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Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Traduit de l’anglais par Élodie Leplat. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


En juin 2018 , notre club de lecture après une discussion mémorable avait attribué au « Chagrin des vivants » son célèbre « coup de cœur des coups de cœur ». C’est donc avec grand plaisir que je me suis plongée dans cette lecture. Envie et appréhension, à cause du sujet : je suis toujours bouleversée par la façon dont on a toujours maltraité des êtres faibles, En particulier, les malades mentaux. Ce roman se situe dans le Yokshire en 1911, dans un asile que l’auteure a appelé Sharston. Cette histoire lui a été inspirée par la vie d’un ancêtre qui, à cause de la grande misère qui a sévi en Irlande au début du vingtième siècle, a vécu dans des institutions ressemblant très fort à cet asile.

Le roman met en scène plusieurs personnages qui deviennent chacun à leur tour les narrateurs de cette tragique histoire. Ella, la toute jeune et belle irlandaise qui n’a rien fait pour se retrouver parmi les malades mentaux et qui hurle son désespoir. Clèm une jeune fille cultivée qui a des conduites suicidaires et qui tendra la main à Ella. John Mulligan qui réduit à la misère a accepté de vivre dans l’asile. Charles Fuller le médecin musicien qui sera un acteur important du drame.

Ella et John vont se rencontrer dans la salle de bal. Car tous les vendredis, pour tous les patients que l’on veut « récompenser » l’hôpital, sous la houlette de Charles Fuller, peuvent danser au son d’un orchestre. Malheureusement pour tous, Charles est un être faible et de plus en plus influencé par les doctrines d’eugénisme.

C’est un des intérêts de ce roman, nous sommes au début de ce siècle si terrible pour l’humanité et les idées de races inférieures ou dégénérées prennent beaucoup de place dans les esprits qui se croient savants : à la suite de Darwin et de la théorie de l’évolution pourquoi ne pas sélectionner les gens qui pourront se reproduire en améliorant la race humaine et stériliser les autres ? L’auteure a choisi de mettre toutes ces idées dans la personnalité ambiguë et déséquilibrée de Charles Fuller, mais on se rend compte que ces idées là étaient largement partagées par une grande partie de la population britannique, elles avaient même les faveurs d’un certain Winston Churchill. Il s’en est fallu de peu que la Grandes Bretagne, cinquante ans avant les Nazis n’organise la stérilisation forcée des patients des asiles. On apprend également que ces patients ne sont pas tous des malades mentaux, ils sont parfois simplement pauvres et trouvent dans cet endroit de quoi ne pas mourir de faim. On voit aussi comme pour la jeune Ella, que des femmes pouvaient y être enfermées pour des raisons tout à fait futiles. Ella, un jour où la chaleur était insupportable dans la filature où elle travaillait a cassé un carreau. Ce geste de révolte a été considéré comme un geste dément et son calvaire a commencé. Au lieu de l’envoyer à la police on l’a envoyée chez les « fous ». On retrouve sous la plume de cette auteure, les scènes qui font si peur : comment prouver que l’on est sain d’esprit alors que chacune des paroles que l’on prononce est analysée sous l’angle de la folie. Et lorsque Ella se révolte sa cause est entendue, elle est d’abord démente puis violente et enfin dangereuse.

Le drame peut se nouer maintenant tous les ingrédients sont là. Un amour dans un lieu interdit et un médecin pervers qui manipule des malades ou des êtres sans défense.

J’ai lu ce deuxième roman d’Anna Hope avec un peu moins d’intérêt que son premier. Elle a su, pourtant, donner vie et une consistance à tous les protagonistes de cette histoire, ses aïeux sont quelque part dans toutes les souffrances de ces êtres blessés par la cruauté de la vie. Il faut espérer que nos sociétés savent, aujourd’hui, être plus compatissantes vis à vis des plus démunis. Cependant, quand j’entends combien les bénévoles de « ADT quart monde » se battent pour faire comprendre que les pauvres ne sont pas responsables de leur misère, j’en doute fort.

Citations

Le mépris des gardiennes pour les femmes enfermées à l’asile

 Toutefois elle voyait bien comment les surveillantes regardaient les patientes, en ricanant parfois derrière leurs mains. L’autre jour elle avait entendu l’infirmière irlandaise qui dégoisait avec une autre de sa voix criarde de pie : « Non mais c’est-y pas que des animaux ? Pire que des animaux. Sales, tu trouves pas ? Mais comment il faut les surveiller tout le temps ? Tu trouves pas ? Dis, tu trouves pas ? »

Les femmes et la maladie mentale

 Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. Cela nous a été enseigné lors de notre tout premier cours magistral : les cellules masculines sont essentiellement catholiques – actives énergiques- tandis que les cellules féminines son anatomiques – destinées à conserver l’énergie et soutenir la vie. Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature.

Théorie sur la pauvreté au début du 20e siècle

 La société eugénique est d’avis que la disette, dans la mesure où elle est incarnée par le paupérisme (et il n’existe pas d’autres étalon), se limite en grande partie à une classe spécifique et dégénérée. Une classe défectueuse et dépendante connue sous le nom de classe indigente.
Le manque d’initiative, de contrôle, ainsi que l’absence totale d’une perception juste sont des causes bien plus importantes du paupérisme que n’importe lesquelles des prétendues causes économiques.

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Denyse Beaulieu. Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard thème : « en chantant ».

 

Ce roman mérite sa catégorie « roman qui fait du bien » ! Après quelques lectures éprouvantes où l’on imagine que les êtres humains se résument à des algorithmes et à des « datas », voici la description d’une communauté de Bridgford qui s’oppose avec intelligence à des projets qui, de façon insidieuse supprimeraient leur art de vivre. Le centre commercial ne sera donc pas construit et le centre ville restera un lieu convivial. Mais si ce roman fait tant de bien, ce n’est pas que pour cette raison. En décrivant les participants à la chorale de Bridgford, l’auteure anime devant nous un échantillon représentatif de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, c’est à la fois drôle et tellement vrai humainement.

 

Beaucoup de personnages sont complexes et sympathiques et Gill Hornby sait nous les rendre très attachants. Tous ceux et toutes celles qui ont participé à une chorale se retrouveront dans ce roman, les petites vacheries des sopranes, les blagues des basses …. Mais il y a aussi ce talent si particulier à l’Angleterre où le chant fait davantage partie de leur quotidien qu’en France. Nous allons donc partager la vie d’Annie qui ne se réalise qu’en offrant sa vie aux autres, elle va mettre beaucoup d’énergie pour que la chorale de Brigford ne disparaisse pas malgré le grave accident dont a été victime la chef de chœur. Cela pourrait être une caricature de dame patronnesse, car elle oublie quelque peu sa propre famille aux profits de ses bonnes actions. mais elle reste lucide et son engagement auprès des autres n’est pas qu’une façade, et il est souvent couronné de succès. Il y a aussi Tracey qui visiblement cache un secret et passe son temps à protéger son fils Billy qui ne fait pas grand chose de sa vie, elle deviendra grâce à Annie un pilier de la chorale et investira son énergie au service de la petite communauté. Il y a aussi, Bennett, mon préféré. Il part de loin celui-là ! Cadre dynamique au chômage, il doit faire face à la solitude puisque son épouse Sue a décidé de le quitter, et à une remise en cause de ses habitudes. Il va évoluer vers un Ben inventif et audacieux qui me plaît beaucoup. Evidemment la fin est heureuse et peut être trop idyllique, mais j’avais tellement besoin de croire en la solidarité humaine que j’ai tout accepté. Si vous aimez chanter dans une chorale, si vous aimez les petites villes anglaises, si vous avez besoin de vous faire du bien lisez « All Together Now », et munissez vous d’un appareil pour écouter en même temps que votre lecture tous les chants dont il est question dans ce roman.

et voici la chanson dont est tiré la citation qui commence le roman

https://www.youtube.com/watch?v=lLZ7f_QfhbI

Citations

Les couples divorcés

Tous les couples en plein divorce se ressemblaient : ils ne pouvaient pas vivre ensemble, mais chacun n’arrêtait pas de parler de l’autre. Alors que le nom de James, avec qui Annie vivait un bonheur tranquille depuis trente ans, n’était pratiquement jamais mentionné dans ce café. Sue prétendait qu’elle avait quitté Bennett parce qu’il était trop ennuyeux : maintenant, c’était elle qui devenait ennuyeuse à force de radoter sur Bennett.

Tout change même la religion

 Vingt-cinq ans auparavant, avant que Bennett ne se mure dans sa vie de labeur, Dieu était pour lui une espèce d’ancien militaire, mi-seigneur, mi-père de famille. Il était au ciel, et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. De nos jours, apparemment, il s’était fait voler la vedette par Jésus, qui avait d’ailleurs énormément changé entre-temps, lui aussi. Les choristes avaient passé la moitié de la messe à chanter qu’il était beau, qu’il était gentil, et qu’il était dans leurs cœurs.

L’horrible prof de piano local

Mme Coles était la prof de piano local : on lui attribuait l’anéantissement de toute vocation musicale sur plusieurs générations à Bridgeford.

Les ragots de choral.

 C’était la plus jeune des altos, dans la trentaine avancée – par rapport aux autres, elle était quasiment en maternelle – et pour autant qu’on sache, elle n’était pas particulièrement mélomane. Mais elle ne ratait jamais un mardi de chorale, ni d’ailleurs aucune des classes et réunions locales auxquelles elle assistait tous les soirs et presque tous les week-ends, dès massages indiens au bricolage. Plutôt qu’une touche-à-tout, on accordait à penser qu’elle était esseulée cherchant l’âme sœur. Ce qui était évidemment assez sexiste et passablement médisant, mais ça c’était typique des soprano de Bridgeford, assez sexiste et médisantes.
 – Dommage qu’elle n’ait pas de soirée libre pour les Weight Watchers.

Bennett le père de famille au chômage

 « tu veux repartir de zéro . On comprend très bien , tous les trois » , alors que de toute sa vie il n’avait jamais rêvé de repartir de zéro . L’idée même de repartir de zéro lui faisait horreur . Chaque fois que ça changeait – même si s’agissait d’un changement mineur ou nécessaire-il en avait éprouvé Une profonde douleur psychique . À ce jour , il n’était pas tout à fait certains de cette remis du choc d’avoir quitté l’école primaire .
 
 les toasts brûlaient . Il est fit il glisser sur une assiette , noirs d’un côté , blancs de l’autre lorsqu’on faisait la moyenne ça donnait un brun doré. Parfait.

Billy, il passe ses journées à ne rien faire, il décide de partir faire de l’humanitaire en Afrique.

 Cela dit, bientôt, ça ne serait plus son problème, mais celui de l’Afrique. Pauvre Afrique… La sécheresse, la famille, et maintenant, son fils Billy Leckford. C’était, comme on le répétait si souvent, un continent magnifique mais maudit.

Définition d’un chœur

Un chanteur, c’est un chanteur ; plusieurs chanteurs, ce sont plusieurs chanteurs ; idem pour un groupe de chanteurs. Mais un chœur -un chœur qui vit, qui respire, qui fonctionne, c’est tout à fait autre chose : le résultat singulier d’une réaction physique qui ne peut survenir que dans certaines conditions de laboratoire, conditions qu’aucun scientifique sur terre ne serais capable d’énumérer. En général, pour qu’un chœur soit bon, il faut qu’il ait un bon chef de chœur -comme Tracey Leckford qui, devant eux s’abandonnait à la musique.

Quand une chorale réussit sa prestation

 Cette interprétation eut un effet extraordinaire sur chacun des choristes. Au début, les spectateurs installés dans leurs sièges en velours rouges n’avaient vu en eux que ce qu’ils étaient : un rassemblement hétéroclite de chanteurs amateurs de toutes les générations et de tous les milieux sociaux qui n’avaient rien en commun, à part la musique, leur lieu de résidence et l’envie de passer un bon moment. Mais presque aussitôt, le pouvoir transformateur de la voix humaine accomplit son miracle. À la fois pour eux-mêmes, et pour leur spectateurs émus, il devint quelque chose de toute autre. Pendant dix magnifiques minutes, ils sortirent d’eux mêmes, leurs âmes se joignirent et s’envolèrent. Lorsqu’il revinrent enfin sur terre, les acclamations du public les remuèrent jusqu’au fond du cœur.

Traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Mazek. Roman inscrit au « Coup de cœur des coups de cœur » année 2017/2018 de la médiathèque de Dinard.

Si ce roman participe à notre « fameux » challenge du mois de juin, c’est qu’il a déjà reçu un coup de cœur de notre club de lecture. Il m’avait échappé et je suis ravie de rattraper mon retard. Si, pour ma photo, je l’ai associé à la célèbre série « Downton Abbey », c’est que ce roman se situe exactement dans cette lignée. Nous sommes avec une jeune bonne de 20 ans, Jane, qui bénéficie du seul jour de congé de l’année : dans ces années-là , les riches familles de l’aristocratie donnait un jour à leurs domestiques pour qu’ils aillent voir leur mère. Ce 30 mars 1924, il fait un temps superbe et avant de partir en pique-nique, la famille Niven, s’inquiète de ce que fera Jane de cette journée de liberté puisqu’elle est orpheline. Comme le goût de le lecture est accepté, voire encouragé par ses employeurs, Jane sait déjà à quoi elle va passer son temps. Un coup de téléphone va bouleverser ses projets, son amant le jeune Paul Sheringman, un voisin d’une très bonne famille lui donne rendez-vous, chez lui. Ils pourront pour une fois bénéficier de la maison seuls sans se cacher. Il doit dans une quinzaine de jours se marier à une jeune fille de la même condition que lui. Commence alors la description de « la » journée exceptionnelle pour Jane. Elle profite délicieusement de ce rapport amoureux et elle enfouit, à jamais, en elle le secret de cette relation.

Graham Swift sait, avec un talent tout en délicatesse, nous faire revivre cette journée et comprendre les relations des differentes classes sociales brtanniques. Peut être aidés par la fameuse série télévisée, nous savons à quel point ces deux mondes : celui des serviteurs et celui des aristocrates étaient totalement séparés même si ces gens se côtoyaient tous les jours. Jane n’a aucunement l’intention de posséder le moindre pouvoir sur Paul. Et pourtant, grâce à l’acte amoureux, elle sait qu’un moment dans sa vie, elle a été l’égale de Paul. L’auteur sait rendre ce moment à la fois très érotique et chargé de la différence sociale, sans juger aucun des deux personnages. C’est un très beau moment de littérature. De plus, il projette Jane dans un futur plein de vie puisque, de ce jour si particulier, il en fait le déclencheur de sa vocation d’écrivaine.

Citations

Angleterre 1924 : le dimanche des mères

Étrange coutume que ce dimanche des mères en perspective, un rituel sur son déclin, mais les Niven et les Sheringham y tenaient encore, comme tout le monde d’ailleurs, du moins dans le bucolique Berkshire, et cela pour une même et triste raison : la nostalgie du passé. Ainsi, les Niven et les Sheringham tenaient-il sans doute encore plus les uns aux autres qu’autrefois, comme s’ils s’étaient fondus en une seule et même famille décimée.

Les rapports maître domestique Grande Bretagne 1924

« Mais bien sûr que vous avez ma permission. Jane. » avait dit Mr Niven en insérant sa serviette dans son rond en argent. Lui demanderait-il où elle voulait aller.
« La Deuxième Bicyclette est à votre disposition et vous avez -hum- deux shillings et six pence en poche. Tout le comté s’offre à vous. Tant que vous revenez.
Puis, comme s’il enviait vaguement la grande liberté qu’il venait de lui accorder, il avait ajouté : « C’est votre jour de congé, Jane. À vous -hum- d’en user à votre convenance. »
Il savait, à présent, qu’une phrase comme celle-là ne lui passerait pas au-dessus de la tête -peut-être même fallait-il y voir un discret hommage pour la lecture.

L’Angleterre et les deuils de la guerre 14 18

Elle ne savait pas, fût-ce en ce dimanche des mères, ce que cela devait être pour une mère de perdre deux fils en l’espace de deux mois, semblait-il. Ni ce que cette mère pouvait ressentir en pareil dimanche. Ni l’un ni l’autre ne reviendrait à la maison nous offrir un petit bouquet ou des gâteaux aux raisins et aux amandes, n’est-ce pas ?

S’habiller chez les riches

De toute façon, dans leur milieu, s’habiller n’avait jamais été réduit à une simple pratique consistant à se nipper vite fait, on y voyait, au contraire, un assemblage solennel 

Le charme est rompu son amant doit rejoindre sa fiancée

 Il retira la cigarette de sa bouche et la tint, tout droite , sur son propre à ventre.
 « Je dois la retrouver à une heure et demie. Au Swann Hôtel à Bollingford. »
Bien qu’il n’eût pas bougé, ce fut comme s’il avait rompu le charme. Et quoi qu’il en fût, elle n’avait pas pu manquer de le prévoir. Même si elle s’imaginait que par quelque magique exemption elle échapperait à « ce passage obligé » . Et le reste de la journée ? Une partie de celle-ci ne pouvait -nest-ce pas ?- durer éternellement. Un fragment de vie ne saurait constituer sa totalité.
 Elle ne bougea pas mais, en son for intérieur, peut-être s’était-elle adaptée à la situation. Comme si elle portait à nouveau des vêtements invisibles et redevenait même une bonne. 

 Les dernières phrases du roman

 Mais assez de baratin, de ces questions pièges des interviews. Et en quoi cela consistait-il, de dire la vérité ? Il fallait toujours leur expliquer jusqu’à l’explication ! Et toute femme écrivain digne de ce nom les duperait, les taquinerait , les mènerait en bateau. N’était-ce pas évident, non d’une pipe ? Cela revenait à être fidèle à l’essence même de la vie. Cela revenait à capter, c’est impossible que ce fût, la sensation d’être en vie. Cela reprenait à trouver un langage. Il en découle est-ce que dans la vie beaucoup de choses dirai oh ! Bien davantage que nous ne l’imagine non ! Ne saurait, en aucune façon, s’expliquer point.

Traduit de l’anglais par Jean Esch.


J’avais apprécié avec quelques réserves « Miniaturiste« , je n’ai donc pas hésité à me plonger dans son nouveau roman. Cette auteure sait captiver son lectorat. Et je m’en voudrais de vous dévoiler tous les ressorts de l’intrigue. Tout tourne autour d’un tableau qui a été peint en Espagne au début de la guerre civile. L’intrigue romanesque se passe en deux lieux et en deux temps. En Grande-Bretagne en 1957, dans la galerie d’art Skelton dirigée par un certain Edmund Reed et une Femme Marjorie Quick, notre apprentie écrivaine Odelle Bastien vient se présenter pour un poste de dactylo. Elle est originaire des Caraïbes et dans l’Angleterre de ces années-là, on sent très bien le rejet des « gens de couleurs ».

L’autre moment se passe en Espagne à côté de Malaga, une famille germano-britannique vit là pour aider Sarah Schloss, épouse d’Harold négociateur d’œuvres d’art, à sortir de sa dépression. Leur fille Olive peint mais en cachette de son père qui, elle en est certaine, n’apprécierait pas les tableaux d’une femme et encore moins de sa fille. La famille est aidée par Izaac et Teresa Robles, deux jeunes espagnols originaires du village. On assiste au début des violences qui amèneront la guerre civile espagnole et à une passion à la fois pour la peinture et l’amour charnel. La jeune Olive est une grande artiste qui aimerait tant que son père ne la regarde plus comme une jeune fille dilettante de la bonne société. La guerre en Espagne puis le sort des juifs vont complètement battre les cartes de façon telle que personne ne puisse s’y retrouver. En 1957, le jeune Lawrie Scott vient dans la galerie où travaille Odelle faire évaluer le tableau qui a de tout temps accompagné sa mère : « les filles au Lion » , Odelle qui commençait à s’adapter à la vie londonienne, ne s’attendait pas à la violence de la réaction de sa patronne Marjorie Quick. Il faudra les 500 pages du roman pour que tous les fils se dénouent.

Jessie Burton est vraiment maître des intrigues et nous les suivons avec intérêt car elle sait mettre en toile de fond la réalité historique et elle raconte très bien. Et pourtant… encore une fois, j’ai quelques réserves peu partagées par la blogosphère. J’ai lu ce roman avec beaucoup d’attention , on ne peut pas faire autrement qu’être attentive car sinon on perd vite le fil. Je devrais savoir gré à Jessie Burton de cela. Mais voilà, je me suis aussi sentie prisonnière de cette intrigue et j’avais plus envie de finir ma lecture que de la retrouver les personnages tous les soirs et rester rêver avec eux . Pour moi, elle en fait trop. C’est comme un filet qui nous enserre, je perds ma liberté quand je la lis. Je pense que cette auteure ne me convient pas tout à fait , heureusement elle a beaucoup d’admiratrices parmi les blogs que j’apprécie donc vous pourrez lire des avis enthousiastes qui me contredisent.

 

Citations

 Description de Londres

Je devenais une observatrice expérimenté des poussées irrégulières et des cicatrices de l’habitat londonien. Les codes postaux, la brique, rosier ou pas, le décrottoir, la hauteur du perron ou son absence constituaient un langage que j’avais appris. Vous ne pouviez pas vivre ici sans remarquer les différences entre les rues où régnaient la paix ou le chaos, un chien galeux vautré près du caniveau, des enfants en haillons, une haie de buis bien taillée, un rideau soulevé qui dansait. À Londres il existait de nombreuses façons de vivre, mais peu de façon de changer de vie.

La création féminine en peinture 1936

 Sais-tu combien d’artistes vend mon père ? Vingt six, la dernière fois que j’ai compté. Sais-tu combien il y a de femmes parmi eux ? Aucune. Pas une seule. Les femmes en sont incapables, figure-toi. Elles n’ont pas de vision. Pourtant si je ne m’abuse, elles ont des yeux, des mains, un cœur et une âme.

Racisme ordinaire en 1957

Elle ne connaissait pas d’autres gens de couleur, m’a-t-elle confié le jeudi de cette première semaine. Quand je lui ai répondu que je n’en connaissais pas non plus, en tout cas pas sous ce nom, elle m’a regardé avec une expression d’un vide abyssal.

Un portrait bien croqué

À vingt et un ans, Pat Rudge était la dernière descendante d’une longue lignée d’habitants de l’East End. Une choucroute laquée tenait en équilibre sur sa tête et elle avait assez de khôl autour des yeux pour maquiller cinq pharaons.

Le cinéma français vu par un Anglais

 » Vous préférez peut-être aller voir un de ces films français où les gens n’arrêtent pas d’entrer, de sortir et de se regarder ? »

Traduit de l’anglais par Hélène Claireau j’aimerais savoir pourquoi cette traductrice n’a pas traduit cette expression « afin de rompre les chiens » par « rompre la glace » ? Merci Keisha de m’avoir fait connaître l’expression en français et toutes mes excuses à Hélène Claireau

Ce livre est paru en France pour la première fois en 1947 sous le titre « la tour d’Ezra » et a certainement contribué à faire connaître et aimer Israël et les Kibboutz. Je me souviens bien de l’enthousiasme que soulevait cette vie en communauté chez les jeunes de ma génération. Le récit s’appuie sur l’expérience personnelle de Koestler qui a lui-même participé à la vie d’un Kiboutz . Cette ambiance de jeunes pionniers entourés de l’hostilité des Arabes et des Anglais est très bien rendue. Car c’est un écrivain qui sait raconter et décrire. Nous sommes avec lui sous les ciels étoilés de ce pays qui ne s’appelle pas encore Israël, nous vibrons aux évocations de tous les dangers qui les entourent. Mais cet écrivain est aussi un esprit totalement libre, et il montre bien les points de vue des trois acteurs qui se confrontent ici. Les Juifs qui en 1938 sentent le danger menacer les Juifs du monde entier, et qui veulent accélérer leur venue dans ce petit bout de territoire. Les Arabes qui, même si par intérêt financier, vendent leur terre, ne veulent pas pour autant être dépossédés de leur pays, les moins glorieux des trois, les Anglais profondément antisémites le plus souvent, et qui jouent un jeu dangereux d’alliances qui ne peuvent que tourner à la catastrophe. Ce livre est aussi un précieux rappel des faits historiques, et jamais Koestler n’élude le fait qu’Israël a été créé sur un pays qui était auparavant peuplé d’Arabes. Par ailleurs, les scènes de reconduites dans les bateaux de Juifs ayant échappé aux camp de concentration sont absolument insoutenables, il est si facile alors d’imaginer que lorsque la Shoah sera de notoriété publique rien ne pourra arrêter leur exode vers Israël.

Citations

Mariage typiquement britannique

Mrs. Newton était fille d’un sergent-major de l’armée des Indes. Une analyse serrée des motifs qui avait attiré le timide monsieur Newton vers cette grande, osseuse et virginale femelle eût produit des résultats gênants révélant la haine secrète, continue et fervente qu’avaient inspirée à Monsieur Newton Roonah, son club, l’administration et et l’armée des Indes, et la tournure d’esprit toute spéciale qui lui permit d’imaginer pour la première fois l’anguleuse et chaste fille du sergent-major dans la série d’attitudes absurdes qu’entraîne l’acte procréateur.

 

La langue d’Israël l’hébreu

Tirer l’hébreu de sa sainte pétrification pour en refaire une langue vivante à été un tour de force fantastique. Mais ce miracle implique des sacrifices. Nos enfants se servent d’une langue qui n’a pas évolué depuis le commencement de l’ère chrétienne. Elle ne porte aucun souvenir, presque aucune trace de ce qui est arrivé à l’humanité depuis la destruction du Temple. Imaginez que la langue française ait cessé de se développer depuis la « Chanson de Roland » ! Et encore, est-elle de dix siècles plus près de nous. Nos classiques sont les livres de l’Ancien Testament ; nos poèmes s’arrêtent au Cantique des Cantiques, nos nouvelles à Job. Depuis lors… Un blanc millénaire..
 L’emploi d’un idiome archaïque a évidemment son charme. Voyageant en autobus, nous offrons une cigarette à notre voisin :
-« Monseigneur désir peut-être faire la fumée ?
 – Non, merci. Faire la fumée n’est pas agréable à mes yeux. »

Dialogue impossible entre les arabes et les juifs

Cette colline n’a pas porté de récoltes depuis que nous aïeux l’ont quittée, dit Ruben Vous avez négligé la terre. Vous avez laissé les terrasses tomber en ruines et la pluie a emporté la terre. Nous allons dépierrer la colline et apporter des tracteur et des engrais. – Ce que produit la vallée nous suffit, dit le vieillard. Nous ne devons pas enlever les pierres que Dieu a placées là. Nous vivrons comme ont vécu nos pères et nous ne voulons ni de vos tracteurs ni de vos engrais, et nous ne voulons pas de vos femmes dans la vue nous offense.
 
 
(Et un peu plus loin)
– Qu’est-ce que le vieux cheik t’expliquait avec tant de solennité ?
– Que chaque peuple a le droit de vivre à sa façon, bien ou mal, sans ingérence extérieure. Il a expliqué que l’argent corrompt, que les engrais puent et que les tracteurs font du bruit, toutes choses qu’il déteste.
– Et qu’as-tu répondu ?
– Rien dit Bauman.
– Pourtant, tu as compris sa position ?
Bauman le regarda :
– Nous ne pouvons pas nous permettre de comprendre la position des autres.
Quand vous, madame, me fait l’honneur de m’inviter chez vous, est-ce que je vous demande vos conditions ? Et quand j’ai le privilège de goûter votre hospitalité, est-ce que je demande à être le maître de la maison ? Non, madame, je ne le fais pas. Il en est de même de nos amis hébreu. Ils jouissent de notre hospitalité -ahlan w’sahlan, vous êtes les bienvenus. Nous serons comme des frères. Nous vous recevrons à bras ouverts en qualité d’invités…
Nous sommes dans la même position. Nous ne demandons qu’à aider ces pauvres gens et voyez comme comment il nous remercie ils veulent nous prendre notre maison.
– La barbe avec votre histoire de maison ! Pendant les cinq cents dernières années, elle n’était pas à vous mais aux Turcs.
– la majorité de la population a toujours été arabe, dit Kemal Effendi. Ma famille, par exemple, descend directement de Walid el Shallabi, le général de Mahomet. Nous sommes la plus ancienne famille de Palestine. – Mon père est un Cohen, dit Mrs.Shenkin, Élie Cohen sont les descendants des Kohanim, les prêtres de l’ancien temps.

Un moment vivant

 Joseph déjeuna hérétiquement dans un petit restaurant arabe ou la nourriture était bon marché, sale et épicée, et dont le gros propriétaire lui confia que Hitler, protecteur de l’islam, allez bientôt détruire l’empire britannique, rendre le pays aux Arabes efflanqué les Juifs à la mer – à l’exception de Joseph qui, étant un homme instruit et l’ami du propriétaire, serait épargné et pourrait même trouver un emploi dans son établissement, à condition d’apporter quelques capital.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, traduit de l’anglais par Christine Le Boeuf.


Un roman typiquement British, vous y boirez des litres et des litres de thé, vous y mangerez des sandwichs, vous y croiserez des femmes fofolles gentilles et des méchantes, des chiens (beaucoup de chiens) un fantôme ou plus exactement l’esprit d’une femme morte qui veut faire aboutir ce récit, les allusions aux romans classiques anglais, un vrai gentleman quelques odieux personnages tout cela saupoudré d’humour (c’est que j’ai le plus apprécié dans ce roman) . Bref, un roman comme une sucrerie anglaise trop colorée et trop sucrée mais qui va si bien avec leurs jolies tasses et leurs tapisseries à fleurs. Le fil de la narration est amusant, un homme qui a perdu celle qu’il aimait et la médaille qu’elle lui avait confiée, se met à collectionner les objets perdus et les répertorier : c’est notre gentleman. Laura sa secrétaire qui deviendra son héritière aura pour mission de retrouver les propriétaires des dits objets, elle hérite aussi d’une superbe maison à Londres, ça c’est le côté bonbon aux couleurs tendres de l’Angleterre. L’intrigue se complique car nous devons suivre aussi le destin de la médaille perdue et donc croiser une hystérique anglaise qui écrit de mauvais romans parodiant les classiques. Une fofolle antipathique !

C’est un peu compliqué un peu touffu, le charme vient aussi des récits que notre gentleman avait inventés à propos de chaque objet, ça fait un peu atelier d’écriture mais c’est sympathique.
Tout finira bien avec l’amour et la richesse en prime.

Citations

Un passage plein d’humour, les méchantes langues accusent évidemment Laura d’avoir mis le grappin sur le gentleman

– Eh bien, je suppose qu’elle faisait un peu plus que dépoussiérer et passer l’aspirateur.
Laura avait l’intention de passer près d’elle sans être vue mais, maintenant, elle leur fit face avec un sourire crâne.
-Fellation, annonça-t-elle . Tous les vendredis. Et, sans un mot de plus, elle sortit en majesté. Winnie se tournant vers Marjory, l’air intrigué.
– Ça s’appelle comment, ça en langage courant ?
– C’est de l’italien, dit Marjory en se tapotant la bouche avec sa serviette. J’en ai mangé, une fois dans un restaurant.

Les pensées d’une femme qui ne sait pas encore qu’elle est presque amoureuse

 Il avait dit « oui » et, depuis, L’aura avait gaspillé un temps considérable à essayer de comprendre pourquoi. Ses hypothèses étaient nombreuses et variées : elle l’avait pris par surprise ; il se sentait seul ; il avait envie de dinde rôtie mais ne savait pas cuisiner ; il la plaignait. L’explication qu’elle envisageait avec le plus de réticence mais aussi le plus d’excitation était la plus simple et la plus énervante. Il venait parce qu’il en avait envie.

Alzheimer

 Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose, n’importe quoi, pour atténuer le chagrin de Bomber lorsqu’il voyait son père s’éloigner inexorablement vers un horizon lointain et inaccessible. La bonne santé physique de Godfrey était d’une cruelle ironie, couplée comme elle l’était à sa fragilité mentale, faisant de lui un enfant craintif et colérique qui aurait trop grandi. « Le corps d’un buffle, l’esprit d’un moucheron ».

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Traduit de l’anglais par Claire Desserrey

 Les écrivains ont, à chaque époque, leur façon de se raconter. Au XVIIe siècle, on n’avait peu l’habitude de se répandre en confidences sur sa vie privée, surtout pour un philosophe. Même Montaigne au XVIe n’a écrit sur lui-même que pour nous faire comprendre qu’il « portait en lui l’humaine condition » et donc nous ne connaissons rien, ou presque, de ses amours ancillaires ou autres ! On sait peu de choses sur une petite Francine, enfant d’une servante en place à Amsterdam chez le libraire qui accueillera Descartes, elle est née en juillet 1635 et morte en 1640. La servante, sa mère, savait écrire et Descartes écrivit lors de la mort de l’enfant qu’il avait connu « le plus grand regret qu’il eût jamais senti de sa vie ». Voilà les source sûres qui donnent corps à ce roman « historique ».

L’auteure du XXIe Siècle, cherche à donner vie à cette Héléna que Descartes aurait séduite et avec qui il a eu une enfant.C’est particulièrement compliqué pour l’auteure, Genevre Glasfurd, car elle a bien du mal à imaginer les sentiments et les réflexions d’une femme de cette époque. Le fait que cette servante sache lire et écrire suffit-il pour l’imaginer indépendante et libérée des carcans de son époque ? Ce ne sont là que des hypothèses qui ne sont guère convaincantes, d’ailleurs on sent que l’écrivaine, par soucis de vérité sans doute, ne sait pas trop quel parti prendre : Héléna est à la fois très religieuse et éprise de liberté.

Cette histoire d’amour entre une servante protestante et un grand écrivain français catholique dont on sait historiquement que peu de chose, prend trop de place dans le roman. La description des difficultés pour écrire librement un livre de philosophie dans des pays dominés par un pouvoir religieux obscurantiste est beaucoup plus intéressante. Et puis, comme dans tout roman historique, le fait d’amener le lecteur à vivre dans une société du temps passé, nous fait découvrir une autre époque et d’autres lieux mais j’étais mal à l’aise parce que je sentais bien que l’auteure voulait donner une forte personnalité à une jeune femme dont on sait si peu de choses, même si le fait de savoir lire et écrire était peu banal, cela n’en fait pour autant la « femen » du XVIIe.

Lisez l’avis de Dasola qui a aimé cette lecture et qui souligne la qualité d’écriture de cette écrivaine à laquelle je n’ai pas vraiment été sensible. Même si ce roman se lit facilement.

Citations

L’importance des écrits pour Descartes

Qu’est ce qu’un livre ? Les élucubrations de mon cerveau. Des mots, écrits à la plume avant d’être imprimés. Des pages, assemblées et reliées, diffusées. Lorsqu’il paraît, un livre est une chose incroyable, il a de la la force, des conséquences. Il peut remettre en cause d’anciens dogmes, désarçonner les prêtres les plus convaincus, mettre à bas des systèmes de pensée.

Ambiance de l’époque en Hollande

Nous passons devant le marché aux poissons et l’église Pieterskerk ; un homme a été mis au pilori, pieds nus et sans manteau, avec à côté de lui un écriteau où l’on peut lire : FORNICATEUR.

20161115_181631Traduit de l’anglais par Olivier DEPARIS.

3Roman très « British » prêté par ma voisine qui adore nos « grands voisins », en me le laissant elle m’a dit : « Il faut lire ce roman pour comprendre le Brexit ». Pendant toute la lecture je me suis demandé pourquoi elle m’avait dit cela, en vérité je ne le sais toujours pas, mais je peux assurer que c’est une plongée au cœur de la société britannique et le moins qu’on puisse dire, c’est que malgré l’aspect satyrique et l’humour de l’auteur ce n’est guère réjouissant. La trame narrative suit de destin d’un certain Brian Marley, professeur d’anglais langue étrangère dans une école pour étrangers comme il y en a tant à Londres.

Divorcé et père d’un jeune enfant, sa vie est morose malgré sa rencontre avec la jeune étudiante Consuela dont il est amoureux, alors pour s’enrichir de 2 millions de livres, il accepte de partir en Papouasie, Nouvelle Guinée au milieu de la jungle et être le survivant d’une aventure filmée par une équipe de la BBC animant une émission dite de  » télé-réalité » . Alors que l’avant dernier candidat, au bord de la folie, doit être évacué et que Brian est donc en passe de devenir millionnaire, un accident d’hélicoptère le laisse seul dans une île déserte couverte d’une jungle très hostile à la présence humaine. La description de l’équipe des jeux télévisés est hélas trop proche de la réalité, leur envie de faire de l’audience n’est freinée par aucune considération humaine. Sommes-nous loin de la réalité ? même la mort d’un candidat n’a pas empêché un jeu télévisé de reprendre, et des hélicoptères qui s’écrasent lors d’une émission de télé-réalité cela me rappelle quelque chose…. Mais contre toute attente Brian va survivre, parce que cette île n’est pas vierge , il doit sa survie à un groupe d’Anglais victime d’un accident d’avion dans les années 50.

Ensemble ils vont réussir à rejoindre leur chère Patrie : le Royaume Uni . James Hawes peut ainsi mener une charge au vitriol contre les animateurs de Télé-réalité , rien de bien neuf mais c’est bien raconté. Mais comme nous nous retrouvons avec des Anglais typiques nous avons aussi le droit à une charge, non moins sévère, contre la soi disant grandeur de l’empire britannique colonialiste. Entre la vulgarité de ceux qui gagnent de l’argent trop facilement et qui passent leur temps à mépriser la pauvreté et le retour aux valeurs traditionnelles de la grande Bretagne portées par un parti conservateur le pauvre Brian Marley a peu de chance de trouver un quelconque bonheur surtout qu’il n’arrive pas à choisir entre sa mère, Consuela et George la jeune femme qu’il a ramenée de son île.

Roman qui brasse donc des aspects fort désagréables de notre société mais qui est un peu touffu et je dois avouer que j’en ai accéléré la lecture quand ils sont revenus en Angleterre. Je savais qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que ce pauvre Bob Marley réussisse enfin à prendre sa vie en mains. Pour mener à bien sa satyre, l’auteur a besoin d’un personnage un peu creux que les événements vont ballotter à leur guise et qui a souvent le don de m’ennuyer.

Citations

La télé-réalité

Ils (les concurrents) avaient tous finis par être évacués dans un état d’effondrement mental et physique total (de grands moments de télévision !)

Vision de l’Europe vu de la Grande Bretagne

Les Allemands aiment les Irlandais parce que c’est le seul pays qui ne ressort pas les vieux dossiers qui fâchent à chaque fois que les Allemands en ont marre de tout payer ; quant aux Français, ils aiment les Irlandais parce qu’ils pensent qu’aimer les Irlandais nous dérange, nous.

Humour à propos de Noël vu du mois de janvier

Noël, à présent, n’est plus qu’une méchante ombre sur la balance de la salle de bains et sur l’encours de la carte de crédit.

Réaction émotive anglaise

– Ah !
– Ah ! comme tu dis. La seule vraie réaction anglaise face à n’importe quelle émotion.

Les Anglais vus par un général vénézuélien

Il savait que les Anglais se comportaient comme des Anglais parce qu’ils se l’imposaient et qu’au fond d’eux c’étaient des fous furieux qui n’aspiraient qu’à terroriser la planète. Avant de devenir des Anglais, ils avaient été des pirates et des barbares. A présent, c’étaient des pirates et des barbares bien élevés et en costume de laine.

La célébrité et la télévision

Tous les gens importants passent à la télé, et les gens finissent par croire que ça marche aussi dans l’autre sens, que si on passe à la télé, c’est qu’on est quelqu’un d’important.

20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

5
Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.