20151221_135737Traduit de l’anglais (États-Unis) par Fanchita Gonzales Battle. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

3
Roman policier classique donc, évidemment, avec une pointe d’originalité, celle-ci provient du fait que deux protagonistes sont télépathes. Ils entendent parfaitement les idées des gens qui sont en face d’eux. C’est parfois utiles, quand on joue au poker par exemple, gênant quand on fait l’amour et qu’on se rend compte que sa partenaire fait sa liste de courses en même temps, mais très utiles pour interroger des terroristes. Je pensais beaucoup m’amuser en lisant ce roman, mais il n’y a pas tant d’humour que cela. L’intrigue est assez complexe et demande à être menée jusqu’au bout. Donc, cela occupe une grande partie du roman. Il faut de plus comprendre le pourquoi du phénomène . Si bien que finalement, on est dans un policier bien ficelé et très classique. Ce n’est pas trop mon style mais j’ai hâte d’être à la réunion du club car nous avons des inconditionnelles du genre.

Pour ma part, je trouve que le suspens prend trop de place par rapport à la réflexion que j’aurais souhaité plus développée sur ce qu’un gouvernement est capable de faire pour la « bonne cause », par exemple la lutte contre le terrorisme. J’ai regretté également que l’auteur ne soit pas plus humoristique sur les possibilités qu’offrirait la télépathie. Je me souviens d’un roman de Fredric Brown « martien Go-Home » tellement plus amusant et destructeur. Des martiens qui n’ont comme arme que le fait de dévoiler la vérité et les pensées les plus secrètes de chaque homme, finissent par détruire complètement la société américaine. J’avais beaucoup ri, mais je ne l’ai pas relu depuis longtemps.

Citation

À quoi pense une femme qui fait l’amour ?

Les animaux c’est sympa ; continua Denny. Je ne me sens pas mal avec eux. Ils ne pensent pas beaucoup. Angela, c’est une fille bien, mai merde, elle n’arrête pas de penser. On était en train de baiser l’autre soir et elle pensait à la vaissele qu’elle avait laissée dans l’évier.

SONY DSCTraduit de l’anglais (États-Unis) par Martine Béquié et Anne-Marie Augustyniak.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard , thème « relation mère fille »

4Cela fait longtemps que je n’ai pas ressenti un tel plaisir de lecture, je voulais absolument ne plus quitter, Taylor le personnage principal qui n’a pas sa langue dans sa poche, Lou-Ann qui n’est que gentillesse, Mattie qui aide les malheureux candestins, Estevan qui parle si bien l’anglais…. Je trouve que dans le thème « mère fille » ce roman est parfaitement choisi par notre bibliothécaire préférée. Pour plusieurs raisons, car c’est d’abord le récit de la naissance du sentiment maternel. Marietta-Missy-Taylor est une jeune fille qui a décidé de sortir de son Kentucky natal pour vivre une vie indépendante, or dès les premiers jours , une vieille indienne lui met dans les bras une toute petite fille qui visiblement a vécu un très lourd traumatisme. Taylor va apprendre à aimer Turtle-Avril et devenir sa mère. Il faut dire que sa propre mère, femme de ménage a eu cette qualité incroyable, d’aimer sa fille et de trouver tout ce qu’elle fait absolument formidable.

C’est la deuxième raison pour laquelle je trouve ce livre bien choisi, l’amour admiratif d’une mère est un cadeau précieux qui donne des forces pour toute la vie. Je dois dire que je ne résiste pas aux romans qui mettent en scène des « cabossés de la vie » qui au lieu de continuer à se détruire, joignent leurs forces pour franchir les obstacles et aller vers le bonheur. J’ai à propos de ce roman , relu ce qui s’est passé au Guatemala, encore une tragédie maintenant oubliée, elle est ici évoquée à travers le coupe d’Estevan et Esperanza à qui on a arraché leur petite fille.

Le roman situe tous les personnages au moment de leur survie, pour leur adaptation à la vie quotidienne c’est une autre histoire, on espère qu’ayant vécu le pire, ils vont y arriver. Ce roman est servi par des effets de langue, qui doivent être encore plus délicieux en américain, l’arrivée dans le langage de la petite Turtle sont drôles et inattendus, et l’adoption par Taylor dans sa langue rugueuse de jeune fille peu éduquée de l’anglais raffiné d’Estevan, professeur d’anglais au Guatemala sont savoureux mais sonnent un peu plats en français. Grâce à Keisha (je me doutais bien qu’elle avait lu cette auteure !). J’ai vu qu’il y avait une suite que je vais m’empresser de lire, j’aime bien son expression que je me permets de citer : c’est un livre « doudou ».

Citations

Le caractère de Taylor Greer

J’avais décidé depuis longtemps que, si j’avais pas les moyens de m’habiller chic, je m’habillerais mémorable.

La description de Lou-Ann

Elle était du genre à aller chercher les ennuis juste pour montrer qu’on n’avait pas besoin d’être une « pompon girl  » pour se faire sauter . Le problème c’est que ça ne vous rapporte rien. C’est comme un gosse qui fait des tours de vélo en se lâchant des pieds et des mains et s’ époumone pour attirer l’attention de sa mère. Eh bien, la mère en question ne lèvera pas les yeux tant qu’il ne se sera pas fracassé la tête contre un arbre.

Avoir un enfant

Elle ne cachait pas que son désir le plus cher était d’être grand-mère. Dès que la grosse Irène prenait le bébé, ce qui n’était pas fréquent, Mrs Hoge déclarait : « Irène, ça te va à ravir ». Comme si vous deviez faire un enfant parce que ça vous va bien.

L’Oklahoma

Ces étendues désespérément plates de l’Oklahoma avaient fini par me donner mal aux yeux croyez moi . J’avais l’impression qu’il fallait toujours regarder trop loin pour distinguer l’horizon.

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Traduit de l’américain par Hélène Fournier.

4
Ma bibliothécaire préférée m’avait encouragée à le lire, en me disant que ce n’était pas un polar classique. Elle avait bien raison, c’est plus un roman de caractère sur une petite ville américaine qui ne va pas si mal. Les habitants non plus. Ils ne sont ni meilleurs ni pires que beaucoup d’autres. Leurs bonheurs et leurs peines sont ceux de tout le monde. Une grande partie de la société américaine est représentée : la professeur du collège qui a bien du mal à intéresser sa classe et qui n’aime plus son mari, les adolescents si cruels entre eux, les ouvriers vieillissants qui ont peur de perdre leur boulot, le policier noir bel homme qui a ressenti autrefois le rejet d’une population blanche traditionnelle et enfin Ronny celle par qui le scandale arrive, trop libre, trop en dehors des clous trop malheureuse, et donc méchante parfois.

Je ne « divulgacherais » rien de l’enquête policière pour ne pas perdre de lecteurs ni de lectrices, car l’enquête est loin d’être un élément mineur du roman. Je dois dire que je n’avais pas imaginé cette fin qui pourtant est hyper logique et dont l’auteure sait distiller des petits indices tout le long du livre. Non, je n’en dirais pas plus, car je sais que les amateurs du genre se diront comme moi lorsqu’ils fermeront ce roman : « Mais bon sang, c’est bien sûr ! ». Donc avis aux amateurs, c’est un bon polar et une plongée dans le quotidien des américains qui vaut la lecture.

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Traduit de l’anglais (américain) par Isabelle MAILLET.

4
J’avais noté ce titre car « Wisconsin » est un mot qui résonne en moi : j’ai pendant toute ma carrière enseigné le français aux étudiants de Beloit College, petite université de cet état lors de leur semestre en immersion en France. De plus, Clara Brize et bien d’autres m’avaient fait noter ce titre, que j’ai ensuite oublié.

C’est un roman à plusieurs voix, chaque protagoniste du roman a, un moment, la parole. L’axe principal, c’est la violence perverse d’un père de famille John Lucas. Mais pour nous amener à supporter l’horreur dévoilée à petite dose, Mary Relindes Ellis remonte dans le passé des personnages et peu à peu le lecteur a l’impression de comprendre et d’évoluer dans une société dont il connaît les règles et les soubassements.

Tout commence par un père allemand, violent et alcoolique qui n’a su transmettre que des messages de construction d’une personnalité masculine méprisant la femme et cherchant à tout prix à s’affirmer par la force. Son fils commence sa vie d’homme par un énorme mensonge qui brise à jamais son estime de lui-même, tous ceux qu’il pourra faire souffrir paieront très cher d’avoir croisé sa route. Les deux fils de John préfèrent fuir chez leur voisin, chez qui l’amour et le respect de la vie sont de vraies valeurs. La femme et la mère de ces enfants, Claire Lucas a eu pour son malheur une éducation catholique rigoureuse qui en gros lui disait « supporte ma fille, ton bonheur est dans l’au delà », elle ne saura pas protéger ses enfants qu’elle aimait d’un amour sincère. Jimmy l’ainé, partira faire la guerre au Vietnam et Bill restera dans cette famille, lieu de souffrance absolue. Heureusement pour lui, il y a la nature et sa passion pour les animaux blessés qu’il veut sauver et y parvient souvent. Sans « divulgacher » la fin, il est bon de savoir que la famille des voisins, celle d’Ellis et de Rosemary apporteront l’espoir dans l’humanité.

La force du livre vient de la façon d’écrire de cette auteure, chaque morceau de son récit est comme une petite nouvelle dans un univers qui va mal, elle ne donne pas toutes les clés immédiatement mais nous laisse ressentir l’atmosphère qui emprisonne ou qui, au contraire, fait du bien à ses personnages. Ceux qui savent apprécier la nature si importante dans cette région du Nord du Wisconsin, sont un jour ou l’autre sauvés du désespoir causé par la cruauté du mâle humain dominateur sans limite quand s’y mêle la perversion, y échapper demande une force que peu d’entre eux sauront trouver.

Citations

Une citation qui hantera Ellis toute sa vie

Le printemps est la saison des femmes et de la naissance. L’automne est la saison des hommes et de la chasse.

Le poids du silence dans les familles

Mieux vaut vivre avec ses blessures que mourir étouffé dans sa coquille.

L’image du bonheur dans la famille d’origine allemande qui a forgé le caractère du père violent et sadique

Quand tu seras propriétaire de ta terre, ce sera toi le patron. Le secret , c’est de la (ta femme ) faire travailler pour toi. Comme ça, t’auras plus de liberté. Après, tu pourras partir pêcher et chasser tout ton saoul ! Tu seras heureux. Tu connaîtras la Gemütlichkeit ! avait-il lancé en lui donnant une bonne bourrade dans le dos.

Milieu allemand avant la guerre 39 45

John savait que son père ne l’aurait jamais laissé entrer chez eux s’il n’avait pas été médecin, car il était juif.

La perversité

Il a guetté ma réaction en se fendant de ce sourire qui ponctuait toujours ses tentatives pour me faire du mal. Sur un enfant, un tel sourire – manifestant la joie d’avoir accompli un exploit au prix de gros efforts, comme par exemple placer des blocs ronds dans des trous ronds – aurait été touchant ; sur un adulte, il paraissait sinistre et menaçant.

La douleur

Moi, j’ai beaucoup pleuré, comme bien des femmes ici. Mais même au plus fort de la douleur, nous gardons toujours espoir. Nous les femmes, nous manifestons notre chagrin à la manière des loups et des coyotes, hurlant à l’adresse de nos partenaires et de toute la meute. Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu’ils semblent presque à l’agonie.

La nature

Les feuillages déclinant toutes les nuances du feu, que les premières tempêtes d’octobre emporterait comme de la fumée. L’étonnante beauté des branches nues dressées vers le ciel, comme si il les avait déshabillé pour les mettre au lit.

SONY DSCTraduit de L’anglais (États-Unis) par Sylvette GLEIZE.

Voici la pensée de Marc Aurèle avec laquelle s’ouvre le livre et qui lui donne son titre  :

Nous sommes tous créatures d’un jour.
Et celui qui se souvient, et l’objet du souvenir.
Tout est éphémère.
Et le fait de se souvenir, et ce dont on se souvient.
Aie toujours à l’esprit que bientôt tu ne seras plus rien, ni nulle part.

4
J’ai découvert cet auteur il y a deux ans maintenant et il y a entre ses livres et moi une résonance particulière. Cela ne s’explique pas complètement, la seule phrase qui me vient à l’esprit est celle-ci : j’aime passer du temps avec cet auteur. Pour ses romans déjà chroniqués (« le problème de Spinoza » , « Et Nietzsche a pleuré » et le premier « Mensonges sur un divan« ), je peux sans aucun problème mettre cinq coquillages pour convaincre tous ceux qui lisent ce blog de les lire, autant pour ce livre, ces quatre coquillages, reflètent davantage mon plaisir de sentir une telle adéquation entre cet auteur et ma sensibilité actuelle.

Oui, c’est compliqué parfois de vieillir, et la mort qui rôde autour de nous tous est de plus en plus présente supprimant de notre quotidien des amis qui partageaient notre vie. La lecture de Montaigne à travers le livre de Sarah Bakewell, m’avait rappelé que la peur de la mort empêchait souvent les êtres humains de vivre. Irvin Yalom, nous raconte dans son dernier ouvrage, dix personnalités qui sont venus le consulter en tant que thérapeute et se dévoilent alors, bien des facettes du comportement humain. Irvin Yalom est un thérapeute particulier qui intervient dans le dialogue entre lui et son patient quand il pense que cela peut aider la personne à prendre conscience des problèmes qui l’empêchent de mieux vivre. Il me fait penser à Paul Weston dans In Treatment  : jamais de recettes miracles et jamais de « déclic » qui vont totalement changer le comportement d’autrui.

Les phrases qui aident sont imprévisibles, comme celle prononcée par une infirmière à une patiente qui vivait la destruction de son foie « faire bonne figure pour ses enfants et petits enfants », elle réussira alors à surmonter son angoisse de mort. Irvin Yalom aura un jour cette infirmière comme patiente, et découvrira, à sa grande surprise et à la nôtre, les véritables raisons qui ont poussé cette femme à prononcer ces mots qui ont tant aidé sa patiente. Rien de spectaculaire dans ses dix patients , juste de l’humain et Irvin Yalom qui nous aide à faire un peu de tri dans nos soucis du quotidien, cet homme au sourire malicieux a quatre vingt un an, il semble si heureux qu’avec lui, on veut bien continuer notre chemin pour VIVRE le moins mal possible.

Citations

Vieillir

J’ai quatre vingt un ans, c’est vieux. Terriblement vieux. Cela m’horrifie quand j’y pense. Je ne me sens pas vieux et je me demande sans cesse comment c’est arrivé. J’ai toujours été le plus jeune partout – en classe, dans l’équipe de baseball du camp de vacances, au tennis – et voilà tout à coup que je suis le plus âgé, où que j’aille – au restaurant, dans les conférences professionnelles – je n’arrive pas à m’habituer.

Une maladie mortelle

Et à la lumière (ou à l’ombre) de cette idée, apprendre à vivre . À vivre maintenant. Voilà ce que m’a enseigné le cancer – qui vous montre la maladie incurable, avant de vous recracher, de vous renvoyer au monde, à votre vie, avec tous ses plaisirs et toutes ses douceurs que vous ressentez alors encore plus fort. Et vous savez que quelque chose a été donné et quelque chose a été repris.

Émettre des diagnostiques pour remplir des cases

Dans ma pratique de la psychothérapie depuis quarante ans auprès de patients moins gravement atteints, j’estime le diagnostique le plus souvent inapproprié, et j’en suis venu à la conclusion que les contorsions auxquelles nous, psychothérapeutes, devons nous livrer pour répondre aux exigences des compagnies d’assurances qui veulent des diagnostics précis, se font au détriment à la fois du thérapeute et du patient. Le processus de diagnostic n’est pas applicable à la personne dans sa complexité. Les catégories diagnostiques ont éte forgées de toutes pièces et sont arbitraires. Elles sont le produit d’un vote collectif et subissent invariablement, et dans des proportions considérables, des révisions tous les dix ans.

Une maison de retraite

Fairlawn Oaks est un endroit formidable . Une sacrée organisation. Si je devais le gérer, je ne changerai pas grand chose, je crois. Le problème vient de moi, je le reconnais. Fairlawn Oaks a tout pour plaire. Les repas sont de qualité, on peut y faire des tonnes d’activités fabuleuses. Le parcours de golf est un peu sage, mais pour mon âge il est parfait. Le problème chez moi , c’est ce sentiment d’ambivalence qui me paralyse à longueur de journée. Chaque fois que je commence une activité, mes pensées s’orientent vers une autre . Je ne fais aucun plan maintenant – du moins pas comme les autres le font – ça ne me correspond pas . Pourquoi faudrait il que j’aille à l’aquagym tous les après midi à quatre heures ? Ou au briefing sur l’actualité à dix heures tous les matins ? Pourquoi faudrait-il que je mette chaque fois la clef dans la poche qui est accrochée à ma porte ? Pourquoi faudrait il que je prenne mes repas à la même heure tous les jours ? Ce n’est pas moi le vrai moi, le vrai Rick Evans , aime ce qui est spontané.

La mort et la vie

Lorsque la passion décline avec le temps, alors on découvre le merveilleux ciel étoilé que le soleil a obscurci, ou caché. La disparition des passions parfois tyranniques de la jeunesse m’a personnellement permis d’apprécier davantage encore le ciel étoilé et le prodige que constitue le fait d’être en vie. J’ai plus de quatre vingts ans , et je vais vous dire une chose incroyable : je ne me suis jamais senti aussi bien ni plus en paix avec moi même. Oui , je sais que ma vie approche de sa fin, mais la fin est là depuis le début. Et la différence aujourd’hui est que je goûte les plaisirs que me procure ce savoir.

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Traduit de l’américain par Josée Kamoun.

La vie dans les familles juives

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Traduit (et très bien traduit) de l’américain par Pierre FURLAN.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Je n’aime pas les nouvelles, voilà qui est dit ! Alors pourquoi ces cinq coquillages ? Parce que cet auteur que je ne connaissais pas, est tout simplement extraordinaire, les moins de 40 ans diraient « génial ». Je déteste passer d’une histoire à une autre, surtout quand j’étais bien dans un univers, j’ai besoin de reprendre ma respiration. Je ne lis pas deux romans à la suite, j’ai besoin au moins d’une nuit pour changer d’univers, pour les nouvelles c’est pareil. Abandonner deux amies, l’une mariée à un Frank qui ne fait pas le poids face aux charmes qu’offre la liberté d’un récent veuvage de l’autre , pour aller vers un barmaid qui est le champion des cocktails, c’est pénible. Malgré toutes les qualités de l’écrivain cela reste un problème pour moi, mais j’ai adoré ses nouvelles . Un peu comme Carver ou comme Hooper, Russel Banks peint un pays dans toute sa variété quotidienne, les gens qui s’ennuient en couple ou seuls, ceux qui auraient aimé tromper leur femmes, et ceux qui le font. Les récits n’ont pas forcément de chute, parfois rien de grave ne s’y passe, parfois si.

Les portraits sont criants de vérité, cet écrivain sait capter l’attention du lecteur en quelques phrases, c’est très important pour des nouvelles surtout au début, car sinon on reste dans l’atmosphère du récit précédent un peu trop longtemps. On vit au rythme des retraités qui préfèrent le soleil de Miami aux froidures du nord. On appelle ces gens « les oiseaux des neiges », et une des nouvelles porte ce titre, c’est une de mes préférées. La scène de l’urne funéraire est très réussie. Je note d’ailleurs que les urnes funéraires sont de bons sujets littéraires. J’ai été très émue par cet ancien marine, qui est resté digne toute sa vie, mais qui ruiné, a trouvé une mauvaise solution pour que ses enfants n’en sache rien, et par cette femme noire qui essaie de réaliser le rêve de sa vie : acheter une voiture d’occasion et se retrouve coincée derrière les grilles du garage gardé un chien féroce. Toutes ces nouvelles pourraient être le script d’un film, tant les personnages sont vivants.

On n’est pas dans l’Amérique des perdants,même si une nouvelle parle de la drogue, la violence affleure sans être omniprésente, mais ce n’est pas non plus l’image des gens qui réussissent , ou alors c’est juste le moment d’avant ou d’après. Les gens ne sont souvent pas exactement ce qu’ils semblaient être. Une des nouvelles, la plus courte, montre combien on se raconte parfois des histoires sur une personne rencontrée par hasard. A partir d’une simple liste de courses, l’homme croit comprendre la détresse d’une femme qui finalement le taxera de vingt dollars pour se payer sa dose de drogue. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle où il se passe si peu de choses.

Si je ne suis pas réconciliée avec le genre littéraire (les nouvelles) je sais, en revanche, que je viens de découvrir un écrivain de grand talent.

Citations

Les maisons de retraite

On en parle

Chez Clara.

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 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patricia REZNIKOV.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
Lire ce livre, c’est prendre le risque de vous décourager de mettre les pieds au Mexique. Je ne sais pas si ce pays réussi à préserver son tourisme, mais ce n’est pas ce roman qui pourra contribuer à son renom. La vie des habitants de ce village est complètement contrôlée par les barons de la drogue, et la pire catastrophe qui puisse vous arriver c’est de naître fille. Et surtout d’être belle, votre destinée est alors toute tracée, vous servirez de prostituée dans des bordels pour les narco-trafiquants.

Le roman est raconté du point de vue de Ladydi, prénom donné par solidarité entre femmes trompées par leurs maris respectifs, le Prince Charles ayant peu de points communs -si ce n’est sa double vie – avec celui de la maman de Ladydi !. Le regard de l’enfant permet de supporter ce récit absolument atroce, elle garde une certaine fraîcheur au milieu de toutes ces souffrances. Tout ici n’est que raquette, violence, viol, meurtre. La moindre douceur disparaît trop vite, à l’image des hommes qui sont assassinés ou tueurs ou dans le meilleur des cas ont fui aux États-Unis. Son rapport à sa mère est conflictuel , c’est compliqué d’aimer une mère ivre la plupart du temps ! Mais on sent beaucoup d’affection entre elles. Ladidy connaîtra tant de malheurs dans sa courte vie, jusqu’à la prison, mais curieusement , c’est dans cet endroit qu’elle fera des rencontres les plus intéressantes et qui l’aideront certainement à grandir. La fin apporte une petite lueur d’espoir , je vous la laisse découvrir.

Si on aime ce roman, ce n’est pas pour ses qualités littéraires, mais parce que grâce à une fiction, Jennifer Clement a su donner corps à une réalité que l’on connaît, mais que l’on préfère oublier. Quand un état est lié au trafic de la drogue, ou le supporte, ou n’arrive pas à l’éradiquer, les populations les plus faibles, sont alors soumises au pouvoir de gangsters de la pire espèce et les plus faibles ce sont comme toujours : LES FEMMES et LES ENFANTS !. Le Mexique et ses trafiquants sont là, présents dans cette histoire, et les conséquences de leur pouvoir sur ce petit village s’apparentent à une catastrophe humanitaire. A chaque fois que je lis un livre sur la drogue, je me demande comment faire pour que les drogués de nos pays se rendent compte que leur dépendance fait vivre la lie de la terre .

Citations

La fuite des hommes et des pères

Il a mis son bras autour de mon épaule et sa peau était encore plus brûlante que la mienne……

Et puis il a dit.
-Toi et ta maman vous êtes trop bien pour moi. Je ne vous mérite pas.

– Ce fils de pute ! a dit ma mère pendant des années.

Elle n’a jamais plus prononcé son nom. Il est devenu le Fils de Pute pour toujours.

Puis mon père a cessé de nous envoyer une traite tous les mois des États-Unis. nous étions trop bien aussi pour son argent, j’imagine.

Les prières à Dieu

Depuis que j’étais enfant, ma mère me disait de faire des prières pour demander des choses.

Ne demande jamais l’amour et la santé, ou de l’argent. Si Dieu entend ce que tu désires vraiment, tu ne l’auras pas. Garanti.

Quand mon père nous a quitté, ma mère a dit :

Mets-toi à genoux et demande des petites cuillères.

Le mensonge

Ma mère plaçait le mensonge dans la même catégorie que le vol. Pourquoi dire la vérité si on pouvait mentir ? C’était là sa philosophie. Si ma mère prenait le car, elle disait qu’elle pavait pris un taxi.

Prison plus douce que la liberté

– Il y en a qui préfèrent le dedans au dehors. Cette prison est le meilleur endroit que je connaisse. Dans mon village, le gouvernement a massacré tout le monde.
– Au Guatemala ?

– En deux ans, j’ai perdu presque toute ma famille. Je me promenais persuadée que j’allais prendre une balle à tout moment. Une balle, comme ça, sans prévenir.

Le Mexique le royaume de la drogue

J’ai repensé à notre petit de terre furieuse qui autrefois hébergeait une vraie communauté, mais qui avait été détruite par le crime organisé des trafiquants de drogues et l’immigration aux États-Unis. Notre petit bout de terre furieuse s’était métamorphosé en une constellation brisée et chaque petite maison avait été réduite en cendres.

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 Traduit de l’américain par Marie-Odile Fortier-Masek.

3
J’ai lu plusieurs romans de cette auteure sans jamais m’enthousiasmer. Dans ce roman, Tracy Chevalier nous faire revivre l’époque des suffragettes en Grande Bretagne. Avec ,comme fil conducteur, l’amitié de deux fillettes, Maude et Lavinia qui viennent de la classe aisée de Londres. On y côtoie également la misère, grâce à Simon le fils du fossoyeur et Jenny l’employée de maison qui finira dans la plus grande des pauvretés après avoir eu un enfant illégitime. Pour régner sur les bonnes conventions une Grand-mère acariâtre et malfaisante.

Tracy Chevalier donne la parole à tous les protagonistes de cette histoire cela permet d’affiner les portraits mais donne une allure un peu décousue au roman. Chaque chapitre le lecteur doit changer de personnage principal. La réalité devient complexe et comme dans la vie le mal et le bien ne sont pas si simples à distinguer. La militante féministe n’est pas une mère très agréable, et la voisine qui est une bonne mère est cruche à souhaits. La grand mère est horrible, coincée dans ses valeurs de bourgeoise anglaise elle se fiche du bonheur des siens pourvu que les conventions soient respectées. Et les hommes ont l’air bien dépassés par une lutte qui les concerne de très loin.

Je me demande pourquoi cette romancière m’ennuie toujours un peu ? Ses romans m’apparaissent comme une machine bien huilée qui tourne très bien toute seule, en tout cas sans moi, c’est certain.

Citations

La condition de la femme en Grande Bretagne en 1900

Assise à la fenêtre, je l’ai regardé s’éloigner , et j’ai éprouvé cette même jalousie dont je souffrais jadis en voyant mon frère partir au collège. Il n’avait pas sitôt disparu à l’angle de la rue que je me suis retournée et à la vue de cette pièce tranquille et silencieuse, à la lisière de cette ville qui est le centre du monde, je me suis mise à pleurer. J’avais vingt ans et ma vie s’était figée, dans une interminable ornière sur laquelle je n’avais aucun contrôle.

Les jugements de sa belle mère, jugeant le « bovarysme » de sa bru

Dieu sait que j’ai toujours dit à mon fils que vous ne seriez pas heureuse . Combien de fois lui ai-je répété :  » Épouse-la si tu y tiens, mais elle ne sera jamais satisfaite !  » J’avais raison. Vous voulez toujours davantage , mais vos idées ne vous disent pas quoi. »

J’ai souvent éprouvé cela quand j’étais enfant

Il n’y a rien de plus exaspérant que quelqu’un qui ne s’aperçoit pas que vous le punissez. À vrai dire, j’avais plutôt la sensation d’être celle que l’on punissait.