Traduit du galicien par Ramon Chao et Serge Mestre. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Pour commencer une réflexion à méditer :

Les vraies frontière, ce sont celles qui parquent les pauvres loin du gâteau.

Un roman des années 2000 dont je ne connaissais pas du tout l’auteur. Manuel Rivas écrit en galicien, est traduit parfois en breton, solidarité des langues celtiques, se traduit lui-même en castillan et, est, plus rarement, traduit en français. Original, non ?

Ce roman raconte la guerre civile espagnole, cette guerre qui a laissé tant de traces et qui s’estompe dans les mémoires car les combattants des deux côtés disparaissent. Mes premières lectures « engagés » parlaient de cette guerre et un de mes chanteurs préférés étaient Paco Ibanez, cette chanson résume bien l’esprit de ce roman.

En effet « Le crayon du charpentier », choisit une façon délicate et poétique de raconter l’horreur et la brutalité et ça fonctionne très bien. Un garde civil, Herbal, assassine un peintre dans sa cellule, celui-ci lui donne son crayon de charpentier, à partir de là cet homme va vivre avec une voix intérieure qui lui intime l’ordre de sauver le docteur Da Barca et de lui permettre de vivre une superbe histoire d’amour avec la belle Marisa Mallo. Grâce à cette histoire, nous allons rencontrer des hommes étonnants qui auraient pu dessiner une toute autre histoire à l’Espagne si seulement ils ne s’étaient pas détestés entre eux, et puis au milieu des plus grandes ordures au service du régime franquiste, cette superbe figure de la mère Izarne qui dirigeait le sanatorium réservé aux prisonniers tuberculeux. Tout le roman se situe entre réalité et le rêve, un peu à l’image de toute vie surtout quand la réalité se fracasse sur une dictature implacable et qui refuse à tout rêve de se réaliser. En suivant le cheminement d’Herbal, l’auteur veut donner une chance au pire des tueurs à la solde de Franco de prendre conscience de ce qu’il a fait et de se racheter.

L’art , la peinture, la poésie prendront une grande part aux déchirements intimes de ce garde civil qui réussira à sauver ce merveilleux docteur Da Barca qui a passé sa vie à faire le bien autour de lui, même si ce garde civil franquiste convaincu n’a pas pu sauver le peintre qui vient lui rendre visite si régulièrement depuis qu’il l’a certes assassiné mais pour lui éviter une mort sous la torture par ses amis plus franquistes ou tout simplement plus cruels que lui. Aujourd’hui, il termine sa vie dans un bordel, mais n’a pas perdu sa conscience (le crayon du charpentier), son message d’espoir, il le transmet à une jeune prostituée qui trouvera, peut-être, elle aussi sa voix intérieure qui la conduira vers un avenir où la beauté permet de combattre la laideur.

Citations

L’humour d’un mourant

Comment vous sentez-vous ? demanda Souza.. Il fallait bien trouver quelque chose pour commencer.

Comme vous le voyez, dit le docteur en écartant les bras, l’air jovial, je suis en train de mourir. Vous êtes sûr que c’est bien intéressant de m’interviewer ?

Un passage assez long qui fait comprendre ce que voit un peintre et le dur métier de lavandière

Regarde, les lavandières sont en train de peindre la montagne, lança soudain le défunt. En effet, les lavandière étendaient leur linge au soleil, entre les rochers, sur les buissons qui entouraient Le phare. Leur baluchon ressemblaient au ventre de chiffon d’un magicien. Elles en tiraient d’innombrables pièce de couleur qui repeignaient différemment la montagne. Les mains roses et boudinées suivaient les injonctions que lançaient les yeux du garde civile guidés à leur tour par le peintre : les lavandières ont les mains roses parce qu’à force de frotter et de frotter sur la pierre du lavoir, le temps qui passe se détache de leur peau. Leurs mains redeviennent leurs mains d’enfants, juste avant qu’elle ne soit lavandières. Leurs bras, ajouta le peintre, sont le manche du pinceau. Ils ont la couleur du bois des aulnes car eux aussi ont grandi au bord de la rivière. Lorsqu’ils sortent le linge mouillé, les bras des lavandières deviennent aussi dur que les racines plantées dans la berge. La montagne ressemble à une toile. Regarde bien. Elles peignent sur les ronces et les genêts. Les épines sont les plus efficaces pinces à linge des lavandières. Et vas-y. La longue touche de pinceau d’un draps tout blanc. Et encore deux touches de chaussettes rouges. La trace légère et tremblante d’une pièce de lingerie. Chaque bout de tissu étendu au soleil raconte une histoire.
 Les mains des lavandières n’ont presque pas d’ongle. Cela aussi raconte une histoire, une histoire comme pourrait en raconter également, s’il nous disposions d’une radiographie, les cervicales de leur colonne vertébrale, déformées par le poids des baluchon de linge qu’elles transportent sur la tête depuis de nombreuses années. Les lavandières n’ont presque pas d’ongles . Elles racontent que leurs ongles ont été emportés par le souffle des salamandres. Mais, bien entendu, venant d’elles, ce n’est qu’une explication magique. Les ongles ont été tout simplement rongé par la soude.

J’aime bien ces images et ce portrait

Il faut dire que la vieillesse guettait tout particulièrement ce patelin. Tout à coup, elle montrait ses dents au détour du chemin et endeuillait les femmes au beau milieu d’un champ de brouillard, elle transformait les voix après une seule gorgée d’eau de vie et ne mettait pas plus d’un hiver à rider complètement la peau de quelqu’un. Cependant la vieillesse n’avait pas réussi à pénétrer à l’intérieur de Nan. Elle s’était contentée de lui tomber dessus, de le recouvrir de cheveux blancs et d’une toison blanche et frisée sur sa poitrine. Ses bras étaient enveloppés d’une mousse blanche semblable à celle des branches du pommier, mais sa peau était restée comme le cœur des sapins qui poussent dans cette région. Sa bonne humeur soulignait ses dents brillantes, et puis il avait toujours cette fameuse crête rouge sur l’oreille. Son crayon de charpentier.


Ma photo dit où j’ai trouvé ce roman et pour qu’il continue à trouver des lecteurs, j’irai le remettre dans cette petite cabine de plage qui sert de boîte à livres à Dinard. Lors de sa parution je n’avais entendu que des louanges à propos de ce roman. J’avoue être moins enthousiaste. J’aurais vraiment préféré que les « âmes soient grises » mais non, le méchant est d’un noir absolu ce qui a rendu ma lecture pénible. Le juge Mierck est un horrible personnage qui se fait servir des œufs mollets alors qu’il ausculte le corps d’une petite fille de dix ans assassinée sans éprouver la moindre compassion. Ce juge est peu crédible, même si on peut mettre sous le compte de la guerre toute proche les actions qu’il est capable de faire pour parvenir à ses fins. Je comprends d’autant moins ce personnage que les autres protagonistes de l’affaire sont justement plus en nuances. Je croyais que ce roman était aussi un roman sur la guerre 14/18 , ce n’est pas tout à fait exact. Bien sûr la guerre sert de toile de fond, d’autant que l’auteur a situé son intrigue dans une ville où résonne le bruit des canons. Alors évidemment la guerre, on ne parle que d’elle, l’élan patriotique mis à rude épreuve devant la multitude des corps blessés. D’ailleurs, s’il n’avait pas fallu réquisitionner la route qui relie le village à la demeure du gendarme l’histoire aurait pu être très différente. L’affaire même n’aurait pas eu lieu. Philippe Claudel n’a pas raconté la guerre et pourtant elle est la cause de toute cette tragédie.

La construction de ce roman est vraiment originale et c’est pour cela que j’ai mis quatre coquillages. Quelqu’un nous parle, au début, on ne sait pas qui il est. Et puis peu à peu on comprend qu’il s’agit d’un gendarme qui a payé de la mort de sa femme le fait de s’être occupé d’un témoignage à propos du meurtre de la petite fille, le jour où sa femme a accouché toute seule. Depuis l’alcool lui sert de support et c’est donc à travers son cerveau embrumé que peu à peu une vérité va se faire jour, une vérité car la vérité c’est vraiment trop compliqué à saisir. Tout le village est présent dans cette histoire et aussi la guerre puisque sans être sous le feu, ce petit village de l’arrière vit au rythme des batailles de 14-18. Il restera au gendarme un dernier aveu à faire qui rajoute à la noirceur de cette histoire.

Je ne peux pas dire que j’ai adoré cette lecture, peut être à cause du dernier aveu, mais je suis très contente de l’avoir faite. Je regrette un peu de ne plus pouvoir en discuter car ce n’est plus d’actualité autour de moi mais peut-être grâce aux commentaires vais-je raviver vos souvenirs. Comme par hasard un blog, « le bouquineur » que j’apprécie vient d’en parler et son avis est beaucoup plus enthousiaste que le mien.

Citations

 

Explication du titre

 Les salauds, les saints, je n’en ai jamais vu. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil… Tu es une âme grise, joliment grise, comme nous tous…

Un beau passage

Un procureur au début du siècle, c’était encore un grand monsieur. Et par un temps de guerre, quand un seul coup de mitraille fauche une compagnie solide de gaillards prêts à tout, demander la mort d’un homme seul et enchaîné relevait de l’artisanat.

Un portrait : humour et délicatesse

C’était frappant cette pâleur de future morte, et cette résignation dans les traits. Elle se prénommait Clélis . Ce n’était pas banal, et c’est très joliment gravé dans le marbre rose de sa tombe.

J’aime bien ce genre de remarques

La jeune fille était une de Vincey. Ses ancêtres s’étaient battu à Crécy. Ceux de tout le monde aussi sans doute, mais personne ne le sait et chacun s’en fiche.


J’avais lu, sur les commentaires à propos d’un de ses livres, que celui-ci plaisait à beaucoup de blogueurs et blogueuses. Comme je le comprends ! Il a tout pour plaire ce roman. D’abord l’art de raconter, à propos d’objets anodins tout ce qui les rattache à un pan de vie. Comme ces boucles d’oreilles qu’il a retrouvées et qui lui rappelle une partie de sa jeunesse. Une virée à Paris, ville où il se promène jeune adulte avec trois autres amis, un premier amour qui n’a pas duré très longtemps, et ce cadeau qui devait sceller une grande amitié. Les années 80 époque où

Les Free Time viennent d’être supplanté par les MCDonald’s. Tout le monde porte les United Colors de Benneton

Peu à peu, au fil des objets, sa vie se déroule à travers les pages de ce roman, construit sur la douleur d’un divorce mal vécu. Sa femme partant avec un dentiste, certaines phrases sur cette honorable profession sont très drôles même si elles sont caustiques. Mais le charme de la construction du roman ne s’arrête pas là, chaque personne qui s’arrête devant un objet le fait pour des raisons bien précises, et redonne une nouvelle vie à l’objet en question. Le livre est construit en boucle et ce qui devait n’être un débarras, est porteur de vie : les objets perdus, prennent un nouveau départ vers des objets trouvés. Et, grâce à l’acheteuse des boucles d’oreille, s’esquisse un départ possible vers une rencontre : l’auteur pourra-t-il ainsi sortir de la tristesse de son divorce ?

La multiplicité des points de vue sur les objets permet de rendre compte des différentes perception du même événement. L’histoire du cadre rouge est vraiment attachante, l’homme a détesté ce cadre dans lequel sa mère affichait des photos de lui enfant qui ne lui rappelaient que des mauvais souvenirs, mais son épouse avait été touchée par le geste de sa belle -mère lui confiant un moment de l’enfance de celui qu’elle aimait.

Jean-Philippe Blondel a ce talent particulier de garder en lui, et de nous faire revivre des moments de notre passé par une chanson, une marque de vêtements, un événement. Son minuscule inventaire, c’est certainement ce que beaucoup d’entre nous pourrions faire à propos d’objets que nous gardons et dont nous seuls connaissons l’histoire, mais évidemment nous n’avons pas tous ni toutes son talent pour les raconter.

Citations

La lecture adolescente

Je cherche des romans qui parleraient de moi -de nous, mais dans les librairies, je ne vois que des récits de quadragénaires qui s’épanchent sur leur divorce et sur leurs maîtresses.

On pense à une chanson de Bénabar

 Marianne est institutrice, elle s’est dénudée pour un autre instituteur et ensemble ils forment un couple CAMIF parfait, ils ont un monospace acheté d’occasion et trois enfants ceinturés à l’arrière, ils vont en vacances en Vendée et ont fait poser dernièrement des pavés autobloquants dans la descente de leur garage.

Vision de la Bretagne

Chrisian Lapierre venait de Bretagne -de l’autre côté de la France, pas loin de cet océan que je n’avais vu qu’en carte postale,nous, on allait plutôt à la montagne, c’était moins cher, et même si on avait choisi la mer, on aurait viré plus au sud, en Bretagne, il pleut tout le temps et c’est une région triste à mourir.

Les petites anglaises

Je suis sorti pendant quelques temps avec une fille qui s’appelait Kathleen, assistante anglaise de son état, qui trouvait la France for-mi-da-ble, la culture for-mi-da-ble, la cuisine extra-for-mi-da-ble et les Français hyper-for-mi-da-ble. J’ai été content de l’accompagner sur le quai de la gare du Nord pour son retour dans son pays natal. Elle était en pleurs, mais moi, je trouvais ça formidable. 

Au moins, j’ai pratiqué l’anglais oral.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Moi je tourne des films. Ça gagne bien et ça ne fait du mal à personne.

Cette phrase peut donner le ton à tout le livre, chaque remarque est empreinte du style Audiard, celui qui a donné des dialogues inoubliables au cinéma français. Son roman se déguste par petites touches, ne me demandez pas de vous raconter l’intrigue j’en serai bien incapable. Mais on est bien avec cet auteur et les Parisiens et Parisiennes qui ont sans doute disparu et qui traînaient dans des cafés qui sont remplacés par des restaurants chics ou des fast-food moins chics et moins chers. Le plaisir vient de ces phrases qu’on aimerait tant ne pas oublier comme les répliques des « Tontons Flingueurs » que certains connaissent par cœur. Alors, lisez les citations et vous aurez un tout petit avant-goût du plaisir que procure ce roman.

Citations

Alban de Mérovie est un personnage très seul. Il l’a cherché. Oh, oui, bien cherché .

À force de coucher avec les meilleurs amies de sa femme et avec les femmes de ses meilleurs amis, il n’a plus de femme et n’aura bientôt plus d’amis.
Quelle noirceur !

Autodérision

 – Aux champs . Je t’offre une petite croque et tu me paies une toile !
– Il y a rien à voir.
– Il y a pas un film de toi qui passe ?
– Il y en a forcément toujours un qui passe, c’est pas pour ça qu’il est à voir.

La campagne

Pourtant, nous ne dormons plus ensemble depuis quinze ans déjà… Ou alors dans son prieuré de Valmondois, à côté de L’Isle-Adam… À la campagne, ça ne compte pas, on fait n’importe quoi parce qu’on s’emmerde.

L’argent

« Un taxi pour Tobrouk » et « Le cave se rebiffe » occupaient des Champs-Élysées, « Les Cahiers du cinéma » , et « Harper’s Bazaar » nous brûlaient vif, on s’en foutait, on gagnait plein de sous. Qu’en faisais-je, mon Dieu quand j’y pense… Les bagnoles… Les fringues… Les éditions de luxe… Aujourd’hui je roule Renault, j’écris Bic et je lis Poche… J’ai dépassionné tout ça.

La mort de Mesrine

Le déploiement d’artillerie, (soixante douze points d’impact !), puis les poulets s’embrassant, façon footballeur, autour du cercueil BMW. Mais on n’était pas au bout, c’est après que ça devenait vraiment dingue : La belle Sylvia giclant de l’auto, déconnectée à zéro, un cocker sous les bras hurlant : « Les salauds ! Ils ont tué mon chien » . C’est quand même pas banal, comme réaction, non ? Pourquoi pas plutôt. Ils ont tué mon homme ? À croire concernant l’homme, qu’elle prévoyait l’issue de longue date.

Description du « Train bleu » gare de Lyon

J’aime ce musée très ennuyeux où tout peut arriver… Même l’idée vague de prendre le train. C’est une relation de métiers, Alexis Moncorgé, ( relativement plus connu sous le pseudonyme de Jean Gabin) , qui m’a fait découvrir l’endroit.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Roman historique qui permet de découvrir le monde des béguines, je ne savais pas qu’elles avaient existé en France. Pour moi le béguinage était lié aux pays du nord et au protestantisme. C’est complètement faux, il a perduré plus longtemps dans le nord de l’Europe mais en France grâce à la protection de Saint Louis (Louis IX) les béguines avaient pu créer des communautés vivantes et nombreuses. Cela permettait aux femmes de vivre en dehors du mariage en se consacrant à la religion et à des activités lucratives pour pouvoir subsister. Le statut des béguines étaient très varié, dans ce roman on voit des femmes soignantes, commerçantes, artisanes … toutes sont célibataires ou veuves.

Nous sommes sous Philippe Le Bel, ce roi fanatique qui ,toujours à court d’argent, fera brûler les templiers sur la place publique et pas mal de juifs en ayant auparavant confisqué à son profit tous leurs biens. Sous son règne, les femmes seront vite appelées sorcières avant d’être aussi brûlées. C’est lui aussi qui fera tuer de façon atroce les amants présumés de ses filles avant de les faire tondre et de les incarcérer Alors, on imagine la fragilité du statut des béguines qui permettait à des femmes d’échapper au mariage et de de se mêler de religion ! De plus celles qui exerçaient de l’artisanat n’étaient pas soumises aux différentes contraintes des autres artisans . Alors bien sûr, quand elles ont perdu la protection royale que Louis IX, le grand père de Philippe Le Bel leur avait accordé, elles ont totalement disparu.

La lecture de ce roman permet de vivre un moment avec des femmes sensibles et humaines et dans ce monde de violence, cela fait du bien. On mesure aussi, comment toutes les différents essais pour les femmes de sortir de leur condition : être des épouses fidèles et ignorantes , mariées trop jeunes pour des raisons financières ou pour satisfaire les besoins sexuels d’un homme, mourant très vite en couche, ont été durant des siècles systématiquement combattus.

Citation

Être femme et avoir des idées en 1310 (et donc, être brûlée vive)

Je n’ai pas entendu que du bien sur elle chez les Cordeliers. À force de mépriser l’enseignement des clercs, elle a fini par en offenser beaucoup. Et ce rejet des pénitences, du jeune ou même des préceptes moraux, elle n’est pas loin des errances des adeptes du libre-esprit.

 


Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Je suis ravie que le club de lecture ait renoué avec la tradition de proposer une BD à chaque séance et à propos du thème de l’aventure, celles-ci étaient particulièrement bien choisies. Quelle femme cette Alexandra ! Je suis certaine que toutes les participantes du club vont l’adorer, vont-elles accepter de surmonter leurs réticences à propos des B.D ? Celles-ci le mériteraient, les auteurs se sont inspirés du livre de souvenirs de sa dernière dame de compagnie Marie-Madeleine Peyronnet, pendant les dix dernières années de sa vie, Alexandra David-Neel a vécu en recluse dans sa villa nommée « Samten Dzong », à Digne.

Marie-Madeleine lui a servi de femme de chambre, de secrétaire, de dame de compagnie et de souffre douleur. Mais peu à peu des liens d’amitié se sont tissés entre les deux femmes, car Alexandra avait une personnalité hors du commun et généreuse à sa façon. Marie-Madeleine comprendra assez vite que, lorsque sa « patronne » est désagréable c’est qu’elle souffre le martyre, son corps la trahit et elle qui aimait tant marcher restera clouée dans son fauteuil pendant dix ans. Seules les visites d’amis souvent de prestigieux intellectuels arriveront à lui redonner du tonus. Cette femme qui s’est déguisée en Tibétaine pour aller à Lhassa capitale du Tibet interdite à tout étranger en passant par les montagnes de l’Himalaya , qui parle, lit et écrit un nombre de langues incroyables dont le tibétain, qui est considérée comme une spécialiste émérite de la religion boudhiste, est enfermée entre quatre murs . Mais elle a accumulé tant et tant de souvenirs que sa vie est encore très riche.

La B.D alterne sa vie au présent en monochrome avec Marie-Madeleine et ses souvenirs très colorés lorsque rien ne l’arrêtait pour comprendre cette civilisation qui l’attirait tant : le bouddhisme tibétain. Cette B.D m’a donné envie de relire cette auteure que j’ai lu il y a bien longtemps. Alexandra David.Neel donne du courage à toutes celles qui acceptent difficilement les limites imposées par les convenances, pour les femmes de son époque le chemin était tout tracé et ne passait pas toujours par l’Himalaya !

Toutes et tous nous pouvons faire de cette phrase notre devise

Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Quel plaisir de lire qu’un tout petit pays à l’échelle du monde a sauver l’honneur de la conscience humaine ! Seul le gouvernement Haïtien a décidé de recueillir tous les juifs qui se présenteraient dans son pays pour échapper au nazisme. Les Haïtiens s’enorgueillissaient déjà d’avoir défait les troupes de Napoléon, d’avoir aboli l’esclavage et d’être sorti de la domination américaine. En 1940, Haïti a déclaré la guerre aux Nazis allemands et aux Fascistes italiens. Bien sûr leurs moyens militaires ne suivaient pas vraiment mais on aurait tant aimé que d’autres pays aient eu le même courage. Louis-Philippe Dalembert raconte le destin d’un médecin Ruben Schwarzberg descendant d’une famille de fourreurs polonais, ayant vécu une vingtaine d’année à Berlin. Ces destins de Juifs de la diaspora polonaise, nous sont connus. La famille a fui l’intolérance catholique polonaise, s’est fort bien adapté au développement économique en Allemagne, a souffert de la crise de 1929 et puis a vécu l’horreur de la montée du nazisme. Mais l’originalité et le charme de ce livre vient du rappel des positions historiques d’Haïti.

Grâce au style de Louis-Philippe Dalembert, qui sait nous faire comprendre pourquoi et comment les Haïtiens nous réchauffent le cœur, le roman n’a pas, pour une fois, le ton tragique alors que le risque de mort est présent pendant toute la fuite du Docteur Ruben vers son île de liberté. Le style de l’auteur donne un souffle des Caraïbes et épouse tellement bien ce que l’on peut savoir de ce pays. Je recommande pour tous ceux et toutes celles qui seraient en manque d’érotisme la scène durant laquelle notre tout jeune médecin allemand (un peu coincé) rencontre pour la première fois la plénitude d’une expérience sexuelle réussie avec Marie-Carmel épouse trop délaissée d’un diplomate Haïtien, les deux pages qui lui sont consacrées commencent ainsi :

« Marie-Carmel savait jouer de son corps comme d’un instrument de musique, en tirer les notes les plus vibrantes, des accords dont Ruben lui-même ignorait que ses sens étaient porteurs. »
Malgré les tragédies que nous connaissons bien et qui vont traverser la vie de cette famille la force de vie venant de ce petit pays fait de ce roman un livre joyeux. Mais c’est lors d’une autre tragédie, le terrible tremblement de terre de 2010 que le vieux docteur Ruben Schwarzberg racontera toute sa vie à sa petite nièce Deborah, la petite fille de Ruth celle qui grâce à sa clairvoyance et à son énergie aura donné conscience en 1938 à toute la famille qu’il fallait quitter au plus vite Berlin.
Comme beaucoup de familles juives exilées les uns ont pris souche en Israël. D’autres aux États-Unis et donc, deux des leurs, sont en Haïti. Leur histoire n’est pas sans rappeler celles des chrétiens d’Orient si bien raconté dans « les Dispersés » de Inaam Kachachi… d’ailleurs c’est le renouveau des milliers d’exilés fuyant les conflits violents qui ont poussé l’auteur à raconter celle-ci qui maintenant est prête comme les ombres à s’effacer de nos mémoires.
PS
Keisha et Aifelle ont beaucoup aimé

Citations

Déclaration de guerre de Haïti le 12 décembre 1941 à l’Allemagne nazie

Pour les plus avertis, c’était juste une question de logistique. On aurait été un chouïa mieux armé, il aurait vu ce qu’il aurait vu, ce pingre -« nazi » en créole haïtien signifiant aussi « grippe-sous ». On lui aurait fait bouffer sa moustache ridicule à Charlie Chaplin, dit un homme qui avait vu « le Dictateur » la veille. On lui aurait tellement latté le cul que même sa mère n’aurait pu le distinguer d’un babouin. (…) Depuis que leurs ancêtres avaient mis une branlée aux vétérans de l’indicible armada de Napoléon, les Haïtiens s’imaginaient terrasser les plus puissants de la planète, comme on écraserait un chétif insecte, d’un talon indifférent. Dans leur esprit, un Autrichien à la gestuelle de bouffon ou un nabot corse dressé sur ses ergots, c’était blanc bicorne, bicorne blanc.

Rencontre à Paris d’un juif allemand et d’une poétesse d’Haïti

Ces deux derniers années, Haïti avait accueilli quelques dizaines de Juifs, venus de Pologne et d’Allemagne pour la plupart. Les informations récentes avaient amené le nouveau gouvernement à prendre des décisions radicales, en désaveu officiel de la politique de ce monsieur Adolf. Tous semaines plus tôt, il avait publié un décret-loi permettant à tout Juif qui le souhaitait de bénéficier de la naturalisation « in absentia ».

Générosité haïtienne

S’il avait accepté de revenir sur cette histoire, c’était pour les centaines de millions de réfugiés qui, aujourd’hui encore arpente déserts, forêts et océans à la recherche d’une terre d’asile. Sa petite histoire personnelle n’était pas, par moment, sans rappeler la l’heure. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu’ils sachent , en dépit du manque matériel donc il avait de tout temps subit les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur propre errance, qu’ils restent un grand peuple. Pas seulement pour avoir réalisé la plus importante révolution du XIX° siècle, mais aussi pour avoir contribué au cours de leur histoire, à améliorer la condition humaine. Ils n’ont jamais été pauvre en générosité à l’égard des autres peuples, le sien en particulier. Et cela, personne ne peut le leur enlever.

Les mœurs haïtiennes

 Il n’était pas rare en tout cas de voir, un dimanche midi, déjeuner à la table familiale un enfant du dehors -comme on appelle ici les fils naturel- à côté d’un frère ou d’une sœur « du dedans » du même âge ; tout comme de voir un gosse porter, réunis en prénom composé, les nom et prénom de son père naturel mariée par ailleurs, et qui avait refusé de le reconnaître légalement. La maîtresse bafouée jurait ses grands dieux que ce n’était pas pour elle, mais pour le petit innocent venu au monde sans rien avoir demandé à personne, et prenait ainsi sa revanche, mettant, sinon le père réel ou supposé devant ses responsabilités, du moins toute la ville au courant, surtout si le coupable était quelqu’un de connu.

Philosophie

L’avantage avec le grand âge, c’est qu’on sait qu’on va mourir de quelque chose, autant que ce soit par le rhum.

La religion à Haïti

Ce qui préoccupaient le plus les Haïtiens, c’était de savoir si on pouvait être juif et vaudouisant à la fois, servir Yahweh et le Grand Maître, Abraham et Atibon Lebga, un compromis trouvé de longue date avec la religion catholique.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Après « Ce sont des choses qui arrivent« , j’ai eu un grand plaisir à retrouver cette auteure. Elle a un ton bien à elle pour évoquer les petits travers des « grandes » heures de gloire de la France, et même le tragique prend un air quelque peu ridicule. Nous sommes en Mais 1968, le 22 pour être précis. Tout Paris retentit de la révolte étudiante et subit les contraintes de la grève générale qui paralyse l’approvisionnement et les transports. Tout Paris, soit mais qu’en est-il des hôtels de luxe et du personnel peu formé pour exprimer des opinions personnelles et encore moins libertaires. Que pense donc, le personnel et les habitués du Meurice ? Son décor n’inspire pas la contestation :

Il n’empêche ! le Chef de Rang, Roland, a organisé une assemblée générale du personnel qui a voté l’autogestion. Seulement voilà, ce jour le 22mai 1968, c’est aussi, le jour ou la richissime Florence Gould doit remettre « le prix Nimier » à un jeune écrivain. Le personnel décide de montrer qu’il est fort capable de se passer du directeur et organise une soiré en tout point remarquable. Pendant ce temps le directeur réunit ces confrères du Ritz, du Plazza, du Lutetia et du Crillon pour savoir que faire devant cette situation quelque peu inédite. Cela permet à l’auteur de donner vie à un autre endroit stratégique de l’hôtel, le bar :

Peu de problèmes résistent à l’alcool et à l’argent. C’est la morale de ce roman. Sans doute vous serez vite curieux de connaître le romancier récompensé, comme l’ex ministre de la culture Fleur Pellerin, les vieux compagnons de table de Florence ne l’ont pas lu et seraient bien en peine de parler de son livre. En mai 1968 le prix Roger Nimier a été attribué à Patrick Modiano, et ce prix lui a été remis par des écrivains proches de la collaboration. Pauline Dreyfus a un vrai talent pour faire revivre ces gens si riches et si oisifs, elle ne les charge pas mais rend bien leurs aspects superficiels. Et son talent ne s’arrête pas à « croquer » caprices des gens trop riches avec humour,(la scène du repas de l’ocelot de Salvador Dali est aussi cruelle que drôle !)

L’auteure sait aussi nous rendre plus proche les obsessions littéraires de Patrick Modiano, qui dit de lui même qu’il a hérité du passé de la guerre qui n’était pas le sien. Or, ces mêmes salons furent le siège de la Kommandantur et ce sont les mêmes suites qui furent les logements de fonction des occupants et du général von Choltitz. Tous les personnages du fameux dîner ont existé et certains personnages ont dû s’amuser à se retrouver sujet de roman. Un personnage fictif existe, un homme qui a mis toutes ses économies dans une semaine au Meurice avant que le cancer ne l’emporte. Il est le seul à avoir lu et avoir compris le roman, et c’est lui aura le mot de la fin avec une chute qui m’a peu convaincue. Le roman n’avait pas besoin de ce hasard là.

Citations

Grève au Meurice

Depuis hier, même les Folies Bergères sont occupées par le personnel. Ce que les filles à plumes peuvent faire, je ne vois pas pourquoi nous n’en serions pas capable. Sinon nous allons passer pour le dernier des Mohicans. Votons une motion !

La grande Histoire et la petite

En apprenant que le Meurice avait, lui aussi, été contaminé par la révolution qui gangrenait le pays, le ministre s’était senti personnellement insulter. Il tenait en grande estime le directeur de l’hôtel, qui lui consentait des prix inférieurs à ceux du marché, au motif que l’Histoire n’est qu’une éternelle répétition et qu’autrefois, Louis Napoléon Bonaparte avait élu Le Meurice pour abriter ses amours avec Miss Howard. Une actrice, déjà. Un homme politique, encore. L’adultère, toujours.

Florence Gould et son passé pendant et après la guerre ou le pouvoir de l’argent.

Au bout d’une journée entière de laborieux palabres ponctués de protestations indignées, Florence avait dû son salut à son carnet de chèques. Le montant qu’elle avait inscrit était si élevé qu’elle avait pu regagner son domicile le soir même.
 Pour tout le monde et surtout pour l’avenir, cet épisode serait à classer dans la catégorie des calomnies. Même si elle avait été brève, l’expérience lui avait paru humiliante. Ces déjeuners où se presse le Tout-Paris de la littérature, c’est sa revanche. Plus personne ne lui reprochera ses fréquentations.(Hormis , post mortem, ses biographes, mais avec une telle mansuétude que le péché devient erreur de jeunesse : « Forence, après c’est sévère enquête du gouvernement français, américain et monégasque, est vite lavée de tout soupçon même si elle a manqué de discernement dans le choix de certains amants » litote délicieuse !)

L’homme des renseignements généraux au bar du Meurice

Il est des missions plus agréables que d’autres. Au perrier rondelle a succédé le whisky, puis le Dry Martini. Aussi, à cette minute, son esprit est-il si brumeux qu’il serait incapable de faire la différence entre un situationniste et un maoïste.

Traduit de l’allemand par Georges STURM. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Il est très rare que je lise des romans policiers, mais c’est tout l’intérêt de ce club de lecture : se laisser guider vers des romans que j’ignorerais autrement. Ce roman permet de revivre le terrible hiver 1947 à Hambourg. Il y a fait un froid sibérien de janvier à mars. Et dans cette ville bombardée qui n’a pas encore eu le temps de se reconstruire, la population grelotte, a faim et vit pour une grande’ partie des plus pauvres dans des conditions de promiscuité terribles. Beaucoup de gens fuyant les russes, ou n’ayant plus de maison s’entassent dans des hangars ou des bunkers et doivent leur survie à la fouille des décombres laissés par les bombardements. Sur ces ruines, quatre corps nus seront découverts, un homme deux femmes et une fillette (le fait est réel, la police n’a jamais pu savoir qui étaient ces gens et n’a pas pu trouver leur assassin). L’enquête est menée par un policier Frank Stave, un adjoint qu’il n’apprécie pas Maschke, un anglais (Hambourg est encore en 1947 sous domination britannique) James C. MsDonald. La vie après le IIIe Reich à Hambourg est beaucoup plus passionnante que l’enquête elle-même (mais c’est une non-spécialiste du genre « policier » qui le dit !).

Au début j’étais gênée par le côté larmoyant du policier : oui les Allemands ont souffert après la guerre mais étant donné le traitement qu’ils avaient réservé à l’Europe, je me sentais peu de compassion. Et puis, peu à peu, les personnages se sont étoffés et on sent que pour revivre, l’Allemagne doit faire face à son passé, beaucoup essaient de le faire, mais aussi que l’on ne peut pas tourner la page brusquement. Les Allemands qui avaient vu leurs maisons détruites par les bombes anglaises étaient dans la misère et dans le désespoir car ils se sentaient aussi coupables que victimes. Cela donne une ambiance étrange que cet écrivain a parfaitement rendu. On sent aussi qu’il faudra beaucoup de temps pour que les Allemands prennent conscience de l’étendue des horreurs que les nazis ont commises. Hambourg est rempli de réfugiés, de personnes déplacées, mais aussi de bourreaux qui se cachent parmi tous ces gens et espèrent ainsi échapper à la justice.

Ce roman plaira sans doute aux amateurs des enquêtes policières, avec des flics un peu glauques et ayant trop vu d’horreurs pour garder confiance dans la bonté des hommes. Mais même les non-lecteurs du genre aimeront ce roman qui se situe à une époque très intéressante, celle où les Allemands n’ont pas encore réalisé l’étendue des horreurs nazies et où ils doivent mettre leur fierté dans leur poche et accepter que les vainqueurs qui les occupent et qui ont détruit leurs villes soient les maîtres de leur pays.

Citations

En 1947 à Hambourg

Il arrive que de jeunes Hambourgeois, dont certains viennent juste d’être libérés d’un camp de prisonniers des Alliés, chahutent des soldats britanniques dans les rues sombres, par fierté nationale comme ils disent, sans toutefois oser aller plus loin. Stave quant à lui ne ressent aucune haine des occupants, même si c’est bien une bombe anglaise qui lui a ravi Margarethe. Confusément, il se sent honteux des crimes des nazis, et c’est pourquoi, même si l’idée lui paraît perverse, il se sent libéré d’un poids face aux dévastations de la ville et à sa vie anéantie. Une perte et des privations comme punition méritée. On est devant des temps nouveaux. Peut-être.

Les survivants des camps 1947 Hambourg

Et quand un solliciteur a supporté patiemment toutes les humiliations, la Croix-Rouge lui accorde une ration spéciale : un pain, une boîte de corned-beef, cinq tickets repas- déjeuner dans une cantine publique, huit semaines de rations supplémentaires sur la présentation de la carte. C’est tout. Parce que les praticiens de la chambre des médecins de Hambourg ont décrété, je cite,  » qu’en règle générale l’état sanitaire et le niveau d’alimentation des détenus des camps est absolument satisfaisant ».

Traduit de l’espagnol par Vanessa Capieu. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Votre réveillon 2017 est terminé ? Venez partager celui de la famille d’Amalia à Barcelone ! Quel bon moment de lecture ! Si vous voulez un dépaysement total, un voyage au delà des Pyrénées, dans une famille où les non-dits font tenir l’ensemble. Invitez-vous à la table d’Amalia pour ce réveillon mémorable. Vous ferez la connaissance de son fils, Fernando, le narrateur qui doit avoir beaucoup points communs avec l’auteur. De sa fille Sylvia, celle qui essaie de réparer toutes les impasses dans lesquelles sa mère fonce tête baissée en n’écoutant que son grand cœur. Elle évitera par exemple que le père du clan des roumains dont elle héberge une jeune ne lui vole tous ses biens. Vous connaîtrez Emma qui vit avec Olga. Cette dernière vous fera pouffer de rire plus d’une fois, dépourvue totalement du moindre sens de l’humour, elle prend tout et raconte tout au premier degré, dans cette famille où le moindre propos cache un océan de secrets enfouis, ses regards ahuris et ses discours simplistes font beaucoup pour le rire à la lecture de ce roman, celui, par exemple, que vous aurez quand Amalia veut aider son frère Eduardo « à sortir du placard ».

Comme Olga vous serez peut-être étonné que les propos commencent par « l’inconfort » des bancs du jardin public en bas de l’immeuble. Enfin, il reste Ingrid, l’amie qui n’est pas là mais qui est si importante pour Amalia. Il faut dire qu’elle a des idées de génie cette Ingrid : remplacer la dinde du nouvel an par des feuilletés aux épinards, aller grâce à une ONG à Cuba (je vous laisse imaginer la contrepartie de ce voyage très peu cher)… et elle pourra vous faire « un reiki » qui remettra vos chakras dans le bon sens.

Le réveillon permettra à chacun de dévoiler une partie de son âme, la plus secrète, et peut être de repartir pour un an. Vous, le temps de la lecture, dans un livre un peu foutraque, à l’image du cerveau d’Amalia vous serez passé du rire à l’émotion proche des larmes. et surtout vous découvrirez « Une mère » ! Malgré son cerveau un peu dérangé, elle sera là pour chacun de ses trois enfants au moment où ils ont besoin d’elle. L’Espagne vous sera plus proche et tout en voyant les différences vous pourrez sans aucune difficulté vous dire que « l’humaine condition » est assez semblable et ne connaît pas les frontières.

Citations

Dialogue au téléphone quand Amalia n’écoute pas(hélas !) sa fille

« Oh,non,non ! Pas elle, je t’en prie ! » me suppliait-elle par mimiques, en agitant les mains devant elle comme si je la forçait à affronter Belzébuth lui-même. Puis elle s’est raclé la gorge, a pris deux profondes inspirations, s’est plaqué un sourire sur le visage comme si Sylvia avait pu la voir sur l’écran de son portable et a approché précautionneusement le combiné de son oreille. 

« Oui, ma chérie, j’ai entendu dire de cette voix de mère soumise et attentive qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Oui… Oui, bien sûr… Oui. D’accord… Comme tu voudras… Mais oui, ne t’inquiète pas… Dès demain… Si, j’ai compris… Non, inutile que tu répètes. Oui… Oui. Très bien.

 Après une vingtaine de minutes de « Oui, bien sûr, d’accord, tu as raison »avec cet air de vache égarée qu’elle prend quand ce que quelqu’un lui dit entre par une oreille pour sortir par l’autre, elle a enfin raccroché. Puis elle m’a passé le téléphone.

« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » ai-je demandé.
Elle m’a regardé d’un air somnolent et m’a sorti : 
« J’ai oublié. »

Une scène touchante et le portrait de son père

 J’étais à deux doigts de lui hurler que oui, je savais parfaitement comment il était, presque aussi bien que les inspecteurs de la Sécu et du fisc qui cherchaient encore à lui mettre le grappin dessus. Comme Téléphonica, Onno et Voldafone, comme Mazda, BMW et BBVA, sans parler de tout les amis qui s’étaient portés garants pour lui à un moment ou à un autre de ses magouilles et intrigues frauduleuses, et qu’il avait évidemment perdu en route. J’ai eu envie de l’attraper par les épaules pour la secouer, de lui hurler que nous le savions tous, sauf elle, parce que nous avions tous été victimes à un degré ou à un autre de cet homme à la personnalité maladive qui ne s’intéressait à rien d’autre qu’à lui-même, mais soudain je l’ai vu plantée sur le seuil du salon, si fragile et vulnérable que je me suis approché pour la prendre dans mes bras, et pendant que j’essayais de trouver une formule conjuratoire capable de calmer la furie qu’allait devenir Sylvia, à coup sûr, quand elle apprendrait que maman avait envoyé à papa son contrat de divorce signé, se condamnant ainsi à une liberté qui allait lui coûter très cher, je lui ai souhaité à l’oreille :
. »Je sais, maman je sais… »
 Elle m’a regardé alors avec un soulagement enfantin et a conclu en m’embrassant sur la joue :
« Il faut bien laisser une chance aux gens non ? »

L’avantage de vivre avec un homme lors de la première rencontre avec l’amie de sa fille lesbienne le narrateur c’est son fils homosexuel

 Tu as bien raison, ma fille. Moi, si c’était à refaire, je te le dis franchement, je ferai comme vous. Je me chercherais une bonne amie pour aller au cinéma, aller déjeuner ensemble et tout partager. Oui, certainement. Mais chacune ses culottes, hein ? Parce que tu vois, le seul avantage d’un mari, c’est qu’au moins il ne t’emprunte pas tes culottes ou tes soutiens-gorge. Enfin, sauf si tu as la malchance qu’il soit un peu bizarre, bien sûr, parce qu’il y en a des comme ça aussi « , a-elle achevé en se tournant vers moi.

Cuba vu par l’oncle Eduardo

  » Et bien …oui, oui, les Cubains, ils sont comme ça fit-il de sa voix d’homme du monde. Ils vous donnent tout ce qu’ils ont. Le problème, c’est qu’ils n’ont jamais rien, alors ils inventent. Parce qu’ils aimeraient bien pouvoir donner. En fait, ce n’est pas qu’ils mentent, ils devancent la réalité. C’est de là que vient le cubisme. »

L’humour dans la présentation des personnages : le frère de Peter l’amant norvégien de Sylvia

 Son frère Adam, qu’on croyait activiste de Greenpeace en mer du nord jusqu’à ce que les flics le prenne avec deux kilos de cocaïne cachés dans la cale du bateau avec lequel il poursuivait les baleiniers le jour pour les fournir en neige artificielle la nuit.