Ma photo dit où j’ai trouvé ce roman et pour qu’il continue à trouver des lecteurs, j’irai le remettre dans cette petite cabine de plage qui sert de boîte à livres à Dinard. Lors de sa parution je n’avais entendu que des louanges à propos de ce roman. J’avoue être moins enthousiaste. J’aurais vraiment préféré que les « âmes soient grises » mais non, le méchant est d’un noir absolu ce qui a rendu ma lecture pénible. Le juge Mierck est un horrible personnage qui se fait servir des œufs mollets alors qu’il ausculte le corps d’une petite fille de dix ans assassinée sans éprouver la moindre compassion. Ce juge est peu crédible, même si on peut mettre sous le compte de la guerre toute proche les actions qu’il est capable de faire pour parvenir à ses fins. Je comprends d’autant moins ce personnage que les autres protagonistes de l’affaire sont justement plus en nuances. Je croyais que ce roman était aussi un roman sur la guerre 14/18 , ce n’est pas tout à fait exact. Bien sûr la guerre sert de toile de fond, d’autant que l’auteur a situé son intrigue dans une ville où résonne le bruit des canons. Alors évidemment la guerre, on ne parle que d’elle, l’élan patriotique mis à rude épreuve devant la multitude des corps blessés. D’ailleurs, s’il n’avait pas fallu réquisitionner la route qui relie le village à la demeure du gendarme l’histoire aurait pu être très différente. L’affaire même n’aurait pas eu lieu. Philippe Claudel n’a pas raconté la guerre et pourtant elle est la cause de toute cette tragédie.

La construction de ce roman est vraiment originale et c’est pour cela que j’ai mis quatre coquillages. Quelqu’un nous parle, au début, on ne sait pas qui il est. Et puis peu à peu on comprend qu’il s’agit d’un gendarme qui a payé de la mort de sa femme le fait de s’être occupé d’un témoignage à propos du meurtre de la petite fille, le jour où sa femme a accouché toute seule. Depuis l’alcool lui sert de support et c’est donc à travers son cerveau embrumé que peu à peu une vérité va se faire jour, une vérité car la vérité c’est vraiment trop compliqué à saisir. Tout le village est présent dans cette histoire et aussi la guerre puisque sans être sous le feu, ce petit village de l’arrière vit au rythme des batailles de 14-18. Il restera au gendarme un dernier aveu à faire qui rajoute à la noirceur de cette histoire.

Je ne peux pas dire que j’ai adoré cette lecture, peut être à cause du dernier aveu, mais je suis très contente de l’avoir faite. Je regrette un peu de ne plus pouvoir en discuter car ce n’est plus d’actualité autour de moi mais peut-être grâce aux commentaires vais-je raviver vos souvenirs. Comme par hasard un blog, « le bouquineur » que j’apprécie vient d’en parler et son avis est beaucoup plus enthousiaste que le mien.

Citations

 

Explication du titre

 Les salauds, les saints, je n’en ai jamais vu. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil… Tu es une âme grise, joliment grise, comme nous tous…

Un beau passage

Un procureur au début du siècle, c’était encore un grand monsieur. Et par un temps de guerre, quand un seul coup de mitraille fauche une compagnie solide de gaillards prêts à tout, demander la mort d’un homme seul et enchaîné relevait de l’artisanat.

Un portrait : humour et délicatesse

C’était frappant cette pâleur de future morte, et cette résignation dans les traits. Elle se prénommait Clélis . Ce n’était pas banal, et c’est très joliment gravé dans le marbre rose de sa tombe.

J’aime bien ce genre de remarques

La jeune fille était une de Vincey. Ses ancêtres s’étaient battu à Crécy. Ceux de tout le monde aussi sans doute, mais personne ne le sait et chacun s’en fiche.

27 Thoughts on “Les âmes grises – Philippe CLAUDEL

  1. Je ne m’en souviens plus suffisamment pour en parler. Je sais juste qu’il m’avait plu mais j’aime la noirceur…

    • je comprends ta remarque , je répondrai que j’aime la complexité. J’ai été beaucoup plus intéressée par le juge militaire qui se comporte aussi mal que le procureur mais on apprend qu’il avait pris position pour Dreyfus à une autre époque. Il n’est donc pas qu’une sombre crapule et ce genre de personnages existent vraiment.

  2. J’avais beaucoup aimé ce roman avec lequel j’ai découvert l’auteur, mais je t’avoue ne plus m’en souvenir du tout… et j’avais préféré Le rapport de Brodeck, lu ensuite, qui est plus dense, plus complexe..

  3. Jusqu’à ton deuxième paragraphe je me disais, mais pourquoi donc mettre quatre coquillages :-)

  4. Je ne l’ai toujours pas lu ; j’espère le faire un jour, mais j’avoue reculer devant la noirceur de ce roman.

  5. Je me souviens l’avoir lu à sa sortie, influencé par les éloges lu partout sur les blogs et dans la presse. J’avais bien aimé, notamment, comme toi, pour la structure, mais aussi pour la fine description des petites bassesses « ordinaires ».
    Si tu veux retenter Claudel en temps de guerre, je te recommande « Le Rapport de Brodeck », si tu ne l’as pas déjà lu.

    • je lirai donc le « rapport Brodeck » car vous êtes à deux à me le recommander. Les petites bassesses ne sont pas « ordinaires » c’est d’une noirceur absolue

  6. C’est un roman que j’ai aimé mais avec quelques nuances en effet
    J’ai aimé aussi avec un bémol le Rapport de Brodeck mais je te conseille de le lire en BD car le dessin y ajoute une note parfaite qui m’a énormément plu tu peux lire j’ai fait un billet sur la BD

  7. Hum tu ne me tentes pas assez, mais tu m’intrigues

  8. Je n’ai lu que Le Rapport Brodeck, enfin, je crois… j’hésite pour celui-là, à vrai dire…

  9. Bonjour Luocine, je n’ai vu que l’adaptation cinéma: j’avais trouvé l’histoire sinistre et puis c’était le dernier rôle du regretté Jacques Villeret : surprenant dans un rôle à contre-emploi. Bon dimanche.

  10. Il y a des bons romans dans ta boite à livre !

  11. Patrice a laissé un commentaire qui ne peut pas s’afficher je le recopie
    Commentaire :
    De mon côté, c’est un bon souvenir de lecture… mais je vois que Le rapport Brodeck semble bien tentant à en lire les commentaires :-)

    Un souvenir mitigé pour moi. Mais je lirai le rapport Brodeck

  12. Vous êtes trop gentille avec moi…. Trêve de plaisanterie, le roman est excellent et je le conseille à tous, même s’il est dur aussi…

  13. J’avais aimé le livre à sa sortie et j’avais lu grâce à ça plusieurs autres romans de cet auteur. Il faudrait d’ailleurs que je le relise car le livre posait certaines questions auxquelles n’avaient pas pu répondre. Mais surtout, je pense qu’il y a un lien avec le roman des âmes fortes de Giono… que j’ai lu récemment et ça serait intéressant de voir le lien…

  14. Je n’ai lu qu’un Claudel dont j’ai oublié le titre. C’est dire si j’ai eu envie d’en découvrir un autre…M

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