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Traduit de l’italien par Renaud Temperini

Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio.com

 

4Je ne réponds plus souvent aux sollicitations de Babelio mais j’ai visiblement tort car ce roman m’a absolument ravie. J’avais accepté car je croyais me replonger dans l’atmosphère de Naples si bien décrite par Elena Ferrante, et cette fois, du point de vue des hommes. J’aurais pu être déçue car ce n’est pas du tout cela que j’ai trouvé. J’ai accompagné un homme un peu bourru dans sa vieillesse et dans sa difficulté de communiquer avec ses voisins, ses amis et sa famille. Comme beaucoup de personnes âgées, il repense à son passé et en particulier à ses amours de jeunesse avec nostalgie et souvent une grande précision. C’est un livre drôle et triste à la fois. Tragique même, puisque Cesare ne pourra pas empêcher le déroulement d’un drame si prévisible pourtant. Le trio des vieux amis, la dame au chat, Marino qui ne s’est pas remis de la mort accidentel de son fils, et lui-même, ronchonnent et râlent un peu sur le monde moderne auquel ils ont du mal à s’adapter, c’est ce qui les rend drôles et très attachants. Ils ne sont que des hommes sans super pouvoir. Lorenzo Marone a dépeint un Cesare au plus près de la réalité de ce que peut être un homme vieillissant. Il sait très bien jouer des rôles de personnages autoritaires pour sortir des situations les plus rocambolesques (il est aussi bon comme l’ami du ministre de la justice, que l’inspecteur du fisc à la retraite, ou comme l’ancien commissaire de police de Naples), il ne pourra, cependant pas faire grand chose pour aider Emma à se sortir des griffes d’un mari violent. En revanche, il trouvera le chemin de la compréhension et de l’affection de son fils. Ce livre commence par un tout petit texte qui m’a fait penser que j’allais aimer cette lecture, alors, je vous le recopie en espérant qu’il aura le même effet sur vous :

Citations

Une précision

MON FILS EST HOMOSEXUEL.

Il le sait. Je le sais. pourtant, il ne me l’a jamais avoué. Je n’y vois rien de mal, beaucoup de gens attendent la mort de leurs parents pour laisser leur sexualité s’épanouir en toute liberté. Mais avec moi, cela ne marchera pas, j’ai l’intention de vivre encore longtemps, au moins une dizaine d’années. Par conséquent, si Dante veut s’émanciper, il va falloir qu’il se fiche de l’opinion du soussigné. Je n’ai pas la moindre envie de mourir à cause de ses préférences sexuelles.

Un moment d’humour tellement vrai !

Je fixe des yeux un livre posé sur ma table de chevet. J’ai souvent observé sa couverture, mais j’y remarque des détails qui m’avaient échappé. Une sensation de stupeur m’envahit, puis je comprends de quoi il s’agit : j’arrive à lire de près. A mon âge, personne au monde n’en est capable. Malgré les pas de géants de la technologie au cours du dernier siècle, la presbytie est restée un des mystères inaccessibles à la science. Je porte les mains à mon visage et saisis la raison de cette soudaine guérison miraculeuse : j’ai mis mes lunettes, d’un geste désormais instinctif, sans réfléchir.

 

Le caractère de Cesare

On dit souvent que le temps adoucit le caractère, surtout celui des hommes. Beaucoup de pères autoritaires se métamorphosent en grands-pères affectueux. moi, il m’est arrivé l’exact contraire, je suis né doux et je mourrai bourru.

La vieillesse

On ne s’habitue à rien, on renonce à changer les choses ce n’est pas pareil.

 

 

 

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Traduit de l’américain par Pierre Furlan. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Thème : le Far-West.

5
Une nuit inoubliable passée en partie avec ce livre qui a eu un coup de cœur à notre club. Quatre lectrices ont défendu avec une telle passion ce roman que j’ai succombé à mon tour. Quel chef d’œuvre ! Cela fait longtemps que je n’ai pas éprouvé un plaisir aussi parfait. Je dis souvent que le suspens me dérange pour apprécier une histoire, je rajouterai maintenant, sauf quand l’auteur est beaucoup plus intelligent que moi. Car il s’agit bien de cela un combat d’intelligences, entre celle des personnages, celle des lecteurs mais par dessus tout celle de l’écrivain. Et le plus fort de tout, c’est qu’au fond de lui Thomas Savage ne croit qu’à la gentillesse et à l’humanité, il se méfie de l’intelligence surtout quand elle est destructrice.

Ce livre d’hommes sur fond de western, est un hymne à la douceur des gentils dans un monde si brutal que l’on n’imagine pas que la moindre fleur puisse y déployer ses pétales. Pourtant Rose et Georges que son frère Phil, appelle Gras-Double surmonteront ensemble les noirceurs de la violence. Ce livre ne se raconte pas, il faut faire confiance et se laisser porter vers un Far West qui n’a rien de romantique mais qui est si humain qu’on est beaucoup plus proche, sans doute, de ce qui s’est vraiment passé que dans n’importe quel film de John Wayne.

On a aussi, et avec quelle maîtrise, les décors natu­rels, les odeurs , les scènes d’animaux, les chevau­chées, les saloons, les personnes fortes, les humi­liés, mais rien de tout cela ne raconte complè­te­ment cette histoire, c’est un décor dans lequel se joue un drame si prenant qu’on ne peut le lire que d’une traite. Mais c’est surtout un livre qui permet de comprendre que sans l’intelligence du cœur, l’homme n’est qu’un misérable « tas de petits secrets » en contredisant Malraux et son admiration pour les grands hommes si courageux soient-ils, comme l’est Phil qui a gâché sa vie et celle des siens pour un secret que seul la lecture du roman pourra vous dévoiler.

Citations

Conseil d’un père à son fils

– Je te dirai, Peter, de ne jamais te soucier de ce que racontent les gens. Les gens ne peuvent pas savoir ce qu’il y a dans le cœur des autres.
– Je ne me soucierai jamais de ce que racontent les gens.
– Peter, s’il te plait, ne le dis pas tout à fait comme ça. La plupart des gens qui ne s’en soucient pas, oui, la plupart d’entre eux deviennent durs, insensibles. Il faut que tu sois bienveillant. Je crois que l’homme que tu es capable de devenir pourrait faire beaucoup de mal aux autres, parce que tu es si fort. Est-ce que tu comprends ce qu’est la bienveillance, Peter ?
– Je n’en suis pas sûr, père.
– Eh bien, être bienveillant, c’est essayer d’ôter les obstacles sur le chemin de ceux qui t’aiment ou qui ont besoin de toi.
– Ça je le comprends.

L’ivrogne du saloon

Un soûlot, dès qu’il vous met le grappin dessus, il vous bassine avec des âneries. Il fait semblant d’être ce qu’il n’est pas, il joue un personnage trop grand pour lui. Et vous aurez beau l’insulter ou lui balancer n’importe quoi pour le remettre à sa place, il continuera à jacasser.

Définition d’un aristocrate

Phil avait un esprit pénétrant, curieux – un esprit qu’il enrichissait et qui déroutait maquignons et voyageurs de commmerce. Car, pour ces gens, un homme qui s’habillait comme Phil, qui parlait comme Phil, qui avait les cheveux et les mains de Phil, devait être simplet et illettré. Or, ses habitudes et son aspect obligeaient ces étrangers à modifier leur conception de ce qu’est un aristocrate, à savoir quelqu’un qui peut se permettre d’être lui-même.

L’amour maternel

Je l’aime mais je ne sais pas comment l’aimer. Je voudrais que mon amour l’aide pour quelque chose mais on dirait qu’il n’a besoin de rien.

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

2
Encore un roman construit avec de multiples retour en arrière, avec de multiples interpellations directes au lecteur qui ont le don de m’agacer prodigieusement . J’ai détesté ce roman, j’ai eu l’impression d’ouvrir les poubelles de l’histoire. Ce mélange de la vérité avec la fiction à propos du communisme des années 50 m’a totalement écœurée. Je comprends la démarche de Gérard Guégan, il était communiste à cette époque et il connaît donc bien les arcanes du grand Parti des travailleurs, l’exclusion de Marty et de Tillon en 1952, il en connaît tout le déroulement. Il se sent porteur de cette histoire et veut la transmettre.

Mais voilà comme l’auteur le dit lui-même, le parti communiste n’intéresse plus personne et pour les jeunes, « il fait figure d’inoffensive amicale », alors en y mêlant la vie amoureuse d’Aragon avec un émissaire du Komintern, Mahé, il espère intéresser un plus large public : on parle moins en effet, de la rigueur morale et rétrograde des communistes mais elle était très forte et sans pitié là où les communistes avaient le pouvoir. Mahé et Aragon ont quelques jours pour s’aimer, pendant que le congrès du parti fait subir des outrages dégradants à deux hommes entièrement dévoués à la Cause.

Les deux personnages se sont aimés passionnément, en se cachant comme Aragon a dû le faire tant qu’il était au Parti, car l’homosexualité était une tare punie d’une mort honteuse en URSS et d’exclusion du Parti en France ! Ils sont tous plus ou moins abjects ces personnages qui auraient pu prendre le pouvoir chez nous. Marty dit « le boucher d’Albacete », qui a réprimé dans le sang les anarchistes espagnols, Duclos qui ne pense qu’à bien manger, Jeannette Vermeersch, qui ne pense qu’à sa vengeance personnelle et dont les positions sur la contraception sont au moins aussi réactionnaires que celles de l’église catholique. Tous, ils sont petits et lâches et sans doute le plus lâche de tous c’est Aragon, même si le romancier en a fait un personnage lucide.

Comme le dit l’auteur en introduction ce roman est : « l’histoire d’un temps et d’un parti, où le reniement de soi était souvent le prix à payer pour échapper à l’exclusion ». Tout ce que je peux dire c’est que ça ne sent pas bon le reniement…

Citation

L’importance du Parti en 1952

Le Parti n’est pas qu’un idéal, pas qu’une vérité immuable, pas que l’expression de la transcendance historique, le Parti est aussi une famille où la critique du père, qu’il s’appelle Staline ou Thorez, est assimilé à une trahison méritant l’exclusion, le bannissement, ou la balle dans la nuque si l’on a la malchance de vivre de l’autre côté du Rideau de fer.

Les différentes épurations

Autant dire que les héros vénérés ne seront bientôt plus que des traîtres, la présomption d’innocence n’ayant jamais existé au sein d’un parti dans lequel celui qui tient les rênes du pouvoir doit tuer tous les Brutus s’il veut continuer de régner sans partage.