De cette auteure j’ai lu et beaucoup apprécié « la femme de l’Allemand« , je retrouve ici son sens de la nuance et la volonté de ne pas juger avec des principes moraux si répandus une situation somme toute très banale. J’ai donc suivie l’avis d’Aifelle qui voit dans ce roman une façon pour Marie Sizun de combler les manques d’une généalogie incomplète.

Un homme, Léonard, aime sa jeune femme Hulda à qui il fait cinq enfants. Il embauche une gouvernante, Livia qui deviendra sa maîtresse et qui aura aussi un enfant de lui. Cet amour à trois, sous le même toit à quelque chose de destructeur et effectivement la santé d’Hulda ne résistera pas à cette situation. L’amour ancillaire (oui la langue française à un même un mot pour décrire cela ! faut-il que cette situation soit banale !) n’est pas le seul responsable de la destruction d’ Hulda. Cette très jeune fille suédoise de la très bonne société s’est entichée d’un séducteur français qui devra divorcer de sa femme anglaise pour pouvoir l’épouser.

Ce Léonard est bien étrange, amoureux de la littérature française il devient représentant en vin et « ses affaires » le retiennent très souvent loin de sa famille. Hulda exilée à Meudon ne trouve que dans Livia la gouvernante suédoise et aussi la maîtresse de son mari, une amitié qui la réconforte.C’est un triangle infernal et Marie Sizun a beau vouloir redonner une dignité à chacun de ses personnages, j’ai vraiment eu du mal à accepter le rôle de Léonard. C’est d’ailleurs le personnage le plus faible. On ne comprend pas, l’auteure ne le dit pas, pourquoi il fait de mauvaises affaires, et quelles sont les raisons qui le poussent à être toujours aussi loin de chez lui. Ce qu’on sait de lui le rend peu sympathique à quarante ans marié à une femme anglaise dépressive, il séduit une jeune fille de dix sept ans. Puis Leonard et Hulda forment un couple presque heureux tant qu’ils sont en Suède. Ils partent en France et ce représentant en vin laisse sa jeune femme se débrouiller à Meudon sans beaucoup d’argent et gérer la grande maison de Meudon et leurs quatre enfants. De son amour avec la gouvernante, on ne sait pas non plus grand chose, le talent de Marie Sizun arrive à donner un peu de consistance au portrait de Livia.

Marie Sizun explique qu’il s’agit d’un roman d’amour, je trouve que c’est un roman de l’enfermement, j’ai étouffé dans ce triangle et j’ai regretté que personne ne renvoie à Léonard Sèzeneau son rôle de prédateur que j’ai ressenti pendant tout le roman. Hélas ! seul le frère d’Hulda , Anders, a une vision assez juste de la personnalité de Léonard, il sent le piège qui se referme sur sa sœur, mais c’est aussi un personnage falot parasite incapable d’aider quelqu’un d’autre. Je comprends bien la volonté de Marie Sizun de retrouver un sens à cette histoire qui est en partie la sienne, mais il y a trop d’éléments qui lui manquent . Elle n’a pas voulu inventer et elle s’est en tenue au plus probable et au plus digne de chaque personnages. Je suis souvent restée sur ma faim trouvant en quelque sorte qu’il y avait bien des « blancs » dans cette histoire.

 

Citations

Le professeur français séduit sa jeune élève suédoise

Comme histoire, ici, se précipite !
Hulda a-t-elle osé, elle, la jeune fille sage, se glisser parfois dans l’appartement abandonné par la malheureuse anglaise ? De quelle façon les amants se sont-ils retrouvés , en quel lieu ? Personne n’a rien vu. Toujours est-il qu’au printemps 1868 le scandale éclate, soit qu’ils aient été surpris, soit que la petite ait parlé à sa mère : elle est enceinte. Un coup de tonnerre pour la famille du banquier. Sigrid Christiansson pleure beaucoup, son mari tonne, fulmine, se désole. Comment aurait-on pu prévoir une telle inconduite de la part d’une enfant si sérieuse, si pure ? Sa fille chérie, le trahir pareillement.

Noël en Suède

On prépare Noël. La maison n’a jamais été aussi lumineuse, aussi joyeuse, car on allume à plaisir lampes et bougies, on en met partout, jusque sur l’appui des fenêtres, et c’est beau dans la nuit toutes ces fenêtres éclairées. Les enfants, les bonnes sont tout excités à l’idée de la fête. Hulda elle-même se laisse gagner par cette gaieté. Avec Livia, elle parle de décoration de table, de sapin de Noël, de cadeaux. Comme tout semble harmonieux dans la musique des airs de Noël qu’elles jouent au piano à quatre mains, la gouvernante et elle, pour la grande joie des enfants !

Le drame

– Maman n’était pas malade, intervient Isidore. Elle était juste triste. D’être ici, dans cet affreux pays, comme nous, d’ailleurs, mais plus que nous. »

Surprise par la dureté de son regard, Livia regarde le petit garçon : « Je ne sais pas, Isidore. Et c’est vrai que la tristesse peut devenir une maladie… En tout cas, de bébé Alice n’y est pour rien, et elle a comme vous perdu sa mère. Elle a besoin de vous. »
 Et à travers les mots qu’elle s’entend prononcer, dont elle voit le reflet sur le visage des quatre petits, elle éprouve elle-même singulièrement la cohésion de ces enfants là, de cette fratrie, elle sent de façon presque douloureuse la force qu’ils représentent autour du bébé tous les cinq, dans la profondeur de leur unité. Alors qu’elle, la gouvernante, n’est et ne sera jamais qu’une étrangère.

 

Traduit de l’anglais par Ch.Romey et A. Rolet revue et préfacée par Isabelle Viéville Degeorges

Ainsi donc Keiha a éprouvé un grand plaisir de lecture avec ce court roman. Je n’avais jamais rien lu d’Anne Brontë ce qui n’est pas étonnant puisqu’elle n’a pas eu beaucoup de temps d’écrire avant de mourir de la tuberculose, comme trois de ses sœurs . Son frère a préféré mourir de la drogue et sa mère de cancer quand Anne avait 18 mois. Seule Charlotte survivra mais pas très longtemps. Quelle famille et quelle horreur que la tuberculose !

Ce roman autobiographie raconte le destin d’une jeune fille pauvre et éduquée. Elle a peu de choix même le mariage est compliqué car elle n’a pas de dot. Elle peut être institutrice ou gouvernante. Anne sera gouvernante et elle raconte très bien ce que représente cet étrange statut dans une riche famille anglaise du 19 siècle. Obligée de se faire respecter d’enfants qui méprisent les employés de leurs parents et qui, par jeu ou méchanceté, refusent d’apprendre. On sent que c’est une mission impossible et que les gouvernante ont bien peu de marge de manœuvre. Mais en lisant ce texte je me disais sans cesse qu’elle avait aussi bien peu d’idées pour intéresser ses élèves en dehors de les obliger à se fier à sa bonté et à son savoir. Elle semble fort regretter de ne pas pouvoir les frapper à sa guise. Du moins dans la première famille. Dans la deuxième, elle partage la vie d’une jeune beauté qui veut se marier mais qui auparavant exerce ses talents de séductrice sur tous les hommes du village dont le jeune vicaire qui a touché le cœur de la gouvernante. Je suis désolée Keisha mais cette romance sous l’autorité et la bénédiction de l’église est d’un ridicule achevé. La collection Arlequin fait dans le hard à côté de cette histoire d’amour. Sans l’analyse du rôle de la gouvernante dans la bonne société anglaise ce roman n’a aucun intérêt mais, il est vrai, que c’est bien le sujet principal du roman. Pour le style, on savoure l’imparfait du subjonctif et les tournures vieillottes. J’ai plus d’une fois été agacée par ce procédé de style dont elle abuse du genre :

Pour ne point abuser de la patience de mes lecteurs, je ne m’étendrais pas sûr mon départ. …. 
J’avais envie de lui dire, « et bien si, étends-toi ou alors n’en parle pas ! »

Citations

L’éducation britannique

Quelques bonnes tapes sur l’oreille, en de semblables occasions, eussent facilement arrangé les choses ; mais, comme il n’aurait pas manqué d’aller faire quelque histoire à sa mère, qui, avec la foi qu’elle avait dans sa véracité (véracité dont j’avais déjà pu juger la valeur), n’eût pas manquer d’y croire, je résolus de m’abstenir de le frapper, même dans le cas de légitime défense. Dans ses plus violents accès de fureur, ma seule ressource était de le jeter sur son dos et de lui tenir les pieds et les mains jusqu’à ce que sa frénésie fût calmée. À la difficulté de l’empêcher de faire ce qui ne devait pas faire, se joignait celle de le forcer de faire ce qu’il fallait. Il n’y arrivait souvent de se refuser positivement à étudier, à répéter ses leçons et même à regarder sur son livre. Là encore, une bonne verge de bouleau eût été d’un bon service ; mais mon pouvoir étant limité, il me fallait faire le meilleur usage possible du peu que j’avais.

Le statut de gouvernante

Je retournai pourtant avec courage à mon œuvre, tâche plus ardue que vous ne pouvez l’imaginer si jamais vous n’avez été chargé de la direction et de l’instruction de ces petits rebelle turbulent et malfaisants, qu’aucun effort ne peut attacher à leur devoir, pendant que vous êtes responsable de leur conduite envers des parents qui vous refusent toute autorité. Je ne connais pas de situation comparable à celle de la pauvre gouvernante qui, désireuse de réussir, voit tous ces efforts réduit à néant parce qu’ils sont au-dessus d’elle et injustement censuré par ceux qui sont au-dessus.

 

j’ai encore une fois trouvé cet auteur sur la blogosphère et je m’en félicite. Il se trouve que je l’ai lu deux fois car j’ai été isolée dans un endroit avec ce seul livre comme lecture possible, alors comme autrefois dans ma jeunesse, j’ai relu ce livre tout doucement pour ne pas le finir trop vite.Et j’ai été très sensible à la langue et par moment une réflexion sur les mots, ceux venant du patois comme « empurgué » qui désigne à la fois la naissance et la mort. Telle une tragédie antique le roman tient en une journée de 1961. Mais finalement la clé du livre est donnée dans un court texte qui lui se passe 2011 et raconte un fait historique peu connu de 1940 dans la ligne Maginot le combat et la résistance de l’armée française à Schœnenbourg . Le roman évoque un petit village d’Auvergne c’est l’époque du remembrement et de l’arrivée de la télévision. Des personnages complexes que l’on ne peut pas juger facilement. Un geste héroïque d’un père qui sait depuis 1940 ce que veut dire la guerre. Et enfin un moment de notre histoire très mal racontée par nos livres d’histoire et très déformée dans notre inconscient collectif : la ligne Maginot. Nous suivons d’abord les pensées d’Albert qui n’a jamais su trouver les mots pour raconter sa guerre à ses enfants. Il sait une chose Albert, il ne veut pas de la modernité que sa femme aime tant. Et le remembrement qui s’annonce signifie pour lui la fin de son monde car il se sent plus paysan qu’ouvrier chez Michelin. Puis les pensées de Gilles, ce petit bonhomme de CM2 qui a trouvé dans les livres sa raison de vivre et qui, ce jour là, est plongé dans « Eugénie Grandet ». En cheminant dans ce roman trop difficile pour lui, il ouvre peu à peu les portes de la compréhension de la vie. C’est merveilleusement raconté. Et puis il y a la belle Suzanne, la mère d’Henry soldat en Algérie né avant la guerre 39/45 et de Gilles né après. C’est la femme d’Albert qu’elle a cessé d’aimer.

Tout le roman tourne autour de l’arrivée de la télévision car l’émission phare de la seule chaîne alors diffusée « 5 colonnes à la une » consacre un reportage aux soldats d Algérie. Henry est interviewé à l’occasion. Sa mère ne manquerait pour rien au monde ce moment de revoir son fils. Les conséquences seront tragiques.
Il y a aussi la mère très âgée qui perd parfois la tête, et la sœur d’Albert qui a choisi la modernité et le communisme.
Voilà donc un moment de vie dans la campagne en 1961 et pour moi la découverte d’un écrivain qui a su évoquer en une seule journée trois guerres, celle de 14/18, le père d’Albert en est revenu victorieux, celle de 39/45 dont Albert est revenu muet et vaincu et celle d’Henry son fils qui risque sa vie même si personne ne comprend très bien ce qu’il fait dans ce pays si lointain. Je sais que ce roman restera gravé dans ma mémoire et que je ferai de nouveau confiance à cet auteur pour m’embarquer dans son univers .

Citations

Explication du titre

In extremis, il réussit à ravaler ses pleurs sous ses paupières et à les manger dans ses yeux. Ça le brûlait tellement qu’au moment où il les rouvrit il crut avoir perdu la vue. Il n’en revenait pas de ce séisme au-dedans, lui qui ne versait jamais une larme, pas même aux enterrements, pas même à l’enterrement de son père. Un homme qui pleure, ça n’avait pas de sens. Sauf parfois les vieux. Il avait déjà remarqué que, à partir d’un certain âge, les hommes n’hésitaient pas à sortir leur mouchoir, pour presque rien. Il se souvenait du père Pelou qu’il avait aidé, il y avait plusieurs années de cela, à retourner la terre de son potager. L’homme avait été une force de la nature mais, après de 80 ans, il n’avait plus un muscle dans les bras et, malgré son grand âge, il devait encore nourrir un fils impotent que le reflux de 14 lui avait ramené comme un un déchet. Incapable de le remercier du service rendu, le vieil homme s’était mis à trembler comme une feuille. C’était son corps tout entier qui pleurait sans pouvoir s’arrêter. Et pourtant Dieu sait qu’il n’avait pas été tendre dans sa vie celui-là, surtout pas avec sa femme, une sainte, qui s’epuisait à s’occuper de leur fils unique condamné à vie dans sa chaise roulante. En vieillissant les hommes pleurent. C’était vrai. Peut-être pleurait-il tout ce qu’il n’avait pas pleuré dans leur vie, c’était le châtiment des hommes forts.

Un fait historique peu connu

Je suis allé plusieurs fois visiter le fort de Schœnenbourg pour écouter ce silence de la plaine. À un moment, il faut renoncer aux mots et donner les chiffres. Seulement 22000 soldats français ont vaincu 240 000 Allemands en Alsace et en Lorraine, et seulement 85000 autres soldats français alpin dans leurs alpins dans leurs champignons de béton ont arrêté près de 650000 Allemands et Italiens. Pas un ennemi n’est passé sur la ligne Maginot, tant que des soldats sont restés à leur poste. Pas un ! Et quand l’armistice entra en vigueur le 25 juin, les soldats ne capitulerent pas pour autant, et continuèrent à se battre comme des chiens ou comme des dieux. Ils voulurent vaincre ici, puisque ailleurs tu t’étais déjà perdu, uniquement pour l’honneur de leur père et surtout pour faire la preuve non pas de leur courage (ils étaient bien trop humbles pour ça), mais de l’efficacité du plus grand projet de fortification jamais pensé ni réalisé, ni égalé en Europe et qui les avait rendu invincibles eux- mêmes. Le muscle de béton avait parfaitement joué son rôle et tenu ses promesses, et même au-delà. Si le haut commandement avait fait son travail au nord, donné les ordres au bon moment, ou si la Belgique avait opté pour un prolongement de la ligne Maginot sur ses frontières à l’est au lieu de préférer la naïve neutralité qui leur a coûté beaucoup plus cher en vies humaines, le cours de l’histoire eût été tout autre.

Les Américains en 1918 et Maginot

Fini, enfin, d’appeler à notre rescousse ces américains si mal élevés qui refusaient que leurs soldats noirs participent aux célébrations de la victoire. Saviez-vous que ce sont les paysans français qui sont allés chercher les soldats noirs dans leur caserne où leurs maîtres blancs les avaient bouclé à double tour. Et, malgré le règlement américain, ces mêmes paysans ont jeté ces esclaves dans les bras de leurs filles pour danser sur les places de tous les villages. Ils ont aimé l’accordéon, ces noirs qui ne connaissaient que le jazz. Pourquoi croyez-vous que la France fut une terre bénie pour les jazzmen qui arrivèrent à Paris au moment où Maginot justement réfléchissait à la façon d’éviter que le massacre recommence un jour ? Le jazz, c’est la musique de l’idéal, le blues, c’est la musique du spleen. Ça jouait du jazz partout, et l’armée cherchait aussi à sa façon à faire écho à cet idéal. Enfin, toutes ces raisons additionnées donnaient une réponse claire, il fallait éviter qu’un jour autant d’hommes meurent pour sauver leur pays. Après tout, ce n’est pas aux hommes de sauver leur pays, c’est au gouvernement. Maginot en était convaincu.

J’aime réfléchir sur les mots

 Mais est-ce que ça pouvait vraiment être ça le bonheur ? Il chercha dans le dictionnaire , qu’il avait aussi emprunté à son frère , l’étymologie de ce mot . Il découvrit que le bonheur n’était pas cet état de béatitude qu’il avait imaginé, le bonheur était un présage, le présage du bien, comme le malheur était le présage du mal. C’était juste une promesse.

Le charme du patois

Albert connaissais aussi le miracle de cette langue ancienne des paysans ou le feu meurt à tout jamais, alors que les hommes s’éteignent pour naître dans la mort. On ne disait pas que quelqu’un était mort, on disait qu’il s’était éteint puis « empurgué ». Le mot oublié remonta en lui pour le consoler. L’Empurgar ! Le seul mot qui désignait en patois la naissance dans la mort, un mot gaulois sûrement, qui n’existait pas en français, le seul mot qui devait apaiser Madeleine en secret.

Le plaisir des livres

Eugénie Grandet était le premier grand roman qu’il lisait, sans savoir que c’était un grand roman. Dès les premières lignes, sa confiance en ce qui était écrit grandit au fur et à mesure de sa lecture. Dans le livre, on ne parlait pas comme chez lui, à part Nanon peut-être, qui parlait un peu comme sa grand-mère. Les phrases étaient comme des routes de montagne avec des virages qui s’enchaînent les uns aux autres et au bout desquels se révèlent des paysages magnifiques. Elles étaient compliquées, même ardues quelquefois et, malgré cette difficulté, il comptait bien aller jusqu’au bout du livre. Les pages étaient encore scellées entre elles et, à l’aide du canif que son père lui avait offert, il coupait les pages les unes après les autres avec un plaisir équivalent à celui d’un explorateur obligé de couper la végétation pour se frayer un chemin dans une forêt épaisse et noire, attaqué lui aussi par les mouches qui se multipliaient dans la chaleur.

Découverte du roman de Balzac et les pleurs d’un homme.

Le cousin d’Eugenie était inconsolable. Gilles, plongé dans un nouveau chapitre du roman, chassait machinalement les mouches qui brouillaient les lignes noire et genait sa lecture. Charles venait d’apprendre la mort de son père. C’était pour l’éloigner du drame que le vieil homme ruiné l’avait envoyé à Saumur, chez son oncle. Il était perdu, le pauvre garçon. Ninon, la bonne à tout faire, et Eugenie cherchaient par tous les moyens à soulager la peine de ce jeune homme si différent de tout ce qu’elles connaissaient , et qui n’arrêtait pas de pleurer. Ça, c’était curieux. Gilles savait qu’un enfant pouvait pleurer, que sa mère pleurait quand elle lisait les lettres d’Henri, mais un homme ! Charles Grandet était un homme déjà. Gilles n’avait jamais vu son père pleurer, ni aucun homme autour de lui, pas même Henri. Alors, de quoi était fait ce Charles qui s’effondrait des nuits entières, comme une fille, écrasé dans ses oreillers ?

 

Traduit de l’anglais … je ne peux pas vous dire par qui car ce n’est pas indiqué sur mon livre (et c’est bien la première fois !)

J’ai trouvé ce petit livre de poche dans une vente de livres d’occasion et sans les propos que j’ai souvent entendus à propos de la beauté des nombres premiers en mathématiques je ne l’aurai pas lu. Merci, à ma plus jeune fille professeur de mathématiques d’avoir ouvert ma curiosité à une science si éloignée de mes préoccupations habituelles. Ce roman est une petite merveille car il va promener son lecteur dans l’histoire des nombres et surtout la difficulté de démontrer les choses les plus simples. Tout tourne souvent dans la théorie des nombres sur les nombres premiers. Ma science étant toute fraîche, je vous rappelle qu’un nombre premier n’est divisible que par un et par lui même. Depuis des plusieurs siècles de grands savants veulent démontre la conjecture de Goldbach à savoir :

Tout nombre pair supérieur à 2 est la somme de deux nombres premiers.

Ce roman a donné l’occasion d’un lancement original : paru en 2000 en Grande-Bretagne, la maison d’édition anglaise a promis 1 million ds dollars à celui qui apporterait la démonstration de la conjecture avant 2002 … la somme n’a jamais été réclamée !

Doxiadis choisit de nous raconter les mathématiques grâce à un jeune étudiant, le narrateur, neveu d’un génie son oncle totalement rejeté de sa famille. Petros, cet oncle, qui fut un enfant précoce et génial en mathématiques est devenu la brebis galeuse de la famille car il n’a rien fait de ses talents. Tout cela parce que la seule chose qu’il ait jamais voulu prouver c’est la fameuse conjecture de Goldbach. Le père du narrateur, le frère de Petros essaie d’inculquer à son fils la seule ligne de conduite qui lui semble porteuse d’une vie réussie bien loin de la folie de son frère

Le secret de la vie, c’est de se fixer des buts accessibles, des buts plus ou moins difficiles au gré des circonstances, selon son tempérament, ses aptitudes, mais toujours ac-ces-si-bles ! Je me dis que je ferai bien s’accrocher le portrait de Petros dans ta chambre avec l’inscription : EXEMPLE À ÉVITER.

Mais interdire des études n’empêcheront évidemment pas le narrateur de s’y lancer et d’essayer de comprendre son oncle. Commence alors le voyage vers les hautes sphères des mathématiques et la connaissance de savants aux cerveaux les plus brillants de notre époque. Hélas ! ceux-ci se révèlent souvent un peu, ou complètement fous et si peu équilibrés dans leur vie personnelle que cela ne donne pas envie de les suivre. Surtout que les coups bas entre eux ne grandissent pas leur image. Cependant la « presque » découverte de la solution est enivrante et on est pris par la recherche de Petros que l’on comprend de mieux en mieux. Le roman est bien construit, car si l’on sait que cette conjecture n’a pas été découverte, la façon dont l’auteur termine son enquête est très intelligente. Petros est-il devenu fou à force de se confronter aux nombres de façon de plus en plus abstraite et surtout de façon de plus en plus solitaire ou avait-il trouvé la solution.

La lecture de ce roman s’adresse à tout le monde, évidemment on ne comprend pas tout mais les passages qui demandent de réelles capacités mathématiques n’enlèvent rien à l’intérêt du roman. Je n’ai aucune réserve sur ce livre, car il correspond à ce que j’attends : un voyage vers des contrées complètement inconnues (les nombres premiers) un suspens bien mené, et des caractères de personnages complexes. On aurait pu penser que la grande intelligence rend les hommes meilleurs, mais non l’oncle Petros est avant tout un homme pétri d’orgueil et malmène son neveu de façon peu sympathique, sans pour autant avoir complètement tort.

 

 

 

Citations

Urgence des découvertes en mathématiques

Petros se rappelait de consternantes données statistiques : dans la longue histoire de cette discipline, personne n’avait jamais rien découvert de notables passé trente cinq ou quarante ans.

Les tourments des mathématiciens

L’absence apparente de tout principe infaillibles pour la distribution ou la succession des nombres premiers tourmente les mathématiciens depuis des siècles et rend particulièrement fascinante la théorie des nombres. C’était là que résidait le plus grand mystère de tous, le seul digne d’une intelligence hors pair : les nombres premiers étant les éléments de base des entiers et les entiers la base de notre compréhension logique du cosmos, comment admettre que leur forme ne soit pas déterminée par une loi ? Pourquoi la géométrie divine ne se manifeste-t-elle pas en l’occurrence ?

Les mathématiques

Les mathématiciens éprouve le même plaisir dans leurs études qu’un joueur d’échec dans une partie. En réalité, l’attitude psychologique d’un véritable mathématicien est plus proche de celle d’un poète ou d’un compositeur, c’est-à-dire de quelqu’un qui a affaire avec la création de la beauté, qui recherche l’harmonie et la perfection. Il se tient exactement aux antipodes de l’homme pratique, de l’ingénieur, du politicien ou de l’homme d’affaire.

 

Naître mathématicien

Cependant, je tirai de cette séance un profil supplémentaire inespéré. Mes derniers scrupules sur le bien-fondé de ma décision de renoncer aux mathématiques ( en sommeil toutes ces années) s’évanouirent en un clin d’œil. Assister à l’exposé de mon oncle confirma pleinement que je ne m’étais pas trompé. Je n’étais pas fait du même matériau que lui, point final. Face à l’incarnation de tout ce que je n’étais pas, j’étais foudroyé par la vérité de la vieille scie :  » Mathematicus nascitur non fit ».  » On naît mathématicien, on ne le devient pas ». Je n’étais pas né mathématicien et j’avais bien fait de briser là.

 

 

Traduit de l’anglais Etats-Unis par Aline AZOULAY

 

Un article sur le blog de Keisha m’a conduite à m’intéresser à cette auteure. J’attendrai que sa trilogie (Un siècle américain) soit traduite entièrement pour la lire, car je n’ai pas cette cette chance incroyable de pouvoir lire en anglais. (Heureusement les traducteurs, en l’occurrence pour ce roman une traductrice, font un excellent travail !). Je suis donc partie dans la vie de Margaret Mayfield de 1883 à 1942. Et n’en déplaise à certaines que je ne nommerai pas, le roman commence par la fin grâce à un prologue qui devrait plutôt se nommer « post-logue » nous sommes en 1942 pendant quelques pages. Nous sommes dans un lieu où des Japonais ont été regroupés aux Etats-Unis car ce pays est en guerre contre le Japon. Si leurs conditions de vie ont peu de choses à voir avec les camps japonais ou nazis, ce sont quand même des conditions de vie très rudes où l’humanité a peu de place. Ensuite nous suivons cette Margaret et surtout sont très curieux mari le capitaine Early. Voici un personnage fort intéressant et peu souvent l’objet de romans. Il s’agit d’un scientifique raté, les deux termes sont importants, il est vraiment scientifique et fait des recherches incroyables et parfois à la limite du génial, mais raté car ses convictions l’emportent sur la raison. Il passera une grande partie de sa vie à dénoncer les erreurs d’Einstein et essaiera de convaincre la communauté scientifique de son charlatanisme. Il se mettra à dos tous ses confrères scientifiques et fera le malheur autour de lui. Margaret sent que son mari ne tourne pas très rond, mais elle a peu de moyen de le contredire, une seule personne pourrait l’aider la mère du colonel Early, malheureusement celle-ci disparaîtra dans le séisme de San-Francisco

Après la mort de sa mère Andrew Early m’a plus aucun frein à sa mégalomanie. Evidemment il trouve sur sa route des disciples pour flatter son ego et la tristesse de la vie de son épouse est accablante, surtout que celle-ci n’a pas pu avoir d’enfant. Je ne suis pas surprise que Jane Smiley ait écrit une trilogie de l’histoire américaine car dans ce roman déjà , les personnages sont très ancrés dans l’histoire des Etats-Unis. C’est d’ailleurs un ressort important de ce roman. La personnalité de Margaret m’a laissée assez froide, je comprends mal sa passivité ou son peu d’intérêt pour son mari . Je trouve que cet entre deux est agaçant, elle ne mène pas sa propre vie le titre français le dit assez bien elle est « à part » .

 

Citations

Portrait d’un américain le grand père du personnage principal à la fin du 19 siècle prononcé par le prêtre à sa mort.

John Gentry fit son entrée dans l’état du Missouri assis à l’arrière d’un chariot. Enfant du Sud, il prouva son patriotisme à une nation élargie et gagna le respect des deux parties.
 — Certes, mais le fusil à la main, murmura Lavinia.
Il prit soin de ses esclaves et, après ça, de ses domestiques, de ses ouvriers agricoles, de ses mules, de ses arpents, de ses chevaux, de ses filles et de ses petites filles. Il continua à entretenir des rapports avec ses amis et ses relations des deux camps, ce que l’on ne saurait dire de beaucoup de Missouriens. Et ainsi, il prit soin de son âme. Aussi, nous comptons bien le retrouver là-haut, où il est certain qu’on lui a déjà attribué quelques charges.

Coïncidence

Je viens de regarder un documentaire à propos de Tesla cela correspond à l’idée que j’avais de lui .
-Que pensez-vous de Tesla ?
Nikola Tesla ! Enfin du véritable talent, quoique européen jusqu’à l’os. Vous l’avez rencontré ? Oui.
Un homme étrange, reprit Andrew. Bavard. Il vous interrompt sans cesse pour développer ses idées. Il ne vous écoute pas, en fait, même si vous comprenez parfaitement ces idées et que vous en avez une meilleure à lui exposer.

Le mariage

Personne ne lui avait jamais dit ce qu’elle avait appris au fil des années, que le mariage était usant et terrifiant.

 

Le choix d’une épouse et le sort des femmes.

C’était lors de ce printemps-là qu’il lui avait fait sa demande, finissant par se conformer au choix de sa mère d’épouser une vieille fille du coin, inoffensive mais utile, qui pourrait prendre soin de lui. Margaret réfléchit un instant. Elle était certaine que Lavigna avait été au courant, et que les deux mères avaient communiqué à son insu. Avait-elle perçu que Margaret n’était pas dépourvu de cette fierté missourienne que possédait Andrew ? N’avait-elle alors songé qu’à la précipiter dans ce piège ? Sans doute. Lavinia n’avait jamais envisagé que les aspects pratiques du mariage. L’amour est toujours le premier acte d’une tragédie, disait-elle. Lavinia l’avait envoyée porter des châles et des plats à des dames solitaires et dépendantes pour lui montrer ce qu’était la vie d’une vieille fille : jeune, vous deviez rendre service à tout le monde, et une fois vieille, vous attendiez patiemment qu’on vous vienne en aide.

Phrases finales d’une femme qui est passée à côté de sa vie.

Je me rends compte que je m’en souviens à présent que j’ose y penser . Il y a tellement de choses que j’aurais dû oser.

Traduit de l’espagnol Vanessa Capieu

J’ai tellement aimé « une mère » que je n’ai pas hésité à lire ce roman, j’aurais dû me méfier, j’ai beaucoup de mal à comprendre l’amour absolu des maîtres pour les chiens. Je comprends très bien que l’on aime bien son animal de compagnie et qu’on le traite bien, mais j’aime qu’il reste un animal et non pas le substitut d’une personne. Ici, c’est le cas, le chien devient le remplaçant de l’être aimé et aussi bien pour la mère que pour toute la famille le deuil d’un chien semble équivalent à la mort d’un être humain. On retrouve dans ce récit le charme d’ « Une mère » et certains passages sont drôles. Mais l’effet de surprise n’existe plus on sait qu’Amalia ne perd la tête qu’en apparence et qu’elle veut surtout que ses trois enfants connaissent une vie plus heureuse que la sienne. Ce qui n’est pas très difficile. Ses efforts pour trouver un nouveau compagnon à son fils sont souvent aussi drôles qu’inefficaces. Elle s’est mise en tête que cet homme doit être Australien, blond, vétérinaire et gay évidemment ! pas si simple à trouver mais cela ne l’empêche pas de chercher et de poser des questions étonnantes à tous les Australiens (ils sont heureusement peu nombreux !) êtes vous Vétérinaire ? êtes vous homosexuels?et inversement aux homosexuels ; êtes vous vétérinaire …

Bref un roman assez drôle mais qui reprend trop les effets du premier roman, je me suis donc beaucoup moins amusée.

Citations

Mort d’un chien

Cette impossibilité à définir, ce trou noir d’émotion, fait de sa mort des limbes étranges dont il est difficile de partager l’intensité, parce que pleurer un chien, c’est pleurer ce que nous lui donnons de nous, et qu’avec lui s’en va la vie que nous n’avons donnée à personne, les moments que personne n’a vu. Lorsque s’en va le gardien des secrets, s’en vont également avec lui les secrets, le coffre, le puzzle rangé dedans et aussi la clé, et notre vie en reste tronquée.

 

 Un éclat de rire

(Pour le comprendre vous devez savoir qu’Amalia qui perd un peu la tête essaie de cacher à sa fille -très écolo- qu’elle est encore tombée assez rudement par terre sans les protections que celle-ci lui a fait acheter. La serveuse Raluca d’origine chinoise avait donc donné à Amalia des torchons remplis de glaçons parce que ses genoux sont couverts de bleus)

« Alors tu veux pas torchon ? »
 Nouveau sourire de maman. Sylvia pousse un feulement et Emma un haussement d’épaules.
« Non, ma fille, répond maman. J’en ai plein chez moi, je te remercie. Maintenant que je sais que tu en vends, à si bon prix, en plus, je te les prendrais à toi quand j’en aurai besoin. C’est promis. Je n’irai plus les acheter au marché. »
 Et comme Raluca reste plantée là sans rien comprendre, le plateau en l’air, manifestement prête à demander des précisions que maman n’est pas le moins du monde disposée à donner, et que Sylvia ouvre de nouveau la bouche, elle ajoute :
« Et si tu as des culottes, mais des organique, hein dis-le moi surtout. Tu sais, précise-t-elle avec un clin d’œil entendu, de celles qui font le ventre plat. »
Silva et Raluca se regardent et Emma, qui bien sûr est tout autant perdue que Sylvia, baisse la tête et se passe le main sur le front.

Traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye.

Repéré chez Blogart , je pensais vraiment tomber sous le charme de ce roman, mais ma lecture fut beaucoup plus laborieuse que la sienne. La construction du roman est originale : l’auteur scrute cette photo prise pendant la deuxième guerre mondiale et anime ces personnages statiques en leur donnant une personnalité enrichie de ses connaissances historiques.

 

Ce départ est vraiment très intéressant  : vous voyez ces deux jeune filles, l’une d’elles regarde des hommes en uniforme allemand. Tout le drame de la Slovénie est dans ce regard. Voici donc la jeune Slovène, Sonja, qui sait que son amour, Valentin, est dans les geôles de la Gestapo qui est dirigée par un Slovène, Ludek, fervent militant de l’idéal Nazi. Il est plus allemand que n’importe quel soldat de la Wehrmacht. Pour cela, il oublie son identité slovène et veut se faire appeler Ludwig. Contre les faveurs de la jeune fille, il acceptera de libérer son amoureux que nous suivrons dans les maquis de la résistance yougoslave. Aux horreurs nazies s’opposent les horreurs des maquisards, la population est broyée par des brutes sanguinaires qui se méfient de tout le monde. Que reste-t’il de l’âme d’un peuple lorsque de telles logiques totalitaires se mettent en place ? Pas grand chose, des bribes de poésies qui hantent encore les mémoires et parfois des personnages qui gardent leur humanité, mais ils sont si seuls. C’est un roman désespérant et difficile à lire car on change souvent de point de vue, les mêmes faits se répètent racontés par des personnages différents. Et puis parfois, les faits décrits sont tout simplement insoutenables, comme les assassinats par les communistes de pauvres gens qui n’ont que le tort d’être là au mauvais moments, comme les tortures dans les geôles nazies. Personne n’est à l’abri, surtout quand on commence à penser que les espions peuvent être partout. Ce roman montre, une fois de plus que lorsque l’horreur s’abat sur un pays personne n’en sort indemne contrairement aux versions officielles construites par les vainqueurs.

Citations

Traitement des prisonniers par les SS

Il s’agit de creuser des tombes pour les fusillés

Là il y a des hommes condamnés définitivement qui purgent une peine de prison ça pourrait se faire. Et les prisonniers de guerre du camp de Melje. Les Anglais ? demanda quelqu’un à travers un nuage de fumée. Ça n’ira pas. Ça ne peut absolument pas être des Anglais, d’après la convention de Genève, les prisonniers de guerre anglais ne peuvent pas faire ce travail. Mais on a des Russes, eux, on peut les utiliser.

Un pays en guerre

Mais même si c’était la guerre et si les informations toujours plus mauvaises, parfois même terrifiantes se bousculaient, les gens vivaient leur vie de tous les jours. Dès que les sirènes s’arrêtaient de hurler et des bombes de tomber, ils allaient au théâtre et au cinéma ou avant chaque film on passait une revue hebdomadaire, Wochenshau, où des militaires en tanks que déboulaient toujours plus superbement dans les plaines polonaises et défendaient la frontière occidentale de l’invasion des Barbares, d’autres allaient aux expositions à Paris et mangeaient des croissants dans les café en compagnie de femmes, d’autres encore faisaient tourner les roues des canons et leurs obus déchiraient le ciel nocturne au-dessus de l’Allemagne et battaient les avions qui apportaient la mort avec leurs bombes. C’était la guerre, en ville, la vie continuait, on obtenait de la nourriture avec des cartes de rationnement, les trafiquants du marché noir gagnaient de l’argent grâce à la viande qu’ils rapportaient des fermes environnantes, les bureaux travaillaient impeccablement, les travailleurs continuaient à sortir de l’usine. On ne savait pas on ne voulait pas savoir ce qui se passait dans les bureaux où aller travailler Ludwig Mischkolnig et Hans Hochbauer ni dans les caves où Johann retroussait ses manches.

L’amour et la guerre

L’amour triomphe de la distance, l’amour triomphe de tout. Sauf de la guerre. La guerre triomphe de tout, même de ceux qui se battent. Et de ceux qui attendent que ça passe.

Le militant le courage en temps de guerre.

Avec une mitrailleuse, au-dessus de Vitanje, il avait tenu la position tout un après-midi dans la neige de sorte qu’on avait pu se replier. Un combattant, un fou. Peut-être qu’il n’aurait pas dû devenir chef du renseignement. Un communiste. Un idéaliste. Mais entre l’idéalisme et le sadisme, la voie est parfois étroite, estimait Vasja, le sadique est celui qui sait quel démon il a en lui.

 

Traduit de l’anglais (Australie) par Johan-Frederik Hel Guedj.

Personne ne peut sortir indemne de ce roman. Les horreurs du racisme y sont décortiquées avec une telle minutie que, plus d’une fois, cela m’a demandé un énorme courage pour aller au bout de ma lecture. J’ai suivi les avis de Krol, Aifelle, Cuné et je vous conseille de lire ou relire leurs billets, elles disent tout le bien que je pense de ce roman hors du commun

La construction participe au ralentissement de la lecture, nous suivons des destins très différents mais qui finalement vont se retrouver dans la scène finale : le médecin oncologue, une jeune femme noire Ayesha Washington, l’historien Adam Zignelik, l’homme de ménage de l’hôpital, Lamont Williams, ils sont ensemble sur un trottoir de New York et il aura fallu 800 pages à Elliot Perlman pour tisser tous les liens qui réunissent tous les personnages de son roman durant un siècle et, parfois, sur deux générations . Adam, l’historien australien vit une crise dans son couple et n’arrive pas à se motiver pour un nouveau sujet de recherche indispensable à sa carrière universitaire. Il est le fils de Jack Zignelik qui a fondé avec son ami William Mc Cray le mouvement pour les droits civiques aux États Unis. Il travaille à la prestigieuse université de Columbia sous l’autorité de Charles Mc Cray fils de William. Asheha Washington est la petite fille d’un vétéran de la deuxième guerre mondiale qui a participé à l’ouverture des camps de concentration. Or, le rôle des soldats noirs pendant la guerre 39-45 a largement été ignoré par l’histoire officielle américaine.

Voilà donc un beau sujet de recherche pour Adam Zignelik en panne d’inspiration et au bord de la dépression, en tout cas c’est ce que pense William Mc Cray qui reproche à son fils Charles de ne pas assez soutenir Adam pour qu’il garde son poste à l’université de Columbia. Charles est marié à Michelle une assistante sociale noire, qui adore sa grand-mère. Et nous revoilà avec Lamont Williams car Michelle est sa cousine qui, en ce moment vit chez ladite grand-mère. Lamont a réussi à décrocher un emploi comme homme d’entretien à l’hôpital où travaille Asheya Washington et s’il réussit sa période d’essai, il pourra enfin tirer un trait sur la prison où il est resté six ans pour un cambriolage qui a mal tourné. Or, il n’a fait que conduire la voiture sans connaître les projets de ses amis ni surtout savoir que le plus jeune était armé. Au bout de six ans sa femme n’est plus là, elle a disparu avec leur petite fille. Il lui faut donc absolument satisfaire sa période d’essai à l’hôpital pour pouvoir avoir une chance de gagner sa vie et prouver aux services sociaux qu’il est stable. Sa grand-mère l’accueille car elle sait que Lamont est un brave garçon.

Toutes les difficultés de ce jeune noir, permettent à l’auteur de montrer à quel point il suffit de pas grand chose pour qu’un noir fasse de la prison aux Etats-Unis, avec un bon avocat Lamont aurait pu s’en tirer. Celui-ci rencontre à l’hôpital un rescapé d’Auschwitz, Monsieur Mandelbrot, il appartenait aux Sonderkommandos et connaît donc ce qui s’est passé dans les camps . Nous voilà donc au sommet de l’horreur au 20° siècle. Les conversations de ces deux hommes tissent entre eux des liens personnels si bien qu’avant de mourir cet homme lui donne ce qu’il a de plus précieux son hanoukkia, chandelier juif en argent. Lamont est accusé de vol, mais pour sa défense il raconte ce que cet homme lui a confié sur Auschwitz et l’historien Adam Zignelick assure que Lamont n’a pas pu découvrir cela tout seul, car une partie de ce récit était sur des enregistrements qu’il vient juste de découvrir.

Ces enregistrement faits en 1946, par de rares rescapés des camps avaient été complètement oubliés. Adam qui a vécu en Australie avec sa mère, est le fils d’un homme qui a lutté toute sa vie pour les droits des noirs aux Etats-Unis et cela permet à Elliot Perlman de rappeler certaines souffrances des noirs dans les années 50 et 60, aujourd’hui encore les noirs Américains souffrent de graves discriminations. Et finalement ? Est ce que des troupes noires ont participé à la libération des camps de concentration ? et bien oui, et c’est le grand père de Asheya Washington, l’oncologue qui soignait Monsieur Mandelbrot qui pourra en témoigner. Ne croyez pas que j’ai tout raconté, il y a encore bien des histoires qui s’emboîtent dans ce récit, et elles ont toutes une fonction dans le récit. On est souvent très ému et comme je le disais en commençant c’est avec appréhension que l’on continue la lecture de ce roman inoubliable.

Citations

Le passage où on trouve le titre

La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laissera ni convoquer ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous. Elle vous nourrit comme elle se repaît de vous. Elle s’invite quand elle a faim, pas lorsque c’est vous l’affame. Elle obéit à un calendrier qui n’appartient qu’à elle, dont vous ne savez rien. Elle peut s’emparer de vous, vous acculer ou vous libérer. Vous laissez à vos hurlement ou vous tirer un sourire. C’est drôle parfois, ce qu’on peut se rappeler.

Récit des événements de Little rock  : Elizabeth Eckford, noire, seule face à la foule, blanche raciste.

Elizabeth Eckford se dirigea vers tous ces gens et, au début du moins, cette portion de la foule qui était la plus proche d’elle recula, s’éloigna d’elle, un peu comme s’ils craignaient d’attraper quelque chose à son contact. En restant trop près, on risquait peut-être de devenir ce qu’elle était. Les gens vous dévisageraient. Rien qu’en vous retrouvant dans cette partie de la foule, tout près d’elle,, vous risquez de vous faire remarquer. Vous n’êtes pas venu là dans l’espoir de vous singulariser. Vous n’êtes pas là pour ça. Et pourtant, maintenant, vous risquez de vous singulariser. Sans que ce soit votre faute. Vous avez donc intérêt à vous débrouiller pour que tout le monde autour de vous sache quel camp vous vous rangez en réalité. Vous la haïssez. Vous la haïssez autant que tous les gens de cette foule la haïssent. Vous la haïssez peut-être même encore plus. En se tenant là, près de vous, elle vous met particulièrement mal à l’aise, plus en plus mal à l’aise que les autres, et ce qu’ils ressentent, c’était ce que vous ressentiez il y a encore quelques instants, avant qu’elle ne vous choisissent, vous, en vous mettant particulièrement mal à l’aise. Quel besoin a-t-elle de vous choisir, vous ? Partout elle va, elle ne sème que la perturbation. Vous voyez bien. On vous l’a répété toute votre vie,vous le savez depuis toujours, mais maintenant vous pouvez véritablement le sentir.

Le sujet du livre

Peut-on se servir de l’histoire pour prédire l’avenir, demande à Adam Zignelik. Il est tentant de répondre que ce serait possible, mais je ne le crois pas. Le phare de l’histoire peut laisser deviner de fugaces aperçus de la voie qui s’ouvre devant nous, mais il est imprudent de compter sur l’histoire pour nous fournir une carte précise et lumineuse du terrain futur, rempli de synclinaux et d’ anticlinaux. Nous ne devons pas compter sur l’histoire pour nous indiquer avec exactitude ce qui va se produire dans l’avenir.
Pourquoi l’histoire ne peut-elle nous renseigner sur ce qui va se produire dans l’avenir ? Parce qu’elle traite des individus, or les individus sont imprévisibles, autant que le sont la plupart des animaux, si ce n’est plus. On ne peut même pas se fier à eux pour qu’ils agissent comme ils l’ont déjà fait en des circonstances similaires ou pour qu’ils fassent ce qui relève à l’évidence de leur propre leur propre intérêt. Les êtres sont imprévisibles, à titre individuel et au plan collectif, les gens ordinaires, tout comme les dirigeants investis d’un pouvoir.

Le racisme à Detroit 1943

25000 ouvriers blancs employés à fabriquer des moteurs pour des bombardiers et des vedettes lance-torpilles s’était mis en grève en apprenant qu’une poignée de femmes noires avaient commencé à travailler là-bas. Il était jeune, mais il aurait compris ce que cela signifiait que d’entendre un ouvrier blanc déclarer à l’entrée de l’usine qu’il préférait laisser gagner Hitler et Hirohito plutôt que de côtoyer un nègre dans un atelier d’usine.

Auschwitz

C’était donc vrai, et il était là, face à la vérité. Il avait vu des êtres mourir dans le ghetto, mais il n’avait jamais rien vu de tel. Tant de corps, inertes entassés à la hâte, une colline de corps, une petite montagne – des individus, des êtres, encore tout dernièrement. C’est ici la fin, songea-t-il, la fin de toutes les calomnies, raciale ou religieuse, de toutes les railleries, de tous les ricanements dirigé contre les juifs. Chaque fois que quelqu’un entretient la croyance ou le soupçon insidieux, voire honteux, que les Juifs, en tant que peuple, sont des gens malhonnêtes et immoraux, avares, trompeurs et rusés, que ce sont tous des capitalistes, des communistes, qui sont responsables de tous les malheurs du monde, et coupable de déicide, cette croyance ou cette conviction, à peine consciente quelquefois, accélère la marche d’un train lancé sur une trajectoire qui n’a pas d’égale. C’est là que cette voie finit par s’achever, sur cette montagne de cadavres.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Déjà je n’avais pas été passionnée par « la liste de mes envies » , mais ce roman est une vraie déception, de celles qui me font fuir les auteurs français. Non, pourtant, ce n’est pas une de ces habituelles autofiction, mais ni le sujet ni la façon dont il est traité n’ont réussi à m’intéresser. Je résume rapidement, la mort accidentelle de sa mère fait de Martine alias « Betty » une enfant élevée par un père trop porté sur la bouteille. Elle grandira cahin-caha jusqu’à l’âge où sa mère est morte, puis son apparence se figera dans une éternelle jeunesse extérieure. Elle restera à jamais une jeune femme de trente cinq ans. Et commence alors une vie étrange qui ne lui apporte aucun bonheur mais au contraire que des problèmes : une séparation, la perte de son emploi, l’éloignement de ses amies. À travers de courts chapitres, de paragraphes encore plus courts, les années s’envolent très vite, on voit passer soixante de vie sans que rien n’accroche l’intérêt. Les personnages secondaires sont, cependant plus intéressants, on imagine bien son père estropié pendant la guerre d’Algérie et sa compagne qui se réconfortent l’un l’autre des blessures de la vie. L’amour d’André et de Betty est totalement irréaliste, il me fait penser irrésistiblement à la BD de Fabcaro : « Si l’amour c’était d’aimer », et tant pis pour les « antidivulgâcheuse », il résistera à toutes les vicissitudes de la vie.

Citations

Un paragraphe et un souvenir

Maman a commencé à porter des jupes qui découvraient ses genoux grâce à une certaine Mary Quant, en Angleterre ; puis bientôt elles révélèrent presque toutes ses cuisses. Ses jambes étaient longues, et pâles, et je priais pour plus tard avoir les mêmes 

Pour donner une idée du style

À trente ans, quarante cinq, je vivais depuis plus de deux ans dans un grand studio, rue Basse.

 J’avais perdu l’envie de cuisiner, découvert chez Picard les plats pour personnes seules, et lorsque mon fils venait déjeuner je faisais livrer ses chers sushis. 
André moi étions restés amis. Il passait de plus en plus de temps en Suède où il choisissait ses mélèzes, ses trembles, ses épicéas, et lorsqu’il revenait, il ne manquait jamais de m’appeler ou de m’inviter à dîner ; j’étais chaque fois ensorcelée par son regard triste, toi Gene Kelly, moi Françoise Dorléac, je l’aimais encore, je l’aimais toujours. 
Je rédigeais mes textes pour La Redoute en regardant des séries télé – » Dawson », mon côté fleur bleue, « Dr Quinn, femme médecin », même si elle m’agaçait terriblement, « Urgences », ah, Doug Ross, et « Twin Peaks ». Je n’envisageais ni chien ni chat de compagnie, ils auraient été capables, à quatre ans de me reprocher d’être plus jeune qu’eux. 
Je vous laisse cette chanson car, pour moi, elle me parle beaucoup mieux beaucoup du vieillissement que ce roman

 

 

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

J’explique mon peu d’enthousiasme pour ce roman. Du même auteur j’avais bien aimé « le réveil du cœur« . Je m’intéresse rarement aux écrivains qui racontent leur difficulté d’écrire pour finalement nous donner un roman sur le manque d’inspiration. La crise de la cinquantaine chez un homme qui a peu de raisons de se plaindre m’énerve un peu, enfin les formules toutes faites qui passent de mode très vite m’exaspèrent. Je ne peux pas trouver dans ce « Le presque » un seul aspect qui retienne mon attention. Sûrement pas la fin, (tant pis pour les anti-divulgâcheuses), car en plus ça se termine bien : la femme parfaite qui se sacrifie par amour retrouve son Marc de mari qui pourtant l’a repoussée ainsi que ses amis. Tout le monde ne lui veut que du bien, même son patron, mais lui n’est que « presque » heureux . Sans doute, on retrouve là quelques traits de notre société mais l’intrigue est trop faiblarde : il va partir dans une chambre isolée de tous pour essayer d’écrire , il rencontrera le whisky mais sera sauvé par sa merveilleuse femme est ses merveilleux amis !

Citations

Le Presque

Et puis cette vie de famille, stéréotypée jusqu’à la caricature, qui voit petit à petit s’éloigner Marion et Valentine, avec la froide ingratitude de l’entrée dans l’âge adulte, loin, très loin des gamines qui lui sautaient au cou il y a peu encore. Et pour finir, surtout, cette vie avec Chloé, vingt ans d’une union sans nuage, d’abord amants, puis amoureux, puis parents… Avec juste ce qu’il faut de sexe, à la faveur des soirs d’alcool, pour tenir sans mourir… Loin, si loin de la passion des débuts. Franchement, à quoi ça ressemble. À quoi ça ressemble, ce boulot qui l’alimente sans le nourrir, qui le paie sans l’enrichir, ses ambitions inassouvies, cet amour sans grand A. À quoi ça ressemble, cette place d’éternel numéro deux, ou de numéro trois, ou pire encore, sur le glorieux podium des projets aboutis des rêves accomplis, loin, très loin du médaillé d’or qu’il aurait aimé être… À quoi ça ressemble, tout ça, bordel ?

Le dur métier de comédienne

Avec Paula, on peut rire de n’importe quoi, sauf de tout ce qui touche à sa balbutiante carrière de comédienne. Monter sur les planches, pour elle, c’est plus qu’un rêve, c’est sa vie. Hélas, les rôles sont rares, et la vache enragée est bien la seule viande que consomme cette végétarienne convaincue. Alors, comme beaucoup, elle survit en animant des ateliers en MJC et en accumulant les animations supermarché. Ainsi des dernières fêtes de Pâques, qui l’ont ont vue déambuler en lapin au rayon chocolat d’un hyper( » Et encore, j’aurais pu être la cloche », sourit-elle amèrement).

Est-ce vrai ?

C’est compter sans l’eau qui dort… Et dont il faut toujours se méfier chez les femmes, tant elle peut se lever d’un coup en une vague énorme. C’est compter sans la propension qu’elles ont à ne jamais se contenter d’une situation bancale, pas nette, pas tranchée , là où les hommes composent souvent avec leur conscience -Marc plus que tout autre. Dans ces cas-là, pas de demi-mesure : quand elles tranchent, elles tranchent, quand elles arrachent, elles arrachent, et quand bien même l’arbre planter l’est depuis vingt ans, il entraîne tout dans sa chute : la souche, les racines et la motte de terre qui va avec, aussi considérable soit-elle. Il ne reste qu’un trou, une dent creuse de la taille d’un cratère.