j’avais dans la même semaine découvert tous les cadeaux du Père Noël entassés au fond du congélateur désaffecté et le petit Jésus, pas encore né, dans la boîte à fusibles placée dans l’armoire au-dessus du sèche-linge. Ça faisait tout un tas de croyances qui tombaient d’un coup. Mais la peine alors ressentie avait rapidement laissé place au bonheur de partager tous ces secrets avec mes parents qui tenaient à ce qu’on soit complices pour que mes petite sœur bénéficient du droit sacré de croire à n’importe quoi. Ce n’était au fond qu’une autre forme du même jeu. Seule l’image de mes parents, que je suspecterai désormais de tout, c’était trouver altérée par ce mensonge pieux

Le feuilleton télévisé qui a rythmé sa vie d’enfant

Et puis, je suis morte dans l’épisode suivant celui de la mort d’André. Un vendredi soir, à 16h17, sur Canal Famille. Les morts télévisuels sont toujours précis, comme les naissances de la réalité. Ça m’a semblé tout naturel, même si j’avais secrètement souhaité quelques grandes scènes encore pour pouvoir engranger dans ma mémoire des hauts faits d’armes de dernière minute. Pour ma postérité. Mais voilà, comme tous les destins étaient liés, Oscar ne devait pas survivre longtemps à la mort d’André, de son beau cheval blanc et de la vieille France. L’effet domino.

Les toilettes uniques dans une famille nombreuse

Je me suis réfugiée dans la salle de bain, le seul endroit où il était possible d’échapper aux poursuites de la bienveillance familiale. Assis sur le carrelage gelé,me suis pleuré pendant des heures.
Et comme il n’y avait toujours qu’un seul WC dans l’appartement, il s’est passé peu de temps avant qu’on ne se mette à piétiner devant la porte. Les plus grands drames de l’histoire n’ont jamais eu d’emprise sur les plus petits besoins de l’homme. Ça contrecarrait un peu mes plans, je voulais mourir là, par terre, misérable, seul, au moins jusqu’au dîner.

Traduit du Néerlandais par Philippe Noble

 

Cette partie de petits chevaux ne sera jamais terminée puisque ce soir de janvier en 1945, à Haarlem en Hollande, la famille Steenwick entendra six coups de feu dans leur rue. La famille voit alors avec horreur que leurs voisins déplacent un cadavre au seuil de leur porte. C’est celui de Ploeg un milicien de la pire espèce qui vient d’être abattu par la résistance. Peter Steenwick un jeune adolescent sort de chez lui sans réfléchir et tout s’enchaîne très vite. Les Allemands réagissent avec la violence coutumière des Nazis, exacerbée par l’imminence de la défaite, ils embarquent tout le monde et incendient la maison. Anton âgé de 12 ans survivra à ce drame affreux . Après une nuit au poste de police dans une cellule qu’il partage avec une femme dont il ne voit pas le visage mais qui lui apportera un peu de douceur, il sera confié à son oncle et sa tante à Amsterdam et comprendra très vite que toute sa famille a été fusillée. C’est la première partie du roman, que Patrice et Goran m’ont donné envie de découvrir. Un grand merci car je ne suis pas prête d’oublier ce livre.

Anton devient médecin anesthésiste et en quatre épisodes très différents, il fera bien malgré lui la lumière sur ce qui s’est passé ce jour là. Il avait en lui ce trou béant de la disparition de sa famille mais il ne voulait pas s’y confronter. Il a été aimé par son oncle et sa tante mais ceux-ci n’ont pas réussi à entrouvrir sa carapace de défense, il faudra différents événements et des rencontres dues au hasard pour que, peu à peu , Anton trouve la force de se confronter à son passé. Cela permet au lecteur de vivre différents moments de la vie politique en Hollande. La lutte anti-communiste et une manifestation lui permettra de retrouver le fils de Ploeg qui est devenu un militant anti-communiste acharné. Puis, nous voyons la montée de la sociale démocratie et la libération du pire des nazis hollandais et enfin il découvrira pourquoi son voisin a déplacé le cadavre du milicien. Il y a un petit côté enquête policière mais ce n’est pas le plus important, on est confronté avec Anton aux méandres de la mémoire et de la culpabilité des uns et des autres. Aux transformations des faits face à l’usure du temps. Et à une compréhension très fine de la Hollande on ne peut pas dire que ce soit un peuple très joyeux ni très optimiste. Les personnalités semblent aussi réservées que dignes, et on découvre que la collaboration fut aussi terrible qu’en France. La fin du roman réserve une surprise que je vous laisse découvrir.

PS je viens de me rendre compte en remplissant mon Abécédaire des auteurs que j’avais lu un autre roman de cet auteur que je n’avais pas apprécié  :  » La découverte du ciel »

Citations

Discussion avec un père érudit en 1945 à Haarlem au pays bas.

Sais-tu ce qu’était un symbolon ?
– Non,dit Peter d’un ton qui montrait qu’il n’était pas non plus désireux de le savoir.
-Eh bien, qu’est ce que c’est, papa ? Demanda Anton.
– C’était une pierre que l’on brisait en deux. Suppose que je sois reçu chez quelqu’un dans une autre ville et que je demande à mon hôte de bien vouloir t’accueillir à ton tour : comment saura-t-il si tu es vraiment mon fils ? Alors nous faisons un symbolon, il en garde la moitié et, rentré chez moi, je te donne maître. Quand tu te présentera chez lui, les deux moitiés s’emboîteront.

Les monuments commémoratifs

Peut-être s’était-on vivement affronté, au sein de la commission provinciale des monuments commémoratifs, sur le point de savoir si leurs noms avaient bien leur place ici. Peut-être certains fonctionnaires avaient-il observé qu’ils ne faisaient pas partie des otages à proprement parler et n’avaient d’ailleurs pas été fusillés, mais « achevés comme des bêtes » ; à quoi les représentants de la Commission nationale avaient répliqué en demandant si cela ne méritait pas tout autant un monument ; enfin les fonctionnaires provinciaux avaient réussi à obtenir à titre de concession au moins le nom de Peter fût écarté. Ce dernier -avec beaucoup de bonne volonté du moins -comptait parmi les héros de la résistance armée, qui avaient droit à d’autres monuments. Otages, résistants, Juifs, gitans, homosexuels, pas question de mélanger tous ces gens-là, sinon c’était la pétaudière !

Culpabilité

Tu peux dire que ta famille vivrait encore si nous n’avions pas liquidé Ploeg : c’est vrai. C’est la pure vérité, mais ce n’est rien de plus. On peut dire aussi que ta famille vivrait encore si ton père avait loué autrefois une autre maison dans une autre rue, c’est encore vrai. Dans ce cas je serai peut-être ici avec quelqu’un d’autre. A moins que l’attentat n’ai eu lieu dans cette autre rue, car alors Ploeg aussi aurait pu habiter ailleurs. C’est un genre de vérité qui ne nous avance à rien. La seule vérité qui nous avance à quelque chose, c’est de dire, chacun a été abattu par qui l’a abattu, et par personne d’autre. Ploeg par nous, ta famille par les Chleuhs. Tu as le droit d’estimer que nous n’aurions pas dû le faire, mais alors tu dois penser aussi qu’il aurait mieux valu que l’humanité n’existe pas, étant donné son histoire. Dans ce cas tout l’amour, tout le bonheur et toute la beauté du monde ne serait même pas compensé la mort d’un seul enfant.

En Hollande en 1966

Voilà ce qui reste de la Résistance, un homme mal soigné, malheureux, à moitié ivre , qui se terre dans un sous-sol dont il ne sort peut-être plus que pour enterrer ses amis, alors qu’on remet en liberté des criminels de guerre et que l’histoire suit son cours sans plus s’occuper de lui …

Réflexion sur le temps

Il n’y a rien dans l’avenir, il est vide, la seconde qui vient peut-être celle de ma mort -si bien que l’homme qui regarde l’avenir a le visage tourné vers le néant, alors que c’est justement derrière lui qu’il y a quelque chose à voir : le passé conservé par la mémoire.
Ainsi les Grecs disent-ils, quand il parle de l’avenir :  » Quelle vie avons-nous encore derrière nous ? »

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Après « la Fractale des Raviolis » et « la Variante chilienne » voici « Habemus Piratam », et je sais que les puristes vont me reprocher d’avoir oublié « La baleine Thébaïde » mais je la retrouverai bien un jour cette baleine. Ma photo dit mon angoisse : par quel câble pourrait passer le célèbre hacker Alexander pour pirater mon ordinateur et s’installer sur Luocine pour vanter des livres que je n’aurais même pas lus ? Je me joins à Dasola pour vous dire  : « quel roman et que de dangers romancés ou pas court notre monde sur les différents « cloud » « dark-web » et autres faces cachées de sites à l’allure inoffensive » . Comme l’auteur est Pierre Raufast , ne vous attendez pas à faire facilement la part entre le vrai du faux, et surtout ne faites pas trop confiance à vos recherches sur Internet , car le diable d’homme est capable de créer de fausses références sur Google. Le plus important n’est pas là , laissez vous emporter par son imagination sans limite et dites-vous bien que pour un hacker, rien n’est impossible, même pas devenir propriétaire de la Sainte Chapelle … Et puis entre temps vous vous amuserez avec les histoires d’un petit village de montagne où on a failli se battre pour une histoire de petite culotte.

Bref un moment de lecture comme je les aime, jouissif , mais aussi un poil inquiétant, pas tant pour l’acte de propriété de la Sainte Chapelle que pour la capacité de nuisance des malfaisants sur le Net, comme ceux qui font que tous les jours, je supprime 15 à 20 commentaires sur mon blog : pour des placements financier, des médicaments moins chers et aussi efficaces que ceux que vous trouverez en pharmacie, pour des substitut du viagra mille fois plus puissants, pour des images pornographiques de femmes ou d’hommes, pour des rencontres « hot » avec des partenaires de votre choix. Bref des pollueurs qui ne sont que des robots mais qui ne m’amusent pas tellement. Alors que, le roman de Pierre Raufast m’a lui, beaucoup amusé. Et la morale est pratiquement sauve , enfin presque ! vous jugerez par vous même.

 

Citations

 

Est ce vrai ?

De fil en aiguille, il repensa à ce décret de Nicolae Ceausescu, interdisant la pratique du Scrabble car « trop intellectuel et subversif ». Et s’il avait eu raison ?

J’aime l’humour de cet auteur :

Le prêtre se passa la main sur le visage. Il n’était ici que depuis deux ans, mais connaissait déjà tous les vices de ses petits vieux -les seuls à venir se confesser chaque vendredi dès sept heures du matin.
Cela ne volait pas très haut : des cerises chapardées dans un verger, un home se soulageant régulièrement dans le puits d’un voisin pour perpétuer la vengeance de son père et une rixe datant de 1923, quelques lettres anonymes dénonçant un pain trop cuit ou des cadavres de bouteilles mal triées dans le local poubelle.
Des crimes ordinaires dans ce village de trois mille habitants, perché en haut de la vallée de Chantebrie.

Les commérages

Francis remarqua que la vieille avait posé ses sacs de courses à terre et s’était installée dans sa verticalité, ce qui augurait une bonne demi-heure de bavardages oiseux

Les joies des hackers

Une fois dans le réseau d’entreprise, je ciblai la machine de production qui contrôlait les énormes transformateurs centraux. De la belle machine, un logiciel très performant…Mais qui datait de 1993. Autant dire une antiquité, dans notre métier. Cette version d’Unix ressemblait à un gruyère suisse. Je n’avais que l’embarras du choix pour devenir « root  » et maître du monde.
Les informaticiens de cette entreprise avaient toutefois bien fait les choses. Conscients des risques de ce système obsolète et de la gravité des enjeux, ils l’avaient isolé derrière un pare-feu. Un peu comme le portier d’une boîte de nuit qui contrôle qui rentre et qui sort.
Pour administrer ce pare-feu, ces génies avaient créé des comptes avec des mots de passe sans doute long comme le bras. Mais ils avaient oublié d’effacer les comptes par défaut installée par le constructeur.
Utilisateur :admin. Mot de passe ; admin.
J’adore mon boulot. C’est comme faire le tour d’une maison cadenassée et y trouver une fenêtre ouverte par mégarde. Jubilatoire.

Tout se pirate …..

Pirater un ordinateur « air gap », c’est à dire déconnecté d’un réseau, est le Graal de tout hacker.

Tactiques de pirates informatiques

Voilà comment on pénètre un Fort Knox informatique : en prenant tout son temps , en avançant doucement mais sûrement , en passant par le fiston et sa peur de décevoir papa . Ici , comme ailleurs, les points faibles sont souvent humains. Il suffit d’exploiter une des émotions primaires : la peur, la colère, l’amour ou la tristesse.

 

 

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Quel livre ! Bravo Alexandre Duyck vous avez su de nouveau m’intéresser, je devrais dire, me passionner pour la guerre 14/18. Encore ce sujet, peut-on dire , oui mais ce roman donnera un éclairage que je crois indispensable à une bonne compréhension de cette guerre. Augustin Trébuchon est déclaré mort le 10 novembre 1918, c’est écrit sur le monument au morts mais c’est un mensonge ! Il est mort en réalité le 11 novembre 1918. L’auteur retrace le parcours de ce berger de l’Ariège qui a choisi de partir à la guerre alors qu’orphelin, il aurait pu être dispensé en tant que soutien de famille. Nous revivons avec lui, l’enthousiasme des premiers jours de 1914. L’auteur remarque que les plus enragés à vouloir tuer les boches sont des gens qui ne la feront pas, cette guerre, mais qui se croient obligés de dire, plus fort que tout le monde, combien ils auraient aimé la faire ! Puis viennent les combats, l’horreur que nous connaissons si bien, mais aussi l’évocation de la dure condition de berger qui n’est pas étrangère à l’engagement d’Augustin . Berger en Ariège, c’est être le plus pauvre des paysans, et le moins considéré des hommes. Au point où, Augustin n’ose même pas aborder la fille qu’il aime ; bien sûr, il aime la faire danser au son de l’accordéon le soir où il y a bal au village, mais ce n’est pas tout à fait suffisant. La vie d’ Augustin est donc remplie par sa connaissance des animaux, ces moutons et les animaux sauvages de la montagne, ainsi qu’une perception très fine de la nature. Ce savoir, si peu valorisé dans son village, va se révéler un précieux atout pour résister aux quatre longues années de guerre, jusqu’au 11 novembre 1918, où il attend avec toute sa compagnie la dernière sonnerie de clairon qui va signifier que l’armistice est signée, elle l’est d’ailleurs depuis quelques heures. Il rêve à ce qu’il va faire , et surtout à l’Argentine où il a prévu de s’exiler. Cette attente est bien longue et l’auteur rend parfaitement l’ambiance de ces derniers instants.

Hélas un gradé , un de ceux que détestent Augustin lui demande d’aller porter de toute urgence un message de la plus haute importance aux troupes postées à l’avant de leur ligne. Il est 1o heures 45, dans un quart d’heure le clairon doit sonner, mais l’urgence du message et l’ imbécillité du gradé ne souffrent d’aucun retard , Augustin tombera sous une balle ennemie avec dans sa poche ce message :

 « Rendez-vous à Dom-le-Mesnil pour la soupe à 11h30 »

Citations

Les chefs

Les chefs qui jouent les gentils qui m’appellent « mon petit : alors que j’ai quarante ans, qui demande de mes nouvelles et moi comme un con, je leur réponds mais à peine ai-je commencé à parler, il regarde déjà ailleurs, je me plains de mes pieds, ils répondent :  » Parfait, c’est très bien continue comme ça mon petit », ces chefs-là sont tous des faux-culs, des lâches qui n’assument pas d’être des chefs mais qui, dans le dos des petits sont pires encore que les autres parce qu’à la fin ils trahissent toujours la confiance.

Les rapports des hommes entre eux

C’est notre côté cul-terreux, disaient les Parisiens, les pires de tous, les Lyonnais sont pas mal non plus mais les Parisiens restaient les pires, si certains de tout savoir, les pires des pires étant les instituteurs parisiens devenus lieutenant et qui nous parlaient comme à des demeurés, à des gosses, à leurs élèves, à croire qu’ils n’ont eu que des dégénérés dans leur école, les instits parigots, faudraient les livrer en masse au boches, en cadeau, faites-en ce que vous voulez, montrez leur du pays mais par pitié, ne nous les rendez pas ou alors mort, et encore. Les instituteurs et la science infuse, comme ils disent, la haine du patois, leur beau Français dont ils usent comme d’une arme pour mieux t’humilier, te démontrer leur supériorité, ils emploient des verbes, des temps de conjugaison dont tu n’as jamais soupçonné l’existence ni deviné l’utilité mais il en abuse, ils en jouissent, ils te parlent d’écrivains célèbres dont tu ignores jusqu’au nom, nous des frustrés qui te refusent le droit de moins bien parler qu’eux, qui te jugent parce que tu en sais mille fois moins qu’eux et qui sont incapables de se débrouiller sans une carte

Les humiliations des gradés

Il me répète ce que je sais déjà, dans moins de 30 minutes la guerre va s’achever, nous avons gagné, les boches ont signé l’accord, on va tous pouvoir rentrer chez nous :  » Moui dans ma belle maison pour y baiser maman », qu’il dit  » Toi dans ton trou à rat de bouseux de Lozérien ». Ne pas réagir, ne pas laisser apparaître la moindre émotion, Pons m’a expliqué comment faire comme si de rien n’était. Comme j’ai peur de le regarder dans les yeux, j’applique la méthode que m’a expliqué un copain, fixer des poils entre les deux sourcils, on fait croire à l’autre qu’on le regarde droit dans les yeux mais en fait on ne fait que compter ses poils entre les sourcils.
Des gars sont morts de froid dans les tranchées, des tas de gars, c’est quand même fin de mourir de froid la guerre. Moi je ne m’en suis jamais plaint. Mais je ne suis jamais endormi les fois où j’ai compris qu’il valait mieux ne pas. Un jour j’ai entendu un jeune sous-lieutenant se vanter : »Les poilus ont de la paille, moi un lit ». C’est la première fois depuis le début de la guerre, je crois, où j’ai vraiment eu envie de tuer quelqu’un.

 

Traduit de l’italien par Daniele Valin

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Après « Le jour avant le bonheur » et « Le Tort du Soldat » voici ma troisième lecture de cet auteur et un vrai coup de cœur . C’est un roman très court, parfaitement écrit qui embarque le lecteur dans le monde de la montagne, des chamois et des braconniers. Plus exactement d’un braconnier qui a consacré sa vie à la chasse, et d’un superbe chamois qui a passé la sienne à l’éviter. Les évocations de la nature sont pleines de charmes et de poésie et sont parfois belles à couper le souffle. Le temps de la lecture on respire un air différent et de cette lutte implacable personne ne sortira vainqueur. J’ai aimé l’écriture économe autant que somptueuse (bravo à la traductrice  !) , ce roman a sa place dans toutes les bibliothèques des amoureux de la nature et les protecteurs du monde animal mais dépasse largement ce cadre. Voilà bien l’illustration du pouvoir de la littérature car ce sont deux sujets qui sont souvent loin de mes préoccupations et pourtant, j’ai tout aimé dans ce roman.

 

Citation

Une bien jolie évocation

Les sabots des chamois sont les quatre doigts d’un violoniste. Ils vont à l’aveuglette sans se tromper d’un millimètre. Ils giclent sur des à-pics, jongleurs en montée , acrobates en descente, ce sont des artiste de cirque pour le public des montagnes. Les sabots des chamois s’agrippent à l’air. Le cal en forme de coussinet sert de silencieux quand il veut, sinon l’ongle divisé en deux est une castagnette de flamenco. Les sabots des Chamois sont quatre as dans la poche d’un tricheur. Avec eux, la pesanteur est une variante du thème, pas une loi.

L homme et le chamois

Le chasseur avait suivi des cerfs, des chevreuils, des bouquetins, mais plus de chamois, ces bêtes qui courent à la perfection au-dessus des précipices. Il reconnaissait une pointe d’envie dans cette préférence. Il avançait sur les parois à quatre pattes sans une once de leur grâce, sans l’insouciance du chamois qui laisse aller ses pieds, la tête haute. L’homme pouvait aussi faire des ascensions bien plus difficiles, monter tout droit là où eux devaient faire le tour, mais il était incapable de leur complicité avec la hauteur. Eux vivaient dans son intimité, lui n’était qu’un voleur de passage.