Édition Buchet Chastel
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman très léger et hélas trop convenu en tout cas pour moi.Un artiste peintre se retrouve à Rome, il est lassé par la vie parisienne et même s’il connaît un succès certain, il aspire à autre chose. Il s’installe à la terrasse d’un petit restaurant, sur la place du Campo De ‘Fiori sous le regard de la statue de Bruno Giordano. Il s’installe avec un jeu d’échec et plusieurs joueurs viennent jouer avec lui. Un soir une jolie femme Marya lui propose de jouer et il perd. Une histoire d’amour va se tisser entre eux où les échecs joueront un grand rôle .

Tout l’intérêt du roman vient de l’entrelacs des histoires, celle de Bruno Giordano qui fut brûlé sur cette même place pour avoir voulu imposer ses idées et avoir pensé que le soleil n’était sans doute pas unique dans l’univers, celle de Gaspard qui fait tout pour séduire Marya parfois maladroitement, avec en toile de fond la réalité du monde de l’art parisien, l’histoire de Marya petite fille d’un grand champion d’échec mort à Auschwitz, la puissance des jeux d’échec, la mémoire de la shoa , et puis l’histoire d’un coup de foudre que Gaspard voudrait pouvoir prolonger plus longtemps que ces trois jours merveilleux à Rome.

Une histoire d’amour qui m’a semblé très conventionnelle avec son passage obligé : la scène de sexe torride, dans une ville bien décrite. Rome se prête bien aux histoires d’amour. J’ai un peu de mal avec certains dialogues du style « il fait » « comme ça, je dis » j’ai du mal à comprendre pourquoi l’auteur utilise cette façon de s’exprimer . Voilà pourquoi, je trouve ce roman trop léger je dirai même un peu superflu, je suis loin de ce que j’avais tant aimé dans « L’incendie »

Citations

le style qui m’étonne

Je lui propose une revanche. Oui, avec plaisir fait l’homme. Même si j’ai l’impression que j’aurai du mal à vous donner du fil à retordre.

On cause un peu en réinstallant les pièces. Il me demande d’où je viens. De France, je dis. Paris. Ah, il fait en tout cas vous parlez un bon italien.

Statue de Bruno Giordano, moi aussi « ce genre de gars me fascine ».

 Moi, j’y peux rien, ce genre de gars, ça me fascine, continue le cuistot. Des gars qui pensent comme ça leur chantent et qui défendent leurs idées jusqu’au bout. Quitte à y laisser leur peau. Putain, c’est quelque chose quand même. Vous trouvez pas ? 
Sur que c’est quelque chose. 
Et c’était pas un illuminé, faut pas s’y tromper. Le gars, il savait tout sur tout. Les maths, la physique, la philo, ça le connaissait. Et j’en passe. C’était une pointure. En plus, il paraît qu’il avait une mémoire incroyable.
 La date un 1889, c’est celle de l’installation de la statue ? 
Ouais c’est bien ça des intellos de l’époque qu’ont décidé ça. Des libres penseurs. Des francs-maçons aussi. Ç’a pas été une mince affaire, je crois bien. Le Vatican a fait la gueule.

 

 

 

 

 

 


Édition Feryane (gros caractères) traduit du russe (Ukraine) par Paul Lequesne .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Ce roman a eu un tel succès que je n’ai pu le trouver qu’en gros caractère dans une petite bibliothèque assez loin de chez moi. Ce n’est ni agréable ni gênant de lire ainsi. (Je me demande si cela aide vraiment les gens qui ne voient pas très bien). J’avais déjà lu « le pingouin » du même auteur, je me souviens que l’aspect déjanté du roman ne m’avait qu’à moitié plu.

Mes cinq coquillages disent que pour ce roman je n’ai aucune réserve. Et ceci pour plusieurs raisons :

  • Que savions nous vraiment de l’Ukraine avant que les Russes ne décident d’envahir ce pays ?
  • En 2014, certaines provinces sont tombées sous la coupe de « pro » russes et la Crimée a été rattachée à la Russie, mais qu’en était-il des populations ? Se sentaient-elles russes ou ukrainiennes ?
  • Comment vivent les citoyens ordinaires dans des villages coupés du monde sans électricité la plupart du temps ?
  • Que peuvent apporter les abeilles aux hommes ?

À travers un personnage étonnant Sergueï Sergueïtch, apiculteur, qui est resté vivre dans son village sur la zone de front, Starogradivka, j’ai mieux compris que par les multiples reportages ce qui ce passait dans cette région de l’Ukraine. Son village ne compte plus que deux habitants : lui et son pire ennemi Pachka . Sergueï n’est pas un héros ni un personnage très sympathique, il va le devenir au cours de ce roman. Sa femme l’a quitté et on devine parce qu’elle n’en pouvait plus de vivre avec un homme si casanier qui ne supportait pas que l’on puisse appeler une petite fille Angélica (trop original pour le village !). La solitude lui pèse, mais pas tant que ça, il va devoir se rapprocher de son ennemi d’école primaire et une forme d’entente va se créer entre eux. Tous les deux vivent au grès des bombardements qui passent au dessus de leur tête, ils sont habitués ! ! De temps en temps, Sergueï va dans un village un peu plus loin et prend du ravitaillement. Il va essayer aussi d’enterrer un soldat tué sur cette ligne de front, il ne pourra que le recouvrir de glace. C’est un véritable acte de bravoure car il sait que les deux camps observent cette zone où personne ne doit passer.

L’été arrive et avec l’été, il lui faut trouver un endroit propice pour ses abeilles. Il trouve d’abord un lieu parfait dans la campagne ukrainienne , mais sans s’en rendre compte, il va attiser la jalousie des hommes du villages car il plait beaucoup à l’épicière du village. La guerre le rattrape, un des villageois, revenu complètement traumatisé de la guerre, a des accès de violence incontrôlés et vandalise la voiture de Sergueï à coups de hachette, il décide donc de partir en Crimée.

Là encore le quotidien de la guerre va le rattraper. Il doit passer différentes « frontières » et ça prend beaucoup de temps et d’interrogatoires très pénibles. En Crimée il ne connaît qu’un homme apiculteur, c’est un Tatar et ses ennuis vont s’aggraver.
En voulant aider cette famille, il va réveiller les vieux démons racistes des autorités russes et la famille tatar paiera très cher sa présence ainsi que ses abeilles. Il ne pourra que s’enfuir en aidant la fille de la famille à franchir la frontière pour se rendre en Ukraine faire des études.

Voilà pour la trame du récit, en ne vous inquiétez pas pour le « divulgachâge » ce ne sont pas les événements qui font la puissance de ce récit. C’est la compréhension que, peu à peu, se fait Sergueï de ce qui l’entoure et l’impossibilité d’agir sur la vie lorsque ceux qui ont le pouvoir sont complètement corrompus et qu’aucune logique ne semble être à l’oeuvre dans leur conduite. On peut trouver que cet homme est trop passif et limité intellectuellement, mais je pense que rester à ce niveau du personnage permet à l’écrivain de faire comprendre aux lecteurs ce que vit exactement la population. Je pense que la Russie va obtenir exactement le contraire de ce que voulaient les dirigeants à savoir créer un sentiment national qui était loin d’exister en 2014. Les habitants n’avaient aucune envie de se sentir Russes ou Ukrainiens mais ils voulaient simplement vivre tranquillement dans leurs villages. Déjà, l’esprit de clocher ne portait pas à l’ouverture d’esprit mais les pires sentiments vont être exacerbés par la guerre et donc le nationalisme semble une solution toute simple.

Un roman qui sert de base pour comprendre le conflit actuel et est servi par un grand écrivain ukrainien russophone qui doit être bien triste de voir son pays détruit de fond en comble par des Russes persuadés qu’ils sont dans leur bon droit.

 

Citations

Sergueï et Pachka.

En un instant, il s’était rappelé les vacheries commises par l’autre, ses coups par en dessous, ces cafardages auprès des profs, ses refus de laisser copier. Dites : après 40 ans, il aurait pu avoir déjà pardonné et oublié tout ça ! Eh bien, pardonner, ça oui ! Mais comment les oublier quand leur classe comptait sept greluches et seulement deux gamins : Pachka et lui ? Et qu’en conséquence Sergueï n’avait jamais eu d’amis à l’école, mais seulement un ennemi. Même si le mot « ennemi » avait quelque chose de trop sérieux et pesant. Au village on aurait dit qu’il était « chtit » le terme convenaient mieux un « petit ennemi » en somme, dont personne n’avait peur. 

La vie et la mort dans un village.

 Quand on vit longtemps dans un endroit, on a toujours plus de familles enterrées qu’en bonne santé à côté de soi.

Le poids du silence et de la solitude.

 Cinq jours passèrent, tous identiques, tels des corbeaux. Pareille comparaison ne serait pas venue à l’esprit de Sergueïtch si au cours de ces journées tranquilles et monotones, le seul bruit à remplir de temps à autre les alentours n’eût été le croassement de ces oiseaux. 
« Peut-être annoncent-ils le printemps ? » songeait l’apiculteur tendant vainement l’oreille en quête d’autres bruits dans le monde environnant.

Humour.

 « Et vous avez fabriqué ce grand coffret spécialement pour des chaussures ? 
– Bon, ce n’est pas tout à fait un coffret, c’est un chaussurier, corrigea Sergueïtch. Un coffret, c’est plus petit.
– Un chaussurier ? répéta Petro. Ça existe un mot pareil ?
– Il y a bien des cendriers, non ? des sucriers ? répondit l’apiculteur. pourquoi il n’y aurait pas des chaussurier ?

Le sort des abeilles.

 Derrière lui la guerre à laquelle il ne prenait aucune part, mais dont il était devenu simplement l’habitant. Habitant de la guerre. Un sort nullement enviable, mais autrement plus tolérable pour un être humain que pour des abeilles. Sans les abeilles, il ne serait parti nulle part, il aurait eu pitié de Pachka, il ne l’aurait pas abandonné tout seul. Mais les abeilles, elles ne comprenaient pas ce qu’était la guerre ! Les abeilles ne pouvaient pas passer de la paix à la guerre et de la guerre à la paix, comme les humains.

 

 

Édition Gallimard . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Si j’avais eu quelques réserves pour le premier roman que j’avais lu de et auteur : « l’enterrement de Serge » ; celui-ci m’a vraiment beaucoup plu. Surtout parce qu’il dit de façon très claire que Proust n’appartient pas aux intellectuels mais à tous ceux et toutes celles qui veulent bien se donner le mal de le lire.

Clara est coiffeuse, dans le salon « Cyndi coiffure » , Madame Habib en est la propriétaire et Nolwenn la deuxième employée. Un jour un bel homme oublie son livre au salon, Clara qui est malheureuse en ménage espère que cet homme reviendra chercher son livre. Il ne revient pas et Clara commence à lire « la recherche du temps perdu ». Ce n’est pas une lecture facile mais Clara s’accroche et peu à peu elle s’empare de ce texte qui va à tout jamais changer sa vie.

Ce qui est bien fait dans ce roman, c’est le cheminement de Clara vers l’oeuvre de Proust qui peu à peu transforme sa perception de la vie. Les citations de Proust parsèment ce roman et permettent de retrouver des passages connus de Proust, Clara commence à bien connaître les personnages de la recherche. J’admire le travail de Stéphane Carlier d’avoir ainsi rendu accessible l’oeuvre de Proust. Et je trouve que d’avoir situé son roman dans un petit salon de banlieue de Châlon sur Saône est une très bonne idée. D’abord pour montrer qu’il n’y a pas de frontières sociales pour aimer cette oeuvre, et en plus un salon de coiffure c’est vraiment le lieu des potins de la ville un peu comme la salon de la Verdurin en son temps. Carlier se permet alors des petites remarques humoristiques qui montrent son talent d’analyste de notre société.

Je garde en souvenir un petit livre qui m’avait (dans un tout autre genre) beaucoup touché de Joseph Czapski « Proust contre la déchéance »

Le roman de Stéphane Carlier est un très bel hommage au plus grand des romanciers français du 20° siècle.

Citations

Bien vu.

Il y a Nolwenn, l’autre employée du salon. Sa figure n’a pas vraiment de contours et change rarement d’expression. Qu’elle raconte que sa belle sœur a fait une fausse couche ou qu’elle tende un petit un petit cadeau à Clara pour son anniversaire, ses traits restent neutres, ils ne s’animent que lorsqu’elle regarde des vidéos sur son téléphone. Un grand sourire fend le bas de son visage quand elle voit un chimpanzé promener un porcelet en laisse ou un jeune golden retriever s’essayer à gravir la première marche des escaliers.

L’apport de Proust.

Avec Proust, elle a l’impression de tout voir. Forcément, puisqu’il lui montre le monde visible dans ces détails infinis et un autre, derrière, caché mais vaste et puissant, qui impose sa loi, sa volonté aux premiers la réalité psychique, psychologique des êtres. Et ce n’est pas tout. En l’initiant au principe de la mémoire involontaire, comme s’il posait ses mains sur ses épaules il la faisait légèrement pivoter, il enrichit son point de vue en y ajoutant une dimension qu’elle avait ignoré jusque là, celle du temps. Le passé, en surgissant dans le présent ne s’y prolonge-t- il pas ? Le souvenir n’a-t-il pas plus d’existence que l’épisode qu’il relate ? Pourquoi semble-t-il qu’à mesure qu’on vieillit on se souvienne de mieux en mieux ?

Ce nom mythique.

  Avant, ce nom mythique était pour elle comme celui de certaines villes – Capri, Saint-Pétersbourg, où il était entendu qu’elle ne mettrait jamais les pieds. 


Édition Arléa 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman à la gloire de Domenico Scarlatti compositeur qui a vécu de 1685 à 1757. Il a écrit de multiples sonates pour clavecin que l’on joue maintenant très souvent au piano.

Ce roman est l’histoire d’une machination autour d’une partition retrouvée dans l’étui d’un violoncelle et qui sera volée dans l’atelier du luthier. Plusieurs personnages sont présents dans le roman et seul le dernier chapitre dévoilera qui tire toutes les ficelles. (C’est évidemment par ce chapitre que j’ai commencé mais ne vous inquiétez pas je n’en dirai rien dans ce billet !)

Nous faisons la connaissance de l’ébéniste un homme brisé par le départ de la femme qu’il a aimée. Sa seule consolation c’est son travail de restauration des meubles anciens. C’est lui trouvera une partition qui semble très ancienne dans l’étui de bois du violoncelle. Ensuite nous voyons le luthier qui travaille dans un atelier mitoyen du sien et qui est un fou d’instruments anciens mais qui hélas pour lui joue au poker et y perd beaucoup, beaucoup d’argent.

Ensuite viennent ceux qui vont jouer une rôle important dans la machination : la claveciniste virtuose qui reconnaîtra une oeuvre de Scarlatti. Le spécialiste français professeur à la Sorbonne qui veut à tout prix pouvoir avant tout le monde analyser cette partition pour se faire mousser et dépasser son jeune collègue italien qui lui doutera que cette Sonate puisse être du grand maître.

Enfin un riche mécène (comme on en trouve plus dans les romans que dans la vie) qui veut lui aussi retrouver cette partition.
La seule trace tangible, que ce petit monde a de cette participation, c’est un enregistrement sur un téléphone portable que le menuisier a fait lorsqu’il est venu apporter la partition à la claveciniste virtuose.

J’ai lu avec intérêt ce roman mais si je ne suis pas plus enthousiaste, c’est que le principal intérêt c’est cette machination que j’ai trouvée très tirée par les cheveux. En revanche, je trouve que cette écrivaine raconte très bien le plaisir de la musique et l’exigence du travail des solistes. J’ai bien aimé aussi l’évocation du travail du luthier et de l’ébéniste. Mais j’ai eu quelques difficultés à croire aux personnalités qui construisent cette histoire. Un roman donc agréable à lire malgré mes réserves et qui enchantera toutes celles et tous ceux qui aiment les suspens bien menés. (vous remarquerez que je divulgâche le moins possible !)

Je me souviens que j’avais eu aussi quelques réserves pour « Eux sur la photo » de la même auteure

 

Citations

 

 

Vocabulaire pour initiés .

 C’était une pièce particulièrement complexe dans son écriture : elle commençait par un tétracorde descendant, si typique des rythmes de séquedilles, se poursuivait par une cascade de suites ascendantes, de plus en plus rapides, illuminées par les trilles. Les arpèges qui se multipliaient à la fin m’ont fait trébucher plus un fois.

Un amoureux de Scarlatti.

Comme exécutant, j’ai toujours était moyen. Ma force a consisté à le reconnaître. Mais j’ai toujours su que derrière cette musique existait une énigme, un chiffre, un mystère, un art de la composition si neuf qu’il dynamitait l’ensemble des règles d’écriture de son époque. Et moi, j’ai voulu être le premier, celui qui serait capable d’expliquer, vraiment, la genèse de ce prodige tombé du ciel.

Un homme très très riche que l’on trouve surtout dans les romans.

En ce qui concerne celui-ci, le biographe le fameux Luzin-Farez, l’enquête préliminaire de mon informateur m’avait donné une idée du personnage. J’étais maintenant curieux de me forger la mienne. J’avais choisi un lieu de rendez-vous donc je savais qu’il flatterait sa vanité, tout en lui laissant comprendre à quel point j’étais riche pas. Parfois, j’ai l’impression cruel d’être un entomologiste qui s’apprête à retourner du bout de sa pince un nouveau spécimen.

 

Édition Gallimard

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’hésite toujours à écrire un billet quand je n’aime pas un livre et puis je pense à tous vos billets qui m’ont permis d’éviter des romans qui me seraient tombés des mains alors ….

Il faut que je dise en préambule que je suis très exigeante quand il s’agit de lire la prose d’un écrivain ou d’une écrivaine qui nous raconte la création littéraire. Je trouve rarement intéressant de participer à la cuisine qui lui permet d’aboutir à une œuvre. Mais quand en plus on est dans le cliché absolu, je sens la colère monter en moi. Je suis juste ravie de n’avoir pas dépenser 18 euros pour lire cette prose affligeante.

Elsa Feuillet, l’héroïne, est une écrivaine peu connue et qui en admire une autre (Béatrice Blandy) . Celle-ci est morte et son mari va pousser Elsa à s’emparer de l’ébauche du roman de sa femme afin qu’il puisse être édité. L’auteure s’amuse (moi beaucoup moins) à faire des allusions à Rebecca de Daphné du Maurier.

Je n’arrive pas trop à rédiger mon billet et je me demande qui cela peut intéresser que j’explique pour quoi je n’arrive pas à l’écrire, Carole Fives croit donc nous intéresser aux affres de la plage blanche et du comment se mettre à l’écriture. Il faudrait donc une histoire d’amour compliquée, du suspens, des allusions littéraires, et la description d’un énorme succès littéraire quand le lecteur, lui, lit un pâle pastiche de Daphné du Maurrier.

Tout ce que j’écris dans ce billet sent trop ma déception, on verra si au club certaines se sont intéressées à la Miss Feuillet et ses feuilles blanches ! Je sais, c’est un mauvais jeu de mot mais quand je n’ai pas grand chose à dire, je fais ce que je peux !

PS. Personne dans le club n’a sauvé ce roman.

Une seule citation

 

 

Une mère toxique une fille peu compatissante.

 Sa mère à elle l’appelait tous les jours, de son hôpital, pour lui dire combien elle souffrait, et à quel point vivre était un calvaire. La plus part du temps, Elsa ne décrochait pas. Elle n’écoutait pas les longs messages laissés sur son répondeur. Elle se contentait d’envoyer de l’argent à sa mère quand elle le pouvait. De temps en temps, elle finissait par répondre et alors, une voix du fond des âges apathique l’appelait a l’aide. Elsa marmonnait qu’il ne fallait pas s’en faire comme ça, ni être aussi si négative. Elle ajoutait qu’elle était pressée, qu’elle rappellerait plus tard.

 


Édition Corti

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un tout petit roman d’une centaine de pages à la gloire de Jean Sebastian Bach et son immense admiration pour Buxtehude. L’auteur imagine une rencontre entre ces deux serviteurs de la musique sacrée qui sentent entre eux et Dieu un lien qui se concrétisent dans leurs œuvres. L’auteur imagine que Bach part à pied l’hiver de Arnstadt où Bach est organiste jusqu’à Lübeck ville du maître Buxtehude. Cette marche d’une centaine de kilomètres est l’occasion pour l’auteur de montrer à quel point le compositeur est imprégné de musique. Il s’agit d’une vision mystique de la musique qui le rapproche de Dieu. On peut se demander pourquoi Simon Berger écrit un tel livre sur un sujet dont on ne sait rien ou presque. Que Bach ait admiré Buxtehude, c’est certain tout le monde l’admirait à l’époque ; que ces deux génies de la musique se soient rencontrés on n’en sait rien mais c’est possible ; que des grands compositeurs reconnaissent le talent de leur prédécesseurs c’est souvent vrai. Il ne faut pas oublier que c’est grâce à Mozart que Bach n’a pas totalement été oublié après sa mort. Mais ce qui nous frappe et qui transparaît un peu dans ce texte très court c’est la modestie de la vie de Bach et de Buxtehude. Tous les deux attachés à leur orgue dont ils jouaient tous les jours, ils ont composé pour un public pieux et des notables qui avaient si peur que la trop belle musique entraîne les fidèles vers des pensées impies. Ils ont été l’un et l’autre d’une modestie totale au service de leur Dieu et de la musique.

Citations

Les notables de Arnstadt.

Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

Édition Albin Michel
Traduit de l’allemand par Dominique Autrant
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Feuilles allemandes

Un livre parfait pour le mois de la découverte de la littérature allemande surtout à la veille du 11 novembre. Cette auteure Monika Helfer est autrichienne, elle a puisé son inspiration dans sa propre famille. Le titre en allemand « die bagage » (les bagages) me parle davantage. Je trouve qu’il donne mieux l’idée de ce qu’on trimballe avec soi  : les richesses et les fragilités qui seront de tous nos voyages de la vie. Les héritages c’est plus abstrait. La vie familiale de l’auteure est marquée par la guerre 14/18 , c’est là que se creusera le drame qui marquera sa grand-mère, son grand- père et tous leurs enfants et petits enfants, rejetés par une partie du village (le curé en tête) parce que sa grand mère trop belle sera accusée d’adultère pendant que son mari est à la guerre. « Les fâcheux » comme on les nomme au village vivront donc en marge de cette société peu tolérante mais dont, cependant, plusieurs personnes viendront en aide à des gens qui n’ont rien fait pour mériter cet ostracisme.

L’auteure décrit avec une grande tendresse sa grand mère qui rendait jalouse toute les femmes du village, tant les hommes la trouvait belle . Monika Helfer fait des constants allers et retours dans sa mémoire personnelle en faisant revivre les gens tels qu’elle même les a connus et ce que l’on lui a raconté pour construire un récit qui permet au lecteur de savoir qui elle est aujourd’hui. Riche et blessée à la fois d’avoir dans ses bagages toutes ses histoires où pour le dire comme le traducteur d’être l’héritière de ses « fâcheux » à qui elle dédie son livre. Sa propre mère ne sera jamais acceptée, ni même nous dit l’écrivaine, regardée par son propre père car celui-ci soupçonnera sa femme de l’avoir conçue avec un bel allemand de passage ou avec le maire du village, personnage trouble qui fait de drôles d’affaires pas très légales avec ce grand-père.
Cette plongée dans le monde rural autrichien est très agréable à lire et on comprend que l’auteure aime le tempérament de sa grand-mère une si belle amoureuse.
Je trouve toujours étrange, quand je lis des romans autrichiens, combien le nazisme est passé sous le silence. Le mot n’est même pas prononcé alors qu’elle parle de cette période puisqu’elle évoque la vie d’un oncle qui a déserté pendant la campagne de Russie et a eu une femme et un enfant russes.
Autant la guerre 14/18 est ressentie comme un drame à travers l’absence du père de famille autant le nazisme autrichien semble n’avoir eu aucune conséquence sur cette famille. Ça me dérange parce que cela est représentatif de l’état d’esprit des Autrichiens : le nazisme ce sont les Allemands pas eux .
Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre il nous fait découvrir une ruralité qui n’a rien d’idyllique malgré le cadre enchanteur des montagnes autrichiennes.
Et voici le billet d’Eva . (J’avais déjà lu ce roman quand Eva a fait paraître son billet mais je garde tous les livres venant de littérature allemande pour le mois de novembre.)

Citations

Les sentiments dans une région rurale.

 Josef aimait sa femme. Lui-même n’avait jamais employé ce mot. En patois ce mot n’existait pas. Il n’était pas possible de dire « Je t’aime » en patois. le mot ne lui était donc jamais venu à l’esprit. Maria était à lui. Et ils voulaient que Maria soit à lui et qu’elle lui appartienne, ça voulait dire d’abord le lit, et ensuite la famille.

Départ pour la guerre 14.

 Les quatre hommes avaient mis des fleurs sur leurs chapeaux et s’étaient envoyé un petit verre en vitesse. Le maire offrait le schnaps en tant que représentant de l’empereur et il tira un coup de feu en l’air. Une bande de gamins accompagna les pioupiou, comme on appelait les conscrits. Mais seulement jusqu’au village suivant, ensuite ils firent demi-tour. De là, les futurs soldats continuèrent seuls jusqu’à L., mais ils ne marchaient pas au pas, ils ne chantaient plus et ils étaient passablement dessoûlés. Ils parlaient des choses qu’il y avait à faire et qu’ils feraient bientôt, comme s’ils devaient être de retour chez eux dans quelques jours ou dans quelques semaines. Ils ôtèrent les fleurs de leurs chapeaux et les jetèrent au bord du chemin. maintenant qu’il n’y avait plus personne de chez eux pour les voir, à quoi
bon ?

Phrases terribles.

 Oncle Lorenz avait trois enfants au pays, il tenait ses deux fils pour des bons à rien, et cela avant même qu’ils aient pu devenir bon à quoi que ce soit, si bien qu’ils n’étaient rien de venu du tout, l’un des d’eux s’est pendu à un arbre. 

Édition Seuil . Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli

A obtenu un coup de coeur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

De la Finlande pendant la deuxième guerre mondiale , j’avais retenu peu de choses. Je savais que les Finlandais avaient repoussé les Russes en 1940 et que la fameuse « finlandisation » voulait dire qu’ils avaient cédé après la guerre une partie de leur territoire contre une paix avec les Soviétiques. Le roman de Petra Rautiainen nous plonge dans une autre réalité qui n’est pas sans rappeler « Purge » traduit aussi par Sébastien Cagnoli. entre les Nazis-racistes et les soviétiques-exterminateurs qui choisir pour rester en vie ?

Ici, se mêle deux moments assez proche 1944 et les camps de prisonniers tenus par les allemands et 1949 la quête d’une femme qui veut connaître le sort de son mari dont le dernier signe de vie se situe dans un de ces camps. Ce qui se passe en 1944 est décrit à travers un journal tenu par un gardien finnois qui décrit au jour le jour le sort réservé aux pauvres hommes sous la coupe de sadiques nazis allemands. Le récit de la femme se heure à une omerta : personne ne veut se souvenir de cette époque. Et cela pour une simple raison c’est qu’il n’y a pas de frontières entre les gentils et les méchants. Au delà du nazisme et des soviétiques il y a donc les Finnois qui ont lutté pour leur indépendance, mais ils ont été eux-mêmes gangrénés par l’idéologie raciale en vigueur et pour bâtir une Finlande de race pure il faut « contrôler » voire « supprimer ? » les Samis ceux que vous appeliez peut-être comme moi les Lapons. (J’ai appris en lisant ce roman que lapon est un terme raciste qui veut dire « couvert de haillons »)

Alors, dans ces camps on fait des recherches sur la forme des crânes et on prend en photos tous les prisonniers et on l’envoie dans un grand centre de recherche pour la race qui bien sûr sera supprimé après la guerre.
C’est cet aspect de la guerre qui rendra muets tous les témoins qui auraient pu expliquer à Inkeri Lindviste ce qui est arrivé à son mari Karloo.

L’atmosphère est pesante, l’angoisse de la mort toujours présente dans le journal du gardien et cela ne rend pas la lecture facile. J’aurais vraiment aimé avoir un petit résumé historique pour m’y retrouver et un détail m’a beaucoup déplu le traducteur ne traduit pas les dialogues quand ils sont dit en Sami. Je n’arrive pas à comprendre l’utilité d’un tel procédé. Autant pour des Finnois cela peut leur montrer qu’ils ne comprennent pas une langue parlée par des populations vivant dans le même pays qu’eux autant pour des français, ça n’a aucune utilité.

Les deux autres reproches que je fais à ce roman, c’est le côté très confus des différentes révélations et le peu de sympathie que l’on éprouve pour les personnages. Mais c’est un roman qui permet de découvrir une époque très importante pour la Finlande et rien que pour cela, je vous le conseille. Mais ayez à côté de vous Wikipédia pour vous éclairer sur ce moment si tragique de l’histoire de l’humanité.

 

 

Citations

Dans des camps prisonniers en Finlande en 1944.

 Lorsque le médecin est ici avec son assistante, les mesures sont de son ressort ; le reste du temps, elles nous incombent aussi. Je n’avais encore jamais fait ce travail, c’est répugnant. On a beau laver et astiquer les prisonniers russes, leur odeur est épouvantable. Nous mesurons la largeur de la tête et vérifions l’état des organes génitaux, en particulier la présence du prépuce.

Un pays aux multiples ethnies appelées en 1944 des races inférieures.

Quelqu’un m’a dit qu’elle est du fjord de Varanger, où de plus loin encore, vestige de temps reculés, apparenté aux Aïnous et aux nègres du Congo. Un autre, en revanche, est convaincu qu’elle ne vient pas du fjord de Varanger : ce serait une Same d’Inary ou d’Utsjoki, ou bien une Skoltec du pays de Petsamo, ou encore une Finnoise de la péninsule de Kola. Un troisième a déclaré que c’est une Kvène du Finnmark. Ou peut-être un peu tout ça, une bâtarde. De race inférieure, en tout cas, m’a-t-on certifié. « Elle est prisonnière, alors ? »ai-je demandé mais personne n’est sûr de rien. De mémoire d’homme, elle a toujours été là.

Les rapports des allemands avec des femmes de races inférieures.

 Pour les nazis, la trahison à la race, c’est encore plus grave que d’appartenir à une race inférieure. Les nazis qui se sont accouplés avec une dégénérée, ils sont exécutés le dimanche matin sur le coup de six heures.

Enfin(page 171)une explication sur ce qu’est une boule de « komsio » car aucune note n’explique ce genre de mots.

 Ensuite, elle a arraché la trachée et l’a mise à sécher pendant deux jours. Elles avait ramassé un bout d’os quelque part, je ne sais pas, s’il venait aussi du cygne. Sans doute. Peut-être. Le dernier soir, elle l’a glissé dans la trachée, puis elle a tordu le tout pour former une petite boule qui tinte lorsqu’on la secoue. 
 C’est un jouet traditionnel same : une boule de « komsio » qui chasse les mauvais esprits. En général, on l’offre au nouveau-né. Selon la légende, un hochet fabriqué à partir d’un os de cygne fait pousser les ailes aux pieds de l’enfant. Ainsi, il pourra s’envoler en cas de danger.

Les recherches pour créer une race pure .

Juin 1944
 On voit encore circuler des brochures sur l’avancement des recherches en vue de la création d’une race aryenne parfaite. Ces écrits ont pour objectif de stimuler l’esprit de groupe, tout particulièrement par les temps qui courent. Un exemplaire à faire tourner passe de gardien à l’autre. Le docteur Mengele a réussi à produire un enfant aux iris parfaitement bleus en lui injectant un produit chimique dans les yeux.
 Il y a une dizaine de globe oculaire juifs qui traînent en ce moment même à l’institut Kaiser-Wilhem, dans des bocaux en verre, dans une petite vitrine blanche.

L’horreur des camps tenus par les nazis .

Le commandant lui avait ordonné, avec l’aide d’un collègues, de ligoter le prisonnier aux barbelés. Nu. Insectes, morve, mouches et moustiques n’avaient pas tardé à recouvrir son corps. Olavi avec cru voir des mouches du renne, un parasites qu’il n’aurait pas cru susceptible de s’intéresser à l’humain. Les animaux dévoraient des yeux, le sang coulait chaque fois que le prisonnier essayait zde les chasser, car au moindre mouvement les barbelés s’enfonçaient davantage dans sa chair. Les détenus et les gardiens, et même le commandant suprême, durent assister à ce spectacle pendant un certain temps avant d’être autorisés à se retirer. 
Le type avait survécu jusqu’au lendemain. le matin on l’avait décroché. Il puait la merde et la pisse, les œufs pondus par les moustiques commençaient à éclore. Sa peau était couverte de bosses, de sang, rongée, sucée. Sa bouche ruisselante d’un rouges brillant était le seul élément encore identifiables sur son visage défiguré. Il fut envoyé aux chantiers à pied, à vingt kilomètres de là. Il avait beaucoup de difficultés à marcher et, avant d’avoir parcouru péniblement une vingtaine de mètres, il s’était affaissé définitivement. L’un des gardiens avait poussé le corps du bout de sa botte. Pas de mouvement. Il avait pris le pouls. Mort.

 

 

 

Édition Buchet-Chastel. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un petit roman bien sympathique, sur un sujet qui m’intéresse : le création des « livres des heures » au 15° siècle.

Ces illustrations sont tellement riches et variées ! Je me souviens d’une exposition dans une bibliothèque qui m’avait complètement séduite.

L’auteure imagine un personnage féminin (En 2022 ce serait trop banal que ce soit un homme !) qui lutte pour pouvoir devenir, elle aussi, comme son grand-père, son père, une artiste en enluminures. L’intrigue est vraiment trop attendue pour moi : sa mère ne veut que la marier et déteste qu’elle veuille devenir peintre mais grâce à son grand-père elle finira par s’imposer. La belle Marguerite va connaître un amour passion pour un « maure » qui passait par là et devra finalement se marier pour donner un père au bébé qu’elle attend.
L’intérêt du roman réside dans la reconstitution d’une ville Paris qui se remet doucement de la guerre de cent ans, et la description des techniques des coloristes qui nous ravissent encore aujourd’hui.

Un roman dont je vais très vite oublier l’intrigue mais qui m’a fait passer un bon moment dans les ateliers parisiens d’enluminures.

 

Citations

La couleur et le Moyen Âge

 Les maisons des petites gens sont couleur de bois, de pierre, de boue, de chaume, leur mobiliers de terre cuite, d’étain, leurs habits d’étoffe non teinte ou si peu. Le Moyen Âge est friand de couleurs vives autant que d’épices. La couleur est l’apanage de la nature, de nature divine, des Hommes qui en ont extrait les secrets et de ceux qui peuvent se les payer. Plus elle est vive, saturée, plus elle est enviable, enviée. Elle est la marque du puissant, de la cathédrale, du jour de fête et de procession avec ses étendards. L’absence de couleur est signe de pauvreté, d’insignifiance, d’inexistence, de mort.

 

Le sujet du roman.

 Si, comme il se doit, Marguerite équipera son livre d’heures de calendrier liturgique, d’extraits d’évangiles, d’un petit office de la Vierge organisé selon les heures canoniales, elle prendra quelques libertés. d’autres avant elle en ont prit. Il est commun que le propriétaire de livres d’heures cherche à rentabiliser sa mise, car le coût en est très élevé. On y inscrira toutes sortes de choses, des recettes locales de tisanes, d’onguent, en passant par les dates des naissances et des morts des membres de la famille. Alors pourquoi pas des pensées, des échappées intime ? Voilà pour le fond . 
Et sur la forme ?
D’austères au XII° siècle, les livres d’heures vont prendre vie, couleurs au fil du temps. Des prières, comme d’une terre, vont en pousser s’enguirlander de branches, de feuilles, de forêts entières.

 


Édition les presses de la cité

Traduit de l’anglais (Irlande) par Valérie Bourgeois

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Seriez-vous prêtes à partir trois jours dans une maternité à Dublin en 1918, avec la sage-femme Julia Power qui fait office de cheffe de service pour les futures mères atteintes de la terrible grippe qui, comme vous le savez sans doute, a fait plus de morts que la deuxième guerre mondiale.

Je vous préviens ce ne sera pas un séjour de tout repos, chaque (long) chapitre porte le nom d’une couleur : les couleurs qui suivent l’inexorable avancée d’une maladie que l’on ne savait pas soigner.
Rouge : comme les prémices de la grippe qui donne effectivement cette couleur aux joues .
Marron : lorsque la malade a encore une infime chance de s’en sortir.
Bleu : comme la couleur des ongles quand hélas la fin s’annonce.

Noir : quand la mort est définitive.

Et entre ces moments , vous comprendrez combien la guerre 14/18 a brisé des vies dont celle du frère de Julia qui est revenu tellement traumatisé qu’il est totalement mutique. De plus en Irlande, le patriotisme est mis à mal par les indépendantistes qui trouvent que cette guerre sert plus les intérêts des Anglais que ceux des Irlandais. Le personnage du docteur Lynn qui est historique permettra à Julia Power d’ouvrir les yeux sur le rôle des Anglais dans son pays. Cette femme de bonne famille protestante s’est engagée dans les rangs du « Sinn Fein » tant elle était révoltée par la misère dans laquelle on maintenait des populations pauvres catholiques irlandaises.
Vous découvrirez aussi le triste sort des enfants nés hors mariage ou des orphelins remis aux institutions catholiques.

Le roman est soutenu par des sentiments d’amitié (et même plus ) qui se tissent entre une jeune bénévole , Bridie Sweeney et Julia. C’est grâce à cette fille de 19 ans que nous découvrons toute l’horreur des conditions des enfants livrés aux bonnes sœurs . Vous vivrez aussi une épidémie qui par certains aspects rappellent celle que nous connaissons : les mêmes rumeurs, les mêmes conduites irrationnelles. Et les limites de la science. Et surtout vous vivrez la souffrance des accouchements des femmes quand si peu d’aides pouvaient leur être apporté.

C’est un roman qui se lit facilement même si on est parfois rempli d’effroi face ce que nous découvrons sur ce pays ces horribles traditions catholiques et la misère des conditions des femmes qui à 25 ans pouvait avoir huit enfants mais plus une seule dent et un corps si affaibli que la grippe n’est qu’une petite secousse qui les précipite dans la tombe. Je vous ai prévenu vous passerez trois jours dans le sang, les odeurs de pisse, la peur de la mort qui rôde et qui ne fait aucun cadeau, mais je pense que vous admirerez le courage de ces femmes. Oui, il s’agit bien de combattantes même si le titre original était plus poétique : « the pull of the stars » et est plus proche d’un beau moment du récit celui ou Janet et Bridie passe une nuit sur le toit de l’hôpital à regarder les étoiles. Et plus proche aussi du mot « fluenza » dont je ne connaissais pas la signification avant ce roman.

Je ne me suis adressée qu’aux femmes dans ce billet mais je suis certaine que les hommes pourraient aussi aimer ce roman pour peu qu’ils acceptent d’entendre parler de ce qui le dégoûtent parfois dans la maternité. et l’accouchement, en tout cas, je l’espère.

 

Citations

Portrait physique d’une femme pauvre irlandaise.

 J’aurais été tentée d’inscrire « Usée jusqu’à l’os ». Mère de cinq enfants à 24 ans, descendante sous-alimentée de générations d’Irlandais sous-alimentés, le teint livide, les yeux rouges, la poitrine presque inexistante, les pieds plats et les membres maigrelets, avec des veines semblables à un entrelacs de ficelle bleue, Eileen Devine a marché toute sa vie d’adulte au bord d’un gouffre. Au fond, cette grippe l’a juste fait basculer dans le vide.

Le saviez-vous ?

Bien sûr, on peut toujours accuser les étoiles, commente-t-elle.
– Pardon ? 
– C’est le sens du mot « influenza », l’autre nom de la grippe.  » Influenza delle stelle » : l’influence des étoiles. Pour les italien du Moyen-âge, cette maladie prouvait que le ciel gouvernait leur existence et que certaines personnes avaient littéralement une mauvaise étoile.

Rumeurs en cas de pandémie.

 – J’ai fait si attention, mademoiselle. Je me suis même gargarisée avec du vinaigre de cidre et je suis allée jusqu’à le boire.
 J’acquiesce en gardant pour moi mon opinion. certains se reposent sur la mélasse pour échapper à la pandémie, d’autre sur la rhubarbe. comme s’il y avait forcément un remède maison capable de nous sauver tous. J’ai même rencontré des imbéciles persuadés de ne rien avoir à craindre parce qu’ils portaient du rouge.

Le retour des soldats dans le contexte irlandais.

 Drôle d’époque pour les vétérans invalides de Dublin. Dans la même journée, Tim peut serrer la main d’un vieillard qui le remerciera de s’être engagé, puis se faire traiter de tire au flanc par une veuve au motif qu’il est rentré sain et sauf de la guerre, ou entendre un passant lui crier que ce sont des vermines de soldats qui ont rapporté la grippe chez nous. Mais quelque chose me dit qu’un prétendu rebelles nationalistes lui a reproché d’être un pion à la solde de l’empire et lui a jeté des ordures à la figure.

Une femme médecin qui a défendu l’indépendance irlandaises .

Il y a cinq ans encore, je portais à peu près le même regard que vous sur la question nationale, mademoiselle Power, dit-elle d’un ton très courtois qui me déconcerte. J’ai d’abord défendu la cause des femmes, puis le mouvement des travailleurs. J’espérais une transition pacifique vers une Irlande autonome qui traiterait avec davantage de bienveillance les ouvriers, les mères et les enfants. Mais au bout du compte, j’ai compris que même s’ils faisaient semblant depuis quarante ans de s’intéresser aux principes du « Home Rule », les Britanniques entendaient bien continuer à nous envoyer promener. Ce n’est qu’à ce moment la, après m’être beaucoup interrogée, je vous assure, que je suis devenue ce que vous appelez une terroriste.

Les « bonnes » sœurs et les filles mères.

 Pour avoir commis le crime de tomber enceinte, Honor White loge dans une institution caritative qui la punit en exigeant qu’elle prenne soin de son bébé et de celui d’autres femmes. Elle doit aux bonnes sœurs une année entière de sa vie afin de rembourser ce qu’elle dépense pour l’emprisonner durant tout ce temps. C’est là une logique bizarre et fallacieuse. 
-Et au bout d’un an …. est-ce que les mères peuvent repartir avec leur enfant ? 
Sœur Luc ouvre de grands yeux.
– L’emmener ? pour en faire quoi ? la plupart de ces filles ne veulent sûrement rien tant que d’être débarrassées de ce fardeau et de la honte qui l’accompagne.