Category Archives: Amour Et Couple

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. (thème Hollywood).


Dans la famille Musso, voici Valentin, le frère de Guillaume, en attendant Julien à qui se roman est dédié. Il s’agit d’un roman policier très bien ficelé et que les aficionados du genre se rassurent, je ne vais pas raconter la fin (par laquelle j’ai débuté ma lecture …) . David Badina, le personnage principal et narrateur de cette histoire, est le fis d’Elizabeth, une jeune actrice qui, en 1959, a disparu lors du tournage du film qui devait définitivement lancer sa carrière, sans que l’on sache ni pourquoi, ni comment. Son fils avait un an et quarante plus tard, ce passé se rappelle à lui car le célébrissime metteur en scène qui avait choisi sa mère comme actrice pour ce rôle l’appelle pour lui confier un travail.

C’est aujourd’hui un scénariste réputé, il a connu un très grand succès succès pour son premier film mais depuis son inspiration semble d’être tarie. Ce qu’il croyait être le plus enfoui en lui, la disparition inexpliquée de sa mère refait surface avec une telle force que l’on sent bien qu’il devra aller jusqu’au bout de ses recherches pour pouvoir enfin vivre sa vie : le roman policier raconte cela.

Ce qui m’a plu, c’est la peinture des années soixante dans le monde du cinéma hollywoodien qui est très bien décrite. L’on a des personnages à la « Harvey Weinstein », et comme dans les séries TV, les enquêtes du FBI, si le Maccarthysme est terminé, les habitudes et les mœurs de la police américaines n’ont pas encore complètement changé . Alors cette star naissante du cinéma, qui voulait la faire disparaître ? Et puis est-ce que David apprendra par la même occasion qui est son père ? Il y a du Michael Connely dans cette enquête moins (hélas !) la personnalité d’Harry Bosch .

Citations

Le métier de scénariste

Le côté négatif de ce métier, c’est que les scénaristes ont souvent l’impression d’avoir fait quatre vingt dix pour cent du boulot et d’être totalement ignoré à la sortie du film. Le côté positif, c’est que, lorsque ledit film ne marche pas, ce sont rarement eux qui essuient le tir des balles.

Los Angeles : question que je me pose aussi

 Je me suis toujours demandé comment on pouvait être prêt à traverser la moitié de la planète rien que pour voir l’étoile de Sharon Stone ou de Tom Hanks dans cette rue sale, bondée de monde et de vendeurs à la sauvette qui ne vous lâchent pas d’un pouce. En fait, je ne connais aucun habitants qui prenne plaisir à se balader dans cette attrape-touriste géant. Les endroits clinquants de L.A.-ils ne manquent pas- m’ont toujours déprimé, on dirait qu’ils ont été inventés que pour dissimuler aux yeux des gens les rêves brisés et les échecs dont se repaît cette ville.

Passage qui s’adapte bien au contexte actuel

 Grands fumeurs de cigares qu’il faisait venir de Cuba, gros buveur de whisky, connu pour son sexisme légendaire, Welles draguait tout ce qui portait jupon à Hollywood. Plusieurs sources laissaient entendre qu’il avait fréquemment harcelé des actrices dans des suites de luxueux hôtels et qu’il était presque toujours parvenu à ses fins. Il était de ces grands manitous capables de faire ou de défaire une carrière à Hollywood d’un simple claquement de doigts. Vu la terreur qu’il inspirait, je comprenais parfaitement que de jeunes actrices en quête de gloire n’aient pas eu le cran de le repousser malgré l’aversion qu’elle devait ressentir.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clotilde Meyer et Isabelle D. Taudière.

Laissez moi vous dire une chose. On est jamais trop vieux pour apprendre.


Après Dominique, Kathel, Keisha et tant d’autres, je viens vous recommander la lecture de cette épopée. Voici le sujet, tel que le raconte la quatrième de couverture :

«  lorsque Jay Mendelsohn, âgé de quatre-vingt-et-un ans, décide de suivre le séminaire que son fils Daniel consacre à l’Odyssée d’ Homère, père et fils commencent un périple de grande ampleur. Ils s’affrontent dans la salle de classe, puis se découvrent pendant les dix jours d’une croisière thématique sur les traces d’Ulysse. »

 Daniel Mendelsohn a écrit un roman concernant la famille de sa mère assassinée lors des massacres de la Shoah : « Les Disparus » -récompensé par le prix Médicis en 2007-, livre qui m’avait beaucoup marquée . (C’était avant Luocine, et je me promets de le relire). Il consacre donc ce temps romanesque et son talent d’écrivain à la quête de la personnalité de son père. Il le fait à travers l’analyse minutieuse de l’Odyssée, ce si difficile retour d’Ulysse vers son royaume d’Ithaque, son épouse Pénélope et son fils Télémaque. On y retrouve tous les récits qui ont construit une partie de notre imaginaire. Ulysse et ses ruses, Pénélope et sa fidélité à toute épreuve, Télémaque, ce fils qui recherche son père, mais aussi le Cyclope, Circé, Calypso, les enfers… tous ces récits, grâce au talent du professeur Daniel Mendelsohn, nous permettent de réfléchir à la condition humaine. On aurait, je pense, tous aimé participer à ce séminaire au cours duquel ce grand spécialiste de la littérature grecque et latine, n’assène pas son savoir mais construit une réflexion commune aux participants et au professeur grâce aux interventions pertinentes de ses étudiants. Je n’ai pas très bien compris si tous connaissent le grec ancien ou si (comme cela me semble plus probable) seul le professeur peut se référer au texte originel. L’épopée prend vie et se mêle à la quête de l’auteur. Qui se cache derrière ce père taiseux, incapable de montrer ses sentiments à ses enfants ou à son épouse ? Certainement plus que la personnalité d’un père ingénieur devant lequel son fils tremblait avant de lui avouer qu’il ne comprenait rien aux mathématiques. Au détour d’une réaction d’étudiant, d’une phrase analysée différemment, nous comprenons de mieux en mieux ces deux fortes personnalités si différentes. On se prend à rêver que tous les pères et tous les fils sachent un jour entreprendre ce voyage vers une réelle connaissance de l’autre. Daniel est écrivain et professeur, le chapitre intitulé ‘Anagnorisis« , où il s’agit bien de « reconnaissance » se termine ainsi :
Quand vous enseignez, vous ne savez jamais quelles surprises vous attendent : qui vous écoutera ni même, dans certains cas, qui délivrera l’enseignement.
Et il avait commencé 60 pages auparavant de cette façon :
Une chose étrange, quand vous enseignez, c’est que vous ne savez jamais l’effet que vous produisez sur autrui ; vous ne savez jamais, pour telle ou telle matière, qui se révéleront être vos vrais étudiants, ceux qui prendront ce que vous avez à donner et se l’approprieront -sachant que « ce que vous avez appris d’un autre professeur, une personne qui s’était déjà demandé si vous assimileriez ce qu’elle avait à donner….
Quel effet de boucle admirable et toujours recommencée, oui nous ne sommes au mieux que des transmetteurs d’une sagesse qui a été si bien racontée et mise en scène par Homère. J’ai beaucoup de plaisirs à raconter les exploits d’Ulysse à mes petits enfants qui s’émerveillent à chaque fois du génie du rusé roi d’Ithaque, j’ai retrouvé le livre dans lequel enfant j’avais été passionnée par ces récits. Et je crois que comme le père et le fils Mendelsohn, j’aimerais faire cette croisière pour confronter mes souvenirs de récits à ces merveilleux paysage de la Grèce.
Peut-être que comme Jay, je trouverai que l’imaginaire est tellement plus riche que la réalité, et puis hélas je n’ai plus de parents à retrouver car il s’agissant bien de ça lors de cette croisière « sur les pas d’Ulysse » permettre à Daniel de retrouver la facette qu’il ne connaissait pas de son père, celui qui sait s’amuser et se détendre et faire sourire légèrement la compagnie d’un bateau de croisière. Bien loin de l’austère ingénieur féru de formules de physique devant lequel tremblait son plus jeune fils.

Citations

Relations d’un fils avec un père qui n’aime pas qu’on fasse des petites manières ou des histoires.

Lorsque mon père racontait cette histoire, il passait rapidement sur ce qui, à moi, me semblait être la partie la plus intéressante – la crise cardiaque, sa précipitation, à mon sens, poignante à rejoindre mon grand-père, l’action, en un mot – et s’étendait sur ce qui avait été pour moi, à l’époque, le moment le plus ennuyeux : les rotations de l’avion. Il aimait raconter cette histoire, car pour lui, elle montrait que j’avais très bien su me tenir : j’avais supporté sans me plaindre l’assommante monotonie de tous ces ronds dans l’air, de tout cette distance parcourue sans avancer. « Il n’a pas fait la moindre histoire », disait mon père, qui avait horreur que l’on fasse des histoires, et même à cette époque, malgré mon jeune âge, je comprenais vaguement qu’en donnant une légère inflexion caustique au mot « histoires », c’était en quelque sorte ma mère et sa famille qu’il visait. « Il n’a pas fait la moindre histoire », disait papa d’un hochement de tête approbateur. « Il est resté sagement assis, à lire, sans un mot ».
 De longs voyages, sans faire d’histoires. Des années ont passé depuis ce long périple de retour, et depuis, j’ai moi-même eu à voyager en avion avec des enfants en bas âge, et c’est pourquoi, lorsque je repense à l’histoire de mon père, deux choses me frappent. La première, c’est que cette histoire dit surtout à quel point « lui » s’était bien tenu. Elle témoigne de la façon exemplaire dont il a géré tout cela, me dis-je maintenant : en minimisant la situation , en faisant comme s’il ne se passait rien d’anormal, en donnant l’exemple et restant lui-même tranquillement assis, et en résistant -contrairement à ce que j’aurais fait car, à bien des égards, je suis davantage le fils de ma mère et le petit-fils de Grandpa – à la tentation d’en rajouter dans le sensationnel ou de se plaindre.
La seconde chose qui me frappe quand je repense aujourdhui à cette histoire, c’est que pendant tout le temps que nous avons passé ensemble dans l’avion , l’idée de nous parler ne nous a pas effleurés un instant.
Nous avions nos livres et cela nous suffisait.

Les questions que posent les récits grecs et qui nous concernent toujours.

Nous savons bien sûr que « l’homme » n’est autre Ulysse. Pourquoi Homère ne le dit-il pas d’emblée ? Peut-être parce que, en jouant dès l’abord de cette tension entre ce qu’il choisit de dire (l’homme) et ce qu’il sait que nous savons (Ulysse), le poète introduit un thème majeur, qui ne cessera de s’intensifier tout au long de son poème, à savoir : quelle est la différence entre ce que nous sommes et ce que les autres savent de nous ? Cette tension entre anonymat et identité sera un élément clé de l’intrigue de l’odyssée. Car la vie de son héros dépendra de sa capacité de cacher son identité à ses ennemis, et de la révéler, le moment venu, à ses amis, à ceux dont il veut se faire reconnaître : d’abord son fils, puis sa femme, et enfin son père.

Message d Homère

 L’Odyssée démontre la vérité de l’un des vers les plus célèbres et les plus troublants, que le poète met dans la bouche d’Athena à la fin de la scène de l’assemblée : »Peu de fils sont l’égal de leur père ; la plupart en sont indignes, et trop rares ceux qui le surpassent. »

Le plaisir des mots venant du grec

Les récits de Nestor sont des exemples de ce que l’on appelle les récits du « nostos ». En grec, « nostos » signifie « le retour ». La forme pluriel du mot, « nostoi », était en fait le titre d’une épopée perdue consacrée au retour des rois et chefs de guerre grecs qui combattirent à Troie. L’Odyssée est-elle même un récit du « nostos », qui s’écarte souvent du voyage tortueux d’Ulysse à Ithaque pour rappeler, sous forme condensée, Les « nostoi » d’autres personnages, comme le fait ici Nestor -presque comme s’il craignait que ces autres histoires de « nostoi » ne survivent pas à la postérité. Peu à peu, le mot « nostoi », teinté de mélancolie et si profondément ancrée dans les thèmes de l’Odyssée, a fini par se combiner à un autre mot du vaste vocabulaire grec de la souffrance, « algos », pour nous offrir un moyen d’exprimer avec une élégante simplicité le sentiment doux-amère que nous éprouvons parfois pour une forme particulière et troublante de vague à l’âme. Littéralement, le mot signifie « la douleur qui naît du désir de retrouver son foyer », mais comme nous le savons, ce foyer, surtout lorsqu’on vieillit, peut aussi bien se situer dans le temps que dans l’espace, être un moment autant qu’un lieu. Ce mot est « nostalgie ».

L’implication de l’écrivain dans le récit de l’odyssée

J’avais hâte d’aborder l’épisode de la cicatrice d’Ulysse, où se trouve mêlé dans deux thèmes essentiels de l’Odyssée : la dissimulation et la reconnaissance, l’identité et la souffrance, la narration et le passage du temps. Mais une fois de plus, j’ai dû me rendre à l’évidence, les étudiants ne s’intéressaient pas du tout au même chose que moi. Seul Damien, le jeune Belge, avait parlé de la cicatrice d’Ulysse sur notre forum. Sans doute, me dis-je, est-ce parce que je suis écrivain que cette scène me fascine plus qu’eux : car tout l’intérêt de la composition circulaire est de fournir une solution élégante au défi technique qui se présente à quiconque veut entrelacer le passé lointain à la trame d’un récit au présent en gommant les sutures.

Pour comprendre ce passage, il faut savoir que l’auteur est homosexuel. Cela avait été difficile pour lui de le dire à ses parents. Mais son père ne l’avait pas jugé à l’époque. Il est en train de faire une croisière sur « les pas d’Ulysse ». Il est adulte et son père est très vieux. Dialogue père fils

Papa, attends, insistai-je. Donc, si je comprends bien, il y a eu un garçon gay amoureux de toi dans le Bronx, c’est de lui que te vient ton surnom de « Loopy », et tu n’as jamais songé à m’en parler ?
Mon père baissa les yeux. C’est simplement, Dan, que… Je ne savais pas trop comment t’en parler.
Que répondre à cela ? Alors j’ai fait comme mon père : j’ai été sympa avec lui.
C’est bon, dis-je. Au moins, maintenant, c’est fait. Bon Dieu, papa…
Il appuya sur un bouton de son iPad et l’ Iliade émit une lumière bleutée dans la pénombre. Ouais, on dirait… Puis il leva les yeux et dit : c’est une croisière sur l’Odyssée, n’oublie pas. Chacun a une histoire à raconter. Et chacun a… son talon d’Achille.
Oui, sans doute.

Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Lu en une nuit et sans aucune passion. Ce pauvre Benjamin vit dans une famille suisse très riche qui a les apparences d’une famille très heureuse. Malheureusement pour lui, elle n’a que ça, les apparences. Sa vie est à jamais bouleversée par la disparition de sa sœur Summer, et vingt cinq ans plus tard, il est anéanti par ce souvenir qu’il croyait avoir maîtrisé. Il lui faudra un courage incroyable pour remonter dans des souvenirs et comprendre peu à peu ce qui était évident pour son entourage.

L’intérêt du roman vient de ce que nous partageons les efforts de cet homme dont le cerveau est embrumé par les mensonges de sa famille. Mais je n’ai pas été intéressée par cette lecture, je me rendais compte que j’étais indifférente à l’histoire et pourtant Monica Sabolo sait très bien la raconter, elle ne tranche jamais entre la mort ou la disparition de Sumer et ceci grâce à son narrateur, celui qui était là, mais qui est aveuglé par le poids de sa famille.

Citation

Voici la clé de l’histoire

– Et puis tes parents…
– Quoi, mes parents ? J’avais été surpris par le son d e ma voix, j’avais peut-être crié. Il fixait le mur, comme s’il regardait les images qui défilaient derrière mon dos.
– On finit toujours par retrouve les gens, tu sais. Ils laissent une trace quelque part, ils passent un coup de téléphone, se font repérer dans un supermarché. J’avais envie d e vomir. Il avait des traces sombres de transpiration sous les bras ; alors évidemment, s’il n’y a aucun indice aucun mouvement…

L’inspecteur a soupiré, comme si cette idée était trop déplaisante. Il avait brusquement baissé les yeux sur moi.

– quoi qu’il en soit, les gens ne disparaissent pas comme ça. Il y a toujours une explication. Et elle est souvent extrêmement simple. A portée de main.

 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle Ertel.
Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio.com

 


Je m’étais bien promis de ne plus répondre aux tentantes sollicitations de Babelio, non pas que ce site propose de mauvais titres mais je suis obligée de lire en trois semaines, et au moment de Noël mon emploi du temps est si chargé que j’ai failli ne pas tenir les délais. Il faut dire qu’un livre de 813 pages à l’écriture assez serrée ne se dévore pas en une soirée, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un roman qui se lit facilement.

Nous entrons, en effet, très en profondeur dans les méandres de la psychologie de quatre amis new-yorkais, Jude, le plus mystérieux et celui autour duquel tourne le roman, J.B , l’artiste très doué, Malcom un architecte et Willem un acteur qui rencontre le succès. Bien malgré lui, Jude fait le malheur de tous ceux qu’ils croisent et il est incapable d’expliquer pourquoi il souffre et fait autant souffrir les autres malgré sa volonté de ne leur vouloir que du bien. Il faudra 700 pages à l’auteur pour dire toute la souffrance de cet homme dont le lecteur entrevoit la teneur peu à peu. C’est peu dire que le style de cette auteure joue avec la lenteur, elle s’y complaît et cela donne encore un énorme pavé à l’américaine. J’avais en tête la réflexion de Jean d’Ormesson disant qu’aucun auteur français contemporain (ou presque) n’était traduit en anglais et n’était connu aux États-Unis alors que presque tous les auteurs américains sont traduits en français. Je me demande même si le lectorat français n’est pas visé par les éditeurs outre-atlantique. Je me demande aussi quel lecteur ou lectrice française accepterait de lire 900 pages sur la réussite de quatre Parisiens, dont l’un se scarifierait pour oublier son enfance.

Bref trop lourd pour moi ce roman m’a surtout encombrée et pourtant il est certain que cette auteure a tout fait pour faire revivre le tragique d’une destinée d’un homme bafoué et martyrisé dans son enfance et qui ne peut pas avoir « une vie comme les autres » malgré tous ses efforts et tout l’amour qu’il suscite quand il réussit à devenir adulte.

Citations

L’argent et les artistes sans problème d’argent

Et non seulement Ezra n’aurait jamais besoin de travailler, mais ses enfants et ses petits-enfants non plus : ils pourraient créer des œuvres médiocres, invendables, parfaitement dénuées de talent, génération après génération, et ils auraient toujours les moyens, quand cela leur chanterait, d’acheter des tubes de peinture à l’huile de la meilleure qualité ou des lofts dangereusement spacieux dans le sud de Manhattan qu’ils pourraient saccager de leurs désastreuses décisions architecturales ; et, quand ils se fatigueraient de leur vie d’artiste -et JB était convaincu qu’Ezra en aurait assez à un moment-, il leur suffirait de passer un coup de fil à leur administrateur fiduciaire pour recevoir un énorme versement, d’un montant tel qu’aucun des quatre( à part, peut-être, Malcom) ne pouvait même imaginer entrevoir en toute une vie.

Les petites jeux des universitaires

Le prof de lettres classiques pour lequel il travaillait avait décidé de ne communiquer avec lui en latin ou grec ancien, y compris pour lui transmettre des instructions du type : « j’ai besoin de trombones supplémentaires », ou « N’oubliez pas de leur demander de mettre un peu plus de lait de soja dans mon cappuccino demain matin ».

Pour les juristes

Le domaine le plus authentique, le plus intellectuellement stimulant, le plus riche domaine du droit, est de loin, et le droit des contrats. Les contrats ne se réduisent pas à des feuilles de papier vous promettant un travail, une maison, ou bien un héritage, au sens le plus pur, le plus véritable, le plus large, les contrats régissent tous les domaines du droit. Quand nous choisissons de vivre en société, nous choisissons de vivre selon les règles d’un contrat, et de se soumettre aux règles qu’il nous dicte – la Constitution elle-même est un contrat, certes malléable, et la question de savoir à quel point il est malléable constitue précisément le lieu où droit et politique se croisent-, et ce sont les règles de ce contrat (qu’elles soient explicites ou non), que nous suivons quand nous nous engageons à ne pas tuer, à payer nos impôts et à ne pas voler. Mais dans ce cas précis, nous sommes à la fois les concepteurs de ce contrat et lié par lui :.en tant que citoyen américain, nous partons du principe que, dès la naissance, nous avons une obligation de respecter et suivre les termes, et nous le faisons quotidiennement.

Le droit

Mais la justice n’est pas le seul, ni même le plus important, aspect du droit : le droit n’est pas toujours juste. Les contrats ne sont pas justes, pas toujours. Mais parfois elles sont nécessaires, ces injustice, parce qu’elles sont nécessaires au bon fonctionnement de la société. Dans ce cours, vous apprendrez la différence entre ce qui est juste et ce qui est équitable et, ce qui est tout aussi important, la différence entre ce qui est juste et ce qui est nécessaire.

Traduit de l’espagnol par Vanessa Capieu. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Votre réveillon 2017 est terminé ? Venez partager celui de la famille d’Amalia à Barcelone ! Quel bon moment de lecture ! Si vous voulez un dépaysement total, un voyage au delà des Pyrénées, dans une famille où les non-dits font tenir l’ensemble. Invitez-vous à la table d’Amalia pour ce réveillon mémorable. Vous ferez la connaissance de son fils, Fernando, le narrateur qui doit avoir beaucoup points communs avec l’auteur. De sa fille Sylvia, celle qui essaie de réparer toutes les impasses dans lesquelles sa mère fonce tête baissée en n’écoutant que son grand cœur. Elle évitera par exemple que le père du clan des roumains dont elle héberge une jeune ne lui vole tous ses biens. Vous connaîtrez Emma qui vit avec Olga. Cette dernière vous fera pouffer de rire plus d’une fois, dépourvue totalement du moindre sens de l’humour, elle prend tout et raconte tout au premier degré, dans cette famille où le moindre propos cache un océan de secrets enfouis, ses regards ahuris et ses discours simplistes font beaucoup pour le rire à la lecture de ce roman, celui, par exemple, que vous aurez quand Amalia veut aider son frère Eduardo « à sortir du placard ».

Comme Olga vous serez peut-être étonné que les propos commencent par « l’inconfort » des bancs du jardin public en bas de l’immeuble. Enfin, il reste Ingrid, l’amie qui n’est pas là mais qui est si importante pour Amalia. Il faut dire qu’elle a des idées de génie cette Ingrid : remplacer la dinde du nouvel an par des feuilletés aux épinards, aller grâce à une ONG à Cuba (je vous laisse imaginer la contrepartie de ce voyage très peu cher)… et elle pourra vous faire « un reiki » qui remettra vos chakras dans le bon sens.

Le réveillon permettra à chacun de dévoiler une partie de son âme, la plus secrète, et peut être de repartir pour un an. Vous, le temps de la lecture, dans un livre un peu foutraque, à l’image du cerveau d’Amalia vous serez passé du rire à l’émotion proche des larmes. et surtout vous découvrirez « Une mère » ! Malgré son cerveau un peu dérangé, elle sera là pour chacun de ses trois enfants au moment où ils ont besoin d’elle. L’Espagne vous sera plus proche et tout en voyant les différences vous pourrez sans aucune difficulté vous dire que « l’humaine condition » est assez semblable et ne connaît pas les frontières.

Citations

Dialogue au téléphone quand Amalia n’écoute pas(hélas !) sa fille

« Oh,non,non ! Pas elle, je t’en prie ! » me suppliait-elle par mimiques, en agitant les mains devant elle comme si je la forçait à affronter Belzébuth lui-même. Puis elle s’est raclé la gorge, a pris deux profondes inspirations, s’est plaqué un sourire sur le visage comme si Sylvia avait pu la voir sur l’écran de son portable et a approché précautionneusement le combiné de son oreille. 

« Oui, ma chérie, j’ai entendu dire de cette voix de mère soumise et attentive qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Oui… Oui, bien sûr… Oui. D’accord… Comme tu voudras… Mais oui, ne t’inquiète pas… Dès demain… Si, j’ai compris… Non, inutile que tu répètes. Oui… Oui. Très bien.

 Après une vingtaine de minutes de « Oui, bien sûr, d’accord, tu as raison »avec cet air de vache égarée qu’elle prend quand ce que quelqu’un lui dit entre par une oreille pour sortir par l’autre, elle a enfin raccroché. Puis elle m’a passé le téléphone.

« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » ai-je demandé.
Elle m’a regardé d’un air somnolent et m’a sorti : 
« J’ai oublié. »

Une scène touchante et le portrait de son père

 J’étais à deux doigts de lui hurler que oui, je savais parfaitement comment il était, presque aussi bien que les inspecteurs de la Sécu et du fisc qui cherchaient encore à lui mettre le grappin dessus. Comme Téléphonica, Onno et Voldafone, comme Mazda, BMW et BBVA, sans parler de tout les amis qui s’étaient portés garants pour lui à un moment ou à un autre de ses magouilles et intrigues frauduleuses, et qu’il avait évidemment perdu en route. J’ai eu envie de l’attraper par les épaules pour la secouer, de lui hurler que nous le savions tous, sauf elle, parce que nous avions tous été victimes à un degré ou à un autre de cet homme à la personnalité maladive qui ne s’intéressait à rien d’autre qu’à lui-même, mais soudain je l’ai vu plantée sur le seuil du salon, si fragile et vulnérable que je me suis approché pour la prendre dans mes bras, et pendant que j’essayais de trouver une formule conjuratoire capable de calmer la furie qu’allait devenir Sylvia, à coup sûr, quand elle apprendrait que maman avait envoyé à papa son contrat de divorce signé, se condamnant ainsi à une liberté qui allait lui coûter très cher, je lui ai souhaité à l’oreille :
. »Je sais, maman je sais… »
 Elle m’a regardé alors avec un soulagement enfantin et a conclu en m’embrassant sur la joue :
« Il faut bien laisser une chance aux gens non ? »

L’avantage de vivre avec un homme lors de la première rencontre avec l’amie de sa fille lesbienne le narrateur c’est son fils homosexuel

 Tu as bien raison, ma fille. Moi, si c’était à refaire, je te le dis franchement, je ferai comme vous. Je me chercherais une bonne amie pour aller au cinéma, aller déjeuner ensemble et tout partager. Oui, certainement. Mais chacune ses culottes, hein ? Parce que tu vois, le seul avantage d’un mari, c’est qu’au moins il ne t’emprunte pas tes culottes ou tes soutiens-gorge. Enfin, sauf si tu as la malchance qu’il soit un peu bizarre, bien sûr, parce qu’il y en a des comme ça aussi « , a-elle achevé en se tournant vers moi.

Cuba vu par l’oncle Eduardo

  » Et bien …oui, oui, les Cubains, ils sont comme ça fit-il de sa voix d’homme du monde. Ils vous donnent tout ce qu’ils ont. Le problème, c’est qu’ils n’ont jamais rien, alors ils inventent. Parce qu’ils aimeraient bien pouvoir donner. En fait, ce n’est pas qu’ils mentent, ils devancent la réalité. C’est de là que vient le cubisme. »

L’humour dans la présentation des personnages : le frère de Peter l’amant norvégien de Sylvia

 Son frère Adam, qu’on croyait activiste de Greenpeace en mer du nord jusqu’à ce que les flics le prenne avec deux kilos de cocaïne cachés dans la cale du bateau avec lequel il poursuivait les baleiniers le jour pour les fournir en neige artificielle la nuit.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Encore un écrivain qui raconte d’où il vient et, comme par hasard, ce n’est pas très gai. Notre club a discuté avec passion d’un autre livre de souvenirs d’une écrivaine : Chantal Thomas et « ses souvenirs de la marée basse » que j’ai peu apprécié contrairement à d’autres lectrices qui voulaient lui attribuer un coup de cœur. Je me dois donc d’expliquer pourquoi ce livre me fait plaisir. Pour son humour d’abord, je me suis déjà resservie de la description de Guy et sa façon de ralentir « au feu vert de peur qu’il ne passe à l’orange ». Dans une soirée où vous êtes avec des conducteurs qui racontent leurs points de permis en moins vous êtres sûr de l’éclat de rire généralisé. J’apprécie aussi sa façon de faire revivre une époque, je reconnais très bien les lieux et les impressions de sa jeunesse, la maison de campagne aux tapisserie style Vasarély. Et surtout la galerie de portraits des gens qui ont peuplé son enfance est absolument extraordinaire. Commençons par celle qui est un personnage de roman à elle toute seule : sa mère, qui toute sa vie aura vécu pour rendre malheureux les gens qui l’entourent sans pour autant en avoir le moindre plaisir. Son couple avec Guy, le beau père de Hervé Le Tellier est terrible. C’est digne de Mauriac, et Bazin réunis. Le pauvre homme comment a-t-il pu supporter tout cela, le mystère est entier. Elle semble ne l’avoir jamais aimé, ni lui ni sa famille dont elle jalouse les titres de noblesse. Elle est tout entière dans la rancœur et dans la jalousie. le père biologique (dont elle a effacé même le nom !) est totalement absent et ne cherche pas du tout à connaître son fils.

Pourtant, cet auteur ne fait pas une peinture si sombre de son enfance, il y a des portes de sorties à cet univers aigri et amer, ses grands-parents, une tante plus libre que sa mère. Et surtout comme dit l’auteur lui même

« Je n’ai pas été un enfant malheureux, ni privé, ni battu, ni abusé. Mais très jeune, j’ai compris que quelque chose n’allait pas, très tôt j’ai voulu partir, et d’ailleurs très tôt je suis parti.
Mon père, mon beau-père sont morts, ma mère est folle. Ils ne liront pas ce livre, et je me sens le droit de l’écrire enfin. Cette étrange famille, j’espère la raconter sans colère, la décrire sans me plaindre, je voudrais même en faire rire, sans regrets. Les enfants n’ont parfois que le choix de la fuite, et doivent souvent à leur évasion, au risque de la fragilité, d’aimer plus encore la vie. »

Enfin ce livre tient surtout par la qualité de son style, cet humour en distance et un peu triste donne beaucoup de charme à ce récit.

Citations

Sa mère et les mensonges

 J’ai compris pourtant vite qu’il était difficile d’accorder le moindre crédit à ce que ma mère racontait. Ce n’était pas qu’elle aimât particulièrement mentir, mais accepter la vérité exigeait trop belle. Elle accumulait ainsi les mensonges, et elle les imposait à tous.

Ce que cache le dévouement

La maladie de mon grand-père fut l’occasion pour ma mère de se lancer dans une course au dévouement dont, pour plus de sûreté, elle posa les règles. Elle insista pour le conduire à l’hôpital pour chaque transfusion. C’était souvent très tôt le matin et Raphaëlle, qui habitait plus loin et devait déposer ses enfants à l’école, partait avec handicap. Et lorsqu’elle se libérait pour l’emmener, la cadette se joignait à eux, ne supportant ni d’être supplantée dans l’abnégation ni de laisser son père seul avec Raphaëlle. Cette dernière finit par se décourager. Ma mère ne cessait jamais de le lui reprocher, tout en signalant l’exemplarité de son propre sacrifice. Cas remarquable de désintéressement intéressé.

Portrait de Guy

 Guy, ainsi, portait la cravate. A priori – ceci posé pour rassurer tout lecteur cravaté-, on n’en saurait rien déduire. D’autant que c’était une cravate simple en soie , passe-partout, ni slim, trop décontracté, ni en tricot, trop risquée car il n’eût su avec quoi la porter. Elle était presque toujours unie, dans les bleus profonds, mais il arrivait qu’une très fines rayures l’égayât. Je lui avais offert des cravates d’autres coloris, ou aux motifs fantaisie, en vain. Elles avaient échoué au fond d’un tiroir, au mieux. Les autres, une cinquantaine, étaient suspendues à une longue double tringle métallique dans son placard et j’aurais été bien incapable de les distinguer entre elles.
Il était trop court de buste et pas assez fort de col, et il choisissait ces cravate trop longues. Il avait beau en coincer l’extrémité dans le pantalon, elle finissait toujours par s’échapper, pour flotter de manière incontrôlée sur la boucle de ceinture.
J’ignore d’où lui venait son goût pour cette bande d’étoffe décorative. Enseigner l’anglais dans le secondaire n’exigeait guerre qu’il en portât une. J’imagine qu’inconsciemment il s’agissait pour lui d’établir avec ses élèves une ligne Maginot vestimentaire infranchissable. A moins que la tradition anglaise, « Tie », qui signifie aussi, « lien », « attache », ne soit une clef d’analyse. Quoi qu’il en soit, une fois rentré chez nous il ne la retirait pas, ne desserrait même pas le col. Longtemps je mis cela sur le compte de la fatigue. Arriva l’âge de la retraite. Il ne l’abandonna pas. Il nouait son nœud tous les matins, par tous temps, en toutes circonstances. Il la portait indifféremment sous une veste, sous un pull, un blouson, un anorak, tout cela convergeant pour lui conférer l’allure d’un vigile d’une société de gardiennage. Au sport d’hiver, ses mauvais genoux l’empêchaient de skier mais il y emmenait parfois mon fils, il portait la cravate jusqu’au bas des pistes de ski, et il pouvait même manger une fondue, cravaté, dans les restaurants d’altitude. J’ai la photo. L’ôter pour dormir où se baigner devait être un déchirement.
Son conformisme était si extrême qu’il confinait à l’originalité.

Toujours Guy qui devait énerver plus d’une personne sur la route

 Nous démarrions alors, mais seulement après que le siège eut été réglé au millimètre, et les rétroviseurs repositionnés. Sortir en créneau de sa place lui prenait plus de temps qu’il en eut fallu à quiconque pour y entrer. Au premier feu tricolore, il ralentissait malgré le vert pour éviter de passer à l’orange. Et lorsque le feu quittait le rouge, il n’arriva jamais que la voiture qui nous suivait ne klaxonnât pas au moins une fois.

Quand son humour rejoint celui de Jean Louis Fournier

Une église sur le fronton de laquelle était écrit : « Ah qu’il est bon le bon Dieu ! » Ce n’était pas de l’humour, d’autant qu’à tout prendre, un « Ah qu’elle est vierge la Vierge Marie ! » eut été plus amusant.

Traduit de l’anglais par Élodie Leplat. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


En juin 2018 , notre club de lecture après une discussion mémorable avait attribué au « Chagrin des vivants » son célèbre « coup de cœur des coups de cœur ». C’est donc avec grand plaisir que je me suis plongée dans cette lecture. Envie et appréhension, à cause du sujet : je suis toujours bouleversée par la façon dont on a toujours maltraité des êtres faibles, En particulier, les malades mentaux. Ce roman se situe dans le Yokshire en 1911, dans un asile que l’auteure a appelé Sharston. Cette histoire lui a été inspirée par la vie d’un ancêtre qui, à cause de la grande misère qui a sévi en Irlande au début du vingtième siècle, a vécu dans des institutions ressemblant très fort à cet asile.

Le roman met en scène plusieurs personnages qui deviennent chacun à leur tour les narrateurs de cette tragique histoire. Ella, la toute jeune et belle irlandaise qui n’a rien fait pour se retrouver parmi les malades mentaux et qui hurle son désespoir. Clèm une jeune fille cultivée qui a des conduites suicidaires et qui tendra la main à Ella. John Mulligan qui réduit à la misère a accepté de vivre dans l’asile. Charles Fuller le médecin musicien qui sera un acteur important du drame.

Ella et John vont se rencontrer dans la salle de bal. Car tous les vendredis, pour tous les patients que l’on veut « récompenser » l’hôpital, sous la houlette de Charles Fuller, peuvent danser au son d’un orchestre. Malheureusement pour tous, Charles est un être faible et de plus en plus influencé par les doctrines d’eugénisme.

C’est un des intérêts de ce roman, nous sommes au début de ce siècle si terrible pour l’humanité et les idées de races inférieures ou dégénérées prennent beaucoup de place dans les esprits qui se croient savants : à la suite de Darwin et de la théorie de l’évolution pourquoi ne pas sélectionner les gens qui pourront se reproduire en améliorant la race humaine et stériliser les autres ? L’auteure a choisi de mettre toutes ces idées dans la personnalité ambiguë et déséquilibrée de Charles Fuller, mais on se rend compte que ces idées là étaient largement partagées par une grande partie de la population britannique, elles avaient même les faveurs d’un certain Winston Churchill. Il s’en est fallu de peu que la Grandes Bretagne, cinquante ans avant les Nazis n’organise la stérilisation forcée des patients des asiles. On apprend également que ces patients ne sont pas tous des malades mentaux, ils sont parfois simplement pauvres et trouvent dans cet endroit de quoi ne pas mourir de faim. On voit aussi comme pour la jeune Ella, que des femmes pouvaient y être enfermées pour des raisons tout à fait futiles. Ella, un jour où la chaleur était insupportable dans la filature où elle travaillait a cassé un carreau. Ce geste de révolte a été considéré comme un geste dément et son calvaire a commencé. Au lieu de l’envoyer à la police on l’a envoyée chez les « fous ». On retrouve sous la plume de cette auteure, les scènes qui font si peur : comment prouver que l’on est sain d’esprit alors que chacune des paroles que l’on prononce est analysée sous l’angle de la folie. Et lorsque Ella se révolte sa cause est entendue, elle est d’abord démente puis violente et enfin dangereuse.

Le drame peut se nouer maintenant tous les ingrédients sont là. Un amour dans un lieu interdit et un médecin pervers qui manipule des malades ou des êtres sans défense.

J’ai lu ce deuxième roman d’Anna Hope avec un peu moins d’intérêt que son premier. Elle a su, pourtant, donner vie et une consistance à tous les protagonistes de cette histoire, ses aïeux sont quelque part dans toutes les souffrances de ces êtres blessés par la cruauté de la vie. Il faut espérer que nos sociétés savent, aujourd’hui, être plus compatissantes vis à vis des plus démunis. Cependant, quand j’entends combien les bénévoles de « ADT quart monde » se battent pour faire comprendre que les pauvres ne sont pas responsables de leur misère, j’en doute fort.

Citations

Le mépris des gardiennes pour les femmes enfermées à l’asile

 Toutefois elle voyait bien comment les surveillantes regardaient les patientes, en ricanant parfois derrière leurs mains. L’autre jour elle avait entendu l’infirmière irlandaise qui dégoisait avec une autre de sa voix criarde de pie : « Non mais c’est-y pas que des animaux ? Pire que des animaux. Sales, tu trouves pas ? Mais comment il faut les surveiller tout le temps ? Tu trouves pas ? Dis, tu trouves pas ? »

Les femmes et la maladie mentale

 Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. Cela nous a été enseigné lors de notre tout premier cours magistral : les cellules masculines sont essentiellement catholiques – actives énergiques- tandis que les cellules féminines son anatomiques – destinées à conserver l’énergie et soutenir la vie. Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature.

Théorie sur la pauvreté au début du 20e siècle

 La société eugénique est d’avis que la disette, dans la mesure où elle est incarnée par le paupérisme (et il n’existe pas d’autres étalon), se limite en grande partie à une classe spécifique et dégénérée. Une classe défectueuse et dépendante connue sous le nom de classe indigente.
Le manque d’initiative, de contrôle, ainsi que l’absence totale d’une perception juste sont des causes bien plus importantes du paupérisme que n’importe lesquelles des prétendues causes économiques.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Claude Peugeot.

J’ai lu ce roman grâce à la blogosphère, je mettrai les liens si, sur un commentaire, je reconnais celui où celle qui aime cet auteur. ( J’ai perdu la référence du blog où j’ai noté ce nom, c’était au début de l’été 2017.)

Le titre américain est « I know this much is true ». Ces deux titres révèlent une vérité du roman mais pas exactement la même, le titre américain insiste sur la tension qui sous tend tout le roman. On sent que Dominick, le narrateur qui essaie de sauver son frère Thomas, schizophrène, des griffes d’une institution psychiatrique répressive après qu’il s’est tranché la main dans les locaux de la bibliothèque, va dévoiler peu à peu une enfance terrible qui cache des drames qui l’empêchent aujourd’hui de reprendre pied dans sa vie. Le titre français représente le point final du roman, on ne peut construire sa vie qu’en acceptant les différents aspects de sa propre personnalité. Thomas le fragile, le malade, le protégé de la mère des deux jumeaux est finalement plus fort que le bouillant et toujours en colère Dominick, enfin c’est une façon de parler car Thomas est du côté du malheur et la répression s’abat sans pitié sur lui, la soit-disant force des vaincus est de savoir reconnaître en chacun de nous cette part de faiblesse, c’est alors que « les vaincus sont puissants » .

Wally Lamb nous plonge dans l’histoire d’une famille « dysfonctionnelle » (j’emprunte ce mot à Pat Conroy élevé à la dure lui aussi par un ancien Marine). La différence est que Ray n’est pas le géniteur des enfants, il a épousé la mère et reconnu les jumeaux. Durant toute leur enfance, il n’aura pour but que d’en faire de braves petits soldats et les endurcir pour affronter un monde qu’il sait ne faire aucune place aux faibles. Dominick s’en sort à sa façon, il affronte avec bravache cette éducation, mais Thomas réagit par les pleurs. Plus sa mère le protège, plus Ray s’énerve jusqu’à une scène terrible qui arrive après 900 pages. C’est le reproche que je fais à ce roman pourquoi faut-il à cet auteur 976 pages pour accoucher de cette souffrance qui dévore toute une vie ? Bien sûr ce roman nous permet de visiter les bas-fonds des hôpitaux psychiatriques américains, de partager les tensions de l’arrivée des immigrants italiens, de revivre le racisme ordinaire contre les indiens et les noirs, et de comprendre que la peur d’avoir du sang noir dans les veines a provoqué bien des secrets, que rien n’est pire que statut de fille mère … Bref nous sommes avec les vaincus souvent et il est vrai que nous mesurons qu’eux aussi on fait la force de ce grand pays. Mais j’aurais aimé un peu plus de concision, même si je comprends que le rythme de cette écriture vient du dévoilement progressif que Dominick réalise grâce à une thérapie très douloureuse. Au bout de tant d’horreurs, la fin heureuse a mis un peu de baume sur mon cœur tellement meurtri surtout quand je lis pendant des pages et des pages les souffrances que l’on peut faire subir à des gens sans défense dans les hôpitaux psychiatriques.

Citations

La dernière phrase

L’amour grandit dans le riche terreau du pardon ; les bâtards font de bons chiens ; La preuve de l’existence de Dieu réside dans la plénitude des choses.

Le sens du roman avec le titre français

Je suis professeur d’histoire américaine(…..)mes élèves tirent, je l’espère, la leçon que j’ai moi même tirée : l’abus de pouvoir nuit à l’oppresseur autant qu’à l’opprimé.

L’amitié entre garçons

« Comment peux-tu fréquenter le trou du c… le plus notoires de tout le lycée ? » me demandait constamment Thomas l’été ou Léo et moi étions ensemble au rattrapage d’algèbre. Certes, Léo était un vrai trou du cul, je le savais. Mais, je le répète, il était aussi tout ce que mon frère et moi n’étions pas : sans complexe, insouciant, et hyper drôle. Son toupet phénoménal nous avait fait accéder à toutes sortes de plaisirs interdits que mon béni-oui-oui de frangin aurait désapprouvé, et qui m’aurait valu des rossées de mon beau-père : les films classés X du drive-in de la route 165, le champ de courses de Narragansett, un magasin de vins, spiritueux sur la route de Pachaug Pond qui accordait aux mineurs le bénéfice du doute. Ma première cuite magistrale, je l’ai prise dans la voiture de la mère de Léo, à la Cascade en fumant des cigarettes et en faisant circuler une bouteille de Bali Hai. J’avais 15 ans.

Les expérimentations sur les malades mentaux

 Les années 70 et 78 avaient été fastes. À cette époque-là, considérant qu’en fin de compte Thomas n’était pas maniaco-depressif, on avait arrêté le lithium pour le remplacer par de la stelazine. Puis le Dr Bradbury avait pris sa retraite, et ce connais de Dr Shooner, ce nabot qui suivait désormais mon frère, avait décrété que, si ça marchait avec six milligrammes de stelazine par jour, ça marcherait d’autant mieux avec dix-huit. Il me semble encore tenir ce petit charlatan par les revers de son veston de tweed comme le jour où j’ai trouvé Thomas assis, paralysé, l’oeil vitreux, la langue pendante, bavant sur sa chemise.

Les bibliothèques

 Autrefois, le métier de bibliothécaire était un métier agréable -après tout elle aimait bien les gens. Mais à présent, les bibliothèques étaient à la merci des laissés-pour-compte et des sans-abris du quartier. Des gens qui se fichaient éperdument des livres et de l’information. Qui venaient s’asseoir là comme des légumes ou se précipitaient aux WC toutes les cinq minutes. 

Le destin et l’amour d’un fils pour sa mère

 J’étais celui qui en voulait le plus au destin de l’avoir gratifiée d’abord d’un mari inconstant, puis d’un fils schizophrène, avant de revenir lui taper sur l’épaule pour lui filer le cancer. Or je prouvais seulement que j’étais celui qui refusait le plus obstinément de se rendre à l’évidence. Si je me donnais tant de mal et si je faisais les frais de lui offrir une cuisine neuve, elle avait intérêt à vivre assez longtemps pour en profiter.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Hœpffner avec la collaboration de Catherine Goffaux.


Le récent article de Keisha m’a amenée à relire ce roman que j’avais abandonné, il m’a fallu toute la force de sa conviction pour que je le termine. J’ai failli plus d’une fois faire comme Sandrine renvoyer ce roman aux oubliettes. Il est construit autour d’un texte perdu, caché, présenté comme « unique » et « superbe », il donne, donc, au lecteur une seule envie : le lire à son tour pour partager et comprendre ce plaisir mais les extraits qui sont donnés sont (pour moi) des flops, cette déception a entraîné une partie de mon désamour pour ce ce livre.

Extrait du livre présenté comme un chef d’oeuvre

Pendant l’age du verre, chacun pensait qu’une partie de son corps était extrêmement fragile. Pour certains c’était une main, pour d’autres un fémur, et d’autres encore pensaient que c’était leur nez qui était en verre. L’âge du verre avez suivi l’âge de la pierre en tant que processus évolutif de correction, avait introduit un sentiment nouveau de fragilité dans les relations humaines qui encourageait la compassion.

Pourquoi autant de mystère autour d’un texte aussi inintéressant ! Mais le pire n’est pas là, le côté absolument insupportable de ce roman c’est sa construction. Les personnages sont reliés entre eux par des fils qui sont si emmêlés que l’on ne sait pas ce qui les rapproche. Il y a cependant de très beaux passages, les évocations des différents aspects de l’extermination des juifs de Pologne et d’Europe centrales. Le poids de tous ces morts et les souvenirs qui ne peuvent plus être ravivés par les vivants mais qui se sont arrêtés alors que les parents, les frères les sœurs, les amants et amantes avaient encore le reste de leur vie à partager avec la fratrie ; cela finit par étouffer les survivants. J’aurais tant voulu apprécier ce livre, je suis bien triste de ne pas y être parvenue.

Citations

Une mère envahissante

Quand je disais que j’allais dans ma chambre elle m’appelait : « Que puis-je faire pour toi, je t’aime tellement », et j’avais toujours envie de dire,mais sans jamais le faire : Aime- moi moins.

Le grand amour

Et si l’homme avait autrefois été un garçon qui avait promis qu’il ne tomberai jamais amoureux d’une autre fille tant qu’il vivrait a tenu promesse, ce n’est pas parce qu’il était têtu ni même loyale. Il ne pouvais pas faire autrement. Et, après s’être caché pendant trois ans et demi, caché son amour pour un fils qui ne savait même pas qu’il existait ne paraissait pas impensable. Pas si c’était ce que la seule femme qu’il aimerait jamais lui demanderait de faire. Après tout, quelle importance si un homme doit cacher une chose de plus lorsqu’il a complètement disparu ?

Un juif réfugié au Chili et le poids de la découverte du sort de ceux qui sont restés en Pologne.

La guerre s’acheva. Petit à petit, Livinov apprit ce qu’était devenu sa soeur Myriam, et de ses parents, et de quatre autres frères et sœurs (ce qui était arrivé à son frère aîné André, il ne put le deviner qu’à partir de probabilité). Il apprit à vivre avec la vérité. Pas à l’accepter, mais vivre en sa compagnie. C’était comme s’il vivait avec un éléphant. Sa chambre était minuscule et, chaque matin, il devait se glisser le long de la vérité simplement pour se rendre à la salle de bains. Pour atteindre l’armoire et sortir des sous-vêtements, il lui fallait passer à quatre pattes sous la vérité, en priant qu’elle ne choisisse pas ce moment précis pour s’asseoir sur son visage. La nuit, quand il fermait les yeux, il la sentait planer au-dessus de lui.