Éditions « le bruit du monde », 352 pages, janvier 2025

 

Parfois je me dis que 5 coquillages, c’est bien pauvre à côté du plaisir que j’ai éprouvé en lisant un livre. J’ai savouré cette lecture , proposée par ma sœur, et j’ai ralenti le rythme de ma lecture pour ne pas quitter trop vite la famille de Philippe Manevy. J’ai hâte de savoir ce que Dominique la blogueuse lyonnaise a pensé de ce livre. Car en effet pour tous ceux et celles qui connaissent Lyon le plaisir doit être encore plus fort. L’auteur décrit les différents quartiers de cette ville en particulier les quartiers qui autrefois étaient habités par les ouvriers : la croix rousse et ses « traboules ».

Cet auteur vit au Québec , où il enseigne la littérature, cet éloignement a créé en lui une rupture qui lui a permis de se plonger dans sa vie familiale avec le recul nécessaire pour la faire revivre pour nous. Mais plus qu’un roman familial, cet auteur sait aussi expliquer l’acte d’écrire, et c’est absolument passionnant. Sa famille est-elle plus importante qu’une autre ? non. Est- elle pire ou meilleure qu’une autre ? Non . Peut-elle intéresser un lecteur aujourd’hui ? Oui . Parce que nous nous retrouvons dans l’évocation des différentes personnalité des composantes de cette famille. Bien sûr on ne peut pas dire « c’est bien moi ça » , mais on sent que cet éclairage permet de mieux retrouver en nous ce qui a constitué notre vie. Un peu à l’image de l’œuvre si importante pour lui d’Annie Ernaux, cette grande auteure aujourd’hui prix Nobel a permis de cerner ce qu’était un transfuge de classe sociale, Philippe Manevy à travers une famille d’origine ouvrière à Lyon, construit la généalogie de beaucoup de français : sa grand mère Alice a travaillé dans un des dernier atelier de tissage de la soie toute sa vie, et son grand père était imprimeur. Tout en ne faisant pas un livre sur la condition ouvrière, la présentation de ces deux personnalités ont construit une famille dans laquelle chacun peut reconnaître un bout de la sienne. Chaque chapitre est l’objet à la fois d’une évocation d’un personnage de sa généalogie mais aussi d’une réflexion qui entraîne le lecteur dans des remarques intéressantes. C’est encore plus vrai quand il parle des gens qu’il a, personnellement, connus, les sentiments de ce petit fils avec son grand père sont touchants et finement analysés. Par exemple , pour faire le bonheur de ses parents, sa mère a privé son père du seul endroit où il était pleinement heureux (un chalet dans le cantal, « Mordon ») , Alice la grand-mère qui peut sembler insupportable a toujours tendrement aimé de son mari et réciproquement. L’humanité de l’auteur lui permet d’aller toujours un peu plus loin que les apparences.

Mais si j’ai tant aimé ce livre, c’est bien évidemment pour la qualité de son écriture. Il a un style alerte qui se lit bien et qui fait du bien . J’aime ses phrases et les anecdotes qui parsèment son livre , à vous de juger à travers tous les extraits que j’ai recopiés. J’en ai mis beaucoup mais j’aurais parfois eu envie de recopier des chapitres entiers.

Patrice a bien aimé, peut-être moins enthousiaste que moi.

Extraits.

 

Début.

 Nous avons tous pensé que cette tentative serait la bonne.
 Pendant près de dix ans elle avait tout essayé : la volonté d’abord, puis les timbres de nicotine, la médecine douce, l’hypnose, l’acupuncture et les traitements miraculeux qui arrivaient régulièrement sur le marché. Elle avait tenu quelques jours, quelques semaines parfois durant lesquelles elle perdait patiences au moindre incident se supportait à peine, devenait injuste avec nous et plus encore avec elle-même. Puis elle replongeait et c’était presque un soulagement. Bien sûr, que nous savions que la cigarette risquait de la tuer, qu’il n’était pas raisonnable de continuer ainsi au-delà de quarante ans, mais nous avions aussi le sentiment étrange de la retrouver lorsqu’elle déchirait l’enveloppe plastifiée de son paquet de Peter Stuyvesant, puis fouillait avec fracas les tiroirs de la cuisine pour dénicher le briquet qu’elle avait caché quelque part, jamais très loin.

Oral/écrit.

 Je parle trop, trop vite. Je parle mal. À l’oral, j’ai souvent été maladroit, parfois blessant sans le vouloir : les mots m’échappent et s’éloignent de mon intention première au point qu’il devient impossible de les rattraper sans créer de nouveaux dégâts. Quand j’écris, quand je parviens après de longs efforts à construire une phrase qui me semble sonner juste, j’ai l’impression d’atteindre une vérité intérieure qui depuis longtemps, attendait d’être fixée pour exister vraiment.

J’adore ce passage.

 Quand j’ai publié mon premier livre, j’ai connu le sort de bien des écrivains débutants. Ma mère a acheté des dizaines d’exemplaires pour les distribuer autour d’elle. J’ai reçu des encouragements de la part de membres de ma famille, d’amis, de collègues. Mon nom est apparu dans le journal, avec une faute qui le rendait difficilement reconnaissable. Et comme il y avait aussi une erreur sur le titre, c’était fichu pour la postérité. Je n’étais ni surpris ni franchement déçu, car je vis avec une écrivaine depuis près de vingt ans. Je sais donc que les chemins de la littérature sont défoncés, encombrés de ronces, qu’ils relèvent du marathon plus que de la promenade de santé.

La famille source d’écriture.

 Ordinaires, toutes les familles le sont, pourtant. Les rois et les reines, les héros et les tyrans ont des souvenirs d’enfance qui n’ont d’intérêt que pour eux. S’ennuient lors des déjeuners du dimanche. Disent à leurs parents des paroles blessantes qu’ils ne regretteront pas vraiment. Disent à leurs enfants des paroles anodines qui leur seront reprochées des décennies plus tard. Sont en rivalité avec leurs frères et sœurs pour des motifs futiles et insurmontables. Ne seront jamais suffisamment aimés par ceux qui les connaissent le mieux. Ou jamais de la bonne manière, avec les mots qu’il faudrait. Ou bien ces mots tend attendu arrive trop tard, lorsque tout est depuis longtemps déjà, irréparable.
D’un autre côté, les familles les plus banales peuvent dissimuler des secrets dignes des Atrides, des blessures et des haines qui se transmettent d’une génération à l’autre comme une maladie héréditaire c’est bien que, soudain, la violence explose comme un coup de tonnerre dans le ciel bleu, que l’on se surprend à vouloir tout détruire dans un mouvement de rage. On est prêt à mettre le feu à cette somme de petits bonheurs patiemment accumulés, trop bien rangés trop propres.

Le poids du passé de la collaboration.

 Ainsi, dans le village de mon enfance, qui avait été une zone de maquis, certains de mes camarades payaient encore pour les actions de leurs ancêtres. Une réprobation muette entourait leurs familles : ils étaient les descendants de ceux qui avaient tiré profitent de la guerre, collaboré avec l’ennemi, ou pire dénoncé. On ne parlait jamais de ces actes, mais ils étaient dans toutes les mémoires, et les petits enfants, les arrière-petits enfants, portaient encore le poids de la honte. Les descendants des héros, eux, affichaient une tranquillité supériorité morale ou croulaient sous le poids d’une couronne trop lourde. À certains, on avait légué la haine, comme cet ami qui refusait d’apprendre d’allemand parce que les boches avaient tué son arrière-grand-mère. (…)
 Moi je suis convaincu d’une chose : notre sens moral n’existe pas dans l’absolu, en dehors des circonstances particulières où nous devrons en faire usage, lorsque la réalité cessera d’être ce milieu invisible dans lequel nous nous déplaçons avec une illusoire facilité, et qu’elle deviendra un mur en apparence infranchissable.

Retour des expatriés.

 Tous ceux qui ont mis des océans entre eux et leurs proches le savent : les retours au pays ne sont pas seulement l’occasion de joyeuses retrouvailles. Ils impliquent aussi une comptabilité impossible : combien de temps consacré à la famille, aux amis ? Dans quel ordre classer oncles et tantes ? Combien de kilomètres suis-je prêt à parcourir pour rejoindre Untel ? Puis-je me dispenser de retrouver cette année ceux que j’avais vus l’été dernier ? Un ami d’enfance cela vaut-il autant qu’un cousin ? Et autant, cela veut dire quoi, exactement : un café ? un après-midi ? un repas ? un week-end entier, plusieurs jours, une semaine ?
 Les expatriés doivent quantifier leurs affections.

Sa mère.

 En faisant les études qui lui ont donné une « bonne situation », en épousant mon père, ma mère est entrée en bourgeoisie. Elle garde pourtant de ses origines une méfiance instinctive pour tout ce qui relève du snobisme ou de l’entre-soi. Elle préfère les brasseries aux restaurants gastronomiques, les simples hôtels aux quatre étoiles, les plages bondées aux domaines privés, et une élégance ostentatoire provoquera invariablement de sa part, ce commentaire assassin :  : C’est m’as-tu-vu ».
Elle fait partie de plusieurs associations caritatives mais a toujours fui les clubs, les dîners mondains, les cercles de notables, tous les lieux inventés par l’élite sociale pour se rassembler à l’écart du monde. Elle aime mieux les repas de famille et les fêtes de village, les réunions enflammées.

Le Québec et la France.

 La glorification de la classe moyenne n’a pas de sente dans mon pays d’origine, alors qu’elle est frappante ici, au Québec, où rien n’est si recherché que de paraître commun, dans la norme : ni plus riche, ni plus intelligent, ni plus cultivé, surtout que les autres. La familiarité vaut même comme stratégie politique : souvenir du « Bonjour tout le monde ! » par lequel François legault ouvrait ses conférences de presque quotidienne au temps de la Covid, comme s’il arrivait à un party de famille, tandis qu’Emmanuel Macron semblait à chacune de ses rares apparitions, rejouer l’appel du 18 juin 1940.

Les films super 8.

 Je n’ai aucun souvenir personnel de « Mordon ». Tout ce que je raconte ici provient de photographies qui commencent à jaunir et de films en super-huit, ces séquences qui, par leur brièveté l’absence de son et le tressautement de l’image, sont la nostalgie même, matérialisée. La bobine est précaire – la plupart des nôtres ont d’ailleurs été détruites, brûlées par le projecteur dans des autodafés involontaires, et nous n’osons plus les regarder. Et il faut imaginer ce qui précède le film, ce qui le suit, ce qui s’y dit : l’image reste, mystérieuse, nimbée d’une lumière jaune et diffuse, mais les voix chères se tues. Le super-huit est de l’ordre du rêve, plus que de la trace.

Son grand père et la conduite .

 Faire des courses avec lui, par exemple, était une véritable épreuve qui commençait sur la route, où il fallait accepter sans broncher son interprétation toute personnelle de la signalisation. II considérait que les flèches dessinées au sol avaient une vocation décorative. Aussi passait-il librement d’une voie à l’autre gratifiant d’un puissant « couillon de la lune » tous ceux qui osaient se mettre sur son chemin.


Édition Gallimard NRF, 161 pages, mars 2024.

 

Quel beau livre, tout en retenu et pourtant qui en dit tant sur notre passé et peut-être sur notre avenir si l’on doit un jour défendre nos valeurs face à une tyrannie. Hervé Le Tellier est pour la quatrième fois sur Luocine, et je n’ai, cette fois, aucune réserve : j’avais bien aimé « Toutes les familles heureuses » un peu moins « Assez parlé d’amour » , j’ai eu encore quelques réserves pour « Anomalies » qui lui a valu le prix Goncourt. J’ai supposé que ce prix lui a permis d’acheter une maison dans la Drôme qui va lui inspirer ce récit.

Sur le mur de cette maison, il y lit un nom : « André Chaix ». L’écrivain recherche qui est cet homme, très vite il apprend que c’est un résistant français qui est mort à 20 ans dans une attaque contre des blindés allemands à Grignan. À travers des photos et ce qu’il apprend des évènements qui ont secoué cette région à la libération, nous commençons à mieux connaître André Chaix amoureux de Simone, qui a très vite rejoint les maquis. Le débarquement en Normandie s’annonce et a lieu, les résistants par des actions de guérilla ralentissent le retour vers la Normandie de l’armée allemande. Le groupe d’André Chaix ne s’est pas replié alors qu’il ne pouvait pas tenir face aux chars allemands. Mais l’auteur réfléchit aussi sur ce que fut la collaboration , la résistance, et l’épuration. Après les différents crimes de guerre de l’armée allemande – tout le monde se souvient d’Oradour-sur-Glane- Hervé Le Tellier rappelle qu’en 1953, il n’y avait plus aucune personne en prison pour des faits de collaboration.

J’ai beaucoup aimé dans ce court récit le respect avec lequel, l’auteur parle d’André Chaix, le jeune homme amoureux, le résistant, il est très présent et face à cette dignité toute simple que l’on devine, les propos des intellectuels collabo : Céline, Brazillac, Rebatet sont insupportables. Hervé Le Tellier réfléchit aussi sur la façon dont on peut embarquer une population vers le Nazisme, en particulier cette expérience de « la vague’ où un professeur entraîne toute une classe vers un comportement proche du Nazisme.

Un livre qui permet de réfléchir sur notre passé et en ce moment ce sont des questions qu’il est important de se poser.

 

Extrait

 

Cela fait du bien de commencer un livre par un sourire.

 Je cherchais une « maison natale ». J’avais expliqué à l’agent immobilier
 : pas une villa de vacances, pas une ruine « à rénover », pas une « maison d’architecte », pas un « bien atypique », ces bergeries ou magnaneries transformées en habitations où l’on se cogne dans les chambranles de porte à hauteur de brebis.

La résistance.

 Et puis la Résistance est loin d’être un corps chimiquement pur. C’est une nébuleuse qui prendra du temps pour trouver son centre, si elle le trouva jamais, Certains luttent contre les envahisseurs allemands, d’autres contre le nazisme, et ensemble ils lutteront contre le « Boche ». Ce but minimal et commun va tisser des liens improbables entre des hommes et des femmes aussi singuliers, aussi uniques, qu’un ouvrier et poète arménien nommé Missak Manoukian, une professeur agrégée communiste, Lucie Aubrac, ou un Camelot du roi mauracien et antisémite, comme le nom moins héroïque secrétaire de Jean Moulin, Daniel Cordier -qui évoluera profondément jusqu’à se décrire à la fin de la guerre comme « presque communiste ».

L’après guerre.

 De toute façon après la loi d’amnistie du 6 août 1953 sur les crimes ou fait de collaboration, il n’y a plus dans les prisons françaises un seul condamné pour des délits liés à l’Occupation. Même les assassins de Tulle, de Figeac d’Argenton-sur-Creuse, les bourreaux d’Oradour-sur-Glane et on en oublie, les rare qui ont été emprisonnés, tous, absolument tous sont libres dès 1953. On n’a pas voulu emprisonner les « malgré-nous » alsaciens de la 2e division SS Das Reich, qui représentent pourtant les deux tiers des accusés. Le verdict accablant du procès de Bordeaux n’aura aucune conséquence, et quand les églises d’Alsace sonneront le tocsin à la suite des condamnations, l’amnistie viendra l’annuler. La pauvre Creuse rurale peut bien pleurer ses morts. Elle devra s’incliner devant la riche Alsace industrielle seule région de France où jamais personne n’aura été nazi.

Merci pour cette explication .

 Du couvre-feu en vigueur après février 1942 en zone occupée, il nous reste l’expression oubliée « se faire appeler Arthur » pour « se faire disputer » puisque pour réprimander le retardataire le soldat allemand criait « Acht Uhr ! » – huit heures.

Paradoxe.

 L’historien anglais Thomas Fuller a écrit que « beaucoup seraient lâches s’ils en avaient le courage ». Cette phrase m’a toujours rassuré si l’héroïsme aussi contient sa part de conformisme, alors me voilà absous de la veulerie potentielle que je pressens en moi. Mais l’aphorisme de Fuller ne dit rien ne dit bien sûr rien des gens vraiment courageux.

 


Les éditions de l’observatoire, 404 pages, novembre 2023

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

J’ai toujours un sentiment très positif lorsque j’apprends un aspect nouveau sur une période que je croyais bien connaître. Que savait-on du déminage après la seconde guère mondiale ? Que savait-on du traitement des prisonniers allemands en France ?

Grâce à ce roman, j’en ai appris beaucoup sur ces deux sujets, pourquoi est ce que je me retiens de lui mettre 5 coquillages ? Le romanesque est bien construit pour l’intrigue, mais je n’ai complètement cru aux personnages de « Vincent » , ou plutôt Hadrien.
J’explique rapidement l’intrigue : Hadrien, vient se proposer comme démineur à Fabien, un héros de la résistance, il le fait sous une fausse identité, et nous apprendrons que tardivement pourquoi (donc je n’en dis rien !), en revanche, ce que nous savons immédiatement, c’est que, s’il veut devenir démineur, c’est pour se rapprocher des prisonniers allemands, qui seuls peuvent lui expliquer ce qui est arrivé à Ariane son grand amour.

Fabien est un meneur d’hommes et un démineur très doué, il est aussi très humain et il sera le premier à ne pas considérer les Allemands comme de simples nazis à mépriser. Parmi les allemands il y en a deux qui sortent du lot : Lukas, un ancien libraire qui n’a jamais été nazi et Mathias un violoniste très sensible.

Un autre personnage sera important Saskia, très jeune fille juive, qui revient des camps et est persuadée qu’elle pourra retrouver facilement la propriété de ses parents. C’est là un autre thème du roman que j’ai déjà lu, à quel point à la sortie des camps on faisait une différence entre les juifs et les résistants qui avaient servi la France, pourtant les deux revenaient bien des mêmes camps ! Et à quel point ils ont eu du mal à récupérer leurs biens.
Saskia a été inspirée à l’auteure par une femme juive qui lui a raconté son retour : l’appartement où ses parents avaient toujours été locataires était loué et on lui a demandé pour le récupérer de payer les arriérés des loyers depuis que ses parents avaient été raflés !

Le récit est très précis dans la description des différentes mines et les dangers mortels qu’il y avait, à les désamorcer. L’auteure explique aussi à quel point le traitement des deux débarquements : Normandie et Provence, connaît une postérité différente. Pourtant le débarquement de Provence a été un succès et un succès français ! Elle rappelle aussi la volonté de de Gaulle de ne pas laisser au privé le soin de la reconstruction, il avait de mauvais souvenirs de ce qu’il s’était passé dans le nord après la guerre 14/18. Les entrepreneurs privés s’étaient enrichis au détriment de la qualité de la reconstruction. La pression immobilière dans cette région attise pourtant bien des convoitises de promoteurs privés..

Historique également, le travail si pénible du déminage que les Français et les Allemands ont fait ensemble. L’évolution des sentiments des uns et des autres est bien analysé, au début les Français emplis d’une haine justifiée le plus souvent , ne voient dans cette main d’oeuvre captive qu’une façon de se venger des récentes horreurs vécues, quitte à ne pas respecter la convention de Genève concernant le statut des prisonniers de guerre, mais peu à peu l’Allemagne étant vaincue et les Allemands n’ayant plus peur de la gestapo, leur humanité et leur efficacité vont changer le regard que les démineurs vont porter sur eux.

Une toile de fond historique parfaite, une réserve sur l’aspect romanesque , mais je reconnais que tous les livres historiques sur ce sujet existent depuis longtemps et que je ne les ai pas lus. Alors un grand merci Claire Deyat.

 

Aifelle est un peu plus critique que moi. Kathel  exprime les mêmes réserves que moi, sur l’aspect romanesque mais souligne le sérieux du travail historique sur le déminage.

 

Extraits

Début .

S’il retrouvait Ariane, Vincent n’oserait plus caresser sa peau. Ses mains avaient atteint des proportions qu’il ne reconnaissait pas. Dures, les doigts gonflés, leur enveloppe épaisse, rugueuse et sèche ;elle s’étaient métamorphosée. La corne qui les recouvrait était si aride que, même lorsqu’il les l’avait, longuement, soigneusement, elles ne s’attendrissaient pas.

Après la guerre, le déminage.

 Fabien donnait du sens à leurs missions. En libérant la terre de ces pièges mortels, ils se sauvaient eux-mêmes, se rachetaient, se délivraient de la culpabilité. Car tout le monde se sentait coupable : d’avoir trahi, menti, volé, abandonné, de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas s’être engagé dans la Résistance – ou dans la résistance de la dernière heure -, d’avoir tué un homme, plusieurs, d’avoir survécu là où tant d’amis étaient tombés. Chaque homme portait en lui cette part de culpabilité, immense en ces temps troublés et dont il devait pour continuer d’avancer, sinon se débarrasser, au moins s’arranger. Fabien savait suggérer à ces hommes que le déminage pouvait leur apporter la rédemption que, sans se l’avouer, ils n’osaient plus espérer.

Les différentes sortes de mines.

 Il y avait donc sur la plage ses engins effrayants, gigantesques, que les démineurs appelaient des sarcophages ou des tombeaux ; ils promettaient comme eux un passage certain vers l’au-delà, seulement ceux qui trépassaient en passant par ces sarcophages-là étaient moins bien conservés que les pharaons d’Égypte
Ces monstres de plus de mille quatre cent kilo d’acier et d’explosifs s’étalaient dans le sable comme des otaries mécaniques et prenaient leurs aises. Impossible à soulever. Les Allemands partis, les mines sarcophages persistaient à leur place par leur pénible force d’inertie et la garantie de destructions impitoyables .

Le retour des juifs.

 « Tenez, et ne faites pas d’histoires ».
 Personne n’avait envie d’entendre. Pourtant ce qu’elle avait raconter, ce n’était pas des histoires, mais l’Histoire avec un grand H et toutes ses minuscules, l’Histoire comme elle peut être dégueulasse, l’Histoire qui ne va pas dans le sens du progrès, ni de l’idée que l’on voudrait se faire de l’humanité, l’Histoire qui n’aurait jamais dû admettre cette enfer, l’Histoire qu’il ne faudra jamais oublier.
 Lorsqu’elle avait entendu cette exhortation désespérante pour la première fois, elle ne savait pas à quel point elle la suivrait partout. Leur histoire n’intéressait personne. Celle des résistants, oui, la leur leur, non. On voulait des héros pas des victimes.

Le regard des soldats allemands.

Ce regard qu’on ne voulait pas croiser sous peine d’être foutu mais qu’on devait affronter sous peine d’être suspect. Ce regard – à lui seul le symbole du projet nazi- qui examinait, évaluait, disséquait, méprisait, jugeait, triait, sélectionnait, ce regard qu’on n’oubliait pas, ce regard de mort qui faisait détester les yeux quand c’est par les yeux pourtant qu’on se parle de première abord, quand les yeux sont ceux qui sauve toutes les espèces vivantes de leur part sombre ; ce regard haineux dénaturait la vocation du regard, et canalisaient la part la plus hostile de l’être humain. Alors oui, on pouvait penser que tous les Allemands étaient les mêmes, car la diversité des corps des traits s’effaçait sous le corset de l’uniforme, du képi, et du regard qui commandait tout le reste.

 

 

Ce billet à été écrit un an en avance -puisque j’ai lu ce livre fin novembre 2021- pour participer au mois « les feuilles allemandes ». Walter Stucki était ambassadeur de la Suisse à Vichy pendant la guerre, il a fréquenté et beaucoup apprécié Pétain. En octobre 2021, des propos d’Éric Zemmour sur le régime de Vichy m’ont troublée et je n’étais visiblement pas la seule, puisque dans un podcast que j’écoute régulièrement : « le Nouvel Esprit Public » un participant a conseillé ce livre de mémoire de l’ambassadeur Suisse pour mieux comprendre la période. Si Walter Stucki est bien de langue allemande nulle part, on ne peut lire que ses mémoires ont été traduites, on peut supposer qu’il a lui même écrit ce livre dans les deux langues qu’il pratiquait couramment.

Contrairement à ce que j’avais espéré, ces mémoires ne permettent pas de mieux comprendre la personnalité de Pétain, elles n’apportent rien de nouveau pour quelqu’un comme moi qui me suis toujours intéressée à cette période. En revanche, je l’ai lu avec intérêt car cet ambassadeur fait revivre cette période avec un regard extérieur, témoin actif de ce moment tout en n’étant pas un acteur de la politique française. Voici donc à l’œuvre la fameuse neutralité Suisse dont Walter Stucki est si fier.

L’auteur décrit la grande estime dont était entouré Pétain, autant par le personnel qui était proche de lui que par une très grande partie de la population française. Les images de foules l’acclamant sont dans toutes les mémoires. Mais ce que l’on sait moins, c’est combien cet homme a cru à toutes les turpitudes que les allemands lui ont fait avaler en les dissimulant plus ou moins sous des prétextes très grossiers et sans doute plus faciles à dénoncer aujourd’hui qu’à l’époque. Je n’avais jamais lu les deux lettres adressées à Pétain, l’une en 1941 l’autre en 1943 par Hitler et Ribbentrop, elles sont très intéressantes et permettent de mesurer l’asservissement de la France. La position des forces de l’occupation est très claire, c’est la France qui a déclaré la guerre, et qui doit supporter le poids des vainqueurs. De plus si des excès sont commis par les troupes d’occupation, ils ne sont que les justes réponses aux attentats terroristes et ne sont qu’une réplique dece que les troupes françaises ont fait subir aux allemands lorsque après la guerre 14/18 celles-ci ont occupé la Rhénanie.

En 1944 , Pétain veut suivre sa position première « faire don de sa personne à la France » et ne veut donc pas fuir Vichy, les Allemands l’y contraindront. C’est là son unique résistance, racontée dans les mémoires de cet ambassadeur. Personnellement, je ne vois pas en quoi cela serait une preuve de grandeur de Pétain.

Ce que l’on voit très bien dans cet ouvrage, c’est l’absence totale de marge de manœuvre du chef de l’état français et si on est logique on ne comprend pas pourquoi il n’a pas démissionné dès que les allemands ont occupé la zone « libre ». Il n’était pas grand chose avant cette occupation, il n’est vraiment plus rien après. Stucki déteste Pierre Laval mais il a peu d’importance dans cet ouvrage car il est absent de Vichy dans les derniers moments de ce régime.

Stucki a joué un rôle actif dans ces derniers moments de guerre : il a tout fait pour éviter les règlements de comptes sanglants entre la résistance et les forces allemandes encore présentes et très bien armées. Ce n’est pas simple parce que du côté de la résistance il y a plusieurs factions les FFI rallié à De Gaulle et le FTP communistes. Ces hommes de l’ombre ont beaucoup souffert et ont du mal à rester dignes dans la victoire. Du côté des allemands, les troupes peuvent être très proches de la gestapo et sont capables du pire . Tout le monde même à l’époque connaît le drame d’Oradour sur Glane. Il faut à tout prix éviter un autre village martyre. Il raconte comment, en tant que diplomate suisse, il discute avec les allemands aussi bien qu’avec des résistants et c’est très intéressants. Pendant ce temps c’est la fuite éperdue du côté des anciens partisans de Pétain, les ralliements de dernière heure vers les FFI ne sont pas très glorieux. Stucki est très sévère pour la milice créée pour lutter contre la résistance et qui a utilisé les mêmes procédés de terreur que le parti Nazi en Allemagne. Dans ce livre, on ne voit jamais Pétain désapprouver la conduite de cette milice coupable de tant d’horreurs. Certes, c’est Pierre Laval imposé à Pétain par les allemands qui créé cette milice mais Pétain ne s’y oppose pas. Pendant ces soubresauts de l’histoire Pétain veut toujours garder un semblant de légalité, c’est pitoyable.

Pour conclure sur le rôle de Pétain, ce livre ne permet pas de savoir si d’une façon ou d’une autre ce Maréchal de France a atténué les méfaits de l’occupation allemande sur le sol français. Mais on voit que l’homme a gardé sa lucidité jusqu’au bout et que ceux qui l’ont approché étaient séduits par sa personnalité. Mais on n’apprend rien dans ce livre sur le rôle de Pétain et des juifs.

Ces mémoires confirment, grâce à un témoignage direct, que les fins de régime sont peu glorieuses et que les guerres civiles engendrent des violences fondées sur la vengeance particulièrement atroces.

Citations

Portrait

 La verdeur physique de cet homme presque nonagénaire était vraiment stupéfiante. J’ai participé à des défilés et à des revues de toutes sortes qui nous fatiguaient, nous simples spectateurs, et qu’il supportait, comme personnage principal actif, sans signe apparent de lassitude. Intellectuellement aussi, il était la plupart du temps d’une lucidité et d’une fraîcheur étonnante. Il pouvait être vraiment spirituel, et même mordant. En général il était, dans son comportement, plein de dignité, d’une affabilité mesurée, très séduisant. Vers la fin du régime, c’est-à-dire en était 1944 -il avec 88 ans- il tombait souvent dans une profonde mélancolie, même dans une certaine apathie, et ne s’en cachait pas lorsqu’il était en petit cercle. Son entourage le plus proche allait parfois jusqu’à lui éviter tout entretien. Par contre, il resta toujours extérieurement le vieillard robuste et digne .

Toute puissance de la Gestapo

Le général von Neubronn (général allemand du Haut Commandement Ouest) m’a affirmé plus d’une fois qu’il pouvait être arrêté à tout instant par n’importe quel sous-officier de la Gestapo.

Le STO la milice et la résistance

Le « Gauleiter » Sauckel venait, on le sait, de réclamer un million de travailleurs français pour l’Allemagne. Moins de dix mille partirent. Toute la jeunesse masculine, pour ainsi dire, échappa à cette mainmise, soit en entrant dans la milice créée par Darnand, soit en disparaissant pour rallier un des divers groupes de résistance. L’entrée dans la milice était rendue très séduisante par des allocations incroyablement élevées, un bon ravitaillement et les pouvoirs considérables dont jouissaient ses membres. Seuls les plus mauvais éléments de la jeunesse française succombèrent cependant à la tentation. Tous ceux qui gardaient encore un reste de patriotisme et conservaient leur foi dans l’avenir de la France préféraient à ces séductions la vie du maquis, avec ses aventures, ses dangers et ses privations.

Remarque intéressante

 Pour compléter le tableau qu’offrait en cet été 1944 la France torturée, il faut constater que, même parmi les Allemands, il n’y avait aucune unité et qu’ils étaient divisés en une série de groupes différents. Des dirigeants français habiles auraient pu obtenir et sauver bien des choses en jouant davantage de l’armée contre la gestapo, des diplomates contre les SS, des hommes politiques contre les hommes d’affaires. Mais le tragique pour eux depuis 1940, c’est que, sans aucune compréhension psychologique de la mentalité allemande, ils croyaient devoir céder et ils n’ont jamais assez utilisé le seul, mais puissant atout dont ils disposaient :l’intérêt considérable qu’avait l’Allemagne au maintien de la tranquillité et de l’ordre en France.

Fin de règne et comportement des diplomates

 Tous les autres se comportèrent avec « diplomatie » : celui qui, hier encore, était le premier personnage du pays, ne pouvait plus aujourd’hui, prisonnier abandonné, leur être utile ; l’expression de sentiments purement humains ne pouvait leur valoir aucun avantage, mais risquait au contraire de leur susciter des difficultés. Alors on était prudent et avisé !

Les horreurs des fins de guerre

 Lorsque je visite ce « champ de bataille » avec l’ancien commandant de la place de Vichy, le général B, nous découvrons un groupe de cadavres en uniforme allemand. Ce sont des roumains, qui ont combattu jusqu’ici dans les rangs allemands et qui, à la suite du revirement politique de leur pays, ont été liquidés dans la nuit par leurs anciens camarades et abandonnés comme poids mort.

Quand on sent que le bon goût suisse est choqué

 On pouvait voir les éléments les plus hétéroclites appartenant à des organisations FFI et FTP dont la marque distinctive ne consistait parfois qu’en un brassard, et l’arme en un vieux fusil de chasse. On y trouvait aussi des femmes armées et des Africains de couleur. Quelques groupes d’hommes accompagnés de femmes rappelait presque exactement certaines images de la Terreur sous la révolution française.

Lettre d’Hitler à Pétain en 1941

Nous avons nous-mêmes bien des points de comparaison avec le comportement des autorités françaises au temps de l’occupation de la Rhénanie, alors qu’à coup de fouet on chassait des trottoirs des citoyens allemands, non seulement des hommes, mais aussi des femmes et des enfants, alors que plus de 16000 femmes et jeunes filles allemandes en été violées, parfois même par des noirs, sans que les autorités militaires françaises eussent estimé qu’il valût la peine d’intervenir .

 

Édition Buchet/Chastel

Une auteure qui a un joli style tout en simplicité et pourtant, quel travail sur ses phrases ! Elles sont toutes ciselées et semblent couler de source. On reconnaît Marie-Hélène Lafon, un peu comme on reconnait Annie Ernaux. C’est une qualité que j’apprécie beaucoup : une écriture qui se reconnaît en restant simple. J’avais beaucoup aimé L’annonce, et eu plus de réserves sur Joseph . Mais ce roman m’a beaucoup plu. Il commence par une tragédie racontée de façon saisissante, la mort d’un enfant ébouillanté accidentellement par une femme qui en perdra la raison. Ensuite le roman se morcelle en suivant différents personnages. Le fil conducteur c’est ce « fils » mort de façon tragique, son jumeau suivra un parcours marqué par la collaboration et les conquêtes féminines. Il ne saura pas qu’il a eu un fils qui au contraire s’illustre par son courage de résistant pendant la guerre 39/45 . La mère de ce fils est un personnage étrange qui est en toile de fond du roman et que l’on ne comprend pas très bien. Sa plus grande sagesse a été de confier cet enfant à sa sœur et son mari qui lui donneront amour et tendresse. Comme il faut bien une fin , si ce fils n’a pas retrouvé ses racines paternelles, dans un dernier chapitre les deux familles finiront par se rejoindre.
Je n’ai pas toujours apprécié ce morcellement que Kathel appelle l’art de l’ellipse, mais ma réserve vient surtout des personnages , comme celui de la mère, pas assez approfondis. Si j’aime cette auteure, c’est pour son style et les ambiances qui règnent dans ces romans plus, sans doute, que ses histoires qu’elle suggère plus qu’elle ne les raconte.

 

Citations

J’aime le style de cet auteur

Une fois, elle lui avait demandé son âge, le vrai, et lui avait dit qu’il ressemblait beaucoup, en plus jeune, à son frère dont elle était sans nouvelles depuis octobre 1940. Il avait pensé, sans le dire, que c’était peut-être un critère discutable pour choisir un amant dans une troupe de mâles tous plus ou moins affamés et affûtés par le sentiment de vivre à la proue d’eux- mêmes.
Cette femme, Sylvia, disait ça, vivre à la proue, être affûté ; elle parlait souvent avec des images qui ne se comprenaient pas tout à fait du premier coup mais se plantaient dans l’os et y restaient.

Le catéchisme 1934

Il aime l’école le mettre la grammaire, et les autres matières, il est d’accord pour tout. Il aurait voulu suivre aussi le catéchisme avec les enfants de son âge ; mais sa mère n’y tenait pas, elle a dit, il est baptisé et ça suffit ; Hélène et Léon n’ont pas insisté et il croit comprendre que la dame du catéchisme et le curé, qu’il connaît, comme tout le monde à Figeac, ne doivent pas être très à l’aise avec les fils de pères inconnus. Inconnu est un adjectif qualificatif, il en est certain, il peut compter là-dessus, sur la grammaire. À père inconnu, fils inconnu. Ce père et lui aurait en commun un adjectif de trois syllabes dont la première est un préfixe de sens négatif et les deux suivantes un participe passé.

 

Édition Stock.Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Journaliste écrivain, l’auteur a vécu toute sa vie dans l’ignorance de ce qui s’est passé pour son grand-père Paol, ex-officier de l’Indochine et soldat décoré de la grande guerre 14/18. En 1943, il est arrêté par la Gestapo et partira dans le camp de Dora, là où les nazis ont construit les missiles V2. Son petit fils est obsédé par ce qui s’est vraiment passé pour son grand-père et il part dans une enquête qui essaie d’ouvrir toutes les portes vers la vérité que ni sa grand-mère ni son père n’ont voulu ouvrir.

Nous voyons donc le passé glorieux de cet officier de l’armée française à travers ses différentes affectations et aussi son passé de père d’une famille heureuse. Et puis, la guerre le retrouve en Bretagne et toute la famille est bouleversée par son arrestation, le départ en Angleterre du fils aîné et la mort de pneumonie de leur sœur. Le père de l’auteur, Pierre sera à jamais cet enfant blessé par ces morts. Puis nous suivons le trajet de Paol dans les prisons puis de sa mort à Bergen-Belsen. Le principal intérêt est de faire revivre l’horreur de Dora :

 

On apprendra même les raisons pour lesquelles cet homme a été arrêté et qui l’a dénoncé.

J’avoue n’avoir eu que peu d’intérêt pour ce livre même si j’ai bien compris pourquoi l’auteur a eu ce besoin impérieux de l’écrire. Entre ce besoin et l’intérêt du lecteur il y a une grand différence, je suis vraiment restée en dehors de ce livre de mémoires .

 

PS :

Ingannmic m’a fait remarquer qu’Aifelle était plus enthousiaste que moi à propos de ce roman.

 

Citations

Portrait

Il était devenu cet homme fiable, taciturne, mesuré en tout. Un père sur qui on pouvait compter, présent parmi les absents, tenace dans les incertitudes, mais qui ne demandait rien, ne s’apitoyait jamais ni sur les autres ni sur lui-même. Taiseux surtout.

 

Je sais que je dois cette lecture à un blog, mais j’ai hélas oublié de noter son nom . Si je le retrouve, je mettrai immédiatement un lien.

Ce livre est un essai du fils du « sauvé », Georges Heisbourg pour cerner la personnalité de son « sauveur » le baron von Hoiningen. C’est une plongée très intéressante dans la deuxième guerre mondiale et en particulier dans le nazisme. L’auteur s’attelle à une tâche rendue complexe par la personnalité du baron qui n’a jamais raconté ce qu’il a fait pendant la guerre et qui ne s’est jamais glorifié de quoi que ce soit. « Un taiseux » et un « hyper » discret nous est donc présenté par quelqu’un qui ne veut surtout pas romancer cette histoire. Au passage, je me suis demandé si ce n’était pas là un trait de la haute société luxembourgeoise, car le père de l’auteur n’a pas raconté grand chose non plus. Et si l’auteur se plaint de n’avoir qu’une photo du baron, il ne met aucune photo de son père dans ce livre. Les sources d’archives proviennent surtout de l’Allemagne, car la Gestapo avait la manie de tout écrire pour faire des dossiers sur tout le monde et ce militaire haut gradé et noble avait tout pour finir pendu. Il n’a dû son salut qu’à sa fuite au dernier moment de la guerre, alors que l’armée allemande reculait sur tous les fronts. Mais cela n’empêchait pas la Gestapo de lancer ses sbires à la recherche du fugitif soupçonné à juste titre d’avoir des accointances avec les conjurés qui ont essayés en vain d’assassiner Hitler. Tout ce qu’a fait ce baron est bien analysé et s’appuie sur des témoignages de ceux qui ont profité de son engagement. Tous le décrivent comme un homme « bien ». Mais alors pourquoi sa propre famille ne veut pas témoigner ? Par pudeur ? De crainte de révéler un secret ? L’auteur comme le lecteur en est réduit aux hypothèses. Enfin, le livre se termine sur une réflexion à propos du bien . C’est intéressant de voir que même dans le pire système, il y a des individus qui ne feront pas exactement ce que des tortionnaires au pouvoir attendent d’eux. C’est ce que l’auteur définit comme ‘la banalité du bien » qui est en chacun de nous . Alors que » la banalité du mal » expression si mal comprise d’ Hannah Arendt est le fait d’êtres sadiques et dépravés qui se cachent derrière des êtres dont l’apparence et la vie sont banales.

Citations

Le recrutement nazi

L’une des forces du Nazisme sera hélas d’avoir su recruter aux deux extrêmes du spectre des compétences : d’un côté les brutes menacées de déclassement , profil largement répandu chez les Gauleiter, de l’autre les surdiplômés, notamment dans les disciplines juridiques, qui aurait réussi dans n’importe quel système et que l’on trouvera souvent chez les SS, spécialement dans les Einsatzkommandos exterminateurs sur le front de l’Est.

Je ne savais pas ça !

Un pasteur proche de la branche national-socialiste du protestantisme, les tenant du « Deutscher-Christ » (un Jésus non pas juif mais aryen)

Cet étrange Nazi

En ligne de résultats : Franz von Hoiningen a contribué à tirer au moins 574 Juifs, (964 avec « le dernier convoi ») des griffes des nazis au Luxembourg, dont de l’ordre de 470 vers un naufrage définitif hors d’Europe. Les recherches les plus récentes estime à 890 le nombre total des Juifs du Luxembourg qui ont pu quitter l’Europe occupée pendant la guerre : plus de la moitié de ces sauvetages définitifs doivent être attribués, au moins entre autres, au baron.

Un luxembourgeois conservateur : son père.

Un conservateur luxembourgeois, c’est d’abord quelqu’un qui soutient l’existence même du grand-duché et de la dynastie grand-ducale. Nonobstant l’influence culturelle allemande et la langue allemande dans le pays, et spécialement à travers une église alors puissante, ce nationalisme est davantage antiprussien et antiallemand qu’antifrançais ou qu’antibelge. L’épisode de 1914/1918 avait eu pour effet de conforter ce positionnement. Mon père avait par ailleurs pris goût pour la culture et la langue françaises, d’où son choix d’entamer ses études supérieures à Grenoble et à la Sorbonne, à à l’époque, il n’y avait pas d’université au grand-duché, et les bacheliers pouvaient choisir de poursuivre leurs études en Belgique, en France ou en Allemagne. Réactionnaire, il l’était, mais démocrate aussi et affichera donc ses sentiments pro-Alliés pendant la drôle de guerre.

La banalité du bien

Pourtant, ils sont mis par une combinaison assez similaire d’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Ce ne sont pas des cyniques. La formule « noblesse oblige » ne s’applique pas au pied de la lettre, puisque seul Hoiningen fait partie de cette confrérie là : pourtant elle paraît résumer leur approche de la situation exceptionnelle dans ces années de feu. Aussi, on ne manquera pas de souligner l’importance capitale de la transmission éthique dans nos sociétés, transmission qui implique aussi une certaine compréhension de notre passé.

le cas de la Pologne et de la Hongrie

Des pays comme la Pologne où la Hongrie ne parviennent pas à apaiser leur relation au passé de la guerre froide en partie parce qu’ils n’ont fait que très imparfaitement leur travail de mémoire par rapport aux drames de la Seconde Guerre mondiale.

Appel au témoignage

Il y a une immense noblesse à faire le bien, surtout si cela implique de tourner le dos au système de croyances de son clan, de sa tribu. Cependant, l’action doit être prolongée par sa narration. Le taiseux baron, mais pas seulement lui, n’y était pas porté. Il est temps d’en parler. Et, en parlant, peut-être susciterons- nous d’autres vocations : des langues de proches se délieront, des archives familiales ou publiques s’ouvriront. En d’autres mots, et en retournant l’adage familier : pas seulement des actes mais aussi des paroles. Telle est la condition d’une transmission durable.

 Homère, pour autant qu’il est réellement existé, paraît avoir été de cet avis. Qui lui donnerait tort trois mille ans plus tard ?

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Moi je tourne des films. Ça gagne bien et ça ne fait du mal à personne.

Cette phrase peut donner le ton à tout le livre, chaque remarque est empreinte du style Audiard, celui qui a donné des dialogues inoubliables au cinéma français. Son roman se déguste par petites touches, ne me demandez pas de vous raconter l’intrigue j’en serai bien incapable. Mais on est bien avec cet auteur et les Parisiens et Parisiennes qui ont sans doute disparu et qui traînaient dans des cafés qui sont remplacés par des restaurants chics ou des fast-food moins chics et moins chers. Le plaisir vient de ces phrases qu’on aimerait tant ne pas oublier comme les répliques des « Tontons Flingueurs » que certains connaissent par cœur. Alors, lisez les citations et vous aurez un tout petit avant-goût du plaisir que procure ce roman.

Citations

Alban de Mérovie est un personnage très seul. Il l’a cherché. Oh, oui, bien cherché .

À force de coucher avec les meilleurs amies de sa femme et avec les femmes de ses meilleurs amis, il n’a plus de femme et n’aura bientôt plus d’amis.
Quelle noirceur !

Autodérision

 – Aux champs . Je t’offre une petite croque et tu me paies une toile !
– Il y a rien à voir.
– Il y a pas un film de toi qui passe ?
– Il y en a forcément toujours un qui passe, c’est pas pour ça qu’il est à voir.

La campagne

Pourtant, nous ne dormons plus ensemble depuis quinze ans déjà… Ou alors dans son prieuré de Valmondois, à côté de L’Isle-Adam… À la campagne, ça ne compte pas, on fait n’importe quoi parce qu’on s’emmerde.

L’argent

« Un taxi pour Tobrouk » et « Le cave se rebiffe » occupaient des Champs-Élysées, « Les Cahiers du cinéma » , et « Harper’s Bazaar » nous brûlaient vif, on s’en foutait, on gagnait plein de sous. Qu’en faisais-je, mon Dieu quand j’y pense… Les bagnoles… Les fringues… Les éditions de luxe… Aujourd’hui je roule Renault, j’écris Bic et je lis Poche… J’ai dépassionné tout ça.

La mort de Mesrine

Le déploiement d’artillerie, (soixante douze points d’impact !), puis les poulets s’embrassant, façon footballeur, autour du cercueil BMW. Mais on n’était pas au bout, c’est après que ça devenait vraiment dingue : La belle Sylvia giclant de l’auto, déconnectée à zéro, un cocker sous les bras hurlant : « Les salauds ! Ils ont tué mon chien » . C’est quand même pas banal, comme réaction, non ? Pourquoi pas plutôt. Ils ont tué mon homme ? À croire concernant l’homme, qu’elle prévoyait l’issue de longue date.

Description du « Train bleu » gare de Lyon

J’aime ce musée très ennuyeux où tout peut arriver… Même l’idée vague de prendre le train. C’est une relation de métiers, Alexis Moncorgé, ( relativement plus connu sous le pseudonyme de Jean Gabin) , qui m’a fait découvrir l’endroit.

 

Une idée de lecture que je dois à Dominique. Je conseille ce livre à tous les amoureux et amoureuses de Paris et de Modiano. J’ai déambulé dans le XVI° en lisant ce court essai et j’ai cru mettre mes pas dans ceux de Béatrice Commengé et de Modiano. Ce n’est pas un guide touristique même si cela permet de visiter Paris d’une façon originale, cette auteure sait surtout nous faire comprendre la vie de Modiano et son impérieux besoin d’écrire. Rien n’était très net dans la vie de ce jeune fils d’un juif au passé trouble et d’une actrice qui laissait souvent son fils en garde dans des lieux insolites. Quand ses parents se sont rencontrés, ils habitaient en face de cet endroit rue Sheffer dans le XVI° :

 

Ils ont connu un semblant de vie familiale au 15 quai Conti, et aussi les rigueurs de pensionnats dans lesquels il n’était pas heureux. Il a eu le malheur de perdre un frère qui semblait plus fait pour le bonheur que lui. Sinon on peut dire que son oeuvre est le reflet d’une ville dont il a connu les beaux quartiers mais aussi les quartiers populaires puisque à l’époque, il en existait encore : sa véritable demeure c’est Paris .

 

Un Paris citadin mais avec des lignes de fuites qui ont complètement disparu vers une zone entre campagne et banlieue. Enserré dans son corset périphérique Paris a perdu ce charme-là et surtout une réelle possibilité de s’agrandir. Il nous reste les livres de Modiano, cet auteur qui s’est approprié ses souvenirs et ceux de ses parents au point où il le dit lui-même

Il n’y a jamais eu pour moi ni présent, ni passé. Tout se confond.

Citations

Le Paris occupé les parents de Modiano

J’avance jusqu’à l’autre bout de la rue sans passer devant la moindre vitrine -je suis donc forcément passer, me dis-je, devant ce restaurant ou un jeune juif de trente ans (fils d’un toscan émigrés à Paris après avoir transité par Salonique, Alexandrie et le Venezuela) et une jeune actrice blonde venu d’Anvers, de six ans sa cadette, apprenaient à faire connaissance dans un Paris occupé par les Allemands, un Paris favorable aux amour précaires, un Paris insolite, où la vie semblait continuer « comme avant », avec les mêmes rengaines à la radio et du monde dans les cinémas.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Il a obtenu un coup de coeur.

Roman choral qui suit tous les membres d’une famille pendant la guerre 39/45, au Havre. Ce roman nous fait revivre ce qui s’est passé dans cette ville et qui est, sauf pour les Havrais, quelque peu oublié. Dès le début de la guerre, cette ville a été plus que généreusement bombardée afin de détruire les installations portuaires. Mais l’épisode le plus douloureux se situe à la fin de la guerre. Une garnison allemande a refusé de se rendre alors que les alliés encerclaient la ville. Le commandant allemand a proposé de faire évacuer les civiles, on ne saura jamais pourquoi les Anglais ont refusé ni pourquoi ils ont bombardé Le Havre réduisant cette ville en cendre. Cet article du Figaro pose bien toutes ces questions.

Le roman suit la vie d’Emilie et de Joffre qui ont deux enfants Lucie et Jean et de Muguette sœur d’Emilie et de ses deux enfants. Les caractères sont bien imaginés et la vie de cette famille sous l’occupation est, sans doute, très proche de la réalité. J’ai découvert l’existence de la fondation Guynemer qui envoyait des enfants en Algérie pour les éloigner des duretés de la guerre. Beaucoup d’enfants du Havre et de Saint Nazaire ont ainsi bénéficié pour 6 mois ou un an d’une vie plus saine. Le déchirement pour les parents de devoir se séparer de leurs enfants est très bien rendu et aussi, la façon dont on doit se méfier de tout le monde quand on n’accepte pas de collaborer. C’est un bon roman historique qui permet de se remettre en mémoire de façon objective ce qui s’est passé au Havre à cette période.

Citations

Souvenirs de la guerre 14-18

La guerre chez nous avait déjà mangé presque tous les hommes, le père de papa décapité par un obus la veille de l’armistice, le père de maman et une demi-douzaine de grand-oncle gazés par les Boches -eux étaient rentrés en 1928, mais pas pour longtemps, ils étaient déjà asphyxiés et sont morts paraît-il dans d’atroces souffrances.

 Portrait d’une femme qui parle peu

La cuisine, c’était sa manière à elle de montrer son amour, parce que les mots, je voyais bien qu’elle les cherchait sans jamais les trouver, quand ça sortait, presque toujours ça faisait mal et je la détestais, puis aussitôt je lui par donnais ; elle faisait de son mieux et s’en voulait sincèrement de m’avoir blessée.

Je ne connaissais pas l’expression

Félix Mercier – un grand échalas qui ne se prenait pas pour la queue d’une poire.

La collaboration

« La collaboration cousine, tu sais de quoi il s’agit : donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure. »