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Livre lu grâce aux billets de Mior et de Galéa, je les remercie pour cette lecture. Bien sûr , nous avons tous et toutes, lu beaucoup de livres sur la persécution des juifs pendant la guerre. Mais chaque cas est unique, et la grande originalité de ce témoignage c’est qu’il a été écrit à chaud , pendant et juste après les événements. Cela fait penser à « Suite française » de Irène Némirovsky, tout en étant moins littéraire c’est quand même très bien écrit. Françoise Frenkel a une passion : les livres et en particulier ceux des écrivains français. Grâce à des études littéraires de très bon niveau, à la Sorbonne, elle ouvre une librairie française à Berlin en 1921. Ce lieu devient vite, grâce à sa culture, un haut lieu de la civilisation française en Allemagne. Hélas les nazis détruiront ce beau rêve et malheureusement pour elle, son origine juive et polonaise la met en grand danger. En 1939, elle arrive à Paris, puis se réfugie à Nice, en danger partout elle veut fuir en Suisse où l’attendent des amis. Son récit s’arrête lorsqu’elle pose les deux pieds dans ce pays où elle a pu survivre. Elle raconte avec précision, d’abord sa joie de créer à Berlin un lieu de culture française, puis son exil dans une France trop vite occupée et enfin sa fuite vers la Suisse, cela permet au lecteur de partager le quotidien d’une femme qui cherche à s’échapper de la nasse qui se referme inexorablement sur elle et ses relations.

Elle nous montre toute la diversité des réactions des Français, ceux qui sont dans l’évidence de la main tendue, comme ce couple de coiffeurs, qu’on a envie d’embrasser tellement ils sont intelligents et gentils, et puis ceux qui sont indifférents ou hostiles, une gamme de réactions qui sonnent tellement vraies. Françoise Frenkel tient à souligner l’attitude des Savoyards, c’est dans cette région qu’elle a senti le plus de compassion et le maximum d’aides pour ceux qui étaient traqués par la milice ou la Gestapo. Un livre prenant donc et indispensable au moment où des hommes et des femmes sont à nouveau traqués par une idéologie mortifère.

L’introduction de Patrick Modiano est superbe, on comprend très bien pourquoi il s’est retrouvé dans ce témoignage lui qui a vécu la guerre sans la défense d’un milieu familial protecteur et qui a ressenti comme Françoise Frenkel, les valeurs humaines se déliter et le danger planer sur la moindre rencontre de personnalités plus ou moins bizarres. Il nous dit aussi que ce livre qui a paru en 1945 et qui a été totalement oublié ne livre pas l’intimité de l’écrivain mais que ce n’est pas si important. Mais, je dois être une femme de notre époque, car j’aimerais bien savoir, pourquoi elle ne nous parle pas de son mari, mort à Auschwitz, comment elle avait quand même un peu d’argent pendant la guerre, et surtout si de 1945 à 1975 elle a été heureuse à Nice. Oui j’aimerais en savoir plus sur cette femme si pudique et si courageuse.

Citations

Ambiance à Nice parmi les réfugiés

Un grand nombre de réfugiés se préparaient à l’émigration. Ils comptaient sur un parent plus ou moins proche, sur un ami, ou sur l’ami d’un ami, sur des connaissances établies dans de lointaines parties du monde et qui les aideraient, pensaient-ils, à réaliser ce projet.

Ils entretenaient une correspondance laborieuse, à mots couverts, lançaient des télégrammes coûteux, demandaient des affidavits, des visas, recevaient des réponses, des contre-demandes, des questionnaires, des circulaires qui engendraient une nouvelle vague de correspondance.

Ensuite, ils stationnaient des matinées entières devant les consulats pour apprendre que tel ou tel document manquait, n’était pas conforme aux prescriptions ou se trouvait inexact. Lorsque quelques-uns sortaient avec un visa, ils étaient regardés comme des phénomènes, comme des bienheureux !

Les départs étaient peu nombreux

L’exilé et la guerre

Le fond de cette existence était l’attente, canevas où un espoir toujours plus mince et une pensée de plus en plus morose brodaient ensemble des arabesques nostalgiques

L’âme humaine

Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu’une occasion s’en présente. Il suffisait qu’on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu’ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie.

25 Thoughts on “Rien où poser sa tête – Françoise FRENKEL

  1. Lire un témoignage authentique grâce aux blogs amis, quoi de mieux ?

  2. Je ne connaissais pas, belle découverte pour moi…

  3. Ce livre a tout pour me plaire, les avis sont positifs.

    • Il ne faut pas s’attendre à des confidences mais cela n’empêche pas du tout les émotions . Elle décrit l’angoisse à la perfection . Sans pathos.

  4. C’est vrai qu’on en a lu beaucoup, mais le fait que ce soit une autobiographie donne encore plus de poids.

  5. Ce n’est pas seulement une autobiographie, c’est aussi un livre écrit au moment même où cela s’est passé. On peut quand même supposer qu’elle l’a écrit quand elle est arrivée en Suisse avec des notes prises au fur et à mesure de sa vie de pourchassée par les nazis.

  6. le sujet m’intéresse et tu le défends très bien , c’est noté, ma médiathèque l’a peut être

  7. je viens de vérifier le livre a été acheté mais ils ont en plus le version de 1946 !! j’ai une médiathèque formidable
    merci à toi d’avoir attiré mon attention

    • et ce que j’admire le plus c’est que le livre soit encore en état d’être lu … mais tu vas rater la préface de Modiano. Je peux si tu veux te la photocopier et te l’envoyer par Mail.

  8. Ma bibliothèque ne l’a pas (elle est loin de valoir celle de Dominique !). Je l’attendrai sagement en poche.

    • je t’ai envoyé un message via ton formulaire de blog, je ne pense pas que ce roman puisse être un jour en poche mais je veux bien te le prêter , attention ce n’est pas un chef d’oeuvre littéraire mais( pour moi) c’est un témoignage émouvant.

  9. Je souhaite vraiment le lire mais je pense pouvoir attendre sa sortie en poche.

  10. Effectivement chaque témoignage est intéressant surtout que son parcours ne ressemble pas à ceux que j’ai déjà pu lire; Je note, dommage, je sors de la bibliothèque, sinon, j’aurai pu regarder s’il l’avait…

  11. MORIN agnès on 30 avril 2016 at 21:18 said:

    très beau livre, lu grâce aux conseils de l’émission « masque et la plume ». C’est vrai qu’ à la fin du livre on reste un peu « sur notre faim ». qu’est-elle devenue ?la réponse nous intéresserait mais n’apporterait dans doute rien à ce magnifique témoignage. Alors restons sans réponse.

  12. Merci pour ce billet qui confirme mon envie de lire ce livre. On lit en effet de ces témoignages terribles et pourtant, chacun est nouveau car chacun est une expérience personnelle, un être humain.

    • tout à fait d’accord , celui-ci dit beaucoup sur les réactions des Français ordinaires face à la collaboration et une mention spéciale pour les habitants de la Savoie, je ne savais pas que cette région s’était montrée différente des autres.

  13. La Souris jaune on 1 mai 2016 at 10:45 said:

    Oua, alors celui-là, je le note, et je le souligne sur mes nombres fiches de livres à lire ! Et je trouve le titre très beau et très touchant. Dis, c’est un journal ? Comme tu dis que ça semble être écrit à ce moment-là, je me demandais… Merci en tout cas pour ce partage, Luocine !! :)

    • Tu rentres dans le mystère de ce livre. Il a été retrouvé lors d’un déménagement. Il a été publié à la sortie de la guerre. Cette femme a vécu à Nice jusqu’en 1975, mais n’a plus rien écrit. Visiblement elle a écrit ce livre en Suisse lorsqu’elle a été à l’abri des persécutions. Elle a rassemblé ses souvenirs encore très présents en elle. Comme toi j’aimerais en savoir plus.

  14. L’introduction de Modiano est déjà un indice de qualité…

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