Édition Livre de Poche

Texte français de Bernard Lortholary

Lu dans le cadre du mois de littérature allemande

C’est Patrice qui m’avait donné envie de lire ce texte sur le blog « et si on bouquinait un peu« . J’avais déjà dû le lire mais il y a longtemps et je suis contente de pouvoir le mettre sur Luocine, surtout ce mois de novembre qui est, grâce à Patrice et Eva, consacré à la littérature allemande.

C’est une pièce de théâtre qui jouée par Villeret devait être très drôle à l’image de cet acteur qui nous fait rire et qui a en lui une part de tragique. Ce long monologue d’un musicien « fonctionnaire » de l’orchestre de Berlin est aussi amusant que triste. Qui, en effet, fait attention aux contrebassistes, lors d’un concert ? Je pense que tous ceux qui ont vu le spectacle ou qui ont lu le livre regarderont avec plus de compassion les pauvres contrebassistes d’orchestre et se souviendront qu’ils doivent s’entraîner sur un instrument bien ingrat.
Le musicien règle ses comptes avec tout le monde de la musique, même Mozart reçoit son avalanche de critiques, il est d’ailleurs d’une mauvaise foi totale. On lui pardonne car finalement il est surtout très malheureux.

Malheureux, de devoir travailler comme un forçat alors que personne ne remarque la qualité de son jeu.

Malheureux, car la femme qu’il aime , une jeune soprane, ne lui a jamais accordé un regard.

Malheureux, car il ne gagne pas assez d’argent pour fréquenter des restaurants de luxe où des musiciens plus fortunés que lui peuvent inviter cette jeune femme.

Malheureux enfin, parce qu’être titulaire de l’orchestre cela veut dire un salaire garantie à vie mais où est alors la création artistique à laquelle il est confronté à chaque fois qu’il joue.

Si j’ai une réserve pour ce texte, cela vient ma difficulté à lire le théâtre : je préfère le voir sur scène que le lire.

On rit, enfin on sourit, à cette lecture que j’aimerais voir jouer car je trouve que le texte se prête à des interprétations très variées.

 

Citations

Et vlan ! pour l’orgueil des chefs d’orchestre.

N’importe quel musicien vous le dira : un orchestre peut toujours se passer de son chef, mais jamais de la contrebasse. Pendant des siècles, les orchestres se sont fort bien passés de chefs. D’ailleurs quand on regarde l’évolution de l’histoire de la musique, le chef est une invention tout à fait récentes. Dix-neuvième siècle. Et je peux vous dire que, même à l’Orchestre National, il nous arrive de plus d’une fois de jouer sans nous soucier du chef. Ou en passant complètement au dessus de sa tête sans qu’il s’en rende compte. On le laisse s’agiter autant qu’il veut, à son pupitre et nous, on va notre petite bonhomme de chemin. Pas quand c’est le titulaire. Mais avec les chefs de passage, à tous les coups. C’est un de nos petits plaisirs. Difficile à vous faire comprendre… mais enfin c’est un détail.

Et vlan ! pour Wagner .

Six notes distinctes ! À cette vitesse invraisemblable ! Parfaitement injouable. Alors, on les bouscule tant bien que mal. Est-ce que Wagner s’en rendait compte, on ne le sait pas. Vraisemblablement, non. De toutes façons, il s’en fichait. D’ailleurs il méprisait l’orchestre en bloc. C’est bien pourquoi, à Bayreuth, il le cachait, en prétextant des raisons d’acoustique. En réalité, parce qu’il méprisait l’orchestre. Et ce qui lui importait avant tout, c’était le bruit la musique de théâtre précisément vous comprenez ?

Et vlan ! pour la contrebasse.

Quel instrument hideux ! Je vous en prie, regardez-la ! Non, mais regardez-la ! Elle a l’air d’une grosse bonne femme, et vieille. Les hanches beaucoup trop basses, la taille complètement ratée, beaucoup trop marquée vers le haut, et pas assez fine ; et puis ce torse étriqué, rachitique… à vous rendre fou. C’est parce que, d’un point de historique, la contrebasse est le résultat d’un métissage. Elle a le bas d’un gros violon et le haut d’une grande viole de gambe. La contrebasse est l’instrument le plus affreux, le plus pataud, le plus inélégant qui ait jamais été inventé. Le Quasimodo de l’orchestre.

Et son idéal féminin.

En tant que bassiste, il me faut une femme qui représente tout l’opposé de moi : la légèreté, la musicalité, la beauté, la chance, la gloire, et il faut qu’elle ait de la poitrine …

27 Thoughts on “La contrebasse – Patrick SÜSKIND

  1. keisha on 3 novembre 2022 at 07:46 said:

    Cela a l’air drôle tout de même.

  2. Lu et vu joué par Villeret. Beau texte !

  3. Il aurait fallu le voir sur scène. A lire je suis plus réticente.

  4. Je me demande si je ne l’ai pas déjà lu ? ou vu sur scène ? Mais on dirait que ma mémoire n’est plus ce qu’elle était… :)

  5. Je l’ai noté aussi chez Patrice et Eva, mais je n’ai pas encore pris le temps de le lire… « Le parfum » reste une de mes lectures adolescentes les plus marquantes, et j’ai aussi beaucoup aimé « Le pigeon », très court texte qui flirte avec l’absurde.

  6. Comme beaucoup j’aimerais la voir…

  7. Merci pour cette belle chronique et la mention vers notre blog. Eva avait beaucoup aimé. Avec 4 coquillages, ce n’est pas mal du tout de ton côté :-)
    PS: juste une petite précision – Patrice, et pas Patrick, mais je suis habitué !

  8. je n’ai pas relu ou entendu cette pièce depuis des lustres mais c’est vraiment un excellent souvenir

  9. Ça me fait plaisir que tu aies aussi aimé ! Je ne lis pas de pièces de théâtre non plus, mais ici ça ne m’a pas gêné du tout. Par contre je n’étais pas très enthousiaste par les extraits visionnés sur YouTube – sans doute parce que je me suis fait ma propre idée en lisant…
    Pour l’anecdote, j’ai croisé un contrebassiste dans un tram et ça m’a fait vraiment sourire ! ;)

    Merci de ta participation :)

  10. Merci pour votre participation aux « Feuilles allemandes ». De Süskind je n’ai lu que « Le parfum », il y a très longtemps.

    • Pour moi aussi « le parfum » est une ancienne lecture, je ne l’ai pas oublié mais je n’ai pas envie de relire ce livre. Cette lecture m’a bien plu

  11. Lu il y a peu… j’avais tellement aimé, moi aussi !

  12. Je ne connaissais pas du tout ce titre, que tu donnes bien envie de lire, même si, moi aussi, j’ai du mal à lire le théâtre. C’est curieux, de cet auteur, on ne voit et on ne parle que du Parfum (que je n’ai pas vraiment aimé) au point qu’on oublie de penser qu’il a pu écrire autre chose !

  13. Je ne lis pratiquement jamais de pièces de théâtre. Je ne sais pas pourquoi…
    J’ai lu « Le parfum » comme plusieurs d’entre-nous. J’ai l’impression que Patrick Süskind ne publie plus beaucoup. Il y a un essai, « Über Liebe und Tod » (A propos de l’amour et de la mort) paru en 2006 et une fiction, « Ein Kampf  » (Un combat), en 2019. Sauf erreur de ma part, ils n’ont pas été traduits en français.

    • et moi je suis bien incapable de lire en allemand je peux juste demander ma route et confirmer aux Allemands qui me repondent « Ya ich bin Franzose » »

  14. Juste un petit commentaire en passant : dans le domaine de la musique, cela me fait penser à un livre que j’avais découvert chez toi, L’Effroi de François Garde. Je me souviens encore très bien de la chronique. On a acheté le livre, pas encore lu mais ça ne devrait pas tarder !

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