Édition j’ai lu

Merci Sandrine tu avais raison ce livre m’a beaucoup plu.

Ce récit autobiographique est très intéressant et souvent très émouvant. Cette petite fille est arrivée en France à l’âge de cinq ans, ses parents communistes ont fui la répression des ayatollahs iraniens. En Iran, elle était une petite fille choyée par sa grand-mère et adorait ce pays aux multiples saveurs. Ses parents menaient une lutte dangereuse et l’utilisaient pour faire passer des tracts qui étaient synonymes de morts pour ceux qui les transportaient. Vous comprenez la moitié du titre, et la poupée ? Toujours ses parents : ils l’ont obligée à donner tous ses jouets aux enfants pauvres du quartier en espérant, ainsi, en faire une parfaite communiste se détachant de la propriété, ils n’ont réussi qu’à la rendre très malheureuse. En France, comme tous les exilés ses parents ne seront pas vraiment heureux et la petite non plus.

Il faut du temps pour s’adapter et ce que raconte très bien ce texte c’est la difficulté de vivre en abandonnant une culture sans jamais complètement adopter une autre. La narratrice souffre d’avoir perdu son Iran natal et elle souffre aussi de voir ce qu’on pays devient sous le joug des mollahs . Je me demande si elle reprend espoir avec les évènements actuels ou si, pour elle, c’est une nouvelle cause de souffrance de voir tant de jeunes filles se faire tuer au nom de la bienséance islamique.

L’auteure raconte très bien tous les stades psychologiques par lesquels elle est passée : la honte de ses parents qui ne parlent pas assez bien le français, la séduction qu’elle exerce sur un auditoire quand elle raconte la répression en Iran, son envie de retrouver son pays et d’y rester malgré le danger, les souvenirs horribles qui la hante à tout jamais …

Je ne sais pas où cette écrivaine vit aujourd’hui, car on sent qu’elle a souvent besoin de vivre ailleurs (Pékin, Istanbul) mais je suis certaine que si le régime tyrannique de l’Iran s’assouplissait un peu, elle retrouverait avec plaisir ce peuple et surtout ce pays qui l’a toujours habitée.

 

Citations

Les morts opposants politiques de Téhéran .

Il existe un cimetière situé à l’est de Téhéran, le cimetière de Khâvarân connu aussi sous le nom de « Lahnatâbâd », ça veut dire le cimetière des maudits. Lorsqu’un prisonnier politique était exécuté, ont jetait là son corps dans une fosse commune. Aucune inscription, aucune stèle, pas même une pierre. Terre vaste, aride et noire. Parfois de fortes pluies s’abattaient sur la ville et les corps mal enterrés réapparaissaient à la surface car le terrain était en pente. Alors les opposants allaient ré-enterrer leurs morts au nom de la dignité. Mon père y allait avec ses camarades. Ils vomissaient, ils en étaient malades pendant des semaines, ils étaient hantés par les images des déterrés mais peu importe, il fallait le faire. on ne pouvait pas laisser un corps sans sépulture. On ne pouvait pas laisser les camarades pourrir ainsi.
 Terre maudite ou Terre sainte ?

Que de douleurs dans ce passage !
 « C’est extraordinaire d’être persane ! »
 Oui c’est extraordinaire, vous avez raison. la révolution, deux oncles en prison, les prospectus dans mes couches, le départ in extremis, l’exil, l’opium de mon père. J’en suis consciente et j’en ai souvent joué de ce romanesque. Dans les soirées parisiennes intello-bourgeoises ou lors de la première rencontre avec un homme histoire de le charmer, mais aussi face aux voyageurs qui ont traversé l’Iran sur la route de la soie, face aux expatriés qui ont travaillé là-bas. D’habitude les gens ou entendu parler de l’Iran à travers les médias, les livres, les films. Tout ça est un peu lointain, irréel, mais là, ils ont face d’eux quelque chose de bien vivant. Alors je me faisais conteuse devant un public avide d’histoires exotiques et j’ai rajouté des détails et je modulais ma voix et je voyais les petits yeux devenir attentifs, le silence régnait certains, les plus sensibles ont même pleuré. Je triomphais. 


Édition « La belle étoile. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aline Pavcoñ)

 

Quand j’ai compris que ce roman se situait au Liban , j’ai immédiatement répondu à Babelio que j’avais très envie de le lire. Il a bien pour toile de fond ce pays qui m’est cher, avant la terrible crise économique qui a réduit à la misère tous mes amis universitaires. On sent dans ce roman à quel point ce pays est incapable de renaître de ses cendres, les feux dont il s’agit dans le titre sont ceux qui sont provoqués par la population qui n’en peut plus de vivre dans les ordures jamais ramassées .
Les trois coquillages montrent ma déception, je pensais connaître un peu mieux ce pays, en réalité je connais tout sur l’histoire d’amour contrariée de Mazna une jeune fille syrienne qui a un talent certain pour le théâtre mais qui n’arrivera pas à devenir actrice aux États-Unis car elle a suivi un homme dont elle n’était pas amoureuse, Idris un jeune libanais qui vient d’une famille plus riche que la sienne. Mazna était follement éprise de Zakaria un réfugié palestinien et ami presque frère d’Idriss. Zakaria est tué car il a lui-même tué des chrétiens et Idriss et Mazna s’enfuient. Ensemble ils auront trois enfants dont nous allons suivre le parcours.
l’aînée, Ava chercheuse en biologie et mère de deux enfants, est mariée à un américain, son couple subit quelques turbulences. Marwan le fils préféré de sa mère, doit choisir entre une carrière de chanteur ou la cuisine et sa vie avec sa fiancée Harper, et enfin Najla homosexuelle et chanteuse à succès qui est revenu vivre et faire carrière au Liban.

Ils se retrouvent tous à Beyrouth car Idriss a décidé de vendre la maison de sa famille. Ce sera l’occasion de raviver les souvenirs que les parents préfèrent oublier. Il faut 420 pages à cette auteure pour faire émerger tous les secrets autour de Zakaria. Ma déception vient de ce que histoire si classique ne fait pas revivre le Liban, à cette nuance près que certaines décisions pouvaient entraîner la mort plus facilement qu’ailleurs. On sent aussi le poids des traditions dans l’éducation des filles et aussi la façon dont la proximité de la mort et de la guerre fait que la jeunesse fonce dans tout ce qui peut lui faire oublier les duretés de la vie et à quel point elle peut être brève : on boit beaucoup, on fume sans cesse et toutes les drogues sont possibles et la musique est toujours à fond.

Donc, une déception pour moi. Je lis sur la présentation de cette écrivaine qu’ « Hala Alyan américo-palestinienne est clinicienne spécialisée dans les traumatismes, les addictions et l’interculturalité ». Je crois que j’aurais préféré que son roman se passe aux USA et qu’elle me fasse découvrir les difficultés pour une jeune américano-palestinienne d’assumer deux cultures. Car, pour ce qui est du Liban, je n’ai vraiment rien appris et je ne l’ai pas senti vivre contrairement par exemple aux roman de Charif Majdalani que j’aime tant.

 

Citations

C’est tellement vrai.

Ava se résigne à endurer le tourbillon de circonvolutions maternelles. « Zwarib » est le mot qu’on emploie en arabe pour décrire ces tours et détours qui ne servent qu’à éviter d’aborder le cœur du sujet. Sa sœur Naj appelle ça du terrorisme linguistique.

J’aime bien ce genre de voix.

Najla adorait la musique. Elle avait une voix hors du commun, rugueuse et gutturale légèrement fausse, mais suffisamment hardi pour que personne ne sente soucie.

Explications des guerres libanaises par un metteur en scène de théâtre en 1972.

Les colonisateurs ont pesé, bien qu’indirectement, dans toutes les décisions politiques qui ont été prises depuis l’époque ottomane. Chaque pays a son oppresseur : les Britanniques pour la Palestine, les Français pour le Liban. Les Occidentaux ont redessiné les frontières. C’est la raison pour laquelle les rues de Beyrouth portent des noms français. Ce sont eux qui ont mis sur pied la structure parlementaire qui distribue le pouvoir de manière injuste. C’est leur faute si les Palestinien sont arrivés ici par milliers en 1948, puis en 1977. Je veux que vous gardiez à l’esprit durant les répétitions, les plus grands criminels de guerre sont toujours en coulisse, même s’ils sont à des continents d’ici. 

Un autre point de vue .

 Les gens n’ont pas besoin de prétexte pour se détester. Nous sommes programmés pour blâmer les autres de notre malheur. et quand ton prêtre, ton imam ou Big Brother te fait croire que tout un tas de gens te détestent, tu prends rarement le temps de vérifier s’il dit la vérité. 

Très possible.

Le feu passe au vert. Ava range son téléphone, bien qu’elle doute de risquer une amende ici. Un jour, elle avait vu un homme conduire avec son fils sur les genoux. L’enfant tenait un cendrier.

 

 

Édition Plon . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Quel livre ! Quand j’ai refermé ce livre de souvenirs, j’ai eu un besoin d’un moment de silence avant de rédiger mon billet. Le silence qui a essayé d’étouffer les cris de ces Arméniens spoliés de tous leurs biens, torturés, abandonnés dans le désert, assassinés puis turquifiés et oubliés.

Pourtant tous les 24 avril les Arméniens de la diaspora française défilent devant les ambassades turques pour que ce génocide soit enfin reconnu.
Le livre est un retour dans la mémoire d’une jeune femme née en France d’une famille arménienne qui s’est exilée de Turquie en 1960 . Cette plongée dans le passé se fait à travers les pièces de la maison familiale qui, à travers un objet ou une photo, lui permettent d’évoquer son enfance et la vie des membres de sa famille. Toute la difficulté de cet exercice est de confronter ses expériences personnelles suffisamment douloureuses puisqu’elle a voulu fuir à tout jamais cette maison, à celles autrement plus tragiques de la destinée des Arméniens en Turquie .
C’est un récit parfois très vivant et très gai, on aimerait participer aux réunions de famille autour de plats qui semblent si savoureux, les grand mères et les tantes qui ne parlent que le turc sont des femmes qui n’ont peur de rien. Et pourtant d’où viennent-elles ? Le blanc total de la génération d’avant 1915 plane sur toutes les mémoires. Le récit devient plus triste quand l’auteur évoque son père. Sa compréhension d’adulte n’empêche pas sa souffrance d’enfant de remonter à la surface. Cet homme a été brisé par l’exil auquel il a consenti pour assurer à ses enfants un meilleur avenir mais d’une position d’orfèvre à son compte en Turquie il est devenu employé en France. Est ce cela qui a aigri son caractère et rendu sa position de pater familias insupportable aux yeux de sa fille ?
À travers toutes les pièces de cette maison, Annaïs Demir recherche une photo de sa mère. Une photo où on la verrait dans toute sa beauté de jeune femme libre avant un mariage qui l’enfermera dans une vie faite de contraintes. Son amour pour son mari est, sans aucun doute, plus le fruit d’une obligation due aux liens combien sacrés du mariage que d’une attirance vers cet homme .
À partir de chaque détail de la vie des membres de cette grande famille, on imagine peu à peu le destin de la petite fille puis de la jeune fille qui est devenue cette écrivaine, mais on comprend surtout la tragédie du peuple Arménien qui apparaît dans toute sa violence absolument insupportable et si longtemps niée.
Un livre que je n’oublierai jamais et j’espère vous avoir donné envie de le lire.

Citations

Retour douloureux aux sources.

Je sens que je dois mettre entre parenthèses ma vie de critique d’art, mon cercle d’amis, les vernissages, les premières de ciné, les concerts, les cafés en terrasse, mes habitudes et mes passions. Renoncer à tout ce que j’ai construit seule ces dernières années pour entrer dans une antique pelisse plein d’accrocs. Une vieille peau de bête, éliminée par endroits et rugueuse à d’autres, qui me retombe sur les épaules jusqu’à m’étouffer. 
À moins qu’il ne s’agisse finalement d’une Gorgone cherchant à me pétrifier. Intense et glaçante, elle m’agrippe du regard. imperturbable, elle a déjà englouti la plupart de ceux qui l’ont habitée. Et maintenant ce serait mon tour ?

Un long passage qui me fait plaisir d’être française.

À leur arrivée en France, dans les années 60, ils ont pu respirer, n’ayant plus à dissimuler leur identité culturelle et cultuelle, ni passer leur langue sous silence comme s’il s’agissait d’une pratique honteuse. Ils n’étaient plus ces « infidèles » suspects, ces « gavours », contre lesquels on pouvait se retourner en temps voulu. Ils ne craignaient plus rien. Ils avaient le droit d’exister en tant qu’Arméniens nés en Turquie sans subir le racisme antichrétien dont ils avaient fait l’objet dans leur pays. Ils allaient devenir des citoyens français et moi, qui venais de naître en France, avant eux. Sept ans après leur départ d’Istanbul, je symbolisais le passage à une ère nouvelle. À leurs yeux, je n’avais donc pas besoin de pratiquer le turc, la langue de nos ennemis ancestraux. La langue du pays dont mes parents s’affranchissaient enfin. Un divorce tant désiré que le turc devenait automatiquement pour moi, l’enfant d’un monde libre, la langue interdite. c’était le passé. Ils avaient décidé de tout changer. Vivre en version originale. Sous-titrée dans la langue du pays qu’il s’était choisi. Ils ne s’adressaient donc à moi qu’en arménien depuis ma naissance. parce que ce que j’étais leur dernier enfant, le seul né ailleurs qu’en Turquie. Sur le territoire français et, de fait, par le droit du sol, de nationalité française. Née dans un pays où nous étions libres de vivre en paix notre vie de français d’origine arménienne. Notre culte ne regardait que nous et ne figurait pas sur nos papiers d’identité.

Les massacres d’Arméniens .

 Elle venait de Yozgat, un « vilayet » (province) du centre de l’Anatolie ou les pillages, les viols, les décapitations la hache et autres bases besognes avaient été plus virulentes encore que partout ailleurs en 1915. Le degré d’abomination dans ces exterminations massives dépendait de l’état mental et moral du Valy (représentant du sultan)qui dirigeait chacune des régions de l’empire. Et, à Yozgat, ils avaient eu affaire à l’un des plus sanguinaires de ces sadiques en bande organisée.

Les toilettes à la turque dans la cour des immeubles parisiens.

Mais lorsqu’il s’agissait de faire ses besoins, cela devenait plus compliquée. Tout se passait hors de l’appartement. Pas sur le palier mais au fond de la cour, été comme hiver. Dans des cabanons qu’on fermait avec un frêle crochet. Des toilettes « à la tourka », comme disait tante Arsiné en roulant le « r ». N’est-ce pas le summum de la tragédie que de continuer à entendre parler quotidiennement de l’ennemi ancestral, même dans les lieux d’aisances de son pays d’exil, en plein Paris ? Ironie du sort, les turcs s’illustraient là sans le moindre panache autour d’une invention aussi primitive et putride qu’un pauvre trou dans lequel le toute un chacun venait vider ses entrailles.

Sa famille.

 Je les vois même défiler sous mes yeux. De temps à autres effrayante, d’autres fois émouvante, souvent « attachiante » : voilà à quoi ressemble ma famille. Question ambiance, on a le sentiment que tout le monde s’amuse à mettre les doigts dans la prise juste pour s’entendre respirer. Cela a quelque chose à voir avec un incommensurable besoin d’affection.

Évocation de sa mère couturière .

 L’atelier, c’est là qu’elle passait le plus clair de son temps, chantant et cousant comme une Cendrillon d’Orient. pas un jour sans qu’elle ait donner de la voix ou taquiner la muse. À tel point que ses chants, que j’entends dès que j’entre dans la maison, s’intensifient dans l’atelier. Mais tous ces airs me serrent la gorge. C’est dans cette bombonne de verre qu’elle avait l’air le plus heureuse. Plutôt qu' »une chambre à soi » si chère à Virgina Wolf, cette pièce à part où chaque femme devrait pouvoir s’épanouir librement, ma mère jouissant, elle, d’un « temple de la soie » regorgeant de trésor qui me transportait d’un coup d’œil à Samarcande où Ispahan.

Le génocide.

On jalousait leurs biens on en voulait à leurs maisons, à leur terre et à l’or que les Turcs imaginaient qu’ils détenaient. Par conséquent, on les avait désarmés et délestés de ce qu’ils avaient de plus précieux. On les menait maintenant en troupeaux aux abattoirs. Pour procéder à leur lente mises à mort en toute impunité. Certains à pieds, d’autres entassés dans des wagons à bestiaux. Destination le désert de Syrie au plus fort des températures de l’Orient. Il était bien assez vaste pour étouffer leurs pleurs, leurs cris et jusqu’à leur râle ultime. Tortures, viols, assassinats, pillages, déportations et autres humiliations. des morts par centaines de milliers. Des charniers. Une déferlante de l’horreur et de sadisme s’était abattue sur les maisons arméniennes.

 

Éditions Picquier Traduit de l’anglais par Santiago Artozqui

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Ce roman a obtenu un coup de coeur à notre réunion du mois de décembre, je me suis empressée de l’emprunter et si j’avais réussi à le lire avant notre réunion je l’aurais défendu malgré mes quelques réserves.

Il a tout pour plaire ce roman : sous-tendu par le drame personnel de trois femmes iraniennes réfugiées en Irlande dans le comté de Mayo, le roman dévoilera peu à peu les horreurs qu’elles ont vécues sous la répression aveugle du shah d’Iran et la montée de l’intolérance islamiste. Dans ce petit village de Ballinacroagh, elles ouvrent un restaurant aux saveurs de leurs pays, et sont à la fois bien accueillies par une partie de la population et en butte à ceux qui voient d’un mauvais œil ces femmes venues d’ailleurs. Le style de Marsha Mehran est emprunt de poésie à l’image des contes perses et contribue au charme un peu envoutant de ce récit. Et puis, ce roman est un hymne à la cuisine iranienne, on savoure ces plats (que je me garderai bien d’essayer de reproduire malgré les recettes qui sont généreusement expliquées) tant elles demandent des épices que je ne saurai trouver sur mon marché de Dinard et tant elles me semblent complexes à réaliser. Ce qui est très bien raconté ici, c’est le poids de la cuisine dans l’exil : refaire les plats aux saveurs de son pays, c’est un peu vaincre la nostalgie de la douceur de la vie familiale qui a été détruite par des violences telles que la seule solution ne pouvait être que la fuite.

La description des habitants du village irlandais manque de nuances, il faut l’accepter pour rentrer dans le récit. Le succès du restaurant tient de l’envoutement pour des parfums d’épices venues d’ailleurs. L’amour de la plus jeune des sœurs pour le fils du personnage odieux qui veut racheter leur boutique relève du conte de fée . Cela ne m’a pas empêchée de passer plusieurs soirée en compagnie de ces personnages dans ce petit village arrosé d’une pluie continue ou presque. J’ai aimé le courage de ses trois femmes et de leur volonté de vivre quel que soient les drames qu’elles ont traversés. Évidemment, on pense à tous ceux qui ont essayé de fuir des pays où des répressions sans pitié écrasent toute tentative de vie libre.

La mort tragique de cette jeune auteure d’origine iranienne est un poids supplémentaire à la tristesse qui se dégage de cette lecture qui se veut pourtant résolument optimiste. Le roman se situe en effet à une période où les réfugiés iraniens trouvaient leur place dans un monde qui était plus ouvert aux drames des pays soumis à des violences inimaginables. Ce monde là, appartient au passé car nos civilisations occidentales sont surprises par l’ampleur des drames des pays à nos frontières et se sentent démunies face à l’accueil de pauvres gens chassés de chez eux et prêts à risquer leur vie pour un peu de confort dans un monde plus apaisé. Ce n’est pas le sujet de ce roman mais on y pense en se laissant bercer par le charme des saveurs des plats venus d’orient dans ce village où la viande bouillie arrosée de bière semble être le summum de la gastronomie.

Citations

La voisine malfaisante et médisante

Dervla Quigley avait été frappée d’incontinence, un problèmes de vessie très gênant qui l’avait cloué chez sa sœur -laquelle était dotée d’une patience à toute épreuve- et laissée l’essai totalement dépendante de celle-ci. Incapable de maîtriser son propre corps, Dervla avait bientôt été obsédée par l’idée de manipuler celui de tous les autres. Les ragots n’étaient pas seulement ses amis et son réconfort, mais aussi la source d’un grand pouvoir.

Vision originale de l’acupuncture

Elle était même allée consulter un acupuncteur chinois qui, au plus fort des seventies et de l’amour libre, s’étaient établis dans Henry Street à Dublin. La force de l’âme de ce chinois l’avait impressionnée -Li Fung Tao pratiquait son tai-chi matinal en toute sérénité pendant que les vendeurs ambulants de fruits et de légumes appâtaient les chalands en beuglant tout autour de lui-, mais ses aiguilles n’avaient eu pour effet que de lui donner l’impression d’être un morceau d’anchois plongé dans une marinade d' »alici » à base d’origan et de poudre de piment. 

Les épices

 Dans le livre de recettes qu’elle avait stocké dans sa tête, Marjan avait veillé à réserver une place de choix aux épices qu’elle mettait dans la soupe. Le cumin ajoutait au mélange le parfum d’un après-midi passé à faire l’amour, mais c’en était une autre qui produisait l’effet tantrique le plus spectaculaire sur l’innocent consommateurs de ce velouté : le « siah daneh » – l’amour en action- ou les graines de nigelle. Cette modeste petite gousse, quand on l’écrase dans un mortier avec un pilon, ou lorsqu’on la glisse dans des plats comme cette soupe de lentilles, dégage une énergie poivrée qui hibernent dans la rate des hommes. Libérée, elle brûle à jamais dans un désir sans limite et non partager pour un amant. la nigelle est une épice à la chaleur si puissante qu’elle ne doit pas être consommée par une femme enceinte, de peur qu’il ne déclenche un accouchement précoce.

 

 

 

Édition 10/18 domaine étranger . Traduit de l’anglais par Delphine et Jean-Louis Chevalier

 

Le 23 janvier 2020 je disais à Aifelle que ce livre me tentait beaucoup. Elle me mettait en garde contre l’aspect très noir du roman, elle avait bien raison mais je ne regrette absolument pas cette lecture même si parfois je l’ai trouvée éprouvante.

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement parce qu’il décrit une tension que rien ne semble pouvoir apaiser. Mais il permet de découvrir le sort qui était réservé aux émigrés européens qui, après la guerre, ont voulu rejoindre l’Australie pour fuir les horreurs qu’ils venaient de vivre. Comme à toutes les époques d’après conflits, les populations recherchent un ailleurs plus souriant, mais les pays se referment sur eux mêmes et n’accueillent que difficilement de nouveaux arrivants même dans un pays comme l’Australie qui pourtant, est, en principe, une terre d’immigration.

Le roman se construit sur deux époques, l’enfance de Sonja dans les années 1950, et en 1990 son retour alors qu’elle est enceinte vers son père Bojan Buloh, un ouvrier dur à la tâche et qui noie son mal de vivre dans l’alcool. Avant ces dates, il y a aussi le passé dans les montagnes Slovènes où Bojan et sa femme Maria ont connu l’horreur absolue de la guerre contre les nazis menée par des partisans. Ces horreurs ont modelé des êtres qui renferment alors en eux des bulles de fragilités dont ils n’ont eux-mêmes pas idée et qui peuvent éclater à tout moment. Les chasser loin, au delà de leurs souvenirs, ne leur permettra pas de se débarrasser de leur présence dans leur personnalité.

Marie, disparaît dès le premier chapitre. Disparaît c’est vraiment le mot employé et elle laisse derrière elle, une petite fille de 5 ans qui ne comprend pas et un mari complètement effondré qui ne trouvera que dans l’alcool des oublis qui ne durent que le temps de l’ivresse. La vie des émigrés étaient dures, en effet, avant de devenir australien, ils devaient accepter de travailler pendant deux ans là où on avait besoin d’eux. Pour Bojan, ce sera à construire des barrages hydrauliques en Tasmanie. Si la description du climat est réaliste, cela ne donne guère envie d’y faire du tourisme, il y fait froid, le paysage est noyé sous la brume ou la pluie battante. L’enfant est d’abord retiré à son père et fréquentera deux familles d’accueil absolument horribles, puis elle viendra vivre avec lui. Bojan aime son enfant mais est dépassé par son drame personnel, et lorsqu’il a bu frappe sa fille sans raison. Malgré cela Sonja a bien du mal à le quitter, et c’est vers lui qu’elle revient adulte et enceinte.

Ce roman est donc très sombre et parfois trop pour moi, et il est soutenu par une évocation d’une nature sans pitié qui colore le roman d’une tension supplémentaire. Pendant tout le roman on espère comprendre le pourquoi de tant de malheurs, on sent que la vérité va être insupportable et elle l’est effectivement. Je ne m’attendais pas à cette explication que je me garde bien de vous dévoiler. La fin du roman est un petit moment d’espoir autour d’un bébé qui représente un avenir possible. En tout cas, c’est que j’espère, on croise les doigts pour ce bonheur fragile.

 

Citations

 

Réaction de Soja face à la colère de son père complètement ivre

Il n’était pas grand, Sonja Buloh n’était pas grande non plus et ne possédait pas sa faculté de prendre des proportions gigantesques. Elle, c’était précisément l’inverse. Pour échapper à ce courroux, elle avait appris l’art de la petitesse, l’art de rendre son être si menu qu’il devenait invisible sauf à un examen attentif.

La langue et l’immigration

Il s’arrêta, rassembla ses pensées dans sa tête et essaya de les réarranger en un semblant d’anglais correct. « J’aurais dû écrire à toi, euh, des lettres, mais euh, mon anglais, il va au travail, il va au pub, mais il va pas si bien sur le papier. »
« Il y a des choses qui comptent plus que les mots » dit-elle puis elle s’arrêta. Sa remarque avait toutefois frappé son père . Il devint presque volubile, mais sans colère, pour la réfuter. 
« Peut-être tu dis ça parce que tu as plein de mots, dit-il tu as trouvé une langue. Moi j’ai perdu la mienne. J’ai jamais eu assez de mots pour dire aux gens c’que je pense, c’que je ressens. Jamais assez de mots pour un bon boulot. »

Illusions australiennes .

Pour Sonja la ville de Tullah n’était pas nichée dans la haute vallée entourée de tous côtés par les montagnes sauvages, mais avait plutôt un air de catastrophe industrielle disposée en petit tas réguliers qu’on avait laissés s’enfoncer dans le sol marécageux. Tout être, toute chose était provisoire. Sauf la forêt tropicale et le bois bouton qui repousserait une fois terminé cette brève interruption. Ce n’était pas un lieu où les gens naissaient ou souhaitaient mourir, mais un lieu qu’ils aspiraient simplement à quitter. 
La promesse faite aux travailleurs émigrés, l’offre d’une vie meilleure en Australie dans l’Europe dévastée par la guerre, l’insaisissable arc-en-ciel de la prospérité et e de temps plus paisibles, tout cela s’était amenuisé, éloigné, ce n’était plus une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux essayer d’oublier.

Les désespérés

À la fin la seule chose qui comptait, c’était qu’il semblait ne pas y avoir d’issue, vraiment rien d’autre que la mort ou l’alcool. Au bout d’un certain temps tout le reste s’évanouissait, et certains étaient assez contents qu’il en soit ainsi et d’autres non, mais dans un cas comme dans l’autre la plupart finissait par décider que mieux valait ne pas songer sans cesse au joug du destin qui pesait si durement sur eux. Au bout d’un certain temps ils perdaient à peu près tout, famille, argent, espoir. Ils conservaient toutefois une certaine camaraderie de chiens perdus qui valait ce qu’elle valait, généralement pas grand-chose, certaines fois énormément.

Le discours que le père n’a pas pu dire à sa fille

Elle partie, il trouva finalement les mots pour exprimer ce qu’il voulait lui dire depuis longtemps. « Toi et moi, dit-il d’une voix basse au débit hésitant, on a vécu, on a vécu pire que des chiens. Je regrette. Je pense pas qu’tu reviendras. Crois-moi, j’ai jamais voulu tout ça, la boisson, les coups, ces gourbis d’émigrés, des fois des choses t’arrivent dans la vie et malgré tout, malgré c’que t’espères, tu peux pas les changer. »
Sa confession terminée, son éloquence l’abandonna aussi rapidement qu’elle était venue. 
Avant d’aller prendre dans le frigo sa première bouteille de la journée, oublieux de l’heure matinale, il dit seulement une chose à la brise qui s’engouffrait du monde extérieur.
 » On est venus en Australie, dis Bojan Buloh, pour être libres ».

 

 

 

Édition Pocket

Le bandeau me promettait une lecture inoubliable et un roman qui a connu un énorme succès. Même « la souris jaune » en avait dit beaucoup de bien, je dis même car il est très rare que je trouve chez elle des livres à grand succès. Je l’avais remarqué chez « Sur mes brizées« . J’ai été beaucoup plus réservée qu’elles deux. Je trouve que la première partie sur la montée du nazisme en Autriche est bien raconté mais je crois que j’ai tellement lu sur ce sujet que je deviens difficile. Il y a un aspect qui a retenu mon attention, c’est à quel point les Autrichiens ont été parfois pires que les Allemands dans le traitement des juifs. Ils n’ont pourtant été que peu jugés après la guerre pour ces faits. On comprend bien la difficulté de s’exiler, même quand l’étau antisémite se resserre, la famille que nous allons suivre a beaucoup de mal à laisser derrière elle leurs parents âgés et ils espèrent toujours au fond d’eux que cette folie va s’arrêter. Quand ils se décideront à partir au tout dernier moment, les frontières se sont refermées et les pays n’accueilleront plus les juifs. Ils passent donc un moment en Suisse dans un camp assez sinistre. Ils iront finalement dans le seul pays qui a accepté de recevoir des juifs : La République Dominicaine. C’est toute l’originalité du destin de ces juifs qui ont été accueillis dans ce pays si loin de leurs traditions autrichiennes. Dans ce gros roman l’auteure décrit avec force détails l’installation de ces intellectuels dans un kibboutz où chacun doit cultiver, élever les animaux, construire une ferme dans le seul pays qui a accepté officiellement d’accueillir jusqu’à la fin de la guerre des juifs chassés de partout. Nous voyons ces Autrichiens ou Allemands tous intellectuels de bons niveaux s’essayer aux tâches agricoles et de faire vivre un kibboutz et ensuite la difficulté de se reconstruire avec des origines marquées par la Shoa . Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas entièrement adhéré à ce roman. Je n’avais qu’une envie le de finir sans jamais m’intéresser vraiment à ces personnages.

 

Citations

 

Beau rapport père fils

Je ne pus retenir un soupir de soulagement : finalement il n’y avait eu ni affrontement ni querelle. Je lus dans les encouragements de mon père une grande ouverture d’esprit et une tolérance que je ne soupçonnais pas. Ses yeux perçants souriaient et je sentis une puissante vague d’amour déferler et m’envelopper tout entier. Je savais quel renoncement et quels regrets c’était pour lui. J’étais fier de mon père. Il m’aimait. Je ne le décevrais pas.

Vienne

Je ne me sentais pas juif, mais simplement et profondément autrichien. J’étais né dans cette ville, comme mon père et ma mère avant moi. C’était mon univers, dans lequel je me sentais en confiance et en sécurité, et qui devait durer éternellement. L’Autriche était ma patrie, et être juif n’avait pas plus d’importance qu’être né brun ou blond. Bien sûr nous étions juifs, mais notre origine ne se manifestait guère plus qu’une fois par an le jour du grand Pardon, quand mon père s’abstenait de fumer ou de se déplacer, plus pour ne pas blesser les autres dans leurs sentiments que par convention conviction religieuse.

Vienne et ses juifs

Malgré les signaux d’alerte qui ne cessaient de se multiplier, nous nous raisonnions : nous étions si nombreux, quelques 180000 rien qu’à Vienne, et tant de juifs occupaient des positions clés dans l’économie et la culture. Nous étions héros de guerre, artistes, scientifiques, universitaires, médecins, notre pays ne pouvait se passer de nous.

 

 

 

Édition Gallimard NRF

Voici la première phrase
J’ai vingt-huit ans et j’arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français – Jean, Paul et Sartre.

J’avais acheté ce livre suite à une avalanche de commentaires élogieux, je me souviens d’un billet de Jérôme, Ingannmic Athalie et de Kathel mais je sais qu’il y en a eu d’autres. Le problème c’est que j’avais accepté de prêter ce roman avant de l’avoir fini. Il est revenu mais je l’avais un peu oublié. Je l’ai relu avec plus de plaisir que la première fois et je n’ai pas lâché ma lecture car je ne voulais pas qu’il disparaisse encore une fois dans mes piles de livres. Depuis, j’ai écouté les différentes prises de paroles de Velibor Čolić et l’auteur est tout aussi intéressant que son roman. Il raconte son arrivée à Rennes avec le statut de réfugié : le choc ! Est-ce qu’un être humain peut se résumer en un mot : »réfugié » . Il veut être écrivain, et j’imagine l’enseignante langue étrangère (que j’ai été autrefois) qui s’arrache les cheveux lorsqu’il remplit sa fiche, à la rubrique « que voulez vous faire plus tard » Velibor Čolić écrit : « Goncourt », alors que la leçon du jour est de répéter et écrire « Où est la poste » …. Son humour, son sens de l’observation particulièrement aiguisé parce qu’il est illettré en français, ses rencontres diverses et variées de gens qui ont le même statut que lui, lui ont permis d’écrire ce manuel à mettre dans toutes les mains. Les nôtres d’abord, nous les Français qui ne savons pas souvent comment faire pour aider ces gens qui sont d’abord des êtres souffrants d’avoir perdu leur identité, et dans les mains des réfugiés pour les aider à se redresser et à redevenir les hommes ou les femmes qu’ils sont au delà de ce statut qui les écrase. Ce livre n’a rien de tragique et pourtant on y croise la tragédie tout est sauvé par le style d’un grand écrivain . Velibor Čolić arrive dans la langue française avec son accent, mais à l’écrit ça ne se sent pas trop, avec aussi sa propre façon d’écrire sans pathos et sans la fameuse logique cartésienne. Il y a de la poésie même dans ses beuveries et dans les locaux un peu crasseux où il doit habiter, mais surtout il y a cet humour ravageur qui le sauve de toutes les situations les plus scabreuses. Je pense que oui, un jour, il l’aura le Goncourt même s’il a gardé un accent pour dire : « Où est la poste » .

(PS les hortensias c’est pour sa nouvelle identité bretonne !)

 

Citations

Sa langue

Je murmure une complainte, stupide et enfantine, tout en sachant que les mots ne peuvent rien effacer, que ma langue ne signifie plus rien, que je suis loin, et que ce « loin  » est devenu ma patrie et mon destin…

La France vu par des exilés

– Quel drôle de pays la France, radote Alexandre, ici le pain blanc est moins cher que le pain noir. 
-Et en plus, dis Volodya, il mange de la salade avant la viande, et pas comme nous en même temps…. 
– Oui, oui j’ajoute avec un air sérieux, les Français et leur mille sortes de fromages qui puent… Chez nous on a deux sortes de fromages -salé et demi salé- et pour le reste débrouille-toi camarade. 
Ensuite nous trinquons et buvons au goulot, à la slave.

Deux leçons pour survivre dans l’exil :

Comment faire ses courses

Tu sors dans la rue piétonne, la rue principale, la rue la plus fréquentée et tu attends que la première grosse mama africaine arrive. Ensuite tu te faufiles derrière elle, discrètement, telle une ombre. Là où elle fait ses courses c’est garanti moins cher en ville.

Comment mener une bagarre

Il faut toujours que tu tapes en premier. Peu importe la situation, peu importe l’adversaire il faut que tu le cognes d’abord, après seulement tu peux discuter. Pour la bagarre il faut éviter, dans la mesure du possible, les petits mecs. Les grands sont plus faciles à prendre. La plupart du temps le grand bonhomme est tranquille, tout le monde s’écarte devant lui, il n’a pas l’habitude de se battre,. Tandis que le petit, et bien lui s’est battu toute sa foutue vie, pour se faire une place, pour se faire entendre, pour prouver qu’il existe. Donc, attention aux petits, ils sont à éviter ! 

Concours des horreurs de guerre : l’Africain a gagné

D’accord, sourit un Africain, une fois un copain a été blessé à la jambe. Il criait et criait tellement fort, qu’au bout d’une demi-heure j’ai été obligé de lui dire. « Écoute mon vieux, toi tu es blessé à la jambe et tu pleures comme une gonzesse, mais regarde, ton camarade de combat, il a reçu un obus sur la tête et il ne dit rien. »

Histoires de guerre dans l’ex Yougoslavie

Un beau jour, narre Omer, on était 1992 avec mon copain Asim le plongeur, on s’arrête sous un vieux pont en bois pour se soulager un peu, tu vois. Et c’est justement à ce moment-là que l’armée serbe décide de bombarder le pont. Les obus pleuvaient et nous on était en bas, le pantalon baissé en train de vider, tu vois, nos ventre. « Je demande à mon cousin. Tu as peur ? Il me dit : « Mais non pas du tout. Pourquoi ? » Alors je réponds : « Si tu n’as pas peur pourquoi tu essayes de me torcher les fesses ? « 
Voilà une autre histoire vraie, j’ajoute, pendant la guerre l’armée serbe entra dans une maison bosniaque. Ils trouvèrent juste une grand-mère assise près de la fenêtre. « Écoute la vieille, dit-leur commandant, dis-moi rapidement où est ton fils. » Et la mamie. « Où est ton fils, où est ton fils, où est ton fils… Ce n’est pas assez rapide ? Sinon je peux encore aller plus vite. Et ton fils, où est ton fils, où est ton fils… »

La langue française

Les bottes jadis noires, sont dans un piteux état. Je ne me rappelle plus comment je les ai eues. Je m’interroge : peut-on dire pour les chaussures aussi qu’elles sont de « deuxième main » ? Ou de « deuxième pied ?

 

 

Édition Christian Bourgeois. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet

 

Un livre passionnant dont pourtant je n’ai pas eu envie de noter beaucoup de passages, mais cela n’est pas du tout un signe d’une moindre qualité. L’intérêt du roman vient de la confrontation des différents personnages à propos d’ un fait divers. À travers chaque chapitre de longueur variée la romancière cerne la réaction d’un des personnages autour d’un tragique accident. Il n’y a pas de grandes pensées au delà des faits, et pourtant la réalité se construit peu à peu, avec une précision étonnante et qui m’a captivée. L’effet roman choral provoque chez moi un besoin de pause entre les personnages, mais ce n’est pas du tout gênant. Je vous présente rapidement les personnages :
– Driss Guerraoui, propriétaire d’un restaurant a été renversé et tué par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’il traversait devant son établissement pour reprendre sa voiture .
– Sa fille Nora, une musicienne de talent, pense que l’acte était volontaire et avec elle on ressent que les musulmans Marocains ne sont pas si bien vus que ça aux USA.
– Efrain est originaire du Mexique et a été témoin de l’accident mais il n’ose pas témoigner car il est en situation irrégulière et a très peur d’être reconduit à la frontière. – Maryam la femme de Driss a laissé plus de la moitié de sa vie au Maroc qu’elle a dû fuir à cause de la répression qui s’est abattue sur les opposants marocains dans les années 80. – Son autre fille Selma qui semble avoir si bien réussi cache mal des fêlures qui l’empêche d’être heureuse. – Coleman est la femme policière chargée de l’enquête. Ce sont tous « les autres » Américains, je mets aussi la policière parce qu’elle est noire et subit le racisme ordinaire des blancs.

Il y a aussi le voisin du restaurant qui tient un bowling, et de son fils, d’eux je ne peux rien dire sans divulgâcher l’enquête policière qui sous-tend ce roman.

Et puis, on entend aussi la voix de Jérémy qui est revenu d’Irak tellement meurtri qu’il a failli sombrer dans l’alcoolisme comme son copain de guerre qu’il cherchera à aider au détriment de sa relation avec Nora.

Chaque personnage est une partie du puzzle qui constitue ce roman et qui donne une image des USA qui est certainement plus divisé que l’on ne peut l’imaginer. Bien sûr, depuis Trump on connaît la fameuse fracture qui divise ce pays mais ce roman témoigne qu’il y en a bien d’autres et que ce n’est pas du tout certain que le modèle américain permette une meilleure adaptation des populations d’origine étrangère que le système français. Ce roman permet de sentir que ce n’est pas si simple de passer d’une culture à une autre et de faire un seul pays avec des arrivants du monde entier, mais grâce à la démocratie il y a quand même un espoir et une place pour la vérité et la justice. Un livre prenant facile à lire et qu’on n’oublie pas.

Citations

Dans les année 80 : guerre Sahara Maroc en 1975

On y est, je me rappelle avoir pensé, c’est la fin du régime. Comment pouvait-il survivre au fait de tuer ses propres enfants en plein jour ? Mais alors que cette pensée se cristallisait dans mon esprit, un des policiers m’a repéré sur le toit, il a levé son arme et m’aviser. Même quatre étages plus haut, j’ai vu le canon noir sur moi. Je me suis laissé tomber à genoux, ne comprenant qu’au sifflement proche que la balle m’avais manqué. Adossé contre le mur, j’ai guetté le bruit sourd des bottes des policiers dans l’escalier. J’ai attendu pendant tout l’après-midi. Même une fois la nuit tombée, j’attendais encore. J’entendais encore les sirènes des voitures de police. Des crissements de pneus. Les bris de verre. Les cris des gens. Le vent dans les palmiers.

L’exil

Pour ma mère, les choses se déroulaient toujours comme elles n’étaient pas censées se passer. Elle avait quitté son pays avec sa famille, mais tout ce qu’elle n’avait pu emporter avec elle lui manquait encore. Son ancienne maison lui manquait, ses amis d’enfance, l’appel à la prière à l’aube. Quel que soit le plat somptueux qu’elle cuisinait, il lui manquait toujours quelque chose -un ingrédient, ou bien le goût n’allait pas. Le mariage de ma sœur l’a propulsée dans les paroxysmes de nostalgie qui ont transformé notre maison en un bazar empli de motifs au henné, de ceintures brodées, de plateaux en cuivre et même d’un palanquin pour les mariés. Ma mère a dû laisser beaucoup de traditions derrière elle et, plus le temps a passé, plus elles sont devenues importantes à ses yeux.

Analyse d’un mariage

Mais comme Maryam n’aimait aucun des tissus que j’ai choisis, j’ai fini par céder. On a acheté les rideaux qu’elle aimait et on est rentré à la maison. J’ai sorti l’échelle et mes outils mais, chaque fois que je faisais un trou, la tringle, selon elle, devait être un peu plus haute ou plus basse. Dans les rideaux ont enfin été installés, il y avait cinq trous dans le mur et la tringle penchait à gauche. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ça, autant d’années plus tard, ce n’est vraiment qu’un détail. C’est peut-être parce que j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que la vie est courte. Sans en avoir conscience, j’avais cheminé sur la route qui va de la naissance à la mort avec la mauvaise compagne.

Remarque sur les américains vus par une marocaine d’origine .

J’avais déjà remarqué ça chez les Américains, ils veulent toujours passer à l’action, ils ont du mal à rester en place ou à se laisser ressentir des émotions désagréables.

J’ai découvert ce roman sur un blog que je lis régulièrement « La souris jaune« . J’aime bien ce blog car j’y trouve des livres qui ne sont pas dans l’actualité littéraire. La Souris Jaune, fouine dans tous les lieux où l’on trouve des livres pas chers ou dans les médiathèques pour assouvir ses envies de lecture. Ce roman avait tout pour me plaire, car il parle d’un sujet très peu traité : que sont devenus les traces de la présence juive en Egypte ? Le début m’a enchantée et je me suis installée pour faire un voyage original dans un pays où je n’irai sans doute jamais. Mais lorsque l’héroïne, Camélia arrive en Egypte, très vite, j’ai déchanté. Elle arrive dans ce pays avec l’argent de sa mère et des ses tantes pour faire construire une sépulture digne des attentes des sœurs de la morte, Carlotta . Carlotta est restée en Egypte et n’a pas suivi ses sœurs en France. Cela aussi m’intéressait, celle qu’on surnommait « la juive au nombril arabe » a mené une vie hors du commun. Mais il en est si peu question ou d’une façon si embrouillée que je me suis vite lassée. Vers la page 200 d’un roman qui en compte 350, j’ai parcouru en diagonal un récit qui ‘arrivait pas à retenir mon attention. Je n’ai rien compris aux aventures amoureuses de Camélia qui a des relation sexuelles avec l’homme qui la reçoit et qui l’oblige à l’appeler « papa ». Ses rencontres avec les pensionnaires de l’ancienne demeure qui étaient la maison de retraite de sa tante sont totalement étranges. On sent que l’auteur veut nous faire vivre à la fois la décrépitude de ce monde ancien et celui de la vieillesse , j’ai parfois pensé à la famille « Mangeclous » d’Albert Cohen, mais le récit n’arrivait pas à se construire. Comme « la souris jaune » j’ai bien aimé les incessants coups de fil de Lounna la mère juive plus vraie que nature de Camélia. Et puis je dois souligner la scène de départ dans l’aéroport qui est vraiment très drôle. Au moment où j’écris ce billet, alors que je ne peux pas dire que j’ai lu jusqu’au bout ce roman, j’espère que plusieurs d’entre vous l’avez lu et que vous saurez m’expliquer ce que vous avez aimé dans la partie égyptienne

 

 

Citations

Quand j’ai cru à la première page que je lirai ce roman jusqu’au bout

Morte Carlotta ? Morte la sœur aînée née de la même mère ? Maman s’échauffait . Le mystère de la mort la laissait sans voix hurlait-elle, et je sus qu’elle criait en montrant toutes ses dents au téléphone. Les morts vont vite ! Le monde s’en va. ! Quoi ! apprendre la funeste nouvelles aujourd’hui samedi ? Le seul jour consacré à la partie de bridge hebdomadaire ? Voilà bien la chance de maman ! Tant pis, Dieu était grand, ce qu’il donnait d’une main il le reprenait de l’autre, bientôt il prendrait tout des deux mains…. Maman sentait approcher sa dernière heure.

Toujours sa mère

Sa liaison avec le producteur Rachid « Un musulman qui n’est même pas chrétien » fulminait Maman.

 La scène de l’aéroport sa fille de 26 ans doit écouter les conseils de ses tantes, comme tous les voyageurs car elles parlent très fort.

Je vous la confie, dit maman à l’hôtesse de l’air en charge des bagages. C’est ma fille unique et je l’aime. Surveillez la bien, elle a l’air grande du dehors mais dans sa tête elle est très petite. Il marche bien votre avion ?
Les voyageurs, écartés de force du guichet, parurent fort intéressés par les conseils des dames en noir.
– Il n’y a pas, criait tante Marcelle, tu te débrouilles et tu pousses, mais tu prends place dans la queue, pour la vie sauve si l’avion s’écrabouille en mer, Dieu préserve !
– Tu mettras immédiatement le gilet gonflant, renchérissait tante Fortunée.
-Tu n’iras pas à la toilette suspendue, disait tante Melba à cause de l’aspiration, sait-on jamais. Il n’y a pas de cannibales, au moins ? Elle jeta alentours des regard courroucé. Ah chères, j’ai lu l’article abominable, les uns mangeant les autres et tous commençant par les plus jeunes !
– Aucune boisson alcoolisée, vociférait Maman on te connaît, un verre, deux verres, trois et tu t’endors, quatre tu manques l’arrêt du Caire.
– Camélia chérie, n’oublie pas de sucer le bonbon de l’envol, conseillait tante Fortunée sinon tu retourneras tes vomissements sur les voisins.
-Tu mangeras tout, approuvait maman. Ça fait passer le temps c’est compris dans le prix, mon Dieu comme tout augmente.
– Si tu n’aimes pas la confiture disait tante Melba, garde-moi le petit pot. Ça fait dînette, on voyage par le palais, et le goût est très français.
-Boucle-la Melba, se fâchait tante Marcelle, sommes-nous des mendiants ? Tu ne vois pas que les oreilles françaises nous écoutent

Vraie question

Ils ont vendu le patrimoine des ancêtres. Un rouleau sacré par-ci, une relique du Temple de Jérusalem par là, une synagogue, quelques belles maisons du quartier juif. Les Américains raffolent des marques du passé. Ils ont acheté. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas acheté. Lequel est le plus coupable ? Celui qui achète ou celui qui vend ?

Le cimetière juif du Caire

Plus loin, deux jeunes femmes étendaient du linge entre les piliers de la nef consacrée en 1912 à un certain Isaac Pinto, le délivré, selon l’épitaphe, d’une longue vie de douleur et de solitude. À deux pas de là, un vieillard arrosait d’urine la dalle de Léda Gattegno (1903 1933) trop tôt arrachée à son juge d’époux, lequel avait mis une vingtaine d’années à la rejoindre sous le caveau où fleurissait la menthe sauvage et le persil. Des fèves cuisaient à gros bouillons dans la vasque funéraire de Simon Francis Bey, fumet exquis qui partait chatouiller les narines d’un autre pair d’Égypte, le baron Mustapha Lévy, un grand philanthrope , dit Sultana, il a beaucoup construit pour les pauvres, décédé en l’an 1948 et dont le mausolée, un petit palais baroque, s’envahissait de volailles.

Édition Le Serpent à Plumes

Merci Lyvres sans toi je n’aurais pas repéré ce roman qui est pour moi un vrai coup de cœur. J’espère à mon tour entraîner quelqu’un à lire ce livre triste et merveilleux à la fois. Cet auteur Kurdo-Syrien sait de façon unique – à mon avis- nous faire toucher du doigt ce que représente l’exil quand le pays d’origine est saccagé par la folie des hommes. Même la façon dont le roman est construit rend bien compte de ce que vit Fawas Hussain, il mêle la vie de tous les jours, donc les habitants de son HLM dans le 20° arrondissement de Paris, aux actualités télévisées qui racontent en détail l’effondrement et toutes les horreurs qui ont ravagé son pays . Avec, parfois, des souvenirs heureux du temps de son enfance. Deux rencontres avec des Kurdes, comme lui feront le lien avec ce qu’il vit aujourd’hui et son pays. J’ai souri, car c’est aussi un roman plein d’humour à la façon dont les Kurdes se saluent quand ils ne se sont pas vus depuis longtemps :

« Alors, kurde syrien, tu arrives encore à bander ou tu t’en sers uniquement pour pisser ? »

 Fawas Hussain, présente tous ses personnages par leur origine ethnique, la femme qu’il a aimé est toujours nommée comme Japonaise ou Nippone et elle est partie avec « son » Breton. Il faut dire que ces appartenances ont eu tellement d’importance dans les haines réciproques entre les Chiites et les Sunnites qui détestent les Kurdes et tous veulent chasser les Chrétiens… Pour ne pas parler des Yazidis ! Dans son HLM, on sent que les difficultés de la vie, l’argent, l’alcool les infidélités prennent le pas sur ces différences d’origines. Mais il y a une entité qui rassemble tout le monde : « la Société des HLM parisiens ». Les travaux dans sa tour HLM sont des hauts moment d’humour et d’absurdité. 

Sur le sol français et dans ce HLM les différents communautés arrivent à cohabiter et parfois à s’entre-aider. Je lisais dans un des commentaires laissé chez Lyvres que c’était peut-être une vision trop idyllique. Je ne le crois pas, car ces HLM sont dans Paris et ne constituent pas des zones de non-droit. C’est parfois violent mais rien à voir avec les phénomènes des quartiers de banlieues péri-urbaines.

Ce roman permet de se plonger dans la réalité des quartiers populaires de Paris et les souffrances crées par la destruction du Moyen-Orient. Et tout cela avec une belle dose d’humour !

 

 

 

Citations

La voisine désespérée 

Le sourire de connivence de la mère cède la place à une tristesse dévastatrice et l’inquiétude déforme ses traits. Elle m’avoue hésiter avant de monter car elle ne sait pas si on lui ouvrira la porte. Elle se débat comme une mouche prise dans la toile de quelques grosses araignées nommé Angoisse.

J’aime le style de cet écrivain 

Malgré un ciel Parisien constamment squatté par des nuages ténébreux et menaçants, je décide de quitter l’écran de la télévision pour prendre quelques vacances. Depuis le début des catastrophes à répétition en Syrie, je vis la violence qui s’exerce sur mon pays à distance, ce qui la rend encore plus cruelle que si j’y étais en chair et en os.
 

Une si grande tragédie !

L‘autocar climatisé faisait un premier arrêt dans l’oasis de Palmyre. Les passagers pouvaient acheter de quoi se restaurer tandis que le chauffeur et son aide mangeaient à l’œil en tant qu’ apporteurs de clients. Moi, par peur de tomber malade, je n’avalais rien et je me dirigeais chaque fois vers la grande colonnade, principale voie de circulation de la ville antique qui s’étire sur plus d’un kilomètre. Je passais sous l’arc monumentale où des gamins Bédoins proposaient aux touristes des promenades sur la bosse unique de leurs dromadaires. Je me pressais vers le temple de Bêl, le dieu du soleil, et me recueillais devant le sanctuaire de Baalshamin, le dieu du ciel, sans imaginer alors qu’ils seraient bientôt plastiqués par le groupe État islamique et complètement rayé du patrimoine archéologique de l’humanité.

Des destins tragiques 

Mon compatriote me ramène à notre première rencontre devant le restaurant universitaire Albert Châtelet. C’était dans les années 80, et il avait fui Saddam Hussein comme moi Assad, le père, son homologue et ennemi juré. …. Mais avec Saddam Hussein au pouvoir, il n’osait pas, à la fois comme kurde n’ayant pas fait son service militaire, et comme ressortissant d’une petite communauté comme les yézidis qu’on appelait les fayliz.. Musulmans chiites, ils avaient été déportés par le parti Baas est condamné à vivre aux alentours de Bassora. 
 

Faire venir sa mère discussion avec son ami Kurde titulaire d’une thèse sur la place de l’adjectif épithète. 

 
Si les jeunes peuvent s’adapter à leur nouvel environnement et apprendre plusieurs langues étrangères, ma mère ne supportera pas la vie en Europe. Elle vit en Syrie depuis quatre-vingts ans et elle n’a toujours pas appris l’arabe, pourtant la langue de la nation. Alors comment se mettra-t-elle au français et pourra-t-elle maîtriser le comportement de l’épithète ? Elle mourra d’ennui loin de ses filles puisqu’elle continue de les diriger d’une main de fer. Elle impose sa volonté à tout le monde autour d’elle car elle a toujours vécu comme ça et ce n’est pas Daech et un quart de million de morts en Syrie qui lui feront changer de caractère. 
Mon ami constate que je n’ai pas oublié le sujet de sa thèse et en sourit. Il passe sa main devant son visage comme pour effacer un souvenir écrit sur un tableau invisible :
« Nos deux pays sont devenus ce qu’on appelle des zones de guerre dans le jargon militaire. Comment laisser la famille à quelques kilomètres des fous d’Allah qui ne pensent qu’à une chose, égorger ? Ces hystériques s’entraînent sur des moutons et des chèvres pour mieux décapiter les hommes, tu te rends compte ?
 
 

Les passages qui m’enchantent 

Ce soir, je ne vais pas me mettre devant le vieux poste de télévision, non, je ne têterai pas le lait noir des deux mamelles déversant le malheur que sont France 24 et Al Jazeera. Oui, dimanche prochain, j’irai faire le marché, non pas pour les deux Suédoises, mais pour voir le vendeur des quatre saisons et le couvrir d’éloges à propos de la qualité de ses clémentines. Je lui demanderai comment il s’appelle pour de vrai et me présenterai à mon tour, le Syrien du 7e étage. J’espère de tout cœur que d’ici-là l’ascenseur sera réparé, non pas pour moi, mais pour tous les gens de l’immeuble. Je pense en particulier à la Kabyle nourri au miel et au couscous, avec ses pleurs de tragédie grecque et au français du quatrième, celui qui doit vérifier toutes les deux heures s’il a du courrier.