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4Noukette qui participe au » prix des meilleurs romans des lecteurs de points » a placé celui-ci en très bonne place pour remporter le prix, il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité. Comme elle, je trouve beaucoup de qualités à ce roman. Comme je n’ai pas lu les autres, je ne peux pas lui attribuer une place, en revanche, je lui attribue volontiers 4 coquillages. Pourquoi pas 5 ? Car il manque un peu de tensions dans les intrigues et sans m’ennuyer, je laissais parfois mon esprit vagabonder entre les poutrelles de Manhattan. Ce roman raconte la construction et la destruction des tours jumelles et prend pour personnage principal un Indien Mohawk qui fait partie des célèbres Ironworkers, c’est à dire de ceux qui ont construit les buildings de New-York et Chicago

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Plusieurs histoires s’entremêlent et permettent de vivre avec ces hommes très courageux de 1886 à 2012 …. Il permet de tordre aussi le cou à une légende tenace : oui les indiens Mohawks sont sujets au vertige comme tout le monde. Ceux pour qui ce malaise était trop fort n’ont pas fait ce travail là , voilà tout. La raison pour laquelle beaucoup d’entre eux l’ont fait, au péril de de leur vie parfois, c’est que dans l’Amérique de cette époque là peu de métiers aussi bien payés s’offraient aux Indiens. En plus, sur un chantier, quand quelqu’un fait bien son travail et est reconnu pour ses qualités, le racisme disparaît pour un temps, surtout si le métier est particulièrement difficile. Le roman débute en septembre 2001, avec la recherche forcenée des rares survivants qui pouvaient être encore sauvés des ruines fumantes des tours jumelles. Peu à peu on comprendra pourquoi il était presque impossible de survivre à cette catastrophe qui coûtera la vie à plus de 2000 personnes. Mais avant cela, pour bien comprendre les relations entre les personnages il faudra remonter dans le temps et comprendre ce qui s’est passé à Quebec en avril 1907. Ce jour là une autre catastrophe , un pont qui s’effondre et tue 76 personnes dont 36 Mohawks, là c’est l’entêtement de l’ingénieur qui n’était pas venu sur place, malgré les craintes des ouvriers qui sera responsable de cette tragédie.
Pont_de_Quebec_1907Les Ironworkers sont fiers de leur savoir faire, ils ont participé à tous les grands chantiers de l’Amérique, là où il fallait des ouvriers n’ayant pas peur d’escalader les constructions métalliques quelle que soit leur hauteur. La destruction de ces tours a été ressentie comme une injure faite au travail de leurs ancêtres.

Ce roman est intéressant par sa partie technique et son côté extrêmement bien documenté, mais il est vrai qu’aujourd’hui tous ces documents sont accessibles sur Internet , encore faut-il avoir le talent de les rassembler et de leur donner vie autour de personnages attachants. Pendant quelques jours, j’étais sur les poutrelles des buildings Manhattan ou dans les décombres des tours. J’ai appris à quel point les sauveteurs ont pris des risques pour leur vie et ont respirer des vapeurs très toxiques comme d’ailleurs tous ceux qui étaient près des tours quand elles se sont effondrées. J’aime bien ce sentiment que me procure parfois la lecture de n’être pas complètement avec les gens qui m’entourent mais dans un monde fait de passions, de peurs, de découvertes techniques et de civilisations différentes.

PS lire le très bon billet de Delphine-Olympe ne serait-ce que pour les photos

Citations

Pour mettre fin à une idée reçue

Il n’a ni peur ni vertige, ou du moins le vertige il l’a comme les autre, mais il parvient à le surmonter, à faire semblant d’être à l’aise pour impressionner les copains. C’est ce que ses oncles disaient : respecter sa peur, dialoguer avec elle, peu à peu l’amadouer, apprendre à la connaître pour l’apprivoiser. Serrer les fesses, faire comme s’il était normal de poser un pied devant l’autre sur trente centimètres de métal au dessus du vide. Tous n’y parvenaient pas, loin de là, mais ceux qui le peuvent semblent avoir un don unique.

Un des plaisirs de ce métier

Tu vois fiston, c’est un autre avantage d’être connecteur : sur un chantier, tu es au- dessus des autres, au-dessus du monde, dans les nuages, avec les dieux et les oiseaux.

L’ honneur d’être mort le 11 septembre

 Si c’est un morceau d’un corps de civil, on évacue ça dans un sac plastique, comme à la poubelle ! trois minutes et ça repart. Je veux parler à l’enfoiré qui a demandé dans la radio si c’était un sac ou un drapeau. Les civils ont droit au même respect que tout le monde ici . Tous ces gens sont morts en héros, uniformes ou pas.

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Je savais que je lirai cette BD , mes tentateurs habituels m’avaient convaincue , en particulier Jérôme. Je me réfugie vers les BD quand, parfois, les romans m’agacent ou se répètent , et que l’actualité me fait peur . La BD est souvent consolatrice et celle-ci, bien que très triste, a parfaitement joué ce rôle. Les personnages sont émouvants, le dessin très beau et l’histoire elliptique est chargée du sens que chaque lecteur et lectrice voudra bien y mettre. On peut sourire, par exemple en apprenant que si le personnage féminin s’appelle Épilie c’est parce que son père était enrhumé le jour où il a déclaré son prénom à la mairie. On part à l’aventure comme dans toute BD parce que « même si on est bien » le bonheur est peut-être ailleurs

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On s’instruit aussi et Gaston explique très bien le phénomène des marées. On est séduit par la tendresse et la naïveté affectueuse du petit Abélard et on compte sur Gaston pour l’aider, l’instruire et le protéger .

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Mais dans aucune autre BD , on ne trouve des messages de sagesse qu’on a tant envie de garder pour soi en les partageant avec tout le monde !

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Depuis La Fractale des Raviolis, je sais que je lirai ce roman soutenue dans cette volonté par Jérôme, Noukette et Keisha. Il était dans mes bagages depuis longtemps, et je suis ravie de l’avoir lu et relu puisque j’avais du temps. Je fais partie du club des lecteurs qui adorent les histoires, Pierre Raufast me permet de retrouver mes plaisirs d’enfance , du temps où des adultes me racontaient « Le Livre de la Jungle » ou « Les lettres de mon Moulin » . Je peux comprendre que l’on n’adhère pas à cet auteur car il semble si peu sérieux aujourd’hui de lire des histoires inventées qui s’enchaînent avec une logique implacable. L’imaginaire n’est pas à la mode sauf pour les enfants, ou en bandes dessinées. Je pense qu’un jour un dessinateur s’emparera de cet univers si particulier. En attendant, pour toutes celles et tous ceux qui veulent rêver, sourire et se laisser emporter par des fictions si bien construites qu’on est prêt à croire sur parole cet auteur qui expliquent avec le plus grand sérieux des histoires nous emportent loin, bien loin de tous nos soucis du quotidien , lisez cette « Variante Chilienne ».

J’ai adoré le moment où les deux compères quelque peu éméchés ont essayé divers techniques pour éteindre les vers luisants, je vous dirais bien comment c’est possible mais vous perdriez tout le sel de cette histoire. Je vous mets quand même sur la piste : claquer des mains ne suffit pas ! On ne peut pas raconter ce livre, car l’art d’un conteur est subtile et vient autant de l’histoire elle-même que de la façon de la raconter. Mais quand même, sachez pour les esprits sérieux, que vous apprendrez comment cueillir des noix grâce aux hélicoptères, le pourquoi du ratage du prix Nobel de littérature pour Jorge luis Borges, vous vivrez dans un village où il a plu pendant 10 ans sans discontinuer : entre réalité et fiction, mensonge et vérité, Pierre Raufast signe un second roman qui m’a sans doute encore plus ravi que le premier parce que finalement je trouve qu’il aide à vivre quand on a l’âme en peine (la preuve : je lui mettrai bien 6 coquillages !).

Citations

Humour (irrésistible pour moi !)

Difficile à croire, mais cet endroit avait été le bordel de campagne des paysans du coin avant la guerre. Il fut maquillé sous l’Occupation afin d’éviter que les soldats allemands ne souillent le patrimoine national.

Je connais des gens comme-ça, mais ils le disent moins bien

L’été je mets ma peau en jachère, je la laisse se reposer. Au bout d’une semaine, ma barbe a poussé. Alors, je suis content. Au bout d’un mois, de grosses boucles blanches se forment. Là je suis tout à fait heureux. Mes talents de philosophe décuplent. Je suis le Samson de la barbe blanche. À la rentrée des classes, je me rase. Je redeviens le professeur fatigué qui tourne la meule du savoir.

Les énumérations que j’adore

Avec passion, il découvrit la science du mélange des terres, argile, marne et silice : le malaxage, le pourrissage, l’estampage, le modelage, le calibrage, le montage, le tournage, le tournassage, le moulage, le coulage, l’ansage, le séchage et la cuisson, qu’il appelait par déformation « le cuissage ».

J’adore cette phrase

Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

La perte des histoires non-racontées

Quel gâchis ! Un cimetière, c’est comme une bibliothèque remplie de vieux livres dont on aurait perdu la clef.

20160508_123628Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard.

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Roman en deux parties, d’abord sur la musique d’inspiration africaine, autour d’une chanteuse extraordinaire Kitami. On la retrouve écrasée par son tambour africain, ou assassinée peut-être mais par qui ? Cette première partie sur la musique ne m’a pas beaucoup passionnée. On voit des jeunes à la dérive essayer de se construire une identité à partir de la musique d’improbables ancêtres. La seconde partie raconte la jeunesse d’une enfant Prisca, au Rwanda. Entre sorcellerie et racisme contre les Tutsi, la jeune fille grandit et devient une brillante élève. C’est compliqué pour elle, le village pense qu’elle a des pouvoirs de sorcières et les autorités voient d’un très mauvais œil cette jeune et belle Tutsi vouloir aller à l’université.

A la fin de ses études, on lui impose d’épouser un Hutu pour charmer les blancs. C’est très intéressant car on sent que le massacre des Tutsi par les Hutus n’était donc pas le fruit du hasard, mais d’une haine ancienne entretenue par le pouvoir hutu. La jeune fille préfèrera donc partir avec un tambour rwandais caché dans un village, avec le groupe de musiciens venant d’Amérique à la recherche de la musique africaine. Elle deviendra la célèbre Kitami dont l’origine de la mort reste incompréhensible. J’avoue ne pas avoir une grande passion pour la magie africaine, et les mauvais sorts ne m’intéressent guère, mais l’auteure sait très bien raconter comment au Rwanda c’est difficile de se défaire de ce genre de légendes, et que l’accusation de magie est aussi un bon prétexte pour supprimer toutes les personnalités quelque peu différentes. C’est un livre qui doit ravir les amoureux de l’Afrique.

 Citations

Les langues africaines

D’où venaient-ils, ces mots ? du kinyarwanda, la langue maternelle de la chanteuse, d’un anglais dans la version rasta-jamaïcaine, du yoruba-cubain, d’un français quelque peu créolisé, certains prétendaient y reconnaître les sonorités de l’amharique, du swahili, du sango, du wolof, du ruhima, du lingala, du copte, du sanskrit, de l’araméen..

Le racisme anti-Tutsi

Nous savons, par exemple, que tu es intelligente, trop intelligente même, la République du peuple majoritaire n’a pas besoin de Tutsi femmes savantes.

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Je considère Dominique comme une bienfaitrice de l’humanité des lecteurs et lectrices. Je n’avais pas un moral extraordinaire et ce livre m’a fait beaucoup rire et m’a remis en forme. Pourquoi « une bienfaitrice » et non « la » bienfaitrice ? Car je donne également ce titre à tous les auteurs qui me font du bien . Cependant, les signaler à mon intention doit être récompensé comme il se doit ! Vous devez lire cet ouvrage, surtout si, comme moi, dans les musées, il vous est arrivé de mourir d’ennui en traversant certaines salles . Savoir que, si l’on porte un regard critique sur des chef d’œuvre (s’ils sont au Louvre, ce sont bien des chef d’œuvre non ?) on est en bonne compagnie, m’a fait un plaisir immense.

Avez-vous déjà remarqué le nombre de vierges à l’enfant qui tiennent très mal le bébé qu’on leur a mis dans les bras ? Si vous avez essayé de tenir le vôtre de cette façon, il serait à coup sûr tombé par terre. Peut-être qu’elle ne l’aimait pas tant que ça, ce bébé, et après tout, avec tous les soucis qu’il lui donnera plus tard, on peut la comprendre. Je suis aussi souvent agacée sur les remarques basiques que j’entends sur l’art de notre époque, pour ça aussi cela me fait du bien qu’on se moque des œuvres qui, bien qu’anciennes et consacrées, ne sont pas si bien construites que ça ! Je me demande si, depuis que ce livre est paru, des gens se promènent avec ce guide sous le bras et se tordent de rire dans cette vénérable institution en regardant ce genre de tableau et en lisant le commentaire qu’en on fait nos auteurs.

Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend voici un exemple :

20160504_154547Il s’agit de l’enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus 1755 peint par Louis Lagrenée (vous le trouverez Sully 2e étage. Vigier Le Brun salle 52)

Centaure et sans reproche

Au moins, on ne pourra pas dire reprocher à Louis Lagrenée de gâcher de la toile ! Il a incontestablement travaillé les effets de matière, à tel point qu’on ne sait plus quoi regarder : le paysage flou et sucré à l’arrière-plan, les muscles bien dessinés des athlètes sans maillot, les mètres de drapés virevoltants, sans oublier le crin blanc de la queue nerveuse du centaure, ni la transparence de l’eau.

Au premier plan, un homme âgé – quoique fort bien bâti- se roule part terre de dépit, tirant la queue d’un autre candidat, qui a tellement abusé des hormones que son corps en a été modifié, moitié cheval, moitié vache (notez la robe, si caractéristique des normandes). A l’arrière-plan, un candidat en plein effort. Certes, il appuie légèrement son pied gauche sur un rocher, mais il pourrait décocher ses flèches en faisant des pointes s’il le voulait tant il a travaillé ses quadriceps. Concentrons nous sur Dénajire : pourquoi avoir investi dans autant de tissu pour se retrouver un sein (fort beau d’ailleurs) à l’air ? Est-ce pour cela qu’elle arbore un air si tragique ou bien est-elle déçue d’être embarquée par le culturiste blond ? L’énorme jarre située en bas à gauche prend alors tout son sens : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Grâce à ce tableau, Luis Lagrenée a été reçu membre de l’Académie royale de peinture. Autre temps, autre mœurs.

20160425_150845Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard 

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Un roman très court, 113 pages, où l’auteure, sous couvert d’une rocambolesque histoire de roman disparu, traite de la création littéraire. Elle s’est visiblement bien amusée avec force de clin d’œil pour initiés sans m’entraîner dans son histoire et puis, finalement, m’a fortement agacée, un peu comme lorsque les animateurs de télé parlent de leurs propres émissions et rient eux mêmes de leurs bonnes blagues. Colombe Boncenne cherche à perdre son lecteur dans les méandres du monde de l’édition. Son personnage retrouve par hasard un roman de son auteur fétiche. Personne ne connaît ce roman, l’auteur lui même nie l’avoir écrit.

Est-ce que « Neige noire » existe ? A-t-il été écrit par Émilien Petit ? Autant de questions qui tournent en boucle dans la tête du personnage principal qui mène une vie peu passionnante entre sa femme Suzanne et sa maîtresse Hélène. Quelques écrivains viendront peupler ce roman peu consistant, comme je le disais , c’est un exercice intellectuel où les gens se reconnaissent se renvoient la balle, c’est de l’entre-soi et peu à peu je me suis sentie exclue de ce qui ressemble à un exercice de style pour initiés.

Citations

Les journaux de province

Le journal local, qui constitue l’une de mes petites joies d’un weekend en province : du reportage de proximité au menu du restaurant scolaire en passant par la légende délicieusement ordinaire des photographies, je me délecte toujours d’apprendre que la confrérie des chasseurs de papillons s’est réunie vendredi dernier à l’heure où les enfants des écoles primaires dégustaient une cassolette de légumes de saison dans le cadre de la semaine du goût.

Les vacances en Bretagne, les clichés sur la météo c’est quand même un peu facile non ?

L’été, Suzanne parvenait toujours à me traîner sur l’île de Groix, en Bretagne, quand moi, je rêvais de soleil et de rythme méditerranéen. Suzanne était plus douée que moi en matière d’organisation, elle me prenait toujours de court, réservait une location très en avance, convainquait des amis de venir avec nous et usait de toute la mauvaise foi qui pouvait être la sienne lorsque je protestais : « Tu ‘avais qu’à t’en occuper, des vacances. » Alors, en fait de tapas, d’horaires décalés et de soirées langoureuses, je me retrouvais à filer sous la halle aux aurores pour espérer y acheter quelque poisson pêché dans la nuit, puis chez un éleveur de chèvre baba-cool pour tâcher d’y obtenir un fromage frais ; l’après midi sur la plage, à essayer de me baigner dans une eau à 17 degré sous le prétexte d’un rayon de soleil ; enfin le soir, à jouer au Scrabble au coin du feu, car oui il faut l’admettre, un bon petit feu nous réchaufferait. Et encore, je parle des jours où la météo était clémente. Quatre semaine passèrent ainsi, je me baignai quatre fois et gagnai dix-sept parties de Scrabble sur trente-huit- c’est dire le temps qu’il fit.

Un moment où j’ai souri

Quelques jours après cet anniversaire, dans une rame de métro bondée, je crus avoir une hallucination : au fond du wagon une femme discutait avec un épi de maïs. Une observation plus précise de la scène me fit comprendre qu’un minuscule appareil portable était coincé entre son oreille et le lainage de son bonnet, en réalité, elle téléphonait tout en grignotant un maïs grillé.

20160417_121555(1)Je dois cette lecture à Gambadou « le blog des fanas de livres« .

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Je lui mets ces cinq coquillages sans aucune hésitation, cela fait longtemps qu’un roman pour la jeunesse ne m’a pas autant tenu en haleine. La première partie est absolument remarquable. Un ado, « Mo », diminutif de Morgan, passe sa vie à jouer aux jeux d’ordinateur. Dans la vie virtuelle, il est très fort et ne s’intéresse vraiment qu’à ça. Et puis, cet ado mal parti pour être heureux va vivre une expérience absolument extraordinaire, et peu à peu, il se transformera et se prendra d’amour pour la nature. Une créature qui aurait pu avoir sa place dans un jeu de rôle lui apprendra à survivre dans des conditions extrêmes.

J’ai bien conscience du flou de mes propos mais ce serait vraiment dommage de dévoiler ce qui fait un des charmes de ce récit : la nature même des personnages principaux. C’est très beau et en dehors de bien des sentiers battus. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la lente conversion de l’adolescent vers un autre monde, réel celui-là mais qui lui demande de savoir utiliser toutes ses compétences acquises dans le monde de l’imaginaire. Le suspens est intense et la fin est peu prévisible. Les personnages secondaires sont loin d’être des caricatures et enrichissent le récit . L’oncle chasseur de blaireaux que l’on aimerait bien détester n’est pas qu’une sombre brute. La mère un peu dépassée par l’éducation de cet adolescent si peu scolaire saura lui montrer qu’elle l’aime et lui fera confiance finalement. Même le policier qui détruit le rêve de Mo est un être beaucoup plus sensible qu’il n’y paraît.

Aucun des adultes n’est tout à fait capable de comprendre les difficultés auxquelles doit faire face Mo, mais aucun ne voudrait vraiment lui faire du mal. Il doit cependant réussir à trouver ses solutions en lui-même pour grandir définitivement.

Citations

La nature la nuit

C’est une nuit très vibrante, tous les bruits voyagent à des kilomètres à la ronde, on dirait qu’on est sur une corde tendue, que chaque brindille qui craque de l’autre côté du monde trouve son écho près de nous.

C’est une nuit blanche et bleue. blanche parce que la pleine lune nous éclabousse de sa lumière. Et bleue comme l’obscurité profonde qui nous enveloppe, si douce qu’on dirait du velours.

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Je ne parle pas souvent des maisons d’édition car je trouve, le plus souvent, qu’elles font seulement leur travail (ce qui n’est pas si mal, évidemment !). Or, grâce à ce roman, j’ai découvert la maison de Joëlle Losfeld et ses qualités méritent d’être soulignées. En plus du texte parfaitement présenté, et donc, agréable à lire, d’une couverture utilisant une photo de statut de l’antiquité égyptienne où l’on croit reconnaître le sourire énigmatique de Gohar (le personnage principal, ex-philosophe), l’éditeur a enrichi ce livre d’une série de documents nous permettant de mieux connaître Albert Cossery. Cet auteur célèbre dans les années 50 dans le petit monde de Saint Germain-des-Prés est quelque peu oublié aujourd’hui. Cette maison d’édition sait le faire revivre et j’aurais plaisir à garder ce bel objet-livre qui dans ma bibliothèque.

Je dois cette lecture à Goran un nouveau venu dans ma blogosphère, et je me suis rendu compte en allant chercher ce titre dans une bonne librairie parisienne, que cet auteur était pour de nombreux lecteurs une référence indispensable pour la littérature égyptienne. Égyptienne ? écrit par un homme ayant surtout vécu en France, il a d’ailleurs reçu le prix de la Francophonie en 1992, et visiblement très influencé par la littérature française. On pense tout de suite à un autre Albert, Camus celui-là. Le mendiant le plus intéressant, Gohar, est un super Meursault, il a encore moins que lui de raison de tuer et il est autrement plus puissant car il entraîne celui qui aurait dû le punir dans son sillage du monde de l’absurde ou la notion du bien et du mal disparaît. Un mendiant de plus, un ancien policier, hantera les rues du Caire dans des lieux consacrés uniquement à la survie, et où le plus important c’est de respecter un code de l’honneur fondé surtout sur l’esprit de dérision. Ce n’est ni cet aspect, ni l’enquête policière assez mal menée qui a fait pour moi l’intérêt de ce livre, c’est la découverte de ce monde et de toutes les petites ficelles pour survivre. Le crime gratuit me révulse, et le côté philosophique du dépassement du bien et du mal est tellement daté que cela ne m’intéresse plus. En revanche, la vie de ces êtres qui n’ont plus rien est très bien décrite.

Je doute totalement de la véracité des personnages car ils sont décrit par un intellectuel à l’abri du besoin et résidant en France. Je pense que c’est toujours plus facile d’imaginer les très pauvres dans une forme de bonheur et refusant les facilités de notre société que comme des exclus du système et qui aimerait bien en profiter un peu. Mais là n’est pas du tout le propos du roman et je rajoute que c’est un livre qui se lit facilement et agréablement, j’ai tort d’avoir un jugement moral sur son propos car c’est justement ce que dénonce Albert Cossery : cette morale occidentale qui fait fi de l’énorme misère des pauvres en Égypte, ce que nous dit cet auteur c’est que puisqu’on ne peut rien y changer le meilleur moyen c’est encore de vivre comme les mendiants du Caire. Une absence de volonté de posséder quoique ce soit est, pour lui, beaucoup plus dangereuse pour l’équilibre de la société qu’une quelconque révolte. On peut le penser comme une première pierre à l’édifice de la compréhension de ce pays, mais je pense que des roman comme « Taxi » de Kaled Khamissi ou « L’immeuble Yakoubian » de Alaa El Aswani mettent en scène une Égypte beaucoup plus contemporaine et les auteurs ne sont plus encombrés par le poids des idées des intellectuels français (marxisme, existentialisme et autres structuralisme).

Citations

L’ironie

Peut-être était-il atteint d’une maladie contagieuse.  » Les microbes ! » se dit-il avec angoisse. Mais presque aussitôt la peur des microbes lui parut risible. Si l’on devait mourir des microbes, pensa-t-il, il y a longtemps que nous serions tous morts. Dans un monde aussi dérisoire, même les microbes perdaient de leur virulence.

Le pays paradisiaque (ça a bien changé ! mais peut-être pas pour ce détail)

En Syrie, la drogue n’était l’objet d’aucune interdiction. Le haschisch y poussait librement dans les champs, comme du véritable trèfle ; on pouvait le cultiver soi-même.

Une putain heureuse de l’être

« Pourquoi irais-je à l’école, dit Arnaba d’un ton méprisant . Je suis une putain, moi. Quand on a un beau derrière, on n’a pas besoin de savoir écrire. »

La ville européenne

L’avenue Fouad s’ouvrit au centre de la ville européenne comme un fleuve de lumière. El Kordi remontait l’avenue, d’un pas de flâneur, avec le sentiment inquiétant d’être dans une ville étrange. Il avait beau se dire qu’il se trouvait dans son pays natal, il n’arrivait pas à y croire… Quelque chose manquait à cette cohue bruyante : le détail humoristique par quoi se reconnaît la nature de l’humain.

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Livre lu grâce aux billets de Mior et de Galéa, je les remercie pour cette lecture. Bien sûr , nous avons tous et toutes, lu beaucoup de livres sur la persécution des juifs pendant la guerre. Mais chaque cas est unique, et la grande originalité de ce témoignage c’est qu’il a été écrit à chaud , pendant et juste après les événements. Cela fait penser à « Suite française » de Irène Némirovsky, tout en étant moins littéraire c’est quand même très bien écrit. Françoise Frenkel a une passion : les livres et en particulier ceux des écrivains français. Grâce à des études littéraires de très bon niveau, à la Sorbonne, elle ouvre une librairie française à Berlin en 1921. Ce lieu devient vite, grâce à sa culture, un haut lieu de la civilisation française en Allemagne. Hélas les nazis détruiront ce beau rêve et malheureusement pour elle, son origine juive et polonaise la met en grand danger. En 1939, elle arrive à Paris, puis se réfugie à Nice, en danger partout elle veut fuir en Suisse où l’attendent des amis. Son récit s’arrête lorsqu’elle pose les deux pieds dans ce pays où elle a pu survivre. Elle raconte avec précision, d’abord sa joie de créer à Berlin un lieu de culture française, puis son exil dans une France trop vite occupée et enfin sa fuite vers la Suisse, cela permet au lecteur de partager le quotidien d’une femme qui cherche à s’échapper de la nasse qui se referme inexorablement sur elle et ses relations.

Elle nous montre toute la diversité des réactions des Français, ceux qui sont dans l’évidence de la main tendue, comme ce couple de coiffeurs, qu’on a envie d’embrasser tellement ils sont intelligents et gentils, et puis ceux qui sont indifférents ou hostiles, une gamme de réactions qui sonnent tellement vraies. Françoise Frenkel tient à souligner l’attitude des Savoyards, c’est dans cette région qu’elle a senti le plus de compassion et le maximum d’aides pour ceux qui étaient traqués par la milice ou la Gestapo. Un livre prenant donc et indispensable au moment où des hommes et des femmes sont à nouveau traqués par une idéologie mortifère.

L’introduction de Patrick Modiano est superbe, on comprend très bien pourquoi il s’est retrouvé dans ce témoignage lui qui a vécu la guerre sans la défense d’un milieu familial protecteur et qui a ressenti comme Françoise Frenkel, les valeurs humaines se déliter et le danger planer sur la moindre rencontre de personnalités plus ou moins bizarres. Il nous dit aussi que ce livre qui a paru en 1945 et qui a été totalement oublié ne livre pas l’intimité de l’écrivain mais que ce n’est pas si important. Mais, je dois être une femme de notre époque, car j’aimerais bien savoir, pourquoi elle ne nous parle pas de son mari, mort à Auschwitz, comment elle avait quand même un peu d’argent pendant la guerre, et surtout si de 1945 à 1975 elle a été heureuse à Nice. Oui j’aimerais en savoir plus sur cette femme si pudique et si courageuse.

Citations

Ambiance à Nice parmi les réfugiés

Un grand nombre de réfugiés se préparaient à l’émigration. Ils comptaient sur un parent plus ou moins proche, sur un ami, ou sur l’ami d’un ami, sur des connaissances établies dans de lointaines parties du monde et qui les aideraient, pensaient-ils, à réaliser ce projet.

Ils entretenaient une correspondance laborieuse, à mots couverts, lançaient des télégrammes coûteux, demandaient des affidavits, des visas, recevaient des réponses, des contre-demandes, des questionnaires, des circulaires qui engendraient une nouvelle vague de correspondance.

Ensuite, ils stationnaient des matinées entières devant les consulats pour apprendre que tel ou tel document manquait, n’était pas conforme aux prescriptions ou se trouvait inexact. Lorsque quelques-uns sortaient avec un visa, ils étaient regardés comme des phénomènes, comme des bienheureux !

Les départs étaient peu nombreux

L’exilé et la guerre

Le fond de cette existence était l’attente, canevas où un espoir toujours plus mince et une pensée de plus en plus morose brodaient ensemble des arabesques nostalgiques

L’âme humaine

Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu’une occasion s’en présente. Il suffisait qu’on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu’ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie.

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard 

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Ce roman est une lente déambulation, parfois poétique, dans un corps qui commence à vieillir, dans le deuil d’un ami proche, dans la création artistique. Rien n’est très difficile pour ce cinéaste, sa vie est douce sans aspérité, Philippe Claudel a créé un personnage d’aujourd’hui qui a la chance de pouvoir encore aimer et être aimé. Il se laisse aller à la tristesse car son ami qui avait de l’énergie pour deux a été vaincu par un cancer. Commence alors pour lui une réflexion sur la vie, la mort et le vieillissement. Le titre du roman vient de cette civilisation des Toraja qui font une place très particulière aux morts et aux funérailles.

J’ai été très touchée par cette image des tout petits bébés que l’on enterre dans le tronc des arbres pour qu’ils puissent continuer à grandir, en quelque sorte. Ce livre se lit sans déplaisir certains passages m’ont bien plu car ils expliquent assez bien ce que je ressens quand l’âge s’attaque à mes forces vitales. Pour autant, sans le club, je n’aurais certainement pas lu ce roman et je ne sais pas s’il peut vraiment plaire à un large public.

Citations

Nous enterrons nos morts. Nous les brûlons aussi. Jamais nous n’aurions songé à les confier aux arbres. Pourtant nous ne manquons ni de forêts ni d’imaginaire. Mais nos croyances sont devenues creuses et sans écho. Nous perpétuons des rituels que la plupart d’entre nous seraient bien en peine d’expliquer. Dans notre monde, nous gommons désormais la présence de la mort. Les Toraja en font le point focal du leur. Qui donc est dans le vrai ?

Le vieillissement

Vous entrez dans la phase que j’appelle « le corps inamical ».

Pendant des années, vous avez vécu avec lui, en lui, en parfaite osmose, dans un équilibre qui vous satisfaisait : vous l’entreteniez du mieux que vous pouviez, et il vous procurait en échange ce que vous attendiez de lui, au moment où vous l’attendiez, performances physiques, amoureuses, plaisirs alimentaires, sensations… Puis le temps a lentement érodé votre partenaire. Vous avez senti peu à peu sa présence, je veux dire sa marque, son usure, son défaut à vous suivre.