Édition Grasset
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Elle ne lui avait pas dit que le salaire ne vaut rien qu’il représente pour un mois et cent-quatre-vingt-douze heures de travail le prix auquel on vend un seul carton de fleurs
Un livre choc écrit de façon volontairement détachée, ce qui pour moi enlève beaucoup de poids à son propos. Nous suivons trois personnages autour de la culture de l’importation puis de la vente des fleurs coupées.
Au début était Nana une jeune éthiopienne qui va laisser sa santé dans une serre où on cultive des roses, puis il y a Jan un hollandais de mère française qui achète sur un ordinateur des milliers de fleurs le moins cher possible dans le plus énorme marché aux fleurs du monde et enfin Ali, un réfugié du Bangladesh qui en vend à la sauvette aux terrasses des cafés parisiens.
La description du travail dans les serres est plus proche du bagne que du travail. Et surtout la santé des employés est gravement menacée mais Nana continuera ce travail comme une fatalité qui s’abat sur elle, Ali a voulu gagner un peu d’argent pour aider sa femme qui s’abime elle aussi la santé dans une usine de T-Shirt au Bangladesh, mais la vente des roses lui rapporte à peine de quoi survivre. Ali connaît le sort des exilés sans défense et sans papier lui permettant de travailler correctement en France .
Et puis il y a Jan cet homme que rien n’intéresse et qui ne s’intéresse à rien. Il n’aura qu’une réaction un peu vivante : celle d’acheter trop cher un lot de rose « Sorbet avalanche » le jour où il apprend que son ex-petite amie , dont il n’a jamais été tellement amoureux est enceinte et pas de lui (heureusement pour elle ! -remarque toute personnelle).
Nana et Ali sont représentatifs de deux destinées misérables et sans solution pour s’en sortir tout cela permettre à quelqu’un comme Jan de vivre sans bonheur apparent mais sans autre soucis que de mal vivre : quelle tristesse !
Et au dessus de tout cela des compagnies hollandaises qui se font beaucoup, mais alors vraiment beaucoup d’argent sur la misère du monde.
Citations
Début du roman.
Nana s’en souvient. Quand elle était enfant, elle ne pouvait pas passer une journée sans aller le voir. Depuis combien de temps, aujourd’hui, ne l’a-t-elle pas aperçu ? Six mois, peut-être huit. Le pire, se dit-elle, c’est qu’avant ce matin, le lac vert ne lui a pas manqué.
Jan et les produits du supermarché.
Jan aime bien les poissons panés aussi, mais pas n’importe lesquels, il faut que la chapelure ne s’effrite pas, qu’elle reste bien attachée à la chair du colin, qu’on puisse couper le bâtonnet sans que l’ensemble se ratatine. Jan a souvent été déçu par les grandes marques de poissons panés. Il opte aujourd’hui pour la boîte de dix-huit, distributeur Coop. Dix-huit, c’est assez mal foutu parce qu’il les mange par quatre, alors il en reste toujours deux au fond de la boîte et on ne sait pas quoi en faire.
Ali. et ses colocataires.
Oui, Ali, ça a le faisait bien poiler qu’il ait embarqué un objet aussi idiot dans sa fuite. Juste comme ça, pour faire un peu chier. Pour qu’on se souvienne de lui aussi, sûrement, toutes les fois où on ferait chauffer le thé. S’il n’avait pas déjà attendu aussi longtemps pour son titre de séjour, Ali serait parti à Rome lui aussi, en piquant le Butagaz. Mais il a déjà galéré deux ans. Il a dû monter sur les listes de l’administration depuis le temps. Ce serait stupide de filer maintenant est de tout reprendre à zéro.
La vraie misère de l’exploitation au Bangladesh.
Avec l’usine, Dina s’était éteinte. Pas totalement, elle retrouvait un semblant d’âme quand elle rentrait le soir, mais un peu, du moins suffisamment pour que ses pensées soient plus lentes et plus poreuses.Et puis il y avait la trouille, de se faire virer, de se faire engueuler, qu’on déduise sur son salaire. La peur aussi rend les idées poreuses. C’est une tétanie sournoise. Elle se manifeste, elle est forte, on la comprend et on l’observe. Il y a tous ces moments où on croit qu’elle est terrée quand en réalité elle vous caresse la nuque.Ali, alors, a tant vu Dina avoir la trouille et souffrir en cadence qu’il a décidé de partir pour espérer pouvoir un jour l’arracher à l’usine
Le marché des fleurs d’Amsterdam.
Voilà un immense hangar, le deuxième plus grand bâtiment au monde après le Pentagone. Il y a même à système de voies ferrées qui transporte les fleurs. On dirait un mini-métro qui charrie les bacs, toutes ces tiges et ces pétales prêts à être expédiés. La première fois qu’il est arrivé ici ,Jan a été impressionné. Un million de mètres carrés, 12000 travailleurs, une fleur sur trois vendue en Europe qui transite par là, une course perpétuelle, tout livrer, si vite, si loin.
Conditions de travail en Éthiopie dans les serres.
Elle ne lui avait pas dit que sous les serres, il fait une chaleur insoutenable, que les cueilleuses s’écroulent à cause des températures et de l’air moite. Elle ne lui avait pas dit que les produits qui font pousser les plantes détraquent les corps, pourrissent en quelques mois la vue et les organes, que les filles font toutes des fausses couches ou enfante des bébés tarés. Elle ne lui avait pas dit que le salaire ne vaut rien qu’il représente pour un mois et cent-quatre-vingt-douze heures de travail le prix auquel on vend un seul carton de fleurs, que seuls les étrangers en jouissent, qu’ils condamnent la terre qu’ils l’assèchent et que les autres cultures dépérissent. Elle ne lui avait pas dit que les gardes vous traitent comme des bêtes, avec toute la violence des hommes armés. Que les femmes s’écroulent, que les corps essaient de tenir pour survivre.