Metin Arditi est un auteur que j’aime bien retrouver : en 2009 j’ai lu « Loin des bras, en 2012 « Prince Orchestre« , en 2017 « L’enfant qui mesurait le monde » , en 2022 « Tu seras mon père » et en 2024 « le bâtard de Nazareth » et voici « Le Turquetto ». J’ai parfois des réserves pour cet auteur, mais pour ce roman, je n’en ai aucune. J’ai été tellement prise par ce récit que j’ai vérifié que ce personnage était bien un personnage fictif et pas un personnage historique. Metin Arditi nous fait vivre à travers ce roman , la puissance de la création d’un artiste peintre et le foisonnement artistique à Venise au XVI siècle. Il part d’un tableau très célèbre du Titien : l’homme au gant pour construire son roman.

 

Il imagine que ce tableau si célèbre n’est pas l’œuvre du Titien mais d’un peintre totalement ignoré, un jeune juif qui a fui Constantinople à la mort de ses parents pour rejoindre Venise, où il se fait passer pour un chrétien d’Orient, malheureusement il sera découvert et tous ses admirables tableaux seront brûlés sauf un : l’homme au gant.

Ce récit est un prétexte pour que l’auteur nous montre les aspects les plus sombres des trois religions monothéistes : les juifs comme les musulmans , n’ont pas le droit de représenter les humains sans risquer leur vie car c’est pour ces religions une façon impardonnable d’offenser Dieu . La religion chrétienne serait donc plus ouverte, elle qui encourage les peintres à représenter la figure humaine dans les tableaux. Oui mais ! nous sommes à la renaissance et au début du schisme protestant et il ne fait pas bon de ne pas être exactement dans la ligne définie par les puissants de l’église. Et lorsque l’on découvrira que le Turquetto était en réalité juif une seule solution : la condamnation à mort et l’autodafé de son œuvre. Pour parfaire notre révolte à propos de la religion et de l’inquisition, on retrouve un peu l’esprit du « Bâtard de Jérusalem » : l’œuvre qui provoquera la chute du Turquetto, est la cène, peinture scandaleuse où il a représenté les personnages sous les traits de rabbin ou du moins habillé comme l’étaient les sages juifs de l’époque. Pour brouiller les cartes, il leur a donné les traits des plus célèbres peintres vénitiens, pour Juda, il a fait son autoportrait. Ce tableau, la bonne société vénitienne ne pourra pas le laisser passer sans réagir à un tel blasphème : représenter Jésus sous les traits d’un juif quelle horreur !

L’autre thème de ce roman , c’est la peinture. L’auteur sait nous plonger dans la création d’un tableau : depuis l’esquisse, puis le dessin, et enfin la peinture tout est remarquablement raconté et c’est vraiment ce qui fait un grand charme de ce roman.

Le troisième aspect, c’est la vie à Venise, avec les jeux de pouvoir et d’argent, tout cela sous la houlette de la religion catholique qui est si tolérante pour ceux qui peuvent lui laisser beaucoup d’argent, et si sévère pour les pauvres. Mais pour les juifs, riches ou pauvres leur sort est vraiment misérable que ce soit sous la domination chrétienne ou musulmane.

Si l’un de ces thèmes vous plaît , n’hésitez pas vous ne serez pas déçu, en plus le récit est très prenant.

Je sais que j’ai vu passer ans la blogosphère mais j’ai un peu oublié où , si vous me le signalez dans le commentaire je mettrai un lien vers votre blog. Athalie est la première à s’être manifestée et comme moi elle a beaucoup aimé ce roman. Kathel en deuxième position. Voici maintenant Sandrine, avec un billet fort élogieux.

Extraits.

Début.

 » Élie ! Ton père s’est arrêté !
 Cette manie qu’avait Ardinée de crier, alors qu’il était sous ses yeux !
 Il se tourna vers son père. Le front baigné de transpiration. Celui-ci pressait sur sa vessie et urinait en pleine rue, comme les portefaix et les mendiants … Depuis qu’ils avaient pris le chemin du Bazar, c’était la troisième fois.

Sort des juifs dans l’empire ottoman.

Sami ferma les yeux.
Endurer…Il ne connaissait que cela. Endurer la pauvreté, la maladie, la honte … Surtout la honte. Vendeurs d’esclaves… Un travail que les Turcs réservaient aux juifs, comme on jette les restes aux cochons… Et son fils qui le déshonorait aux yeux de tous.
Il soupira. Comment pouvait-il estimer un père à qui les gens s’adressait comme à un chien ?
Avec le temps, Sami avait fini par prendre l’habitude de baisser la tête avant même que ne vienne insulte. Son fils n’était pas mauvais. Il était lucide, voilà tout. Il voyait son père tel qu’il était. Un être servile qui vivait dans la saleté…Malade des urines. Malade de honte. Malade de tout.

Venise et Assise.

Gandolfi se tournait vers la gauche. Le doge trônait sur une estrade haute de trois marches. On aurait dit le pape à Saint-Pierre … Décidément, Venise se noyait dans le ridicule. Elle avait trop de tout. Trop d’or, trop de marbre, trop de soies, trop d’ambitions inassouvies. À Assise, les maisons étaient faites de bois ou de torchis. Mais les gens qui les habitaient étaient de vraies gens. Pas des courtisans cruels et vaniteux, dont le regard était sans cesse ailleurs par-dessus épaules de la personne qu’ils avaient en face, à la recherche de quelqu’un qui soit plus important… Plus valorisant … Plus honorant… Les Vénitiens avaient les yeux fuyants. À Assise, les gens sentaient la bête. Mais ils étaient présents. Ils regardaient dans les yeux 

 

 


Éditions Acte Sud, 412 pages, février 2025

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin.

Mais comme dirait l’autre, les neurones c’est comme l’amour, ça ne s’achète pas.

 

S’embarquer dans un roman de Richard Powers, c’est toujours un moment de lecture exigeant, je le savais depuis la lecture que je n’ai jamais oubliée  » Le temps où nous chantions » . L’auteur a besoin de temps pour installer son sujet mais aussi à l’image de la vie, de complexité , mais quand on se laisse prendre alors tout s’éclaire et on vogue avec lui sur tant de questions qui traversent notre actualité.

Ici, nous sommes avec trois voix, une est en italique , celle d’un homme immensément riche grâce aux nouvelles performances des technologies connectées, à chaque fois qu’il prend la parole le texte est en italique : Todd Keane est atteint d’une maladie dégénérative du cerveau et il raconte sa réussite dans le monde de l’intelligence artificielle, son enfance, son amitié avec Rafi un jeune noir surdoué et les ravages de sa maladie actuelle.

Rafi ce jeune noir a été élevé dans une famille qu’on dit aujourd’hui « dysfonctionnelle » : son père qui certainement était très intelligent pousse de façon violente son fils à dépasser tout le monde à l’école, ses parents se séparent et sa mère se remarie avec un homme qui la frappe et sera à l’origine de la mort de sa sœur. Rafi ne vivra que, par et pour, la littérature. Il rencontre Todd au lycée puis à l’université, leur amitié se renforce grâce à leur passion pour les jeux de stratégie, les échecs d’abord puis le jeu de Go. Il tombera amoureux d’une artiste extraordinaire polynésienne qui cherchera à l’aider à écrire sa thèse.

Je pense qu’un lecteur plus attentif que moi pourrait lire ce roman comme une illustration des différents coups du jeu de Go. Il se termine par un vote de pierres blanches et de pierres noires qui y fait beaucoup penser.

Il y a aussi une troisième voix très importante, celle de l’Océan, portée par une femme d’exception, Evie, plongeuse émérite qui est à la fois émerveillée par l’océan et effrayée par ce qui lui arrive aujourd’hui.

Tous se retrouvent à Makatea, île de la Polynésie française . Les compagnies minières française y ont exploité le phosphate sans se soucier du bien être de la population ni de la préservation de la nature.

Nous sommes donc au cœur de la littérature et de la poésie grâce à Rafi, au centre de la création de l’IA et toutes ses dérives avec Todd , bouleversés par les révélations sur le mal être de la planète, tout cela sur un petit rocher au milieu du Pacifique, avec une population qui a toujours accueilli les étrangers avec des colliers de fleurs, même ceux qui, comme les français en 1917 , ont exploité les hommes et les ressources naturelles de façon éhontées .

J’ai beaucoup aimé ce roman , mais j’ai vraiment eu du mal au début à m’immerger dans cette histoire : trop de personnages, trop de temporalités , comme je le disais au début, partir dans un roman de cet auteur c’est vraiment faire un effort de concentration que je n’ai pas réussi à faire au début. Mais le dernier tiers du roman, quand j’ai compris ou Richard Powers voulait m’embarquer, m’a complètement séduite.

Extraits.

Début.

Ina Aroita un descendit à la plage un samedi matin enquête de jolis matériaux. Elle emmena avec elle Hariti, sa fille de sept ans
 Elles laissèrent à la maison Afa et Rafi qui jouaient à même le sol avec des robots transformables. La plage n’était pas loin à pied de leur bungalow voisin du hameau de Moummu, sur la petite colline coincée entre falaises et mer de la côte est de l’île de Makatea dans l’archipel des Tuamotu, en Polynésie française, aussi loin de tout continent qu’une terre habitable pouvait l’être -une poignée de confettis verts, comme les français qualifiaient ces atolls, perdus dans un champ de bleu sans fin.

Un couple parental peu sympathique !

 Mais c’est un jeu de guerre ininterrompu entre eux deux qui a dominé toute mon enfance. Un tournoi mû par le désir autant que la haine, où chacun engageait ses superpouvoirs respectifs. Mon père : la force du maniaque. Ma mère : la ruse de l’opprimée. Enfant précoce je n’avais que quatre ans quand j’ai compris que mes parents étaient pris dans une lutte pour se faire mutuellement autant de mal que possible sans franchir la ligne fatale : juste infliger assez de pures souffrances pour produire cette excitation que seule la rage peut engendrer. Une sorte d’étranglement de l’âme, réciproque et masturbatoire, où les deux parties donnaient généreusement et recevait bienheureusement.

Le sexe et la religion.

 Il y a cent ans, les Makatéens avaient envers le sexe l’attitude la plus saine qui soit. C’était comme l’escalade, la course ou le bodysurf, mais pimenté d’amour. La possession n’était pas un enjeu. On ne pouvait pas plus posséder une personne qu’on ne pouvait posséder la terre, ou le ciel au-dessus de la terre, ou l’océan au-delà du rivage.
Et puis les « Popa’ā » étaient arrivés. Et à présent Didier se signait et s’agenouillait sur le prie-Dieu d’une des deux églises de l’île. Deux églises pour quatrz-vingt-deux habitants ! Une catholique, une mormone, et c’est dans la première que se trouvait le maire, la tête inclinée, priant les anges (parce qu’il n’osait pas croiser le regard de la Vierge Marie dont la perfection l’embarrassait) en disant  : » Ça reste de l’adultère n’est-ce pas ? même si ma femme est d’accord ? »
À sa grande stupéfaction, les anges répondirent :  » C’est de l’adultère de survie ».

Une femme dans un univers d’hommes.

 Evelyne Beaulieu entra à Duke en 1953 , première femme jamais admise en études océanographiques. Elle survécut à quatre ans de cours à Durham et à trois étés de travail de terrain en déployant des trésors de camouflage toujours plus inventifs. Elle dissimulait l’étendue de son expérience de plongeuse, s’abstenait de corriger de nombreuses erreurs de ses professeurs, et riait aux blagues de soudard de ses condisciples mâles. Ce n’était pas si difficile de se faire passer pour ce que les américains appelaient une « bonne camarade ».

En 1957 !

On était en l’an 1957. Pepsi proposait d’aider la ménagère moderne dans la lourde tâche de rester mince. Alcoa lançait un bouchon de bouteille que même une femme pouvait ouvrir « – sans couteau, sans tire-bouchon, sans même un mari ! »

Jusqu’à quand ?

Mais comme dirait l’autre, les neurones c’est comme l’amour, ça ne s’achète pas.

La révolution internet.

 On n’a rien vu venir. Ni Rafi, ni moi, ni personne. Prédire que les ordinateurs allaient envahir nos vies ? OK. Mais prévoir qu’ils allaient faire de nous des êtres différents ? Saisir dans toute son ampleur la conversion de nos cœurs et de nos âmes ? Même les plus éclairés de mes collègues programmant « RESI » ne pouvaient s’en douter. Bien sûr, ils prophétisaient les versions portatives de l’Encyclopédia Britannica, les téléconférences en temps réel, les assistants personnels qui pourraient vous apprendre à écrire mieux. Mais imaginer, Facebook, WhatsApp, TikTok, le bitcoin, QAnon, Alexa, Google Maps, Les publicités ciblées fondées sur des mots-clés espionné dans vos mails, les likes qu’on vérifie même aux toilettes publiques, le shopping qu’on peut faire tout nu, les jeux de farming abrutissants mais addictif qui bousillent tant de carrières, et tous les autres parasites neuronaux qui aujourd’hui m’empêchent de me rappeler comment c’était de réfléchir, de ressentir, d’exister à l’époque ? On était loin du compte.

 

 


Éditions Actes Sud, 258 pages, mars 2025.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une déception pour cet auteur dont j’ai tant aimé « La Rivière » et un peu moins « La constellation du Chien » . Ce roman raconte l’enfance de Firth élevée par sa mère une traductrice de poètes Chinois anciens et qui s’est réfugiée avec sa fille de 6 ans dans une maison, à peine plus confortable qu’une cabane au bord d’un lac dans le Vermont. La narratrice est cette Firth maintenant adulte qui se souvient au gré des poèmes traduits ou écrits par sa mère de son enfance. Elle même attend un enfant et c’est ce qui la pousse à revenir sur son passé. Les revenus de cette étrange famille vient des pommes (d’où le titre) et la récolte du sirop d’érable. Sa mère se lie d’amitié avec une artiste locale Rose, qui gardera la petite fille au décès de sa mère.

Plusieurs fils tissent ce roman, celui auquel j’ai été le moins sensible : les poèmes de la poétesse chinoise des temps anciens, je n’ai pas pu déceler si c’est un personnage réel ou une création littéraire du romancier. J’ai trouvé les poèmes d’une platitude totale, mais je suis rarement sensible à la poésie traduite. Grâce au métier de sa mère on découvre une des raisons de leur installation dans cet endroit reculé. Hayley est une traductrice reconnue et encore célèbre dans le monde universitaire, elle accepte une invitation à un colloque et se fait descendre en flamme par la « féministe » de service qui trouve que cette poète chinoise de la dynastie des Tangs est l’incarnation de la soumission de la femme. Elle se promet de ne plus jamais répondre à aucune invitation. L’autre raison de cette fuite, elles le doivent au père de Firth, un homme qu’elles ont dû fuir car il était de venu violent à cause de la drogue.
Mais le thème principal c’est le retour vers la vie « naturelle » et l’amour qui lie cette mère à sa fille.

Adulte la fille aura du mal à aimer mais elle est enceinte d’un homme qui s’épile entièrement … vous vous demandez pourquoi je vous donne ce détail, la raison en est simple , je me suis demandé pourquoi l’auteur nous a donné ce détail.
C’est un roman « gentil » qui ne fait pas de mal mais que je n’ai pas trouvé très intéressant.

 

Extraits

 

Début

Début du prologue

 Le dossier se trouve dans un petit coffre en bois d’érable qui, pendant des années a servi de soc à une lampe dans l’angle de ma bibliothèque. Le coffre appartenait à ma mère. Hayley. Je me souviens que la boîte avec son assemblage à queue d’aronde contient d’autres souvenirs : le titre de propriété donne cabane dans le Vermont ; un ruban pour attacher les cheveux ainsi qu’un petit bouquet de fleurs de mariage en soie qui n’est pas celui de son mariage ; de la cire pour planches de surf ; un stylo plume ; un bracelet tout simple en jade. Un. petit rouleau de papier avec la silhouette d’un héron au milieu de bambous et quelques mots en chinois tracés à l’encre dans un coin.

Début du roman

 Ma mère faisait partie du mouvement des néoruraux. Elle avait cette idée : s’installer avec moi, sa fille de six ans , dans une cabane au milieu d’une pommeraie en déshérence à quelques kilomètres d’une large rivière du Vermont.

Le sirop d’érable.

La saison boueuse, mi-mars, qui est aussi la saison des sucres, quand les nuits sont glaciales et que les arbres font des bruits grinçants de vieux gonds, avant le dégel, avant que les ruisseaux ne grossissent, que la neige ne fonde et que la sève n’irrigue les érables. Comme nos voisins nous avons procédé à l’entaillage. Nous avons entrepris de récolter l’eau légèrement sucrée en accrochant des seaux aux troncs, à l’ancienne. Nos voisins, eux, utilisaient des tubulures en plastique courant d’un arbre à l’autre et formant une horrible toile 

Le féminisme totalitaire dans les universités américaines.

 – À l’heure du féminisme, pourquoi devrait-on lire d’anciens poèmes chinois qui mettent en avant le regard masculin ?
– Quoi ?
– Je sais a murmuré maman. J’étais abasourdie. J’ai répondu :  » Ils ne mettent pas en avant le regard masculin. Li Xue est une femme. À tous les égards. Ces poèmes sont écrits par une femme, l’une des plus grandes poétesses de la dynastie Tang. Elle a rétorqué :  » Bien sûr mais ne pensez-vous pas que malgré ses grands talents de styliste, elle ne fait que représenter et renforcer un fantasme masculin ? À savoir : se tenir à la fenêtre et pleurer en attendant que son homme rentre à la maison  ?  » Un truc comme ça je n’en revenais pas. Je voyais que tout ça était préparé que c’était le but de cet entretien elle m’a mené à cet endroit et vlan. »

Extrait du poème : Nuages noirs.

Les nuages noirs s’accumulent sur la montagne Tsu
Les vagues blanches déferlent sur la rivière. 
Une paire d’ailes de cormorans filent vers l’aval,
Font la course aux ténèbres. 
….

 

 

Édition Albin Michel, 2024 les pages ne sont pas numérotées.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Une BD très originale, Luz, créateur de BD se met dans le regard d’un tableau pour raconter l’ histoire de cette œuvre mais aussi de son créateur et du monde qui l’a entourée : pari aussi étonnant que réussi. Bien sûr, vous comme moi, nous avons lu tant de livres sur la montée du Nazisme, la spoliation des Juifs, et sur les prétentions artistiques des Nazis. Certainement vous savez aussi que les nazis ont organisé des expositions sur l’art dégénéré. Comment faire alors pour nous intéresser une fois encore à cette tragédie que représente le nazisme ?

Le fait de ne prendre le point de vue que d’un seul tableau d’un peintre, Otto Mueller, « Deux filles nues », permet de rendre concret le destin des artistes et de leurs œuvres sous le nazisme. Mais le tour de force est d’imaginer que le tableau lui même raconte l’histoire. Ainsi le début des persécutions anti-juives sont aperçues par la fenêtre que le tableau aperçoit de là où il est accroché. Mais avant cela on suit sa création par l’artiste et c’est lui que dessine Luz. Otto Mueller est un artiste torturé par la maladie qu’il a contracté à la guerre 14/18 , il est inspiré par une femme qui restera proche de lui toute sa vie , Maria (dit Maschka) Meyerhofer, on le voit vendre son tableau à un collectionneur d’art Ismar Litman, puis vient le nazisme la spoliation de la collection de ce grand amateur d’art et finalement les différentes exposition pour montrer cet art « dit » dégénéré.
Détail amusant , il y avait à côté des œuvres vilipendées, une exposition des œuvres qui au contraire étaient glorifiées par les nazis, mais celles-ci avaient beaucoup moins de succès à croire que les tableaux mis à l’index étaient beaucoup plus appréciés. Le regard d’un petit garçon sur le tableau des deux filles nues, en dit plus long que tout un discours et observez bien le personnage final, lorsque le tableau retrouvera toute la place qui lui est due au musée de Cologne, il vous rappellera quelqu’un.

Une BD que j’apprécie beaucoup car le dessin de Luz apporte quelque chose d’essentiel à cette histoire si tragique.

Extraits

Bd début sans dessin.

1919
– Tu peux dégrafer un peu ton corsage ? ? ?
– On pourrait nous voir, Otto !
– T’inquiète Maschka, on est en pleine forêt…

Un exemple de planches.

Le tableau redessiné par Luz.

Le tableau sur Wikipédia


Édition l’arbalète Gallimard , 201 pages, septembre 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Vivre est assez bouleversant entre le début et la fin, on ne sait jamais ce qui va se passer.

Un très beau livre de Clémentine Mélois, écrivaine, fille de Bernard Mélois sculpteur . Il a toujours travaillé avec des objets émaillés et ses sculptures sont célèbres et très connues. Voici un de ses oiseaux :

 

Avec une sensibilité touchante sa fille, Clémentine Mélois raconte son père Bernard Mélois, son amour pour sa femme Michelle. C’est aussi le récit d’une enfance heureuse, mais nous suivons aussi pas à pas, le déclin et la fin de la vie de cet artiste original, respectueux des autres et aimant sa famille et la vie. La disparition d’un être aussi sensible qui a beaucoup aimé et été aimé aussi fort, donne toujours des témoignages qui me touchent beaucoup. Cet artiste était (comment en être étonné ?) très fantaisiste, son épouse et ses enfants ont voulu lui garder sa force de vie jusqu’à ses derniers instants. Et son enterrement sera à son image, un moment musical, coloré et où certainement tous ceux qui l’ont connu l’ont retrouvé. Bien sûr, je ne le connaissais pas, mais j’ai l’impression qu’il fait partie maintenant de mes morts, de ceux qui me manquent tant aujourd’hui. J’ai retrouvé dans ses remarques, dans sa façon d’être présent aux autres, mon frère qui nous faisant tant sourire lors des fêtes familiales.

Cette fille, a surmonté son chagrin pour écrire ce livre et elle réussit à nous rendre son père très vivant. J’aimerais aller voir une exposition de ses œuvres que je les trouve superbes en images. Mais elle réussit aussi à nous aider à respecter ceux qui autour de nous disparaissent,(elle préfèrerait que j’écrive « meurent ») . Je crois effectivement qu’il faut tout faire pour que leur fin de vie soit comme leur vie, entourée de ce qu’ils aiment et surtout que la cérémonie leur ressemble. Je sais que j’ai beaucoup utiliser le verve aimer dans ce billet, mais c’est ce que j’ai ressenti tout au long de cette lecture, un grand amour respectueux des autres. C’est si rare !

Un beau livre et pour moi la découverte d’un grand artiste.

Extraits

Début .

 Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j’ai peur que les souvenirs s’en aillent avec elle, comme un rêve qui s’échappe au réveil et qu’on ne peut retenir.
 Avec ce bleu, j’ai peint le cercueil de Papa. Un bleu RAL 5002 fabriqué à la demande chez un marchand de peinture absurde, dans un hangar à moitié vide derrière le Leclerc de Villers-Cotterêts. C’est très pratique : on donne la référence, une machine mélange et on repart avec son peau fait sur mesure.
 J’étais soulagé que le vendeur ne me demande pas à quel usage je le destinais. C’est pour l’intérieur ou l’extérieur ? Pour une cuisine ou une salle de bains ? Non, c’est pour le cercueil de mon père, il est mort hier et on va lui faire un enterrement de pharaon.

Remarque exacte.

 Pour en revenir aux cercueils, j’ai trouvé qu’ils étaient chers – d’autant que c’est un achat ingrat. Encore pire que de devoir payer une police d’assurance, changer ses fenêtres où la courroie de distribution de sa Twingo.  » C’est bête, se dit-on, avec ça j’aurais pu m’offrir des vacances à Tahiti ». Enfin, c’est ainsi, on le sait bien : la vie est faite de beaucoup de courroies distribution à changer, et de très très peu de vacances à Tahiti.

Le bleu (est ce qu’un jour, il existera le bleu Luocine ?).

 Mais pour le bleu c’est une autre histoire. Il en existe une infinité de nuances, aux jolis noms de bleuroi, bleu de Prusse, outre-mer, turquoise Majorelle, indigo, égyptien ou marine.

Phrase d’une dame de Malestroit. (Ville d’où est originaire Bernard Mélois.).

 « Je me suis marié parce que je ne voulais plus m’ennuyer le dimanche. » 

Vivre.

 Vivre est assez bouleversant entre le début et la fin, on ne sait jamais ce qui va se passer. Il n’existe pas de résumé sur Internet et on ne peut pas se fier aux critiques des spectateurs. Face aux caprices de l’inconnu nous tentons à l’aveuglette de faire de notre existence le meilleur film possible. Pendant que nous sommes occupés à soigner le scénario le décor et les accessoires nous gagnons quelques instants de légèreté. Comment faire autrement ?

J’ai ri : son père et la télévision .

 C’est lui le maître des programmes, et il passe de chaîne en chaîne à toute vitesse, ne restant pas plus de trente secondes sur chacune à force les chiffres de la télécommande ont fini par disparaître. Je n’ai jamais vu un film ou une émission en entier, mais nous pouvons résumer tout ce qui s’est passé la veille à la télévision. Les seuls programmes sur lesquels papa s’éternise sont les spectacles de danse du genre du « Martyre de Saint Sebastien » de Maurice Béjart à la scala de Milan. Lorsqu’on lui demande pourquoi il ne zappe pas alors que ça nous semble terriblement ennuyeux, il répond : « J’essaie de comprendre comment ça peut intéresser quelqu’un. »

 

 


Édition le livre de poche jeunesse, 2021, 2022, janvier 2023, octobre 2023.

 

Tous les étés, depuis quatre ans, je lis un tome de ces romans à Arthur et Clémentine, ils avaient 6 et 4 ans le premier été, ils ont immédiatement adoré le premier roman. Dans l’internat de l’île aux Cigales, une femme appelée « La Cigale » recrute 5 enfants avec un don ou une passion, elle les choisit pour qu’ils puissent suivre des études aux collèges en internat sur une île au large de Cherbourg et améliorer leur don avec un professeur particulier. Nous suivrons la scolarité au collège, de Marguerite, violoncelliste, Agostino, peintre et guitariste, Caleb, math et piano, Nordine sportif et joueur de Derbouka et Cerise chanteuse.

Dans le premier tome, on verra les enfants résoudre une énigme à propos d’une enfant juive qui a été cachée dans ce manoir pendant la deuxième guerre mondiale, dans le deuxième tome ils feront la connaissance d’Annie la nièce de la Cigale et cuisinière extraordinaire, mais aussi d’Omid un jeune réfugié Afghan, dans le troisième tome les enfants se lanceront dans la création d’un disque, et enfin dans le dernier tome, alors que leur île a été détruite par un ouragan, les « tigres » (nom de leur groupe de musique) essaient de gagner un tremplin pour obtenir une somme d’argent importante permettant de reconstruire leur cher internat. Des personnages secondaires souvent très intéressants sont aux côtés des enfants.

Beaucoup de thèmes sont abordés, l’adolescence et les problèmes familiaux, la shoah, le réchauffement climatique, la place des handicapés dans notre société, l’exil des émigrés, et pendant tous les tomes la création musicale, il faut dire que l’autrice est aussi chanteuse et connaît bien les difficultés des groupes de musique.

Pour expliquer les cinq coquillages je vais laisser la parole aux enfants :

Est ce que vous avez aimé que je vous lise ces romans ? et pourquoi ?

Clémentine 8 ans :

Oui, parce qu’ils permettent d’apprendre beaucoup de choses sur la musique.

Arthur 10 ans

Oui, je suis d’accord avec Clémentine pour la musique , mais surtout les histoires sont très bien racontées .

 

Quel est ton personnage préféré ? Pourquoi ?

Arthur

Caleb, parce qu’il fait des math et moi j’adore les math et qu’il fait du piano et j’aime bien le piano moi aussi.

 

Clémentine

Mia, parce qu’elle a un petit frère adorable, moi j’en ai un grand et que j’adore, comme elle, faire de la danse.

 

Est ce que les quatre tomes sont très différents ?

Clémentine

Les tomes ne se répètent pas, les histoires sont différentes même si on suit les mêmes collégiens.

 

Arthur

Chaque roman est vraiment différent.

 

Est ce que tu aimerais aller au collège de l’île aux Cigales ?

Arthur

Oui, parce que le travail est très rigoureux et que je pourrais choisir la spécialité mathématiques

Clémentine

Oui j’aimerais aller à cet internat car cela permet de faire évoluer nos talents et moi je choisirais la gymnastique.

Que pourrais-tu dire pour donner envie à d’autres enfants de lire cette série ?

Clémentine (8 ans !)

Comme ça se passe au collège, cela pourrait apprendre aux collégiens à vivre des moment difficiles et à devenir plus autonomes.

 

Arthur

Je suis jeune et j’ai beaucoup aimé, ces romans peuvent être lus par des enfants plus jeunes que des collégiens car l’auteur écrit bien et on peut tout comprendre. Cela nous permet de savoir comment ça se passe pour faire de la musique et surtout à devenir plus solidaires entre enfants.

 

 

 

 


Édition Albin Michel, novembre 2023, 478 pages.

Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens (Vincent Van Gogh)

 

J’ai passé plusieurs journées à me promener avec la petite Mona âgée de 10 ans et son grand-père Henry au Louvre, à Orsay, et dans le musée Pompidou. À travers 52,tableaux analysé par Thomas Schlesser, j’ai pu retrouver l’ensemble de la vie artistique du XV° siècle à aujourd’hui. L’auteur pour construire un roman, et nous épargner une analyse de chaque tableaux un peu trop didactique, a choisi la fiction. Pour cela, il crée le personnage de Mona une petite fille qui a subitement perdu la vue pendant plus d’une heure puis l’a subitement retrouvée. Toute la famille craint qu’elle devienne définitivement aveugle, et on charge le grand-père de la conduire tous les mercredis après midi voir un pédopsychiatre. Mais au lieu de la conduire chez un médecin, Henry, le grand père, décide de l’emmener voir les tableaux des plus célèbres pour qu’elle garde en mémoire de belles images, si jamais un jour elle perd la vue, chaque tableau étant une leçon de vie et le titre d’un chapitre : de « apprends à recevoir » devant une fresque de Sandro Boticelli, en passant par  » tout n’est que poussière » devant un tableau William Turner à « le noir est une couleur » devant une oeuvre Pierre Soulage.

Pour aider le cheminement du lecteur la jaquette du livre se déplie et on peut voir les 52 reproductions des oeuvres. Mon seul bémol à cette fiction, c’est l’explication de la cécité de Mona, mais je n’en fais pas une réserve tant cette déambulation dans les trois musées m’a plu.

La petite fille est peu réaliste, très vite tant ses remarques sont pertinentes, elle devient aussi douée que son grand-père pour analyser des tableaux , mais ce n’est pas grave , cela permet de créer un dialogue entre un homme savant et une petite fille qui a envie de le devenir et qui adore son grand père. C’est très facile à lire, car les chapitres sont courts et se déroulent toujours de la même façon. Cela commence par un petit moment de la vie de Mona, soit une consultation chez un grand spécialiste, soit un petit épisode dans son école, puis elle part avec son grand père au musée celui-ci l’oblige à bien regarder le tableau puis le lui décrit avec précision et ensuite, ils discutent ensemble et le grand-père fait tout pour que l’enfant arrive à exprimer ce qu’elle ressent. Chaque tableau est une courte leçon d’éducation du regard et aussi de compréhension du monde qui lui a permis d’exister, et enfin du message qu’il porte. J’ai lu avec attention les tableaux qui ne me parlent pas du tout, par exemple la croix noir de Kazimir Malevitch, je ne suis pas arrivée à aimer ce tableau mais j’ai mieux compris pourquoi il est exposé, l’intérêt me semble plus historique qu’artistique. Mais bien sûr avec Marcel Duchamp je veux bien me poser la question : qu’est ce que l’art ?

Mes moments préférés, je les ai passés avec des tableaux qui me touchent beaucoup, j’aimerais retourner dans ces musées avec ce livre dans ma poche et regarder par exemple l’église d’Auvers avec le dialogue d’Henry et Mona. Il est très rare que je pense cela mais je crois que c’est un livre que je relirai souvent , en le prenant dans le désordre, maintenant que je connais sa trame pour quoi ne pas aller de Frida Kahlo à Gustave Courbet, à Édouard Manet à Johannes Vermeer…

Je suis contente de lire que ce livre connaisse un énorme succès international, c’est agréable dans notre monde si tourmenté de se dire que les humains puissent se retrouver autour de l’art.

 

Lisez l’avis critique de Sandrine, elle a détesté ce roman.

 

Extraits

Début du prologue.

Tout devint sombre. Ce fut comme un habit de deuil. Et puis, çà et là , des scintillements, à la façon des taches que produit le soleil quand les yeux le fixent en vain derrière les paupières serrées, de même qu’on serre le poing pour résister à la douleur ou à l’émotion.

Conte persan.

Une histoire persane du Moyen Âge raconte que, sur un marché de Bagdad, un vizir fut un matin effrayé de croiser la Mort, obscurément vêtue et décharnée, car celle-ci esquissa un geste vers lui qui était pourtant jeune et bien portant. Le vizir vint trouver son calife et lui annonça son départ immédiat pour la cité de Samarcande afin d’échapper à cette funeste invitation. Le calife accepta et son homme partit au galop. Troublé, le calife convoqua cependant la mort et lui demanda pourquoi elle avait menacé sur le marché de Bagdad un vizir vaillant, en pleine force de l’âge. La mort rétorqua : « Je ne le menaçais pas, j’ai simplement eu un geste de surprise ! Je tombe sur lui de bonne heure. Il est en plein marché à Bagdad. Cela m’a étonnée, car nous avons rendez-vous ce soir même à Samarcande. »

Analyse de l’autoportrait de Rembrandt.

 Cet autoportrait inscrit dans l’image de l’artiste l’oscillation de la gloire et de l’infortune. Il exprime une mélancolie profonde et le clair-obscur avec ses accès de couleur et ses abîmes d’ombre, montre combien Rembrandt a conscience de la fuite des années. Il ne signe pas seulement une autopsie de lui-même ; il ose faire celle du temps qui passe, de la lutte perdue d’avance entre l’être et non-être. « To be or nor to be. » clamait Hamlet dans la tragédie de Shakesoeare jouée en 1603. Un demi-siècle plus tard, l’autoportrait de Rembrandt le murmure aussi et autre chose encore ..
– Quoi Dade, qu’est-ce qu’il murmure ? je veux l’entendre …
– tend l’oreille Mona. « Gnôti seautón.
– « Gnoti » quoi ?
– « Gnôti seautón » …  » Connais-toi toi-même ».

Les paroles du père banquier de Cezanne.

On meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent.

La mélancolie.

 C’est formidable de profiter d’une belle vie, mais être heureux fait crépiter les choses en surface ; la mélancolie parce qu’elle est une faille en nous-même ouvre une brèche sur le sens et le non-sens de l’univers, nous permet de regarder les abîmes, les profondeurs. Les artistes le savaient et la cultivaient pour créer leurs œuvres.

 

 


Éditions Les Avrils, 210 pages, janvier 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un très bon moment de lecture pour ce récit qui décrit un milieu que je connais mal, celui de la chanson. Il y a deux temporalités dans le récit, celui du groupe d’étudiants qui était bien parti pour connaître le succès, composé du narrateur, Félix, chanteur et guitariste, le deuxième guitariste et chanteur Louis, une musicienne à la basse Alex, et un batteur Rémi. Et le Félix d’aujourd’hui père d’Élie un bébé qu’il a eu avec Anna une femme infirmière, et qu’il aime beaucoup.

Le groupe de musique n’existe plus, on apprendra au fil des chapitres pourquoi, mais on comprend très vite que Louis, le plus déjanté d’eux quatre en est la cause. Aujourd’hui Félix essaie de vivre de sa musique mais seul, il a beaucoup de mal à s’imposer. Son « agent » Marc lui promet la réussite mais qui ne vient pas. Félix essaie de gagner de l’argent, de bien s’occuper de son fils, et de ne pas décevoir Anna. Heureusement, il est apprécié par des personnages sympathiques comme Kacem, celui qui tient un bar en dessous de chez lui et qui est toujours prêt à l’aider. Il y a aussi Anna, qui l’aime mais qui voudrait qu’il essaie de mieux gagner sa vie car c’est elle qui doit assumer financièrement, et c’est trop lourd pour elle, et puis il y a Alex, la musicienne, qui viendra le voir à un moment important pour lui. Comme Anna, on est bien obligé de constater que dans sa vie actuelle ce n’est pas à travers les concerts ratés dans des salles où personne ne l’écoute qu’il est vraiment heureux.

Le charme du récit c’est la simplicité avec laquelle il est écrit, on suit très bien toutes les difficultés de Félix et avec lui je regrette que le genre de chanson qu’il compose n’ait pas plus de succès. Encore que, la chanson qui a tant de succès en ce moment « la symphonie des éclairs » de Zao de Sagazan me donne de l’espoir pour les chansons françaises.

Je l’ai déjà dit, je n’aime pas que dans les romans on présente la drogue comme un produit banal, il y a beaucoup de drogues dans les concerts et cela détruira un des membres du groupe, je le sais bien et cela m’attriste à cause de la violence que ce trafic impose à des quartiers et à des pays.
Mais ce n’est pas du tout l’essentiel du roman qui est plein de sentiments positifs, dans un monde parfois brutal qui utilise les artistes sans les respecter.

 

Extraits

Début.

Il n’y a pas d’applaudissements. Les conversations reprennent, je bois une gorgée de bière avant de me réaccorder. J’égraine doucement les cordes. De haut en bas, des graves jusqu’au aiguës. Les notes s’élèvent et flottent au dessus de la salle. À mes pieds, la diode de l’accordeur clignote. Je tourne à peine les mécaniques. Un quart de ton, pas plus. Des réglages fins pour parfaire l’équilibre 

 

La gentillesse du voisin.

 Elle range son vélo dans la cour derrière le scooter de Kacem. Elle ne l’entretient pas et répète qu’il est increvable, qu’à l’époque on faisait des objets robustes. J’acquiesce sans commentaire, mais je sais bien que Kacem y est pour quelque chose. Chaque fois qu’il passe devant, il ne peut s’empêcher de s’agenouiller près de la bicyclette. Il gonfle les pneus, surveille les freins ou règle le guidon. Je l’ai même surpris en train de graisser le dérailleur. 

Le producteur et le titre du roman.

– Il ne faut pas m’en vouloir, il poursuit d’un air désolé. Je te promets, c’est bien ce que tu fais. Il y a une âme, on sent que tu mets tout ce que tu as. Le problème c’est qu’il n’y a plus de public pour ça. J’ai déjà essayé, ça ne marche pas. On peut trouver que c’est triste, mais c’est la vérité. C’est une question de tempo. 
– De tempo ?
Il secoue la tête 
– de timing, quoi. De moment, de mode, d’époque, appelle ça comme tu veux. Ce que je veux dire, c’est que ta musique, ce n’est pas ce que les gens veulent l’entendre aujourd’hui. Demain peut-être. Qui sait ? Tout est possible après tout. Mais là non, vraiment je ne peux rien pour toi.


Édition Albin Michel janvier 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Je ne connaissais pas cette baronne Oettingen à la vie incroyable, d’origine russe ou ukrainienne, elle est arrivée à Paris dans les années 1900 et a fréquenté et fait vivre le Paris des artistes. À la tête d’une immense fortune elle et son frère Serge Férat (qui est peut-être plutôt son cousin) vont connaître une vie faite de rencontres avec les artistes qui tous veulent vivre à Paris : Modigliani, Picasso, Apollinaire. La révolution de 1917 réduira la fortune de ces deux Russes à néant, heureusement pour elle, elle avait su acheter des tableaux qui avaient pris de la valeur , en particulier ceux du Douanier Rousseau. C’est ce qui lui permettra de survivre jusqu’en 1950.

L’auteur rend un hommage à cette femme libre qui vit en dehors de toutes les conventions et il fait revivre le Paris des années d’avant la guerre 14/18 qui semblait le phare de toutes les créations artistiques.

Mais alors que le travail de Thomas Snégaroff est très honnête et très fouillé le livre m’a terriblement ennuyée . Je suis très déçue car je pensais me passionner pour ce récit et j’ai eu l’impression de lire un excellent article de presse sans plus. Je suis restée spectatrice de cette femme qui est capable de toutes les excentricités, des plus folles passions amoureuses, et qui avait certainement du talent, malgré tout cela elle est restée une image pas un véritable personnage. Dommage !

 

Extraits

Début .

La baronne d’Oettingen ! On ne l’aimait pas dans la famille. Je me demandais, petit, pourquoi on disait du mal d’une personne au nom si romanesque, si séduisant. On ne l’avait pas, sans raison, c’était ainsi. Et puis, en grandissant, je l’ai oubliée. 

Détail amusant, vrai ?

 À la suite d’une remarque, vers 1830, faite par un ingénieur américain selon laquelle Napoléon aurait envahi la Russie s’il avait possédé le chemin de fer, le tsar Nicolas Ier avait pris la décision d’opter pour un écartement des rails plus large qu’en Europe occidentale. Depuis lors le voyage en train était interminable.

Je ne savais pas qu’Apollinaire avait séjourné à La Baule.

 Dans la villa de la Baule, le poète s’installe dans une chambre indépendante. Il y a un petit bureau. Il pourra écrire si le cœur lui en dit. Ça lui ferait du bien, s’est imaginé Hélène. Il serait bien ici : par la fenêtre, la mer n’étant pas loin, l’air est un peu plus frais que de l’autre côté, sur le jardin arboré Mais pour ne pas lui faire trop de peine, Hélène n’ose lui dire qu’il ouvre sur le Bois d’Amour.

 

l’abonnement est de nouveau possible sur mon blog (merci à mon fils qui est passé me voir !)

Édition Grasset

Keisha avait suffisamment aimé ce roman pour me tenter. Je suis loin d’être aussi enthousiaste qu’elle, ni que je lis je blogue , ou qu’ Athalie. Sauter de lettre en lettre, garder en mémoire tous les protagonistes des sombres complots qui secouent Florence au XVI° siècle, cela a épuisé mes ressources d’attention et de patience. Ce livre pourrait faire l’objet de plusieurs romans : la vie dans les couvents, la condition des femmes, le statut des ouvriers de la peinture, la montée de la pensée protestante, la répression de l’inquisition, le pouvoir du Pape, la lutte entre les grandes puissances de l’époque : la cour espagnole et la cour du roi de France, et par dessus tout cela, le travail des peintres qui jouent plus ou moins bien contre la censure. C’est trop éparpillé pour moi et contrairement à Keisha, je soupirais à chaque changement de destinataire, je cherchais alors dans quelle histoire j’allais me retrouver, avec la pauvre petite Maria de Médicis qui succombe à l’amour, ou avec Michel Ange avec qui on va parler peinture, mais pas que … non je n’en dis pas plus (il ne faudrait pas qu’en plus, je vous dévoile la fin !) mais c’est lui qui détient une grande partie du mystère de la mort du pauvre vieux peintre Pontormo.

L’enquête sur cette mort est aussi un des ressort du roman, mais cela se complique car cela se mêle à la recherche d’un tableau qui représente une Vénus avec la tête de Marie de Médicis, les multiples ruses pour obtenir et essayer de détruire ce tableau sont semées de cadavres et de tortures en tout genre.

Bref, je me sens un peu seule dans ma déception et c’est certainement due à mon manque d’agilité cérébrale !

Un avis qui rejoint le mien La Petite Liste

 

Extraits

Le début .

S’il savait que je vous écris, mon père me tuerait. Mais comment refuser une faveur si innocente à votre altesse ? Il est mon père mais n’êtes-vous pas ma tante ? Que me font à moi vos querelles, et votre Strozzi, et votre politique ? À la vérité votre lettre m’a causé une joie que vous ne pouvez concevoir. Quoi ? la reine de France me supplie de l’entretenir sur sa ville natale en échange de son amitié ?

Opinion tranchée des bonnes sœurs.

 Voilà pourquoi rappeler à Dieu un peintre sodomite réformé, dont la punition dans cette vie ou dans l’autre était inévitable, ne peut être un crime. C’est au contraire une sainte action qui sera portée au crédit de son auteur à l’heure du jugement 

La condition de la femme, c’est une Reine de France qui parle.

 Si vous épousez le jeune prince de Ferrare, ce sera pour la seule raison de réconcilier votre père avec la puissante famille d’Este. Nous, femmes, sommes les pièces qu’on déplace sur l’échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d’obéir à votre père, votre devoir d’épouse du duc sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé 

Conception de l’honneur .

 L’honneur repose uniquement sur l’estime du monde, et c’est pourquoi une femme doit user de tout son talent pour empêcher qu’on débite des histoires sur son compte : l’honneur, en effet, ne consiste pas à faire ou ne pas faire mais à donner de soi une idée avantageuse ou non. Péchez si vous ne pouvez résister, mais que la bonne réputation vous reste.

Le but de la peinture pour les bonnes sœurs.

 La fin du peintre est de mener les hommes à quelque idée vertueuse au moyen d’une représentation convenable, à la façon dont un aliment fait horreur si on le représente sous l’aspect d’une chose abominable, ou bien au contraire fait envie de si on le représente sous l’aspect d’une chose belle et admirable.