Édition Flammarion. Traduit de l’italien par Juliette Bertrand.

Ce roman a été écrit en 1961 et il reste encore une référence pour comprendre comment fonctionnait la Mafia sicilienne. (En espérant que les choses aient changé !) Il est si connu ce roman que l’auteur qui a fait une carrière politique est devenu le spécialiste de la Mafia (Un peu trop semble-il à son goût !). J’ai cherché l’explication du titre, je n’ai rien vu d’évident. Je me lance dans une hypothèse, la recherche du coupable peut être devant les yeux de tout le monde, la mafia va rendre les évidences invisibles, comme les yeux d’une chouette qui ne voient rien à la lumière du soleil. Le roman se divise en moments différents que le lecteur doit lui-même relier les uns aux autres. La scène initiale ressemble à une scène de film : un bus part sur la place du village, un homme court pour rattraper le bus, le chauffeur ralentit, ouvre la porte, deux coups de feu l’homme s’écroule. Le bus se vide, les carabiniers arrivent, personne n’a rien vu. Ensuite l’enquête va se poursuivre, le commissaire est un homme du nord, pour qui la vérité et la logique semblent des valeurs fondamentales. Grâce à cette enquête, l’auteur nous montre que la vérité est là devant les yeux de tous. L’homme abattu, l’a été car il ne voulait pas payer l’argent de la corruption. Et, lorsque le commissaire remonte vers cet argent, tout le pouvoir local, mais hélas pour son enquête, également le pouvoir à Rome, commencent à trembler. Et si le pouvoir tremble, le commissaire a beau faire un travail remarquable, tout va redevenir « normal » et personne ne sera inquiété pour ce qui va devenir une banale histoire de passion amoureuse. Le pire des truands aura un alibi suffisant pour que l’enquête s’arrête. Evidemment en 1961, ce roman devait avoir un autre poids qu’aujourd’hui. Le fonctionnement de la Mafia nous est aujourd’hui beaucoup mieux connu, le romancier rappelle que le seul régime qui avait réussi à éradiquer la Mafia c’est le fascisme de Mussolini, et ce sont les Américains qui ont permis à ces bandits de revenir en force. Le charme de ce roman est dans son écriture, surtout à la structure du récit. L’auteur ne semble jamais prendre parti, il nous montre en toute objectivité les faits, il y a un détachement qui rend la situation encore moins acceptable.

La traductrice a été un peu ennuyée, je pense, avec l’imparfait du subjonctif, c’est -à ce que je crois savoir- un temps normalement employé en italien, mais en français, beaucoup moins, surtout à l’oral, et sans doute jamais dans des commissariats.

Citations

Le capitaine Bellodi

S’il continuait à porter l’uniforme, qu’il avait endossé dans les circonstances fortuites, s’il n’avait pas quitté le service pour la profession d’avocat à laquelle il se destinait, c’était parce que le métier qui consistait à servir les lois de la République, et à les faire respecter, devenait de jour en jour plus difficile. Il n’en serait pas revenu, l’indicateur, s’il avait su qu’il avait en face de lui un homme, carabinier et, de plus, officier, qui considérait l’autorité dont il était investi comme le chirurgien considère son bistouri : un instrument donc on ne doit user qu’avec précaution, avec précision, en toute sûreté, qui considérait la loi comme née de l’idée de la justice et tout acte découlant de la loi comme lié à la justice. Un homme pratiquant un métier amer et difficile, en somme.

Discours d’un député

« On m’accuse d’être en rapport avec des gens appartenant à la mafia, et, par conséquent, avec la mafia. Mais moi, je dois vous dire que je ne suis pas encore arrivé à comprendre ce qu’est la mafia, si elle existe, et je peux, en toute conscience de bons citoyens et de bons catholiques, vous jurer que je n’ai jamais connu de ma vie un seul mafieux. » À quoi, du côté de la Via loumia, à l’extrémité de la place où les communistes avaient l’habitude de ce grouper quand leurs adversaires tenaient un meeting, on entendit répondre par une simple question, très claire :
« Et ceux qui sont avec vous, qu’est-ce que c’est ? Des séminaristes ? »
 Là-dessus un éclat de rire s’était propagé dans toute la foule tandis que le député faisait comme s’il n’avait pas entendu la question et commençait à exposer un programme pour l’assainissement de l’agriculture.

Une scène que l’on imagine si bien au cinéma

Au milieu de son sommeil, la sonnerie du téléphone était arrivée jusqu’à sa conscience par ondes successives et désagréables. Il avait saisi l’appareil avec l’impression que sa main, tandis qu’il faisait ce geste, se trouvait à une distance incommensurable de son corps. Tandis que de lointaines vibrations, que des voix lointaine parvenaient à son oreille, il avait tourné l’interrupteur, réveillant de la sorte, irrémédiablement, Madame : certainement, elle ne récupérerait pas de la nuit un sommeil qui ne descendait jamais que parcimonieusement sur son corps inquiet. Brusquement, ces lointaines vibrations, se fondirent en une seule voix, également lointaine, mais irritée, mais inflexible, et Son Excellence se trouva hors de son lit, pieds nus et en pyjama, en train de faire des courbettes et des sourires comme si courbettes et sourires pouvaient s’infiltrer dans le microphone. 
Madame le regarda d’un air de profond dégoût. Elle lui tourna le dos, un dos splendide et nu, mais non sans lui avoir chuchoter : « Pas besoin de frétiller, il ne te voit pas. » Et, réellement, il manquait à son Excellence qu’un moignon de queue au derrière pour mieux exprimer toute sa soumission.

Débat à la chambre

Le sous-secrétaire reprit la parole. Il dit que, sur les faits qui s’était déroulés à S. et sur lesquels portaient les interpellations, il n’avait rien à dire, l’enquête judiciaire étant en cours, mais que, de toute façon, le Gouvernement considérait ses faits comme s’apparentant à la criminalité courante et repoussait l’interprétation que leur donnaient les députés qui l’interpellaient. Le gouvernement repoussait fièrement et dédaigneusement l’insinuation que la gauche faisait dans les journaux, à savoir que les membres du Parlement ou même du gouvernement auraient le moindre rapport avec la prétendue mafia. Laquelle, d’après le gouvernement, n’existe que dans l’imagination des socialistes et des communistes.

 

Un petit livre trouvé chez Nouketteet que j’ai lu, moi aussi, en une soirée, ce petit Adrien qui a le mot « rien » dans son nom est bouleversant. Il voudrait être aimé , il voudrait avoir un papa, ou au moins savoir qui est son papa. La vie n’est pour lui qu’une succession de choses qui vont mal, comme ses reins qui sont fichus et qui le mettent en grand danger de mort, comme sa maman qui a un grave accident, comme sa tante – la sorcière- qu’il déteste et qui ne sait pas aimer les enfants. Est-ce qu’un jour la vie lui sera un peu plus douce ? On l’espère mais c’est vraiment mal parti, en attendant, l’auteure a su nous embarquer dans les méandres des pensées des enfants pour qui rien n’est simple. De l’extérieur on peut penser qu’ils s’y prennent très mal ! mais si on savait ! C’est si compliqué pour un enfant de chercher à se faire aimer d’adultes qui n’ont pas résolu leurs conflits. Le regard du petit garçon choisi pour la couverture du livre poche dit bien toute la détresse de ce petit Adrien.

 

Citations

 

le début

Aussi loin que je m’en souvienne, je l’attendais assis, le menton sur les genoux, les bras autour des jambes et le dos appuyé contre la porte du placard.

 

Sa maladie

 

Je lui ai alors expliqué que j’étais malheureux au sixième étage de cet immeuble où nous vivions, que je détestais le sous-sol, que je m’ennuyais avec elle pendant les weekends et sans elle pendant la semaine. Elle n’avait qu’à arrêter de travailler s’occuper de moi, au lieu de m’abandonner à ma sorcière de tante. Bien sûr, il y avait la maladie, cette fichue maladie des reins fichus qui me faisait manquer l’école,

 

Édition folio Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Arnaud

 

L’appel à la sainteté et au sacrifice de soi, les illusions et la superstition nécessaire disparaissaient du monde à cette époque déjà 

 

Le 18 décembre 2018, Dominique faisait paraître un billet sur ce roman et immédiatement cela m’a tentée. Comme on peut le constater, je ne suis pas très rapide dans la concrétisation de mes tentations !

Je dois d’abord dire que j’ai failli lâcher cette lecture au bout de cent pages. Gros avantage des blogs et d’internet, on peut relire les billets même quelques années plus tard, je suis donc retournée sur son blog et cela m’a donné un second souffle pour finir ma lecture. Heureusement ! car c’est un excellent roman de plus très original.
Pourquoi ai-je failli l’abandonner ? Parce qu’il présentait une vision trop idyllique, à mes yeux, de l’univers des sœurs, ici, les petites sœurs des pauvres. Et que, comme moi je suppose, vous connaissez des récits personnels, ou des romans, décrivant toute la perversité avec laquelle l’église catholique a contraint des consciences, parfois avec violence au nom du « bien ».

Pourquoi aurais-je eu tort d’arrêter ma lecture ? Parce que je n’aurais pas dû oublier que petites sœurs des pauvres ont été les pionnières et souvent les seules à lutter contre la précarité au début du 20° siècle. Dans ce roman, on parle de Jeanne Jugan qui est originaire de ma région et dont la vie, à l’image des sœurs de Brooklyn, est faite d’abnégation et de courage mais aussi de jalousie et de perfidies dont elle a été victime.

Le roman commence par le suicide de Jim, mari d’Annie et père de Sally . Les sœurs font tout ce qu’elles peuvent pour éviter à la famille le déshonneur d’un suicide hélas la presse a dévoilé cette mort par le gaz qui aurait pu faire sauter tout l’immeuble. Si sœur Saint-Sauveur n’arrive pas à faire dire une messe ni à faire enterrer en terre catholique le malheureux Jim, au moins sauve-t-elle Annie de la misère la plus absolue en l’employant à la blanchisserie du couvent. Ainsi Sally va-t-elle naître et grandir au milieu des sœurs. On voit peu à peu différents caractères se dessiner, celle qui règne sur la blanchisserie : Illuminata a un caractère bourru mais elle se prend d’affection pour Annie et Sally et elle est jalouse de Jeanne une sœur plus jeune qui va comprendre qu’Annie a besoin parfois de souffler un peu et lui permet de sortir du couvent.
A Brooklyn dans la communauté irlandaise , l’alcool, la misère, les naissances trop rapprochées sont le lot d’une population qui essaie tant bien que mal de s’en sortir. J’ai retrouvé dans ces descriptions l’ambiance d’une série que j’ai beaucoup aimé et qui se passe dans les années 50 en Grande-Bretagne : « Call The Midwife » .

Plusieurs personnages secondaires apparaissent qu’il ne faut surtout pas négliger, car ils vont se réunir pour former la trame romanesque de cette plongée dans le début du 20° siècle dans le New York de la grande pauvreté. Monsieur Costello, le livreur de lait, marié à une femme amputée d’une jambe et tout le temps malade – la description des soins qu’il faut lui administrer sont d’un réalisme difficilement soutenable. La famille Tierney qui malgré les difficultés et les nombreuses naissances est marquée par la joie de vivre . J’ai appris grâce à cette famille que pour éviter de faire la guerre de Sécession on pouvait payer un remplaçant mais si celui-ci revenait blessé la famille se devait, au moins moralement, mais souvent financièrement l’aider à s’en sortir.

Le décor est planté, la jeune Sally ira-t-elle vers les modèles qui ont bercé son enfance et deviendra-elle nonne à son tour ? Elle a bien failli le faire, mais un terrible voyage en train lui a montré qu’elle n’avait pas l’âme assez forte pour supporter l’humanité souffrante (et déviante). Ira-telle vers une vie familiale avec Patrick Tierney ? Mais pour cela il faudrait qu’elle abandonne sa mère qui a tant fait pour elle.
Oui, il va y avoir une solution mais il ne faut pas top s’étonner qu’à l’âge adulte Sally ait eu des tendances à la dépression !

Un excellent roman, qui vaut autant pour les descriptions précises et très (trop parfois pour moi) réalistes de la communauté pauvre irlandaise de Brooklyn, que pour les rapports entre les religieuses, que par sa construction romanesque très bien imaginée. Si j’ai une petite réserve c’est que j’ai trouvé un inutilement compliqué de comprendre qui était en réalité le narrateur, mais cela permet de ne pas divulgâcher la fin. Comme je fais partie des gens qui aiment mieux connaître le dénouement avant de lire un roman, évidemment j’ai été plus agacée que séduite par ce procédé.
Mais ce n’est qu’un tout petit bémol par rapport à l’intérêt de ce roman qui a reçu le prix Fémina pour le roman étranger, en 2018, c’est vraiment plus que mérité, car c’est un très bel hommage aux femmes à toutes les femmes !

 

Citations

 

La pauvreté

Sœur Lucy dit à Sally qu’un bon mari était une bénédiction – un bon mari qui allait au travail tous les jours, ne dilapidait pas son salaire au bar ou sur les champs de courses, ne battait pas ses enfants et ne traitait pas sa femme en esclave – mais une bénédiction rare à tout le moins.
Elle dit : Même un bon mari est capable d’épuiser sa femme. Elle dit : Même une bonne épouse est susceptible de se transformer en sorcière ou en poivrote ou, pire, en bébé ou en invalide, afin de tenir son très bon mari à l’écart de son lit.

Éducation sexuelle de la jeune novice dans un voyage en train

« Et même si je suis sûr, poursuivit-elle, qu’un petit bébé bonne sœur ne connaît rien à ces choses-là, je peux vous affirmer qu’on a jamais vu un homme avec un pénis aussi minuscule. » Elle brandit son petit doigt pâle. L’ongle, la chair même se terminaient en une pointe ourlée de crasse. Puis la femme fourra le doigt dans sa bouche et referma les lèvres dessus. Elle écarquilla les yeux comme sous le coup de la surprise. Lorsque elle ressortit son doigt, il était humide et taché de rouge à lèvres à sa base. Ensuite elle posa sa main, aux doigts repliés dans sa paume sur ses larges cuisses et remua son petit doigt humide contre le tissu noir de sa jupe.  » Vous imaginez, dit-elle avec désinvolture, une fille de ma taille passant sa vie à chevaucher un truc de cette taille là ? » Sally détourna les yeux, le visage brûlant.

J’aime bien cette description d’une dispute familiale

Ainsi s’acheva la dispute. Ils étaient tous les deux tout rouge. Ils se passèrent tous les deux la langue sur les lèvres, satisfaits, pour lécher les postillons des mots qu’ils venaient de crier. Les disputes de leurs parents, nous raconta notre père, éclataient soudainement, comme une bagarre de rue, puis se terminaient tout aussi vite. La paix redescendait. Ça ressemblait au bonheur.
Leurs six enfants en vinrent à comprendre qu’on pouvait trouver une certaine satisfaction à faire enrager un être aimé

 

Édition Buchet/Chastel

Une auteure qui a un joli style tout en simplicité et pourtant, quel travail sur ses phrases ! Elles sont toutes ciselées et semblent couler de source. On reconnaît Marie-Hélène Lafon, un peu comme on reconnait Annie Ernaux. C’est une qualité que j’apprécie beaucoup : une écriture qui se reconnaît en restant simple. J’avais beaucoup aimé L’annonce, et eu plus de réserves sur Joseph . Mais ce roman m’a beaucoup plu. Il commence par une tragédie racontée de façon saisissante, la mort d’un enfant ébouillanté accidentellement par une femme qui en perdra la raison. Ensuite le roman se morcelle en suivant différents personnages. Le fil conducteur c’est ce « fils » mort de façon tragique, son jumeau suivra un parcours marqué par la collaboration et les conquêtes féminines. Il ne saura pas qu’il a eu un fils qui au contraire s’illustre par son courage de résistant pendant la guerre 39/45 . La mère de ce fils est un personnage étrange qui est en toile de fond du roman et que l’on ne comprend pas très bien. Sa plus grande sagesse a été de confier cet enfant à sa sœur et son mari qui lui donneront amour et tendresse. Comme il faut bien une fin , si ce fils n’a pas retrouvé ses racines paternelles, dans un dernier chapitre les deux familles finiront par se rejoindre.
Je n’ai pas toujours apprécié ce morcellement que Kathel appelle l’art de l’ellipse, mais ma réserve vient surtout des personnages , comme celui de la mère, pas assez approfondis. Si j’aime cette auteure, c’est pour son style et les ambiances qui règnent dans ces romans plus, sans doute, que ses histoires qu’elle suggère plus qu’elle ne les raconte.

 

Citations

J’aime le style de cet auteur

Une fois, elle lui avait demandé son âge, le vrai, et lui avait dit qu’il ressemblait beaucoup, en plus jeune, à son frère dont elle était sans nouvelles depuis octobre 1940. Il avait pensé, sans le dire, que c’était peut-être un critère discutable pour choisir un amant dans une troupe de mâles tous plus ou moins affamés et affûtés par le sentiment de vivre à la proue d’eux- mêmes.
Cette femme, Sylvia, disait ça, vivre à la proue, être affûté ; elle parlait souvent avec des images qui ne se comprenaient pas tout à fait du premier coup mais se plantaient dans l’os et y restaient.

Le catéchisme 1934

Il aime l’école le mettre la grammaire, et les autres matières, il est d’accord pour tout. Il aurait voulu suivre aussi le catéchisme avec les enfants de son âge ; mais sa mère n’y tenait pas, elle a dit, il est baptisé et ça suffit ; Hélène et Léon n’ont pas insisté et il croit comprendre que la dame du catéchisme et le curé, qu’il connaît, comme tout le monde à Figeac, ne doivent pas être très à l’aise avec les fils de pères inconnus. Inconnu est un adjectif qualificatif, il en est certain, il peut compter là-dessus, sur la grammaire. À père inconnu, fils inconnu. Ce père et lui aurait en commun un adjectif de trois syllabes dont la première est un préfixe de sens négatif et les deux suivantes un participe passé.

Édition Dargaud

Après l’année du jardinier de Karel Capek voici une BD qui est l’exacte opposée : Tout va bien pour ces jardiniers urbains qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent. C’est Aifelle qui a été ma tentatrice et je l’en remercie. J’avoue avoir été agacée par l’ambiance « écolo-bobo-parisien » et la pensée dans l’air du temps. J’avoue aussi ne ressentir aucun malaise à jeter un trognon de pomme dans ma poubelle. Après ces petits bémols, je vais dire maintenant tout mon plaisir à me plonger dans un dessin absolument enchanteur. On peut vraiment passer des heures à regarder les planches de Simon Hureau. Quel talent ! cela m’a rappelé les tableaux qui ornaient les classes de primaire à mon époque, j’étais assez rêveuse en classe et je passais beaucoup de temps à regarder les scènes représentées de façon un peu naïve. Ici, le dessin raconte les péripéties de la construction du jardin et parfois des planches d’une précision digne d’un entomologiste .
Je ne peux que vous conseiller cet album, pour rêver et partir dans un jardin merveilleux mais se souvenir aussi de Karel Capek pour savoir que le jardinage est parfois très loin de cette version trop idyllique !

 

Cadeau de mon fils qui partage mon goût pour l’humour de cet auteur aussi bien en roman : Le Discours , qu’en BD  : depuis Zaï Zaï Zaï , Et si l’amour c’était d’aimer, et Formica . Il s’agit d’un de ses premiers romans et déjà tout son humour est présent. L’auteur narrateur, auteur de théâtre de son état, est un éternel perdant qui se présente comme étant un collectionneur d’enterrements. Mais surtout ne vous fiez à rien de ce qu’il raconte car tout est faux et tout n’est qu’un jeu d’apparences . Tout le monde est manipulé par cette société Figurec, qui paye des figurants pour que votre vie ait l’air de quelque chose d’à peu près vivable. Au passage vous aurez quelques éclats de rire, pas forcément les mêmes que les miens mais je suis certaine que vous rirez. En revanche ne vous accrochez pas trop à l’intrigue, si elle est meilleure que la pièce de théâtre dont nous avons quelques extraits ce n’est quand même pas l’histoire du siècle. C’est pour moi moins bon que « Le Discours » mais pour mes éclats de rire, je lui attribue quand même ses quatre coquillages.

 

Citations

La phrase à ne pas oublier (et à essayer de recaser dans une conversation)

On peut difficilement se permettre d’être parasite et végétarien.

Les artistes

Il y a les artistes et ceux qui auraient aimé être artistes, c’est généralement dans cette catégorie qu’on trouve les mécènes – et puis il y a ceux qui n’en ont rien à foutre, pour qui les artistes sont soit des fainéants, soit des homosexuels, soit les deux.

Un bel enterrement

Ah, l’enterrement d’Antoine Mendez ! Sa femme essayant de sauter dans le caveau pour le rejoindre dans l’éternité, ses cris hystériques, ses trois fils la retenant dans des spasmes maîtrisés de grands garçons face à la mort, le discours de son meilleur ami admirablement ciselé, pas du tout mortuaire, certaines anecdotes parvenant même à susciter des petits rires humides et pensifs dans l’assistance. Je souhaite sincèrement que cet ami ait droit à pareil éloge quand son tour viendra. Antoine Mendez, voilà quelqu’un qui a réussi son enterrement. Il y a des gens comme ça qui savent partir.

Figurec

Depuis, l’idée a fait son chemin. Figurec aujourd’hui c’est des dizaines de milliers d’employés à travers le monde. Des figurant dans tous les domaines, partout, probablement la société secrète la plus puissante du monde ou employé et commanditaire sont tous maçons ou fils de maçon. Enfin pas tout à fait maçons, plutôt Roquebruniste, c’est une autre école, la belle dissidente.

Sa mère

Ma mère ressent toujours le besoin de préciser l’origine des aliments qu’elle propose à ses invités, de manière un peu paranoïaque, comme si elle était persuadée que les gens qui viennent manger chez elle redoutent l’intoxication alimentaire. Si la cuisine était assez grande pour y faire entrer deux bovins, elle présenterait aux invités les parents du steak.

Ses succès féminins

La dernière femme avec qui j’ai eu une conversation en tête à tête – si j’exclus ma mère et ma boulangère – est la professeur d’anglais qui m’a fait passer l’oral du bac. Autant dire que, contrairement à  » my tailor », mon expérience  » is not rich ».

Les manifs de prof le chapitre entier est très drôle voici juste un passage

Devant nous, un homme et une femme discute assez violemment, lui est du SEAFFJ (syndicat des enseignants adhérents à la Fédération française de judo) et elle du SEDV (syndicat des enseignants diabétiques et végétaliens). Visiblement ils ne sont pas tout à fait d’accord sur un point précis des revendications. Finalement, un type avec un bouc et des lunettes, du SEPVSELC (syndicat des enseignants pour la vaccination systématique des enfants du Loir-et-Cher) s’interpose et finit par les calmer.

Seuil Jeunesse

 

J’ai tellement aimé Black Bazar que je me doutais bien que ce conte pourrait m’intéresser et ravir les enfants. Je ne connaissais pas l’illustratrice Yuna Troël, elle accompagne cette histoire avec un grand talent. Le dessin du coq et celui du grand père sont d’une ressemblance étonnante et cela donne une petite touche d’humour. Je me vois bien raconter cette histoire à des enfants de trois à six ans. L’album est grand, on peut passer du temps sur chaque image. Je suis certaine que nombre d’enfants aimeraient comme le petit fils du chef Moukila, se retrouver dans la savane au milieu des animaux qui font rêver tous les petits des villes européennes.

Ce conte est à la fois drôle , tout en humour, et comme tout conte porteur d’une leçon de vie. L’enfant doit apprendre à respecter les animaux qui sont la réincarnation d’un ancêtre plus ou moins lointain. Car c’est bien connu, chaque homme a un double-animal . (Ce n’est pas Luocine qui contredira cet adage, puisque vous êtes accueilli sur son blog, par un fou de bassan ).

Quand on a envie de faire un bon repas, comment respecter ce coq qui est vieux et réveille les villageois la nuit . C’est un malin ce coq, il échappe plusieurs fois à son triste sort. Vous devinez la fin ?

Je pense que malgré la mort du grand-père les enfants aimeront ce conte et s’amuseront des ruses du vieux coq.

 

Voici l’opinion de deux enfants

Clémentine 4 ans et demi

 

J’ai bien aimé cette histoire. Le grand-père est mort parce qu’on a coupé la tête de son double- animal . Les dessins sont jolis parce qu’il y a beaucoup de couleurs. Le coq est très vieux et très joli, le grand père est très vieux. L’histoire est un peu triste car le, grand père est mort.

 

Moi, mon animal totem , c’est le hérisson

 

Arthur 6 ans et demi

J’aime bien cette histoire mais elle est très triste car le grand-père meurt. Il y a un petit garçon qui n’écoutait pas trop et des gens n’ont pas compris que c’était les dernières paroles du grand-père. Mais le grand-père n’est pas mort assassiné, il est mort parce qu’il était très vieux. S’il y a les plumes du coq autour de lui c’est parce qu’on a tué son double-animal . Je trouve que les dessins sont très bien. Et on voit bien que le coq est très vieux.

 

 

Moi, mon animal totem, c’est le serpent . (Influence de Harry Potter ?)

Traduit du Roumain par Philippe Loubière . Édition des Syrtes

C’est Inngamic qui m’a donné envie de lire ce roman, mais je crains que le but de Goran, Eva , Patrice pour le mois Europe de l’Est soit un peu raté, car je ne vais pas vous faire découvrir un nouvel auteur, mais simplement confirmer les avis très positifs de l’an dernier, peut-être que, malgré cela, vous ne l’aviez pas encore découvert ? Si vous le lisez je parie que l’an prochain, il sera de nouveau dans le mois de l’Europe de l’Est !

Ce roman est tout à fait à part, tout est dans le style de cette auteure. Chaque phrase est percutante et permet, peu à peu, de reconstruire la vie tragique d’Alesky et de sa mère. L’auteure manie avec une telle dextérité, l’ellipse, que je ne veux pas vous redonner le fil du récit car vous perdriez un des charmes du roman. Comme de petits éclairs dans une vie si sombre, les clé de compréhension viennent éclairer ce récit. On peut, sans rien déflorer, dire que Tatiana Tibuléac, nous met dans la tête d’un adolescent qui a le cerveau dérangé et qui hait sa mère. C’est peu de le dire, il rêve de la tuer dès qu’il pense à elle, il faut dire qu’il n’a reçu que des rejets de sa part depuis la mort de sa petite sœur. Mais ensemble, à la demande express de sa mère, , ils partent en vacances, en France. C’est là le coeur du roman, non seulement cet été là , il découvrira les yeux verts de sa mère, mais, plus encore, il va essayer de la comprendre. Le sujet du roman, c’est donc la progression vers un amour bancal car ni l’un ni l’autre ne vont bien, lui a le cerceau un peu dérangé et sa mère est atteinte d’un cancer « enragé ».

Tout est dans la façon de raconter cette énorme souffrance d’un enfant fragile qui non seulement doit se remettre de la mort de sa petite sœur adorée mais qui est ignoré par son père alcoolique et rejeté par sa mère murée dans sa propre souffrance. Il devient violent et s’enferme derrière un mur de haine qu’il croit indestructible. Les phrases sont percutantes et font mal, à l’image du début que l’on ne peut pas oublier :

Ce matin-là, alors que je la haïssais plus que jamais maman venait d’avoir trente neuf ans. Elle était petite et grosse, bête et laide. C’était la maman la plus inutile de toutes celles qui ont jamais existé.
J’ai souvent eu envie de recopier des phrases de ce roman (il y a donc beaucoup d’extraits) , j’espère que vous les lirez car mieux que ce que je peux en dire, il vous expliqueront pourquoi j’ai aimé ce petit livre malgré la dureté du propos.

 

Citations

L’arrivée dans le village

Il y avait trois jours que je me trouvais dans ce village, sans avoir encore vu personne. Je dormais toute la journée, ou bien je fumais, ou bien je mangeais du pop-corn, ou bien je haïssais maman. Entre-temps, Jim et Kalo étaient partis pour Amsterdam, passer ces fameuses vacances que j’attendais depuis trois ans et pour lesquels j’avais mis de côté les sous que je recevais à l’occasion de chaque fête, plus ceux que j’avais piqués à Grand-Mère.

Sa petite sœur

Il aurait mieux valu que ce fût papa qui mourût, plutôt que Mika. Si la mort tenait compte de notre avis, il mourrait beaucoup de gens bien choisis.
 Notre psychiatre disait que, jusqu’à cinq ans, les enfants ne se souvenaient de rien. Moi, je crois qu’elle déconne et que Mika est morte avec beaucoup de souvenirs, les souvenirs les plus beaux et les plus vrais qui aient jamais existé dans notre maudite famille.
 Je suis sûr que si Dieu avait eu une fille, elle se serait appelée Mika. J’ai tellement le mal d’elle que je m’en arracherais les yeux.

Le monde de l’art

Du monde bigarré et avide qui m’entoure -intermédiaires qui gagnent plus que les artistes, directeurs de galeries prestigieuses ou douteuses, critiques d’art plus fous que moi, oligarques russes et mécènes japonais, milliardaires juifs qui ne reconnaîtraient pour rien au monde qui ne sont ni l’un ni l’autre -, il n’y a que Sacha qui est intérêt à me voir en vie. Si je n’avais pas été là, il aurait continué à travailler comme assistant d’un médecin, avec un salaire d’étudiant. Pour le reste, tout ce ramassis de hyènes serait bien content si je mourais – d’un cancer, de préférence, comme maman, ou de démence-, pour doubler ainsi tant la cote de mes œuvre que leurs profits, déjà gras et immérités.

La transformation de sa mère

Bien qu’elle soit devenue plus belle et plus intelligente, maman s’évanouissait de plus en plus souvent et devenait de plus en plus maigre. Quand elle marchait, ses mains se balançait le long du corps comme celle d’une poupée de chiffon et les commissures de ses lèvres tombaient, la faisant ressembler à un enfant boudeur.
Mais c’était la meilleure maman que j’avais eu jusqu’à présent. Même si je connaissais l’effet de cette maladie sur un humain, j’allais demander pour Noël un cancer pour maman, et non de faire l’amour avec Jude. Quant à papa, je crois qu’aucune maladie ne l’aurait fait changer.

La psychiatrie

Je me suis posé ces questions, dans ma solitude et ma folie, en ramassant mes os éparpillés dans tous les recoins de la chambre avec des mots flottants, allongé sur le divan des dizaines de psychiatres qui ont défilé dans mon cerveau comme dans le couloir d’un hôtel de passe, au cours de dizaines d’interviews et d’émissions sur moi et ma vision si original de la vie.

Les villages français

Aujourd’hui, que j’en suis à aimer les villages français plus que tout autre endroit au monde, tous ces festivals et toutes ces foires sont une partie de moi-même. Je n’en manque aucun, que je rentre à la maison avec une poignée de tomates ou avec un sac plein de laine de mouton. Mais je comprenais mal alors comment des gens sains d’esprit pouvaient avec pouvaient avec tout leur sérieux, organiser « la fête du panais », « la folie des produits à base de pois cassés » ou « le concours régional du meilleur poivron ».

Le voyage de noce de sa mère

Une longue histoire, partiellement inventée, je suppose, sur sa lune de miel avec papa a suivi. Bref, maman voulait voir Venise et papa l’a emmenée à Klaïpeda, un port de Lituanie, où il avait un cousin docker, et pendant quatre semaines ils ont déchargé les sacs d’un bateau.

 

 

Édition Rivages Étrangers. Traduit de l’anglais par Elisabeth Gilles

Lu dans le cadre du challenge lancé par Aifelle  : le mois Allison Lurie

On remarquera qu’en 1990 on ne disait pas « traduit de l’américain ou de l’anglais USA) mais de l’anglais serait-ce que l’américain et l’anglais sont devenues aujourd’hui deux langues différentes ?
Ce livre qui, comme vous pouvez le remarquer a vécu, est chez moi depuis aout 1990, il m’en avait couté 49 Francs. Autre époque. Je crois que j’ai à peu près tout lu Alison Lurie et beaucoup aimé. Je n’avais pas trop envie de relire ses romans, je craignais de me confronter à mes souvenirs. Je le dis tout de suite, j’ai moins aimé qu’à l’époque, pour une raison simple, j’ai beaucoup lu de romans américains et donc Alison Lurie a perdu un de ses attraits me faire découvrir les USA. Je n’ai quand même pas résisté à l’appel d’Aifelle et j’ai donc relu celui-ci. Je ne regrette pas mon choix, j’y ai bien retrouvé tout ce que j’aimais chez cette auteure. La ville de nulle part, c’est Los Angeles, à travers les yeux de Katherine Cattleman, pure produit de la région de Boston et qui déteste : le soleil, l’absence d’hiver, aller sur la plage, les tenues vulgaires. Que fait-elle dans cette ville ? Elle a suivi son mari Paul qui tout en aimant sa femme la trompe avec des jeunes créatures californienne, lui, à Los Angeles, trouve tout ce qu’il aime dans la vie : l’argent et les filles qui font l’amour sans l’enchainer (croit-il !) dans des relations compliquées. Nous avons donc ici, une analyse du couple à la « Allison Lurie », c’est à dire qu’au-delà des apparences et des clichés, l’auteure s’intéresse à chacun de ses personnages. Et elle va les faire évoluer devant nos yeux. Katherine la jeune femme coincée dans ses principes et dans les valeurs données par son éducation est en réalité malheureuse dans son couple sans oser se l’avouer. Elle va finir par lâcher prise et peu à peu, ses terribles crises de sinusite vont l’abandonner et finalement c’est elle qui s’adaptera à Los Angeles alors que son mari parfaitement adapté au monde « baba-cool » des surfeurs et autres activités plus ou moins licites repartira vers le monde plus classique des universités de l’est du pays. Dans ce chassé croisé des couples compliqués nous suivons aussi celui du psychanalyste le Dr Einsman et de la starlette Glory. (On peut penser au couple si étonnant de Marylin Monroe et Arthur Miller). Tous les personnages ont plus de profondeur que leur apparence sociale. La lente ouverture au plaisir sexuel de Katherine la changera définitivement et lui prouvera qu’elle n’est sans doute pas faite pour vivre avec Paul. Un roman bien construit où l’on retrouve bien le talent d’Alison Lurie d’aller au delà des clichés et des apparences. Mais je le redis la relecture m’a montré que cette romancière a perdu de son charme à mes yeux, top classique sans doute. en tout cas certainement un peu « datée ».

Voici la participation d’Aifelle, de Dasola de Katel de Hélène de Sandrion,de Sybilline 

Citations

Le mauvais goût architectural à Los Angeles

Puis il regarda les maisons. Une douzaine de styles architecturaux étaient représentés en stuc peint : il y avait deux petites haciendas espagnoles au toit de tuiles rouges ; des cottage anglais, poutres apparentes et fenêtres à petit carreaux ; un chalet suisse peint en rose ; et même un minuscule château français dont les tours pointues semblaient faites de glace à la pistache. 
Cette richesse d’invention l’amusait et l’enchantait à la fois par l’énergie qu’elle exprimé. Dans l’Est, seuls les gens très riches osaient construire avec une telle variété, des Palais sur l’Hudson, des temples grecs dans le Sud. Les autres devaient vivre dans des alignements de boîtes presque identiques, en brique ou en bois, comme autant de caisses à savon ou à sardines. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de bâtir leur maison, leur épicerie, leur restaurant en forme de pagode, de bain turc, de bateau ou de chapeau s’ils en avaient envie ? Libre à eux de construire, de démolir et de reconstruire, livres a eu d’expérimenter. (…)
Paul trouvait même du charme au milk-bar proche de l’aéroport international, devant lequel ils étaient passés dans l’après-midi, avec une vache de plâtre haute de trois mètres paissant sur le toit au milieu de marguerites en plastique.

Le couple qui va mal

Elle ment. Tu verras. Je suppose qu’elle l’a toujours su, mais elle ne nous l’a pas dit parce qu’elle voulait que nous lui louions sa maison. Je parie que personne d’autre ne l’aurait prise. Je parie que tout le monde le savait, qu’on allait construire une autoroute, ici, au beau milieu du quartier, tout le monde sauf nous. Tu aurais dû demander à quelqu’un avant de signer l’engagement de location. »
Et depuis cette date, pensa Paul, Katherine regardait chaque jour dans la boîte aux lettres comme si elle désirait y trouver un avis d’expulsion, en dépit de tous les ennuis auxquels cet événement l’exposerait ; ce serait une preuve que la propriétaire était une menteuse et son mari est un imbécile. Elle n’en n’avait plus parlé mais il la connaissait bien. Trop bien : c’était peut-être ça l’ennui.

Ne pas vouloir s’adapter à Los Angeles

Midi, le 1er janvier. Katherine s’apprêtait à partir pour la plage avec Paul. Elle n’en avait pas tellement envie, et même pas envie du tout. D’abord, on était en plein milieu de l’hiver dans l’Est, les gens enfilaient leurs bottes et pelletaient la neige, mais une vague de chaleur s’était abattue sur Los Angeles. Bien qu’il fît très chaud dehors et que le soleil brillât, l’eau serait sûrement glacée. Paul passait son temps à lui reprocher de ne pas aller voir par elle-même. Il avait eu l’air très surpris de l’entendre dire qu’elle l’accompagnerait aujourd’hui, autant se débarrasser de la corvée. Quand elle serait allé à la plage, Paul cesserai de lui en parler. Et ce type désagréable pour qui elle travaillait à l’U.C.L.A cesserait de la taquiner et de la persécuter sous prétexte qu’il était invraisemblable d’être à Los Angeles depuis trois mois et de ne pas avoir encore plongé le bout de l’orteil dans l’océan Pacifique.

Ne pas aimer le beau temps permanent

– Vous n’aimez pas Los Angeles n’est-ce pas ? Dit le Dr Einsam. 
– Non, avoua- t-elle, prise au piège.
 -Vraiment ? Et pourquoi ? demanda le Dr Araki. Katherine le regarda sur la défensive – elle détestait être le point de mire d’un groupe de gens. Mais il lui sourit avec un intérêt si poli, si amical, si peu semblable au formalisme du Dr Smith ou à l’excès de familiarité ironique du Dr Einsam qu’elle essaya de répondre. 
« Je crois que c’est justement à cause de ça. Parce qu’il n’y a pas de saison. Parce que tout est mélangé, on ne sait jamais où on en est quand il n’y a pas d’hiver, pas de mauvais temps.
– La plupart des gens considéreraient cela comme un avantage » dit le Dr Smith.
– Eh bien, moi pas, répliqua Katherine. Ici, les moi non plus aucune signification. » Elle s’adressa spécialement Dr Smith, il venait du Middle West et devait pouvoir la comprendre. « Les jours de la semaine non plus ne signifie nt rien : les boutiques restent ouvertes le dimanche et les gens d’ici viennent travailler. Je sais bien que c’est surtout à cause des expériences sur les rats et les autres animaux, mais quand même. Tout ça prête à confusion. Il n’y a même plus de distinction entre le jour et la nuit. On va dîner au restaurant et on voit à la table à côté des gens en train de prendre le petit-déjeuner. Tout est mélangé, et rien n’est à sa place. »

Excuses de l’homme marié à sa maîtresse

« Ce qui existe entre Katherine et moi n’a rien à voir avec nous. C’est quelque chose de tout à fait différent : ce n’est pas vraiment physique. D’abord, nous ne faisons pas l’amour très souvent. Et puis, cet aspect là n’a pas une grande importance. Enfin, je veux dire, que je n’y prends pas tellement de plaisir, physiquement. 
S’il était possible d’envenimer encore la situation, il y avait réussi. 
« Doux Jésus ! » hurla Cécile en essuyant ses larmes d’un geste violent et en repoussant les mèches qui lui tombaient sur la figure. Elle serrait ses petits poings : Paul cru qu’elle allait encore le frapper et fit un pas en arrière mais elle se contenta de le fusiller du regard en aspirant l’air avec bruit comme un chat qui siffle de colère. « Tu trouves que c’est une excuse, le fait que tu n’aies pas de plaisir à coucher avec elle ? Seigneur, quel con, quel hypocrite tu peux être, en réalité ! »

 

 

 

Autant notre mémoire a été marquée par l’indépendance de l’Algérie autant celle du Maroc est beaucoup moins traitée par les écrivains. Tout semble se passer plus facilement au Maroc, et pourtant ! Voici un roman qui montre que ce pays a connu son lot de violences. Mais ce n’est pas l’unique intérêt de ce livre bien au contraire. L’auteure puise dans ses origines marocaine par son père et française par sa mère l’objet de son roman. Elle décrit de l’intérieur les difficultés d’un couple métissé en 1945 à Meknes et c’est passionnant. On comprend bien ce qui a motivé sa mère à suivre son amour ce beau marocain venu délivrer la France pendant la seconde guerre mondiale. On comprend aussi combien pour Amine son père, il est difficile de s’imposer comme Marocain et d’être rejeté par les colons et aussi par les autochtones qui lui reprochent son mariage. À force d’un travail complètement fou, ils arriveront à créer une ferme dans les alentours de Meknes, et Mathilde sans être heureuse trouvera une place dans le pays en soignant la population dans un dispensaire où elle accueillera toute la population pauvre du Bled. Comme toujours quand il s’agit de romans sur les pays du Maghreb, la condition de la femme est insupportable et pourtant ce sont bien les femmes qui permettent aux familles de tenir. L’auteure décrit très bien le sentiment de rejet de la population colonisatrice et les difficultés de l’enfant qui se sent méprisée par les petites filles qui se croient supérieures seulement parce qu’elles sont « françaises ». Un jour les sœurs de son école organisent une visite et, grâce à ce roman, j’ai découvert le sort de esclaves chrétiens du XVIII siècle. Pour une fois les rapports étaient inversés, ce ne sont plus les occidentaux qui font souffrir les Arabes, mais les traitements sont tout aussi cruels. Les pauvres esclaves qui ont construit ces labyrinthes étaient descendus par des trous et ne remontaient jamais à la lumière du jour. Ils mourraient d’épuisement car ils étaient très mal nourris. Ce lieu se visite encore aujourd’hui à Meknes :

 

 

Citations

Paroles de colons

Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais il sera beau ce pays quand nous ne serons plus là pour faire fleurir les arbres, pour retourner la terre, pour y appliquer notre acharnement. Qu’est-ce qu’il y avait ici avant que nous arrivions ? Je te le demande ! Rien.
Moi je le connais ces arabe. Les ouvriers sont des ignare, comment veux-tu ne pas avoir envie de les rosser ? Je parle leur langue, je connais leur travers. Je sais très bien ce qu’on dit sur l’indépendance mais ce n’est pas une poignée d’agités qui va me reprendre des années de sueur et de travail.

Le cherghi

Au début du mois d’août, le cherghi se leva et le ciel devint blanc. On interdit aux enfants de sortir car ce vent du Sahara était la hantise des mères. Combien de fois Mouilala avait-elle raconté à Mathilde histoire d’enfant emportés par la fièvre que le chergui charrie avec lui ? Sa belle-mère disait qu’il ne fallait pas respirer cet air vicié, que l’avaler c’était prendre le risque de brûler de l’intérieur, de se dessécher comme une plante qui fane d’un coup. À cause de se vent maudit, la nuit arrivait mais sans apporter de répit. La lumière faiblissait, le noir recouvrait la campagne et faisait disparaître les arbres mais la chaleur, elle, continuait a peser de toute sa force, comme si la nature avait fait des réserves de soleil

Regret de ne pas avoir fait d’études

Adolescente, Mathilde n’avait jamais pensé qu’il était possible d’être libre toute seule, il lui paraissait impensable, parce qu’elle était une femme, parce qu’elle était sans éducation, que son destin ne soit pas intimement lié à celui d’un autre. Elle s’était rendu compte de son erreur beaucoup trop tard et maintenant qu’elle avait du discernement et un peu de courage il était devenu impossible de partir. Les enfants lui tenaient lieu de racines et elle était attachée à cette terre, bien malgré elle. Sans argent, il n’y avait nulle part où aller et elle crevait de cette dépendance, de cette soumission.

Description des médecins

Il était beau dans sa blouse blanche, ses cheveux noirs peignés en arrière. Il était très différent de l’homme jovial qu’elle avait rencontré la première fois il lui sembla que ses yeux cernés étaient un peu tristes. Il portait sur son visage cette fatigue qui est propre aux bons médecins. Sur leurs traits on voit, comme en transparence, les douleurs de leurs patients, on devine que ce sont les confidences de leurs malades qui courbent leurs épaules et que c’est le poids de ce secret de leur impuissance qui ralentit leur démarche et leur élocution.

L’honneur d’un Marocain qui a épousé une Française

Il la fixa et Mathilde eut alors l’impression que les yeux d’Amine s’agrandissaient que ses traits se déformaient, que sa bouche devenait énorme et elle sursauta quand il se mit à hurler : « Mais tu es complètement folle ! Jamais ma sœur n’épousera un Français ! »
Il attrapa Mathilde par la manche et la tira de son fauteuil. Il la traîna vers le couloir plongé dans l’obscurité, « Tu m’as humilié ! » Il lui cracha au visage et, du revers de la main la gifla.

Femmes battues

Aïcha connaissaient ces femme aux visages bleus. Elle en avait vu souvent, des mères aux yeux mi-clos, à la joue violette, des mères aux lèvres fendues. À l’époque, elle croyait même que c’était pour cela qu’on avait inventé le maquillage. Pour masquer les coups des hommes.