Édition Arléa 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Voici un conte qui décrit l’émotion que peut donner le son du violon et celui d’une voix soprane féminine. L’écrivain imagine un musicien qui possède un don dès l’enfance pour jouer du violon mieux que n’importe quel virtuose. Adulte, il devra pour son malheur, en 1798 partir avec les troupes napoléoniennes faire la campagne d’Italie. Gravement blessé il sera sauvé par le chant d’une femme et il arrive à Venise où un luthier l’héberge. Voici l’autre partie du conte, ce luthier joueur d’échec et consommateur d’eau-de-vie lui raconte le conte du violon noir qui a imité ou plus exactement capté la voix de la belle Clara. Notre musicien violoniste est tout entier prisonnier de l’opéra qu’il veut écrire sans y parvenir.

Je comprends l’intention de l’auteur qui veut nous faire partager l’aspect surnaturel d’une belle voix ou du son du violon quand il est joué par un virtuose. Je crois que la musique peut être sublime mais arriver à rendre cet aspect dans un texte c’est compliqué. Il aurait sans doute fallu que je me laisse aller vers le rêve pour aimer ce récit. Je n’ai pas trop compris pourquoi il a situé son récit pendant les guerres napoléoniennes, si ce n’est pour faire ressortir le paradoxe de l’être humain capable des pires horreurs et des plus grandes beautés.

J’avais déjà été déçue par Neige de cet auteur .

 

Citation

Personnage de conte.

 Erasmus se vantait de posséder trois choses exceptionnelles : un violon noir, au son étrange, un échiquier qu’il qualifiait de magique, et une eau-de-vie hors d’âge. Le vieil homme était en outre doté de trois dons exceptionnels : il était sans conteste le meilleur luthier de Venise, il ne perdait jamais aux échecs, et c’était lui qui distillait la plus singulière eau-de-vie d’Italie. Le matin, il restaurait ou fabriquait des violons, l’après-midi il distillait, et le soir il jouait aux échecs, tout à l’ivresse que lui procuraient ses trois passions


Édition la brune

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Quelle tristesse ! quel ennui ! Pourquoi un écrivain se donne tant de mal pour raconter une histoire dont il s’évertue à gommer la moindre aspérité ?

Si je ne mets pas qu’un seul coquillage à ce roman c’est que je lui reconnais une qualité : l’écrivain met son talent d’écriture (car oui, il écrit bien) au service d’une absence totale de séduction vis à vis de son lecteur.

Bon, c’est dit, je n’ai pas aimé du tout ce roman et je ne vois pas non plus ce que cela peut apporter à quelqu’un d’écrire un tel livre ni à quel lecteur ça peut plaire. Je raconte rapidement le sujet, une femme qui n’a jamais été bien dans sa vie, et qui a voulu franchir ce fameux pont qui sépare la ville en deux, les nantis d’un côté et de l’autre ceux qui rament pour l’être, nanti, part à la recherche des épisodes qui l’ont empêchée de s’épanouir et de vivre pleinement.

Toutes les souffrances de cette femme sont gommées par son peu d’intérêt pour la vie, elle est comme dans miroir qui lui permet de se contempler et de se raconter mais pas de vivre. Elle est née alors que sa soeur ainée meurt à la fin de la guerre, elle aura toujours l’impression que sa naissance n’a pas été souhaitée. Sa mère était en deuil de son aînée. Elle sera anorexique, puis se mariera avec un homme avec qui elle n’aime pas faire l’amour. Elle aura un bébé qu’elle appelle « le fils » et qu’elle ne saura pas aimer, au point de faire (peut-être) un geste très violent quand il était bébé mais elle ne sait pas trop si elle l’a fait ou non. Elle a failli faire une très belle carrière dans les assurances mais finalement termine à l’accueil après avoir été secrétaire de direction. Le roman commence par la fin, elle va bientôt partir en retraite et doit déménager dans un nouveau bâtiment. L’auteur annonce sans arrêt qu’en remontant dans le passé on la comprendra et que nous allons assister à des révélations. mais finalement même le fameux ‘geste » est raconté de telle façon qu’il perd toute sa force. Et sa soeur Solange ne nous est d’aucun secours pour comprendre cette petite soeur.

On voit notre société évoluer de 1945 à 2006, les voitures, le logement, la nourriture, les chansons, les opinions politiques, les commerces. Mais rien n’est passionnant tout est terne et gris, je me suis rendu compte que je m’en fichais complètement de savoir en quelle année j’ai mangé de l’avocat pour la première fois et si Greg Lemond a remporté le tour de France ! Et je n’avais pas besoin de ce roman pour savoir que vouloir « être une femme sans blouse » ne suffisait pas à remplir une vie !

Citations

Statut social.

« Je ne partirai pas l’année prochaine. Je vais rester là. J’ai trop voulu y être. Parce que je ne voulais pas porter de blouse. Ma mère en portait pour faire le ménage chez le chanoine du quartier. Ma sœur pour travailler dans son atelier de farces et attrapes. Mes tante à la ferme. Moi, j’ai voulu être une femme sans blouse. Mon bureau, mon fauteuil, mon téléphone délimitent mon territoire. Le seul que j’aie jamais senti à moi

Tout est « normal ».

 Quand ils m’ont dit que je ne serai plus l’assistant du directeur et que j’ai été nommé à l’accueil, j’ai fait semblant que c’était normal. J’aurais pu leur dire que j’exerçais ma mission depuis vingt ans, que je connaissais mon métier à la perfection, je pouvais réciter par cœur la liste des agents généraux, je savais réserver les salles de congrès pour les séminaires, les chambres d’hôtel pour les cadres convoqué au siège, je rappelais au directeur d’aller chercher ses enfants à l’école et ses rdv chez le dentiste, on ne m’avait jamais prise en défaut. Mais je n’ai rien dit et j’ai laissé faire. J’ai prétendu trouver cela normal. J’ai toujours procédé ainsi faire comme si tout était normal. C’est la seule façon qu’on ait aucune prise sur moi. Si vous vous plaignez, il ne faut pas croire que les autres nous porterons secours.

Portrait de famille.

On ne rit pas dans la maison du quartier du fleuve. Pas comme ça. Pas ce rire franc comme une fanfare. Et maman ne riait pas là-bas, rivée à son bout de table. Elle observait Bernard, l’air de penser que le rire était un vice à ranger sur la même étagère que l’intempérance où l’addiction au jeu. S’y adonner était source de danger. Une fantaisie que nous n’avions pas les moyens de nous autoriser. Celui qui rit sa vigilance se relâche, et des gens comme nous étaient condamnés pour survivre à demeurer sans cesse sur nos gardes. Le moindre faux pas nous était interdit.

 


Édition du Rocher

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

parole d’un résident d’un Ehpad

« C’est long de mourir. »

Un bol de bonne humeur, des sourires à gogo et même un éclat de rire. Et aussi, des moments d’une grande sensibilité et d’émotion. Au milieu de livres tragiques celui-ci m’a fait un bien fou.

Peut-être avez vous entendu parler du célèbre arnaqueur Victor Lustig qui s’est vanté d’avoir vendu la Tour Eiffel à un riche ferrailleur Parisien. Il serait l’ancêtre du narrateur Thomas Poisson. La quête vers cet ancêtre peu glorieux permet à l’auteur de nous décrire des français contemporains. Ceux qui, avec un gilet jaune, ont occupé les ronds points de la France en 2018. Thomas Poisson est au chômage depuis peu et fréquente la médiathèque de sa ville. Là il rencontre Frankie qui a eu le malheur de changer une roue en pleine manifestation des gilets jaune et qui a eu du mal à expliquer à la police ce qu’il faisait un cric à la main devant les forces de l’ordre. Il y a aussi Mansour ce fils de harki . Le récit de la vie de son père est un des moments d’émotion que j’évoquais au début de mon billet. Il y a aussi Françoise qui fait les meilleures confiture que Valentin, le fils de Thomas, n’ait jamais goûtées. Elle aime bien être sur les ronds points car elle s’y sent moins seule que chez elle. Enfin, il y a le père de Thomas qui termine sa vie en Ehpad.

Et puis il y a Carine, sa femme qui supporte de plus en plus mal les maladresses de son mari. Tous ces personnages forment un groupe humain que nous rencontrons tous les jours, dont nous faisons sans doute partie, cela fait du bien de passer du temps avec eux sous la plume d’un auteur qui a tant de compassion pour ses contemporains. Ce n’est peut-être pas le roman du siècle, mais un livre qui fait tant de bien, que je lui ai finalement mis cinq coquillages pour partager avec vous ce petit moment de bonheur.

 

Citations

Le talent des bibliothécaires.

 Une scène à faire douter un malentendant du bon fonctionnement de son sonotone. Je me suis dit que la formation des bibliothécaires devait les préparer à cela. Une aptitude validée par un examen, j’imagine, ou les épreuves consistent en une mise en situation de communication silencieuse : orienter vers la section « Histoire égyptienne « sans prononcer un mot, et ramener au calme d’un simple regard un groupe d’adolescents agités, donner son avis, positif ou négatif, sur un ouvrage en clignant des yeux… Personne ne maîtrise l’expression silencieuse mieux que les bibliothécaires. Entre eux, ils échangent sur des fréquences que seuls les chiens et les chauve-souris peuvent percevoir.

Un moment d’intense émotion, à propos de son père ancien Harki.

 Un jour en rentrant de l’école – ce devait être à la fin des années soixante, mon père avait trouvé du travail chez Renault et nous avions quitté les camps -, je lui ai demandé ce que c’était qu’un collabo. Il m’avait expliqué. À l’école, il y en a qui disent que tu es un collabo. C’est vrai, Papa ? je lui avais demandé. Je me souviens de la tristesse dans son regard. Non seulement on l’avait trompé, mais comme si cela ne suffisait pas, on lui crachait dessus désormais. Mon père est mort il y a trois ans. J’avais huit ans lorsque je lui ai posé cette question. Jamais je n’oublierais le regard de mon père ce jour-là . D’abord parce que c’était par ma voix qu’il apprenait ce que les autres pensaient ou du moins colportaient sur les harkis. Ensuite parce que ce regard résume à lui seul tout ce qu’il m’a transmis, son histoire et la souffrance qui l’accompagnait. Mon père était un type bien et la vie ne l’avait pas mieux traité pour autant.

Humour qui fait du bien (aux maladroits, surtout).

 Le tapis ne craignait rien. C’est un modèle bleu foncé venu remplacer le tapis artisanale berbère, souvenir du même voyage au Maroc, en laine blanche finement décoré de motifs géométriques noirs. Lui trop clair, trop fragile, moi, trop maladroit. Nous nous n’étions pas destinés à vivre ensemble.

Éclat de rire .

 Bruno s’est bien foutu de moi ce soir. En attrapant mon porte monnaie dans mon sac, j’ai fait tomber la bombe de déodorant que tu m’as donnée pour remplacer ma bombe de défense au poivre. « Pour nous les hommes » il m’a dit. J’ai dû lui expliquer pourquoi je me promener avec une bombe de d’Axe marine. La seule chose qu’il a trouvé à dire, c’est que ça pouvait toujours servir si je tombais sur un agresseur qui sentait la transpiration ….

Je suis tellement d’accord, enfin, pour l’humanité j’ai un petit doute.

 La pizza hawaïenne est incompréhensible, un ornithorynque gastronomique, un assemblage disparate qui défie la logique élémentaire sans avoir toutefois la sympathie de l’inclassable animal. C’est un outrage à la gastronomie italienne, et même une raison suffisante de douter du bien-fondé de l’existence de l’humanité.

 


Édition La manufacture de livres

 

Ne croyez pas lire un livre de plus sur le sort des juifs pendant la deuxième guerre mondiale, cela constitue bien la toile de fond mais le thème principal c’est le parcours Stéphane Milhas petit fils d’Alphonse Jullian pour à la fois retrouver un sens à sa vie et redonner l’honneur à ses grands-parents. Ses grands-parents ont été des résistants et ils ont caché des gens traqués, dont une famille juive , les Trudel dont le mari Eli est un peinte connu.

Sa tante et son oncle, avant de quitter leur appartement pour aller en institution lui donne le fameux « tableau du peintre juif » . L’histoire familiale raconte qu’un peintre juif que ses grands parents avaient caché le leur avait laissé en remerciement. Stéphane fait des recherches et se rend compte qu’Éli Tudel est un peintre assez connu et que son tableau vaudrait au bas mot plus de cent mille euros. Stéphane est au chômage sa femme Irène fait vivre le ménage avec un petit salaire de vendeuse. Alors pour elle la solution est simple. , il faut vendre au plus vite ce tableau.
Sauf que, Stéphane préfère la dignité à l’argent et il décide donc de prendre contact avec Israël afin que ses grands parents reçoivent le titre de Justes pour avoir aider des juifs.

Tout devient extrêmement compliqué quand il se rend en Israël car on accuse ses grands parents d’avoir volé ce tableau qui est répertorié aux œuvres spoliées aux juifs Il apprend aussi que les Trudel sont mort à Auschwitz.
Commence alors pour lui une enquête pour comprendre ce qui a pu se passer, car la mort des Trudel ne correspond pas aux informations que sa tante lui a données. Son but principal est de laver l’honneur de ses grands parents qu’il ne peut imaginer avoir voler quoi que ce soit.

Cette enquête va permettre à l’auteur de cerner au plus prêt la personnalité de Stéphane et de comprendre la façon dont la résistance faisait passer des clandestins . Je ne peux évidemment pas vous révéler la solution de son enquête mais cette enquête fait revivre l’horreur du sort des juifs qui avaient tant de mal à fuir leur sort.

Un roman que j’ai bien aimé, et j’ai partagé le désarroi de Stéphane qui peu à peu va ouvrir les yeux sur son entourage : ses filles, sa femme et il va se retrouver lui-même à la fin de ce grand voyage.

 

Citations

Le couple de la génération de ses parents.

Ma tante est la sœur aînée de ma mère. Elle a plus de quatre-vingt-dix ans, et son mari, mon oncle, est un peu plus âgé qu’elle. Louise et Étienne forment un couple adorable. Des petits vieux comme on les aime, curieux et bienveillants. Ils habitent en région parisienne, et régulièrement, je me dis que je ne vais pas les voir assez souvent. Une fois tous les cinq ans, en moyenne. Pas le neveu idéal.

Être cévenol.

 Il n’était pas seulement cévenol. Il était aussi et surtout protestant calviniste. Descendant de camisards, façonné par les causses, avec le maquis dans les veines. Chez ces gens-là, la notion de devoir va avec celles de modestie. On fait ce qu’on a à faire mais on ne s’en vante pas.
 Son frère, dont il était très proche, est mort sous la torture assassiné par la Gestapo sans avoir parlé. Encore un taiseux. Il avait payé son appartenance à un réseau FFI dans le massif des Vosges. J’imagine qu’aux yeux de mon grand-père, le véritable héros de la famille, c’était son frère. Il s’était interdit de fanfaronner, il aurait trouvé cela inapproprié, voire indécent. 

Vision négative d’Israël .

 – Rendez-moi mon tableau ! Je crie.
 Des rires me répondent en provenance d’un toit. Je lève la tête. Là-haut, sur une terrasse des jeunes dansent au rythme d’une musique techno. Ils me saluent pouce levé. Parmi eux, j’aperçois des garçons torse-nu et les filles en t-shirt moulant. C’est c’est quoi ce pays schizophrène ? À quelques dizaines de kilomètres d’ici des rigoristes en « talit » dictent depuis leur kibboutz la politique du pays à des teufeurs imbibés de cannabis et d’ecstasy. À un jet de roquette, c’est la guerre, et ici c’est la décadence. Partout dans les rues de la capitale, à l’entrée des centres commerciaux, des gares et des administrations, des soldats en armes scannent les sacs de courses d’une population qui se laisse faire sans rechigner. La terreur comme chose acquise, intégrée dans les habitudes. Attachés-cases, sacs à main et mitraillettes se côtoient et tout le monde semble trouver la chose normale, tant que cela n’empêche pas les soirées sur les terrasses de la ville de se tenir. Un conflit permanent au milieu de la fête et vice-versa.

Portrait du grand père.

Dictionnaire à la main – « Le Petit Robert « pour l’orthographe et celui des noms propres pour les détails biographiques-, mon grand-père vérifiait tout. Je n’avais droit à une barre de chocolat noir qu’une fois ma corvée remplie -je préférais le blanc mais ils étaient jugés « décadent » par mon grand-père et donc proscrit.
 De toute ma jeunesse, je n’ai surpris mon grand-père en train de se laisser aller à une frivolité qu’à une occasion ! 

 


Éditions Julliard

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

…il ne serait sorti que pour leur parler de la relativité du laid et du mensonge des apparences.

Parfois un livre vous fait partir loin dans des pays lointains, grâce à ce roman vous partirez dans le passé, à la cour du jeune roi Louis XIV, auprès d’une femme, Cateau qui est au service d’Anne d’Autriche, sa mère. Ce livre est si bien écrit que je vous garantis le voyage ! Catherine Beauvais avant d’être le médecin à la cour a beaucoup souffert, car elle est très laide. Enfant, elle a été rejetée par ses parents, puis souffre douleur des enfants avec qui elle a été gardée. Elle a connu un moment de bonheur avec sa grand-mère qui lui a appris les mystères des soins par les plantes, en particulier avec les lavements.

Un homme se mariera avec elle pour pouvoir mettre sur sa vitrine « magasin du Monstre » et voir ses ventes augmenter. Sa grand-mère, toujours elle, l’aidera à venir près de la reine pour soigner « cette grosse femme » qui mangeait beaucoup trop. C’est alors que les vrais monstres vont se déchaîner, les courtisans qui ne comprennent pas comment une femme si laide peut vivre à la cour. L’auteur visiblement n’aime pas beaucoup Mazarin qu’il accuse de tous les pêchés (je dis bien de tous les pêchés !), et a peu de considération pour Madame de Sévigné, ses traits d’esprit étaient surtout méchants.

Ce livre est bien écrit, il est enlevé et rempli d’allusions littéraires qui font plaisir. Je vous le disais, un voyage dans le temps et un excellent moment de lecture alors que, ce qui y est raconté sent, parfois, la pisse, la merde , la putréfaction. Le mal n’est pas toujours là où on le croit comme le disent ces derniers mots du roman prononcés par un voyageur qui pourrait bien être l’auteur ou vous lecteur  :

…il ne serait sorti que pour leur parler de la relativité du laid et du mensonge des apparences.

 

Citations

 

Un début qui m’a donné envie de lire ce livre.

 Pour le voyageur qui, en 1655, découvrait Paris du haut de la butte Montmartre, la ville semblait une vaste mer de toits argentés au milieu desquels émergeaient, par endroits, le mât pointu d’une église ou les tours carrés d’une cathédrale. Et c’était un spectacle merveilleux, vraiment, que celui de cette étendue qui allaient se perdre au fond de l’horizon, et d’où montait, comme une chanson, une continuelle rumeur de cloches, de hennissements et de cris.
 Mais sitôt que le voyageur avait dévalé l’un de ces petits chemins éclaboussé d’arbustes qui serpentaient jusqu’à la ville, c’en était fini de la beauté. Il n’est pas toujours bon de pénétrer le revers des choses. Car sous cet immense tapis d’ardoises, au pied de ces grandes tours où Dieu veillait au destin de quatre cent mille de ces créatures, se cachait un monde d’une laideur repoussante.

Détails puants.

Les Parisiens et les Parisiennes, faute de latrines, pissaient et chiaient où bon leur semblaient (quoi qu’il existât certains lieux plus prisés que d’autres : aux Tuileries, par exemple ils étaient plusieurs centaines à se retrouver chaque matin sous une allée d’ifs pour débarrasser de leurs intestins du mauvais repas qu’ils avaient ingurgité la veille). Tous les jours les boueurs évacuaient vers la banlieue près de vingt mille boisseaux de merde. 

J’adore ce genre de raccourcis.

 Les discussions étaient rares entre Catherine et Pierre. Comment aurait-il pu en être autrement au sein de ce couple où le mari croyait que sa femme était bête et où la femme savait que son mari l’était.

C’est drôle, non ?

Jamais, durant les séances de soins, la reine ne lui parlait des affaires du royaume ce n’est pas parce que l’on montre son derrière à son médecin que l’on est obligé de tout lui dire.

Les hôpitaux .

 La plupart des malades, quelque fût leur affection, étaient rassemblés dans un immense dortoir qui puait l’urine, les chaires moisies et la soupe suri. Ce spectacle misérable était compensé par l’extraordinaire dévouement des sœurs qui s’occupaient de l’endroit. Sans doute n’étaient-elles pas pas les femmes les plus tendres et les plus patientes de la terre. Mais au moins ne passaient-elles pas leur temps, comme les nonnes des Filles-Dieu, à marmonner des prières, persuadées que cela suffirait pour changer le monde.

Édition Sabine-Weispieser
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Un roman choral, autour de la célébration de la naissance du bébé Ève, fille de Stéphanie qui a eu ce bébé grâce à une PMA en Espagne. 12 chapitres, dont le personnage principal est une femme reliée à ce bébé. Cela se termine par un chapitre appelé Dimanche jour où la fête d’Ève a lieu. Cela permet à l’auteur d’explorer tous les thèmes qui concernent la condition de la femme aujourd’hui. Stéphanie et ses deux sœurs, Laurence et Lucie, ont été élevées par une mère Nicole qui a été incapable d’affection et qui est maintenant pleine d’aigreur.
Le roman commence tout doucement par le point de vue du bébé et ce passage est très réussi. On verra ensuite, une femme qui aura un bébé par PMA dont le père sera un homosexuel, une amie qui sent son corps vieillir, une femme qui éprouve un plaisir physique par téléphone interposé et qui sera déçu par la réalité, une jeune fille anorexique, un cancer du sein, l’arrivée des règles chez une très jeune fille, la ménopause, et la vieillesse…
L’auteure aime présenter ses personnages avec la réalité du corps de la femme et cela le roman le réussit très bien. En revanche on peut lui reprocher d’être un simple catalogue de tous les aspects des problèmes du corps de la femme , le roman peut alors sembler un simple prétexte à faire passer tous les messages importants concernant le statut de la femme.

Citations

 

Une mère aigrie.

 L’idée qu’une fille déteste sa mère, qu’ une mère méprise ses filles, je ne comprends pas. Si je ne l’avais pas entendue de mes propres oreilles cracher son venin, si je n’avais pas vu de mes propres yeux sa grimace glaciale face au visage souriant d’Ève, si je n’avais pas découvert ses albums remplis de photos d’elle, toujours au premier plan, entourée de silhouettes minuscules et floues de ses filles, je n’y croirais pas.

Le plaisir féminin.

 L’une des plus grandes joies de ma vie amoureuse d’avant ma rencontre avec Sophie, se fût l’exploration du monde des seins, le recensement de leurs formes, ogives, larmes, ballons, gouttes, méduses, la découverte des aréoles de toutes les couleurs, du brun-noir au rose le plus clair, la dégustation de tous les tétons qu’ils soient minuscules ou bourgeonnants, dressés ou recroquevillé, simples ou dédoublée, j’ai adoré .

Être parents, après le risque d’une méningite pour le bébé.

 Avoir connu ensemble, l’attente révoltée et longue, si longue, du résultat d’analyse, du diagnostic, du sourire en blouse blanche, leur avait fait éprouver dans les évidence le lien qui les unissait désormais tous les trous.
 C’est ce qu’ils se disent dans ce drôle d’état qui n’est pas du bonheur, mais quelque chose de plus fort encore, né de l’éloignement du danger et de la faim de la peur. Ils se disent que cette nuit, quelques heures avant le moment prévu, ils sont devenus les parents d’Ève, sans témoin ni baratin dans l’intensité partagée de leur amour pour elle 


Édition Equinox (les arènes) 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman thriller politique, écrit par un journaliste qui connaît parfaitement les dessous de la vie politique des années 90/2000 de l’ex-URSS et de l’Ukraine. Le style journalistique de l’auteur rend ce roman très facile à lire, les chapitres sont courts et contiennent chacun une information qui constituent une pièce de puzzle qui amènera la chute de la « chienne », et le recul des « loups » pour un temps de l’Ukraine. Ils rodent en meute encore chez le grand frère Russe avec à leur tête le chef du clan Poutine . Et l’on sait aujourd’hui que cette meute n’acceptera pas de se contenter de dominer le territoire russe qu’il lui faudra aussi revenir en force en Ukraine. C’est pourquoi je l’associe à la guerre alors qu’il se situe deux ans avant l’invasion de 2014.

Le roman se situe donc, en 2012, il met en scène une femme qui va devenir présidente de l’Ukraine, elle s’est taillé un empire grâce à une énergie et une absence totale de scrupules. Nous sommes dans les 30 jours qui précèdent son investiture, elle est menacée par un accord qu’elle avait conclu au début de sa montée en puissance avec les Russes. Ceux-ci la tiennent et veulent donc qu’elle se soumette. Le piège est admirable et le suspens est si bien mené que je ne peux pas en dire plus.

En revanche ce que je peux dire et cela vous le savez : l’Ukraine n’acceptera plus les manoeuvres des politiciens corrompus et cela deviendra insupportable pour les Russes qui comme le décrit si bien Iegor Gran dans « Z comme zombie » n’ont aucune illusion sur leurs dirigeants mais s’en accomodent très bien.

Une lecture facile et prenante, une pierre de plus dans ma compréhension de ce que les Ukrainiens vivent aujourd’hui et les raisons pour lesquelles nous devons être solidaires de leur combat.

 

Citations

Efficacité du style.

 La fille est suivi par quatre serveurs en costume blanc étincelant. Son travail à elle est de rouler du cul dans un pantalon de cuir, le leur est de ressembler à des matelot de « La croisière s’amuse ». Elle sans doute mieux payée qu’eux, d’ailleurs. Quelques centaines de dollars. C’est donc que les choses sont en ordre, à leur place. L’argent est le meilleur étalon, le plus incontestable des ordonnateurs. Pas un des convives ne songerait à remettre en question cette simple vérité

Vision de Vienne.

 Les Russes ne sont pas les seuls à avoir colonisé Vienne. Toutes les langues de l’ex- URSS s’y font entendre. Les mercenaires de Ramzan Kadyrov y donnent la chasse aux réfugiés politiques thétchènes. les Azéris ont noyauté les organisations internationales installées là, distribuant leurs valises de billets aux fonctionnaires internationaux. Les oligarques kazakhs en disgrâce cohabitent avec les officiels d’Astana qui cherchent à les descendre.
Les Ukrainiens ne sont pas en reste.

Efficacité d’Olena face à l’impuissance de Valeri, son mari.

 

 Peu à peu ses affaires ont gagné en organisation et en professionnalisme. Au lieu de ployer sous des ballots de plastique, elle remplissait les coffres de vieille Lada. Elle payait désormais le voyage d’autres femmes vers la République tchèque, l’Allemagne, en quête de nouvelles raretés et de ces jeans que la jeunesse et les nouveaux riches s’arrachaient. Valéri la regardait faire avec effroi, s’enfonçant encore un peu plus à mesure que sa femme sauvait sa peau, s’élevait au dessus du mouroir. Le pays qu’il voyait naître dans les yeux d’Olena n’était pas celui qu’il avait imaginé, attendu, pas celui que lui promettait les articles qu’il lisait à la fin de la décennie précédente. Il condamnait ses combines minable, amorales, mais n’était même pas capable de sortir de l’appartement.

Les enfants du communisme : passage clé pour comprendre les personnages du roman.

 

 Ce qui est important ce n’est pas de savoir quelle enfant était Olena Hapko, ni si elle a changé plus tard, et à cause de quoi. Ce qui a changé, c’est le monde autour d’elle. Il n’a pas seulement changé, il s’est écroulé en un claquement de doigts. Ces gamins nous les avons élevés avec nos valeurs, et nos références. Et puis, lorsqu’ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n’avait le moindre sens. Ces valeurs qu’on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu’on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l’écroulement de l’URSS, c’est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l’erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l’hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés contre tous les grands discours. Tout ce qu’on nous demandait c’était de nous serrer la ceinture et de courber l’échine, une fois de plus, accepter que le passé était mort. Nous avons vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu’est-ce que ça pouvait nous faire, leurs « privatisations » à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps … Mais imaginez ce qu’ont pu ressentir ces enfants qui arrivé à l’âge adulte à ce moment là, plein de confiance et d’allant. Eux ne connaissaient ni la violence de la cupidité ni les cadavres étendue en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu’on leur disait et surtout à croire en l’avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s’accrocher, en quoi garder la foi ? Qu’est-ce que ça veut dire dans le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?

 


Édition Gallimard N.R.F

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je crois qu’il faut faire lire ce roman à tous les parents qui auraient envie de pousser leurs enfants dans une carrière d’acteur. La peinture du cours Florent est une vision de l’enfer : qui peut avoir envie de jouer le chien qui pisse sur la jambe de quelqu’un d’autre ? Qui aimerait passer des heures à jouer des rôles stupides d’animaux dans des positions dégradantes ? En revanche, un peu plus positif, on sent que devenir un personnage c’est un travail de transfert de personnalité et que cela demande des efforts colossaux. Romy arrive à Paris avec un lourd passé d’une enfance détruite par un père alcoolique et violent et des abus sexuels par une femme voisine. Elle veut donc être comédienne et se prostitue pour payer le fameux cours Florent. Elle va vivre chez une femme très âgée Odette qui perd gentiment la tête, ensemble elles jouent des personnages et leurs rapports très conflictuels ressemblent à des jeux de théâtre. L’écriture est violente comme l’histoire mais ne m’a absolument pas touchée. La seule chose qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’appropriation par Romy des rôles de Blanche ou de Stella dans « un Tramway nommé Désir » .

J’ai eu même un rejet du livre quand Romy drogue la vieille pour pouvoir rejoindre son amant en toute tranquillité .

 

Citations

Les prostituées.

 Le soirée va être longue. Encore sept heures à tenir. Il n’y a pas grand monde ce week-end, il fait beau, les Parisiens sont partis et les provinciaux ne viennent qu’en semaine. Notre milieu est le thermomètre des humeurs sociales. On sait si le pays va bien ou non. Nous sommes les premières atteintes par les grèves, les épidémies ou les restrictions budgétaires. en plus d’être danseuses, nous sommes sociologues et psychologues.

Style et humour : la messe.

 Odette chante, Odette se met debout Odette s’assoit, Odette connaît le texte par cœur, Odette tient la main de ses voisins, les prend dans ses bras. Je ne peux pas dire que ce soit la grosse ambiance comme à un concert, mais pour son âge je respecte. Elle a le rythme pontifical dans la peau. Elle me chuchote à l’oreille quand je dois me lever, tire sur la manche de ma veste en jean quand je ne réagis pas. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Le père Dominique articule de façon exagérée, j’ai l’impression qu’il fait un exercice de diction.

 


Édition Delcourt/ Encrages . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Quel livre ! Pour, moi c’est vraiment trop dur, mais je suis une petite nature ! Il faut aussi que je dise que c’est très beau. Valentine Cuny- Le Callet est dessinatrice et écrit ce livre avec Ronaldo un homme qui est dans le couloir de la mort en Floride pour un meurtre qu’il dit ne pas avoir commis. Ce livre permet, encore une fois, de voir la condition des noirs aux USA, et aussi de se réjouir d’habiter un pays où la peine de mort n’existe pas.

Tout le talent de la dessinatrice est de nous faire comprendre toutes les injustices à travers les dessins. Ronaldo apparaît comme un homme sensible et attentionné. Son procès va être revu mais on ne sait pas, à la fin, si sa peine sera commuée en détention à vie où si la peine de mort sera de nouveau requise.

Si vous avez plus de courage que moi pour vous plonger dans l’univers carcéral américain, n’hésitez pas ce livre est pour vous. Et si vous aimez le dessin alors vous serez complétement conquis. J’ai pris quelques photos de planches qui m’ont totalement bouleversée, surtout celles où on voit que les gens qui assistent au lynchages, ce sont des gens ordinaires contents d’être là .


Édition Buchet-Castel

La liste de livres de cet auteur sur Luocine

Au rebond, G229, Juke box, Un minuscule inventaire, Rester vivant , La Grande Escapade 

Allez, un petit coup de baisse de moral, un petit roman de Jean-Philippe Blondel. C’est incroyable comme cet auteur me fait du bien, il raconte si bien la ..dépression ! Oui, vous avez bien lu, cet auteur est mon dépressif préféré, (comme Bacri était mon acteur dépressif préféré). Son roman décrit très bien les gens que je connais, il n’est jamais méchant mais est un fin observateur des comportements de ceux qui nous entourent. Corentin est donc dépressif et aussi cinéaste pour les mariages. Quoi de mieux qu’une cérémonie de mariage pour saisir l’essence même des relations intra humaines. Il a un autre projet, en dehors des mariages demander aux gens qui sont proches de lui de dire face à la caméra ce qu’ils pensent de lui. Cela nous permet de mieux cerner Corentin. Sinon pour les mariages, on a le droit à tout, la mère envahissante qui régente tout le monde et surtout son fils , mais elle tombera sur une résistance du côté d’un curé qui veut faire de la messe de mariage un moment religieux et pas un spectacle, les allusions grivoises , le mariage homosexuel qui aurait pu mal tourner sans la présence d’esprits de Corentin, l’attaque raciste contre une femme qui avait épousé en première noce un Sénégalais.

Ils sont à deux Yvan le parrain et ami des parents de Corentin . Yvan se charge des photos et son filleul des films, mais leur petite affaire ne fonctionne que » la saison des mariages » donc de mai à septembre. Il faudrait donc que Corentin arrive à trouver autre chose à faire.

Un bon moment passé au milieu de mes contemporains.

 

Citations

J’aime la façon de raconter de cet auteur .

Yvan n’a de cesse de pester contre les années 1980, les tenue bleu électrique, les poses étudiées des jeunes gens post-modernes, et cette musique mon Dieu, cette musique qui vous donne envie de vous rendre chez le premier disquaires venu avec une batte de baseball pour tout détruire. « Quand on pense, poursuit souvent Yvan, qu’ aujourd’hui ils nous ressortent toutes ces niaiseries vintage et délicieusement sucrées, qu’ils rêvent tous d’avoir eu vingt ans à cette période-là, parce que c’était l’âge d’or, je vais te les renvoyer tous illico presto au temps de Reagan et Thatcher, de l’apparition du SIDA, de Tchernobyl est des premiers traders tu verras qu’ils feront moins les fiers. Les années 1980, c’était la même merde que maintenant point à la ligne.

Portrait du maire.

 Il récitait des poèmes des  » Fleurs du mal » qui faisaient partie de sa liste imposée, elle le trouvait terriblement romantique. Beaucoup moins, quand, le lendemain des épreuves écrites elle l’a vu embrasser à pleine bouche une fille de terminale. Le maire était séduisant et beau parleur. Il n’est plus que parleur. Et encore, avec difficulté. Il bafouille -le mariage n’est pas sa spécialité. Il y en a de moins en moins dans cette commune rurale. Quant à lui il a divorcé trois fois.

Paris.

 Paris a absorbé Corentin. Il ne s’y sent jamais seul -même s’il est conscient que l’agitation de la capitale est un alcool lourd qui se digère mal