Éditions Joelle Losfeld, 144 pages,
En lisant ce roman , je me disais mais j’ai déjà lu cette histoire, mais où ? L’attentat à Roubaix d’un café populaire fréquenté par des Algériens, c’était déjà dans le précédent roman de Michel Quint : « Apaise le temps« . Et sur Luocine, on trouve aussi « En dépit des étoiles » .
J’apprécie beaucoup la sensibilité de cet écrivain, il sait la faire partager à ses lecteurs. Son personnage principal est l’enfant d’un homme qui exerce sans beaucoup de conviction le métier d’agent immobilier. Nous sommes donc face à deux moments dans ce récit, l’enfance du narrateur élevé par un père célibataire et sa vie aujourd’hui de montreur de marionnettes. Un tout jeune homme dans le coma sera le lien entre ces deux moments de vie, car René, le montreur de marionnettes vit avec Daisy une infirmière dans un service pour enfants, et demande à son compagnon de faire sourire les enfants malades grâce à son talent de marionnettiste. Cette fois Louis, n’a pas de cancer, mais il est dans le coma à la suite d’une bagarre dans son lycée, car il a voulu défendre une « beurette ». Avec ses marionnettes Louis lui raconte sa vie et surtout son grand amour pour Halva, une jeune fille métissée d’origine algérienne et d’un pied noir. Elle est la fille d’Aïcha le grand amour de son père.
Et voilà , nous retrouvons le thème du précédent roman, de quel côté était son père lors de la guerre d’Algérie qui a traversé la France dans les années 50, le petit enfant élevé dans un quartier populaire de Paris a bien du mal à comprendre pourquoi il n’a pas de mère et pourquoi les amis de son père sont violemment rejetés par les anciens amis que lui aimait beaucoup. Nous comprenons vite que des affaires louches en rapport avec l’OAS tournent autour de son père et expliquent les différentes ruptures de son père. Il coupera tous les liens avec ces gens malfaisants en revenant vivre à Lille.
Aîcha son mari et sa petite fille Halva, les y rejoindront . Douce période de Bonheur jusqu’à l’attentat qui coûte la vie au mari d’Aïcha.
Il reste au romancier à raconter les retrouvailles avec la mère de cet enfant et à expliquer les ruptures de son père avec les femmes qu’il a aimées. Parce que dans ce parcours de vie, il y a bien « l’espoir d’aimer » pour le père comme pour le fils.
Je suis sensible à cette façon de raconter notre pays et son histoire, mais j’ai trouvé que, dans ce roman, l’auteur utilisait trop de cordes sensibles : les enfants, qui meurent du cancer à l’hôpital , l’adolescent dans le coma pour s’être opposé à des voyous racistes, les parents (riches bourgeois) du jeune qui ne viennent pas lui rendre visite, le dévouement des infirmières, sa mère qui s’engage dans le FLN par amour d’un bel Algérien qui « baise » mieux que le père de l’enfant (j’utilise ce mot car sa mère revendique sa vulgarité) , son père complètement dévoué à son fils .
Bref, j’ai des réserves et pourtant j’ai été touchée par cette lecture.
Extraits.
Début.
Sait-on jamais où commence l’irréparable… ? Quel mot, quel geste, quelle miette de vie oubliée au bord d’un jour sans date, au revers d’une nuit perdue, finit par peser plus lourd qu’un destin arrêté par les dieux … ? À quel moment insidieux notre histoire se confond avec celles des peuples, des nations, les guerres et la barbarie, et les instants d’humanité… ? Quand est-ce qu’on ne s’appartient plus … ? On reconnaît trop tard nos minuscules fatalité pour en jouer ou les éviter, et le reste est vanité.
Tristesse des souvenirs d’enfant.
On n’avait pas de voiture, papa trouvait ça inutile, le métro c’était mieux, et puis il aimait pas conduire… Le zinc aussi, je l’ai pas mal conservé en mémoire, plus haut que moi, où mon père buvait des Cinzano et où je m’appuyais, au niveau de grosses roses sculptées dans le corps du comptoir, en attendant qu’il ait fini de s’engueuler politique avec le patron et des types, sans voir les femmes fardées qui me faisaient goûter leur verre tout sucré. Pauvre marmot, tiens bois , c’est un fortifiant meilleur que l’huile de foie de morue, qu’elles disaient.
Les activités de son père .
Une fois papa a déboulé me récupérer en pleine opération. Il a serré la main au chef FPA ,vous donnerez mon bonjour à M. Papon…Par la suite, j’ai appris qu’il gérait désormais pour la préfecture de police une partie des garnis dont on faisait valser les locataires. Pardi , un homme serviable , mon papa … !