Édition folio

 

C’est le troisième roman que je lis de Fabrice Humbert, « L’origine de la violence » puis « La fortune de Sila » m’avaient beaucoup plu. Mais celui-ci est une vraie déception, j’ai même failli ne pas le chroniquer. J’ai alors pensé que si j’avais lu un billet de mes blogs préférés, je ne me serais pas lancée dans cette lecture. Je vais donc expliquer pourquoi je n’aime pas ce roman. Et en espérant que ceux ou celles qui ont aimé fassent des commentaires plus positifs. Voici déjà l’avis de Kathel qui a beaucoup aimé.

Le récit commence pourtant très bien, par la description du mal-être d’un jeune Newyorkais qui arrive dans une petite ville du Colorado, Drysden où il a passé son enfance. Ne cherchez pas cette ville, n’oubliez pas le titre du roman : « le monde n’existe pas ». Le personnage principal est adulte maintenant et a rejeté ses années de souffrance loin de lui, quand tout à coup le visage de l’adolescent qui a tant troublé le jeune lycéen qu’il était, envahit les écrans géants de Times Squares : Ethan Shaw est accusé de viol et de meurtre d’une jeune fille de 16 ans.

Adam Vollman qui à l’époque s’appelait Christopher Mantel a tout fait pour ne plus ressembler au jeune homme frêle de ses années lycée. Il est, aujourd’hui, journaliste et retourne donc enquêter sur cette affaire. Le but de l’écrivain c’est de faire exister une énorme « Fake-news » à travers les réseaux sociaux et les médias. Petit à petit le lecteur comprend qu’il est convié à une mise en scène dont le narrateur essaie de tirer les fils sans bien voir les tenants et les aboutissants. Finalement s’il y a bien eu complot et qu’Ethan n’a pas commis de meurtre, on ne saura jamais qui a organisé ce récit et au profit de qui. Le fameux « emballement » médiatique est très bien décrit et la désagréable impression de ne plus pouvoir démêler le vrai du faux aussi. Au passage, Fabrice Humbert décrit assez bien ce que doit être la vie dans une petite ville américaine, cette façon de tout savoir sur tout le monde et de très mal supporter les gens venant d’ailleurs, newyorkais et homosexuels par exemple. Ce que je n’ai vraiment pas aimé est ce qui fait tout l’intérêt du roman, c’est de ne trouver aucune rationalité à ce récit. Il permet seulement de se poser cette question : jusqu’où peut aller la folie des médias. Mais aucun personnage n’a vraiment de consistance, l’histoire n’est pas réelle, puisque finalement ce « monde n’existe pas », peut être que Fabrice Humbert rajouterait « pas encore , mais en êtres vous bien certain » ?

 

 

Citations

 

Une amitié déséquilibrée

 En marchant à ses côtés, après l’entraînement, je lui parlais de sujets longuement préparés, ruminés toute la matinée pour lui plaire, auxquels il ne répondait que par monosyllabes, certes parfois amusées, comme on donne des cacahuètes à un singe. Je me sentais en permanence indigne, je n’arrivais pas à l’intéresser, j’étais trop petit, trop limité devant lui.

La vérité et l’écrivain

 Ce qui me troublait, chez Hemingway, c’était la part de fiction qu’il y avait en lui. Son rapport à la vérité et au meurtre tout cela me semblait obscurément liés. En apparence, Hemingway était cet homme d’action, ce correspondants de guerre qui a développé la théorie de l’iceberg et de l’écriture objective, qui avait poli son style durant les années d’apprentissage à Paris. La construction de ce mythe a été d’autant plus essentiel qu’il était miné par l’alcoolisme et la mort, que son amour de la vérité était travesti par le mensonge et le long travail intérieur de la fiction, de sorte qu’à la fin on ne savait plus si son écriture appartenait à la vérité ou mensonge. Hemingway était un homme qui s’inventent, et il avait su se créer une légende ; de même qu’à vingt ans il racontait avoir arrêté dans les rues de Chicago un cheval emballé, c’est dans ces rêves qu’il sauva Dos Passos des cornes du taureau, provoqua en duel celui qui avait insulté Ava Gardner où libéra le Ritz à la tête d’une armée de mercenaires.

Une remarque amusante observée en surfant sur le Net

En dix minutes la différence des approches entre les trois cultures est évidente. Les Américains proposent de faire, les Français de commenter, les Allemands de philosopher. 

 

Édition Noir sur Blanc .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

 

Je ne connaissais pas du tout cet auteur qui se plaît à creuser les rapports familiaux qui détruisent les personnalités (d’après ce que j’ai lu sur lui). Ce roman se situe au stade ultime de la destruction, nous sommes avec un homme qui est interné, il parle à un psychiatre et à une infirmière de ce qui l’a sans doute conduit dans cette chambre d’hôpital dont il n’a pas le droit de sortir. Le roman ne donne que les paroles de ce malade, à nous d’imaginer les questions de son thérapeute qui impliquent ses réponses. On ne peut jamais savoir si ce qu’il dit est vrai, sans doute est-ce là le quotidien des soignants des hôpitaux psychiatriques. A-t-il été lui même un psychologue ? A-t-il conseillé à des patients des passages à l’acte dévastateur ? A-t-il écrit un livre qui révolutionne les thérapie ? On sent que le psychiatre s’intéresse assez peu à ses théories sur les soins mais l’amène souvent à parler de sa famille en particulier de son frère disparu en mer.

La plongée dans le cerveau tortueux de Robert, le patient, et l’absence d’une parole ancrée dans la réalité ne m’ont pas beaucoup intéressées. Et j’ai été très agacée par la quatrième de couverture qui dit ceci :

Un livre corrosif, plus jamais d’actualité, sur la menace constante du populisme, la tentation et le danger d’une simplification de la pensée.

 

Je ne sais pas si c’était dans les intentions de l’auteur, mais alors c’est vraiment raté. Bien sûr que l’on ne peut donner le moindre crédit à un thérapeute qui proposerait de supprimer toute forme d’oppression psychologique par le crime. Extrapoler vers la dénonciation du populisme cela me semble un simple argument pour vendre ce roman.

Pour moi l’intérêt de ce roman (auquel j’aurais mis 3 étoiles sans cette quatrième de couverture) , c’est de voir combien il est difficile de se frayer un chemin vers la vérité quand on est face à une personne dont le cerveau est malade. Robert fuit la seule question à laquelle le psychiatre doit répondre – réponse qu’il doit peut-être donner à un juge- que s’est-il il passé sur le catamaran avec lequel lui et son frère Honoré, moniteur de voile, sont partis en mer et que Robert a ramené en étant seul à son bord ? Honoré a-t-il été victime d’une solution thérapeutique radicale mise en œuvre par son frère ?
À travers les propos de Robert nous découvrons la façon dont les malades vivent l’internement, la cuisine, le compagnon de chambre, la volonté de sortir, mais surtout nous essayons comme le psychiatre de nous frayer un chemin vers la vérité qui est profondément enfouie dans ce cerveau bien malade.

 

Citations

La nourriture de l’hôpital

 Depuis que je fais moins d’exercice physique, mes fesses se ramollissent un peu chaque jour, j’aurai bientôt du pudding à la place du derrière, comme celui qu’on nous sert presque quotidiennement dans cette affreuse cantine. Si vous pouviez user de votre entregent pour faire varier un peu les desserts, nous vous en saurions gré… Car entre le pudding, les entremets et les yaourts, nous allons tous finir par croire qu’il nous manque des dents, or ma dentition est parfaite.

Est-ce vrai ?

 Il est rare que des gens beaux viennent consulter. Pour cause : il existe objectivement aucune raison valable. La beauté est un véritable aimant qui attire à la fois le désir, le respect, la fascination, la richesse, la puissance, et si vous vous y prenez correctement. : la célébrité.

 

Édition Acte Sud. Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes
Prix Femina 2021 pour les auteurs étrangers

C’est étrange comme le bonheur et le malheur se ressemblent, l’un comme l’autre nécessitent qu’on oublie la réalité telle qu’elle est.

Ahmet Altan est sorti de prison, c’est sans aucun doute la nouvelle qui m’a fait le plus plaisir en avril 2021. J’avais tant aimé « Je ne reverrai plus le jour » que je suivais toutes les péripéties judiciaires de ce grand écrivain. Comme je le disais dans le précédent billet quelques soient les humiliations que la prison turque lui a imposées, elle n’a jamais réussi à ôter en lui sa qualité d’écrivain. J’attendais avec impatience de lire ce roman et j’imagine très bien comment passer autant de temps à creuser ses souvenirs des deux femmes qu’il a aimées alors qu’il était jeune étudiant lui ont permis de survivre à son incarcération.

Madame Hayat est une femme plus âgée que lui et moins cultivée que lui. Ces deux différences feront qu’il aura toujours un peu honte de cette relation alors qu’elle lui apporte tant de choses entre autre une initiation à la sexualité riche et complète. Cet amour m’a fait penser à un roman qui m’avait beaucoup marquée « Éloge des femmes mûres » de Stephen Vizinczey. Fazil (le personnage principal) entretient en même temps une relation avec l’étudiante Sila. Il est amoureux de ces deux femmes, Sila et lui ont en commun d’avoir été des enfants de la classe favorisée d’un pays que l’auteur se garde bien de nommer. Ils ont tous les deux été plongés dans la misère, Fazil parce que son père n’a pas su diversifier ses cultures maraichères et Sila parce que le régime a subitement confisqué tous les biens du sien. Celui-ci restera même en prison quelques jours, le temps de signer une déclaration dans laquelle il s’engagera à ne pas faire de procès aux autorités qui l’ont ruiné. Comme dans le roman de Stephen Vizinczey, la montée du sentiment amoureux est accompagnée par la réalité politique de leur pays. Pour Fazil et ses amis il s’agit de la peur et parfois la panique face à l’intolérance religieuse et la répression policière qui s’abat sur tout ce qui est différent. Ce roman est aussi un hymne à la littérature, monde dans lequel Fazil (et certainement Ahmet Altan) se réfugie le trouvant souvent plus réel que la vie qu’il doit mener. Deux professeurs de littérature lui feront comprendre la force de l’engagement littéraire. Ces deux enseignants connaîtront à leur tour les horreurs de l’arrestation arbitraire et la prison.

Si cette progression de ce pays vers une répression à la fois des mœurs et des positions politique est bien présente dans « Madame Hayat », ce n’est pas l’essentiel du roman. Ahmet Altan a voulu revivre ses premiers amours et son épanouissements sexuel, j’imagine assez facilement le plaisir qu’il avait à se remémorer ce genre de scènes entre les quatre murs de sa prison à Istanbul. Un très beau roman, tout en sensibilité et respect de la femme, celui d’un homme libre aujourd’hui mais dont le talent a toujours dépassé les murs dans lesquels un régime répressif l’a enfermé pendant six longues années.

 

 

 

Citations

 

La liberté et la littérature

 Il me semblait que le vrai courage, ici, c’était d’oser critiquer le livre de Flaubert, tant le monde et les personnage qu’il avait créés, leurs idées, leurs sentiments, leur intuition, étaient pour moi un sujet d’éblouissement permanent indépassable au point que j’aurais aimé vivre dans ce monde là dans un roman de Flaubert. J’y étais comme chez moi. Mon grand rêve eût été de passer ma vie dans la littérature, à en débattre, à l’enseigner, au milieu d’autres passionnés, ce dont je me rendais toujours un peu plus compte à la fin de chaque cours de madame Nermin. La littérature était plus réelle et plus passionnante que la vie. elle n’était pas plus sûre, sans doute même plus dangereuses, et si certaines biographies d’auteurs m’avaient appris que l’écriture est une maladie qui entame parfois sérieusement l’existence, la littérature continuait de paraître plus honnête que celle-là.

L’amour et Proust

 Je n’avais d’yeux que pour son corps voluptueux, sa chair, ses plis, qui m’appelaient partout, au coin de ses yeux, à la pointe des lèvres, sur sa nuque, sous ses bras, sous ses seins. Elle avait certainement perdu sa beauté de jeunesse, mais tous ces petits défauts de l’âge ne la rendaient que plus attirante. J’étais persuadé de la désirer telle qu’elle était, ni plus jeune ni plus belle. Je me souvenais de la phrase de Proust : « Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. »

Le plaisir

Avec elle je découvrais le suprême bonheur d’être un homme, un mâle, j’apprenais à nager dans le cratère d’un volcan qui embaumait le lys. C’était un infini safari du plaisir. Elle m’enveloppait de sa chaleur et de sa volupté pour m’emporter au loin, vers des lieux inconnus, chacun de ses gestes tendres était comme une révélation sensuelle. Elle m’enseignait que les voies du plaisir sont innombrables.

Dieu

 Ça fait longtemps que Dieu regrette sa création, il essaie d’oublier, je suis sûre qu’il a déjà arraché cette page de son cahier et l’a jetée à la poubelle.

La conversation après l’enterrement d’une petite fille

 Pendant que nous attendions les boissons, je demandai à madame Hayat si elle croyait en dieu. Je l’avais vu prier tout à l’heure. 
– Parfois. Mais pas aujourd’hui… Et puis, Dieu aussi a des absences. 
Les boissons arrivèrent. Elle resta un moment le verre à la main, parlant comme pour elle-même :
– Est-ce qu’il laisse la boutique aux employés et s’en va faire un tour, je ne sais pas.

 

Édition Denoël. Lu dans le cadre du club de lecture médiathèque de Dinard 

 

Ce roman avait bien sa place dans le thème du mois de novembre du club de lecture : « les voisins » , mais c’est bien là son seul intérêt. Claire, le personnage principal, est une jeune femme étrange, complètement névrosée qui passe son temps à observer ses voisins. Dans cet immeuble parisien, vivent des personnes dont elle imagine la vie à travers les bruits et quelques disputes. Elle est l’amie d’un Japonais avec qui elle partage le silence et le thé. Elle aime sa petite voisine Lucie qui n’est pas aimée par sa mère. Elle est correctrice dans une petite maison d’édition et fait parfois l’amour avec son ostéopathe. Est ce que j’ai tout dit ? non il y a pour pimenter le tout une histoire vaguement policière sans grand intérêt Le Japonais est poursuivi par un nouveau voisin car il aurait par erreur assassiné la femme de ce voisin. À aucun moment , je n’ai été prise par cette histoire, bien que parfois il y ait de bonnes observations sur les comportements des uns et des autres. L’intrigue, les personnages, le style tout m’a semblé d’une platitude désolante.

C’est un premier roman, et je sais que depuis , depuis, Sophie Bassignac a écrit des livres beaucoup plus intéressants, j’avais beaucoup aimé sa description du monde des marionnettistes « Le plus fou des deux« .

 

Citations

L’ami japonais

 Claire tournait les pages de la revue, concentrée. Ishida lui était reconnaissant d’accepter enfin d’être là et de ne rien dire. Avait-elle compris que le silence était ce qu’il y avait de plus japonais entre eux ?

Le pouvoir des livres

Avec les livres, un jour vous êtes à Prague en 1912 avec de jeunes intellectuels juifs, et le lendemain à Tokyo en 1823 et vous devisez dans une maison de thé avec des geishas, à Paris en 1930 dans les beaux quartiers où à New York en milles 1896 dans la tête d’un jeunes roturier ambitieux… Quel être humain pourrait me proposer de tels voyages, quelle vie me permettrait de faire autant de rencontres ?

Édition Le cherche Midi

Lu dans le cadre de Masse Critique Babelio

 

Ce livre raconte un enterrement où rien ne se passe comme prévu et nous offre une galerie de personnages attachants. Pourtant, il s’agissait d’une cérémonie qui aurait dû être très simple parce qu’elle se passe parmi des gens ordinaires, ceux que l’on ne remarque pas : Serge, le défunt, conducteur de bus pour les résidents de l’EHPAD, Arlette sa compagne, femme de ménage, son ami en fauteuil roulant, sa mère qui a enfin, à 84 ans, trouvé le bonheur avec une compagne et sa sœur qui au début du récit semble odieuse et uniquement préoccupée par la réussite financière et qui est maman d’une ado Garance plus généreuse que ses parents.

Et puis il y a les deux assistants funéraires dont la vie est assez compliquée, l’un car il ne se remet pas d’une grave dépression, l’autre car il attend désespérément une réponse à un texto envoyé à une jeune actrice qui lui chavire le coeur.

Tout commence dans la tristesse sous la pluie avec à peine douze personnes dans l’église pour se terminer en apothéosé le lendemain avec une centaine de personne au cimetière. C’est sans doute mes réserves sur ce roman, tout se termine tellement bien que je n’ai guère pu y croire. Je ne divulgâche rien pourtant j’en aurais bien envie ….

 

 

Citations

À quoi pense une mère d’ado pendant l’enterrement de son frère

 Ses parents s’apprêtent à lui payer une école de dessin en plein cœur de Paris à neuf mille balles de frais de scolarité mais c’est Arlette qui est « trop cool » avec son clafoutis. franchement, y a des baffes qui se perdent.

Le copain du défunt

Je falsifiais . Des fiches de paie, des diplômes, des reçus. C’est mon côté artiste. j’avais fait les beaux-arts à bordeaux. Sauf qu’au lieu de copier Vélasquez ou Rembrandt, je faisais des faux bulletins de salaire. Des bouteilles de vin, aussi. J’en ai fait un paquet. Des fausses étiquettes de grands crus, des faux cachets de cire. Les types mettaient de la piquette dedans, personne faisait la différence, les caisses partaient à des prix que vous n’imaginez pas.

L’humour et une chanson triste

 « La tendresse » est probablement la chanson la plus triste du répertoire français. L’écouter dans un corbillard garé devant un cimetière, un lundi après-midi, sous un ciel menaçant, relève de l’exploit. Ça pourrait faire l’objet d’une épreuve olympique.

Édition Sabine.Wespieser. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre choc, qui se lit très facilement et qui oblige à se poser des questions : comment aurions nous réagi à une telle annonce ?

Thierry et Élisabeth habitent une maison isolée tout près d’une belle et grande forêt. En face de chez eux un couple, Guy et Chantal, est venu habiter une maison en ruine qu’ils ont retapée. Depuis quatre ans des liens très forts se sont tissés entre eux. Coup de tonnerre : Guy est arrêté pour les viols et les meurtre de six jeunes filles. L’écrivaine va suivre le travail que doit faire Thierry pour échapper à l’emprise mentale de celui qu’il considérait comme étant son seul ami. Et peu à peu se dessine le portrait d’un homme taiseux qui ne sait pas tisser des liens avec les autres et cela dès son enfance. Pour une fois, il faisait confiance et était bien avec un homme, ils buvaient parfois des bières ensemble, ils s’aidaient pour des petits bricolages, ils étaient tout simplement amis. Et voilà qu’il doit revivre tous les instants qu’ils ont partagés en se rendant compte à quel meurtre correspondait tel ou tel service rendu. L’horreur le rend fou de douleur. Son boulot le lâche et sa femme s’écarte de lui car elle veut absolument déménager de cette maison qu’elle n’a jamais aimé (trop isolée). Lui s’obstine à vouloir rester là où il a fait son trou dans cette maison où il se sentait protégé.

La fin est très belle aussi, il trouvera à qui demander pardon pour son enfance brisée, et le fait qu’il ne sache jamais dire son amour aux gens qui comptent tant pour lui : sa femme et son fils. Le livre se termine par l’espoir qu’il saura peut-être mieux s’ouvrir aux autres en tout cas, il a enfin compris sa femme qui exige de déménager de cet endroit de malheur.

Je trouve que le style très rapide va bien avec ce récit qui ferait un très bon film. J’ai apprécié aussi que Tiffany Tavernier ne cherche pas à comprendre l’assassin comme tant de journalistes s’y essayent lors des terribles révélations de meurtres en série, mais se penche sur la personnalité de celui qui était son ami et qui n’a rien vu. Cela nous interroge sur ce que nous savons de gens que nous croyons connaître.

Citations

Leur vie avec le tueur

Reine et Virginie, c’était avant leur arrivée, mais toutes les autres, à commencer par Zoé ? À cette époque, Marc était déjà parti étudier à Grenoble et Guy venait d’acquérir la maison. Sans doute n’avions-nous pas encore fait connaissance. La petite Margarira, en revanche, c’était l’année des vingt ans de Marc. Pour fêter « ça  » et nous consoler de l’absence du « petit », Guy et Chantal s’étaient pointés avec un somptueux pauillac. Un an après, au moment de la disparition de Selima, Marc venait de nous parler de son désir de vivre au Vietnam. À la maison, nous étions comme deux chiots abandonnés et Guy et Chantal, nous invitaient souvent pour nous changer les idées….

Le début d’une très belle scène finale

 Tout ce malheur sur son visage. Marcher vers elle. Franchir le mur qui me sépare de son sourire. Traverser la forêt. Écarter les épines, les ronces. Ramasser les bruyères. Marcher encore. Atteindre cette larme qui coule le long de ses joues. Cette larme que j’essuie le plus délicatement possible et que j’embrasse avec douceur. Tout ce mal qu’on lui a infligé, nous tous, les hommes, les filles aussi, qui détournaient la tête à son passage.

 

Édition Livre de poche. Traduit de l’anglais (Irlande) par Sophie Aslanides

 

Une bonne idée piochée dans ce roman

Peut-être serait-ce une bonne idée que tout le monde cesse d’écrire pendant deux ou trois ans pour laisser les lecteurs rattraper leur retard

Je dois cette lecture à Athalie et après avoir relu son billet, je comprends pourquoi je suis tombée dans le piège de ce roman. Athalie a complètement raison, l’ego des écrivains qui les mène à courir les plateaux télé et à faire les beaux pour recevoir des prix littéraires est très bien raconté dans ce roman. Mais c’est d’une tristesse ! et cela me donne envie de vomir. Or, une de mes grandes joies, je la dois aux livres écrits par ces êtres si imparfaits. Je crois que je n’ai pas envie d’apprendre qu’ils peuvent être de si petits hommes. Depuis « Bel Ami » ou Rastignac je sais bien que celui qui au départ n’a pas grand chose doit avoir les dents bien longues et très peu de scrupules pour arriver au sommet. Maurice Swift n’a pour lui que d’avoir 20 ans et être un très beau garçon qui plaît aux hommes aussi bien qu’aux femmes. Il va faire un coup de maître en prenant le cœur et l’âme d’un vieil écrivain homo d’origine allemande et qui a commis une vilénie lorsqu’il était jeune homme à Berlin.

Le talent de Maurice, car il en a un, c’est de voler les histoires des autres, avec ce roman il a dévoilé au monde que ce grand écrivain admiré par tous a envoyé à la mort une famille juive, parce qu’il éprouvait une passion amoureuse pour son ami. Passion qui n’était pas partagée puisque ce jeune ami était amoureux de la jeune fille juive qu’il essayait de sauver. Ce roman lance Maurice dans la vie littéraire mais il n’a plus aucune inspiration puisque plus personne ne lui raconte d’histoires. Il se mariera et volera le manuscrit de sa femme, dont il provoquera la mort ainsi que celle de son fils. Ensuite, directeur d’une revue, il volera des idées aux talents inconnus qui lui envoient des nouvelles.

Athalie a aimé la fin lorsqu’enfin le destin va se retourner contre lui, et que ses impostures seront dévoilées. Moi j’étais, déjà, complètement écœuré par le personnage. Je pense que j’aurais voulu que le roman s’arrête à la première histoire, les deux meurtres sont de trop. Le seul moment que j’ai aimé après le premier roman, c’est lorsqu’un grand écrivain Gore, ne cède pas à son charme et lui fait comprendre qu’il n’est absolument pas dupe du personnage.

Si vous voulez perdre toutes vos illusions sur les écrivains, et que vous êtes en bonne forme morale, lisez ce livre. Si vous avez envie de croire que les écrivains ne sont pas pires que les autres humains et que parfois vous vous sentez triste de l’état du monde, passez votre chemin : ce livre ne vous aidera pas à vivre

 

Citations

 

Un moment assez amusant

Cependant, je me souviens qu’il me félicita pour mon dernier succès et ajouta que, bien qu’il n’eût pas lu mon roman parce qu’il ne lisait aucun auteur non-américain, il avait reçu l’assurance de notre éditeur commun qu’il s’agissait d’un texte d’une certaine valeur.
« Je vous en prie, n’en prenez pas offense », me dit-il avec son accent traînant, enfonçant ses doigts boudinés dans sa bouche pour retirer un morceau de petit four logé entre ses dents avant de l’examiner avec l’ intensité d’un analyste médico-légal, puis de s’en débarrasser en l’envoyant d’une pichenette sur la moquette. « Je ne lis pas non plus les femmes et je m’arrange pour le faire savoir dans toutes les interviews parce que cette déclaration m’assure inévitablement un maximum de publicité. La brigade du politiquement correct monte immédiatement sur ses grands chevaux et en un temps record, je me retrouve en vedette de toutes les pages littéraires. »

Humour

Ces livres étaient efficaces mais si douloureusement banals que même le président Regaen en avait emporté un en vacances en Californie vers la fin de son déconcertant règne et déclaré qu’il s’agissait d’un portrait magistral des ouvriers des aciéries américaines, sans se rendre compte que les ouvriers en question forniquaient à qui mieux mieux entre les lignes.

La méchanceté

Ma propre mère, Nina, a commencé comme actrice, vous savez. Elle a ensuite renoncé à cette profession pour devenir une alcoolique, une traînée et une aliénée. Je ne sais pas pourquoi elle n’aurait pas pu faire tout ensemble. Historiquement, les deux carrières ne se sont jamais avérées incompatibles.

L’indignation littéraire

Et tout ce que je peux en dire, c’est que la moitié des romanciers du monde entier ont mis leur grain de sel, ce qui a fourni à chacun d’entre eux les quelques minutes de publicité qu’ils recherchaient. Comme la concurrence est féroce quand il s’agit d’exprimer son indignation !

 

 

 

Édition Gallaade . Traduit de l’anglais (Américain) par Anne Damour (j’adore ce nom !)

 

J’ai déjà un certain nombre de livres de cet auteur sur mon blog. J’avais été un peu déçue par sa biographie, mon préféré reste « Et Nietzsche a pleuré » suivi de près par « le problème Spinoza » et « Mensonge sur le divan » celui-ci ressemble beaucoup à « Créature d’un jour ». Comme pour ce dernier livre Irving Yalom part à la recherche des valeurs qui ont soutenu son travail thérapeutique et ces valeurs se retrouvent davantage chez les philosophes que chez les psychanalystes en particulier chez Épicure. Comme souvent, il commence son livre par une ciation il s’agit ici d’une maxime de François de La Rochefoucauld  :

« Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face »

Tout son essai ne ne se prononce pas sur le soleil mais nous dit que pour la mort c’est quand même beaucoup mieux de savoir qu’elle fait partie de notre vie !

Il explique et nous raconte – ce qui rend, comme toujours, chez Irving Yalom ses récits si faciles à comprendre – combien la peur de la mort donne des conduites qui font terriblement souffrir ses patients. Mais au-delà des cas cliniques qu’il décrit avec une compassion qui me touche beaucoup, nous comprenons tellement mieux nos propres conduites ou celles de nos proches. C’est un livre qui aide à vivre alors que le thème central analyse les conduites pour oublier ou complètement effacer le fait que notre vie aura une fin. Ce n’est pas un livre triste, pourtant, Irving Yalom a été spécialiste des groupes de cancéreux en phase terminale, chez eux aussi il a trouvé des leçons de vie. Je recommande cette lecture, elle tombait particulièrement bien pour moi qui pour la première fois de ma vie devait affronter un réel problème de santé. Comme j’aurais aimé rencontré un Irving Yalom sur mon chemin !

 

 

Citations

 

J’aurais pu prononce cette phrase aux enterrement de gens que j’ai tant aimés.

Deux mois plus tard lorsque sa mère mourut et qu’elle prononça une courte allocution au cours des funérailles. Une des phrases favorites de sa mère lui revint à l’esprit :  » Cherchez-la parmi ses amis« .
 Ces mots avaient un pouvoir évocateur : Barbara savait que la bienveillance de sa mère, sa tendresse, son amour de la vie vivrait en elle, sa fille unique. Tandis qu’elle prononçait son discours et parcourait l’assemblée du regard, elle ressentait physiquement les qualités de sa mère qui avaient irradié vers ses amis, qui à leur tour les transmettraient à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants.

L’empathie

L’empathie est l’outil le plus puissant dont nous disposions pour entrer en relation avec autrui. C’est le ciment des relations humaines, qui nous permet de sentir profondément en nous ce qu’un autre éprouve.

Nulle part la solitude devant la mort et le besoin d’une relation ne sont décrits avec plus de force et de réalisme que dans le chef-d’œuvre d’Ingmar Berman « Cris et chuchotements. »

La transmission

Avec l’âge, j’attache de plus en plus d’importance à la transmission. En tant que pater familias, je m’empare de l’addition lorsque nous dînons au restaurant en famille. Mes quatre enfants me remercient toujours aimablement (après avoir offert une faible résistance), et je ne manque jamais de leur dire : »Remerciez votre grand-père Ben Yalom. Je ne suis qu’un réceptacle qui transmet sa générosité. Il s’emparait à chaque fois de l’addition à ma place ». (Et, soit dit en passant, je n’offrais qu’une faible résistance.)

Le besoin de personnalité supérieure

Je crois que notre besoin de guide expérimenté est révélateur de notre vulnérabilité et de notre recherche d’un être suprême ou supérieur. Nombreux sont ceux, moi y compris, qui non seulement révèrent leur mentor mais leur attribuent plus qu’ils ne méritent. Il y a deux ans, à un service à la mémoire d’un professeur de psychiatrie, j’écoutais l’éloge funèbre prononcé par un de mes anciens étudiants, que j’appellerai James, aujourd’hui directeur réputé de la chaire de psychiatrie dans une université de la côte Est. Je connaissais bien les deux hommes, je fus frappé de voir que dans son discours, James attribuait beaucoup de ses propres idées originales à son ancien professeur.

Je partage cette conviction

J’ai la conviction que la vie (y compris la vie humaine) est apparue à la suite d’événements aléatoires ; que nous sommes des êtres finis ; et que, envers et contre tout espoir, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour nous protéger, évaluer notre comportement, donner à notre vie un cadre qui ait du sens. Nous n’avons pas de destin tracé d’avance, et chacun de nous doit décider comment vivre une vie aussi remplie, heureuse et signifiante que possible.

Encore une fois, je me sens proche de lui

Si deux de mes règles fondamentales en tant que thérapeute sont la tolérance et une totale acceptation, j’ai pourtant mes propres préjugés. Ma bête noire concerne tout ce qui relève de la croyance dans le bizarre : la thérapie de l’aura ; les gourous ; les guérisseurs ; les prophètes ; les prétendues guérisons de divers nutritionniste : l’aromathérapie, l’homéopathie ; et les idées farfelues sur des choses telles que le voyage astral, le pouvoir guérisseur des cristaux, les miracles religieux, les anges, le gens shui ; le spiritisme (télépathie), la voyance, la lévitation, la psychokinése, les esprits frappeurs, la thérapie des vies passées, sans citer les ovnis et les extraterrestres qui ont inspiré les anciennes civilisations, laissé des empreintes dans des champs de blé, et construit des pyramides égyptiennes.

Édition Plon Feux Croisés . Traduit de l’anglaispar Anouk Neuhoff avec la collaboration de Suzy Borello

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voici ma première lecture dans le cadre du club de lecture qui a donc repris du service pour ma plus grande joie.

Le thème du mois était : « Les voisins » , ce roman de John Lanchester paru en France en 2013 , raconte la vie des habitants de Pepys Road. Cette rue bordée de maisons particulières a connu le sort de beaucoup de quartiers de Londres, d’abord construites pour la classe moyenne, les maisons sont peu à peu rachetées par de très riches londoniens qui passent leur temps à faire des transformations plus couteuses les unes que les autres, il leur faut être à la pointe de la mode et montrer que rien n’est assez beau pour eux. Nous sommes en 2007 et la City fait couler l’argent à flots continus. Ce roman tout en se focalisant sur un quartier de Londres donne une photo assez précise de l’ensemble de la ville. Plus que les gens qui seront les acteurs de ce roman, c’est la mainmise de la puissance financière qui est analysée aussi bien du côté des vainqueurs que des exclus.

Du côté des vainqueurs (en tout cas au début) on trouve Roger et Arabella Yount , leur seule motivation c’est l’argent, en gagner beaucoup et le dépenser au plus vite . Le roman s’ouvre sur l’inquiétude de Roger aura-t-il droit à sa prime d’un million de livres dont il aurait cruellement besoin pour écluser toutes ses sorties d’argent ? Nous suivrons pendant un an cette famille et leurs deux garçons qui auront, eux, bien besoin de baby-sitter pour qu’un adulte s’occupe enfin un peu d’eux. Je dois avouer que c’est un aspect qui me surprend beaucoup dans la littérature anglaise (je ne sais pas si c’est en partie réel) mais les enfants ont toujours l’air d’épuiser leurs parents qui n’attendent qu’une chose les mettre au plus vite en pension.

Du côté de ceux qui doivent travailler dur pour profiter un peu de cet argent, un ouvrier polonais et nous découvrirons grâce à lui le monde des travailleurs pour qui l’argent ne coule pas à flots. Il aura des amours compliqués et devra résoudre un problème de conscience à propos, encore une fois, de l’argent : il trouve dans la maison qu’il rénove une valise remplie de billets, que va-t-il en faire ?

Pétunia Howe est la personne la plus touchante de ce récit , elle est âgée et a vécu une grande partie de sa vie avec son mari Albert qui était un horrible radin grincheux. Surtout ne croyez pas la quatrième de couverture, elle n’est pas obligée de vendre sa maison pour se soigner. Elle est est atteinte d’une tumeur au cerveau, sa fille Mary viendra l’accompagner pendant sa fin de vie et nous permettra de connaître son fils Smitty qui est un performeur en art contemporain. Cette famille se situe dans la classe moyenne et elle est plus sympathique. Le fils permet quelques passages assez classiques sur l’absurdité des prix en art mais il reste un homme capable de sentiment pour sa famille, Ce roman donne une assez bonne vision de la société britannique avec ceux qui ne peuvent pas y pénétrer comme Quentina qui a fui le Zimbabwe et qui n’a aucun papier. Elle arrive à travailler sous une fausse identité et est employée par la société de surveillance du stationnement à Londres. Étant donné la complication des règles de stationnement, il semble particulièrement difficile de ne pas avoir de contravention.

La famille pakistanaise est riche en personnalités diverses , l’intégrisme musulman frappe à leur porte , en travaillant comme des fous ils arrivent à un niveau de vie correct.
Il reste un pan de la société : les joueurs de foot grâce à Freddy Kamo nous découvrons que là aussi l’argent peut ruisseler mais il est quand même soumis à la santé physique du jeune joueur, une mauvaise fracture et voilà le rêve qui s’écroule.

Le lien entre tous ces personnages, c’est qu’ils sont tous voisins ou travaillent pour des gens de Pepys Road.

Chaque personnage représente un prototype de Londoniens et l’auteur décrit ainsi une ville qui va mal car elle est trop centrée sur l’argent et la consommation. Il arrive à tenir l’intérêt du lecteur car les trajectoires des personnages font craindre une chute ce qui arrivera pour certains d’entre eux. Et puis, il y a ces cartes que tous les habitants de la rue reçoivent avec cette inscription « Nous voulons ce que vous avez ». Qui se cache derrière ces messages anonymes ? Nous avons donc droit à une enquête policière et à un inspecteur très britannique sorti des écoles qui font de lui un homme un peu trop chic pour sa fonction.

J’ai aimé cette lecture car elle donne une bonne idée de ce qui va mal dans la société britannique, même si les personnages sont parfois caricaturaux et les situations un peu convenues, il faut aussi dire que ce livre a vingt ans et que beaucoup de ce qu’il dénonce nous semble des lieux communs aujourd’hui.

 

Citations

 

Construction de la rue

La rue en question s’appelait Pepys Road. Elle n’avait rien d’extraordinaire pour une rue de ce quartier. La plupart de ses maisons dataient de la même époque. Elles avaient été construites par un entrepreneur à la fin du XIXe siècle, pendant le boom immobilier consécutif à l’abolition de l’impôt sur les briques.

 

La famille pakistanaise

Soit Usman traversait bel et bien une phase religieuse, soit -de l’avis d’Ahmed- il jouait la comédie. Dans un cas comme dans l’autre, il faisait tout un foin de sa répugnance à vendre de l’alcool et des magazines avec des femmes nues en couverture. Les musulmans ne devaient pas…, et patati, et patata. Comme si l’ensemble de la famille n’avait pas conscience de cela… Mais la famille avait également conscience des impératifs économiques en jeu.

 

 

Madame Kamal mère

Elle engueulerait tellement Usman qu’il y avait de fortes chances qu’il n’en sorte pas vivant. Le monde se rendrait compte que le Pakistan n’avait pas réellement besoin de la force nucléaire puisque le pays disposait déjà de Madame Kamal mère.

 

L’ouvrier polonais

La pose des étagères était assurée par son Polonais. Bogdan le maçon qu’elle avait tout d’abord employé sur la recommandation d’une amie, et avait désormais adopté. Il travaillait deux fois plus dur qu’un ouvrier anglais, était deux fois plus fiable et coûtait deux fois moins cher.

 

Se loger à Londres

Zbigniev, Piotr et quatre amis habitaient un trois pièces à Croydon. Ils le sous-louaient à un Italien, qui lui-même le sous-louait à un Anglais qui le louait à la ville, et le loyer était de 200 livres par semaine. Ils devaient faire attention pour le bruit, car si les autres résidents les dénonçaient ils seraient flanqués dehors. En réalité ces jeunes gaillards bien élevés étaient des locataires appréciés dans l’immeuble, dont les autres occupants étaient âgés et blancs. Comme l’un d’eux l’avait un jour glissé à Znigniev dans le hall, ils s’estimaient heureux. : « Au moins vous n’êtes pas des Pakis ».

 

Manie de riches

Roger avait une manie donc il voulait se débarrasser mais qu’il avait bien conscience de ne pas avoir encore corrigée : il avait tendance à acheter plein de matériel hors de prix dès qu’il envisageait de se mettre à un hobby. C’est ce qui s’était passé avec la photographie, quand il avait acheté un appareil immensément sophistiqué et inutilisable, assorti d’une batterie complète d’objectif, puis pris une dizaine de photos avant de se lasser de sa complexité. Il s’était mis à la gym et avais acheté un vélo, un tapis de jogging et une machine multifonctions, puis une carte pour un « country club » londonien donc il ne se servait quasiment jamais temps il était laborieux d’y aller. Il s’était mis à l’oenologie, il y avait installé un un frigo-cave à vin dans le sous-sol réaménagé qu’il avait rempli de bouteilles coûteuses achetées sur recommandation, mais l’ennui c’était qu’on était pas censé boire ces fichues bouteilles avant des années. Il avait acheté en multipropriété un bateau à Cowes, donc ils s’étaient servis une fois….

 

Les riches à Dubaï

Ils devaient descendre dans des hôtels hors de prix pour faire ce que faisaient les gens dans ces cas-là et dans ces endroits-là : lézarder au bord de la piscine en sirotant des boissons hors de prix, manger de la nourriture hors de prix, discuter des futurs vacances hors de prix qu’ils pouvaient prendre et du délice que c’était d’avoir autant d’argent .

 

 

L’argent à Londres

À Londres l’argent était partout, dans les voitures, les vêtements, les boutiques, les conversations, jusque dans l’air lui-même. Les gens en avaient, le dépensaient, y pensaient et en parlaient en permanence. Tout cet argent avait un côté insolent, épouvantable, vulgaire, mais également excitant, stimulant, insolent, nouveau, bref, différent de Kecskemét en Hongrie, qui lui avait semblé, comme toujours les lieux où on grandit, intemporel et immuable. Pourtant, ces torrents d’argent qui inondaient Londres, elle n’en profitait pas. Des choses arrivaient, mais pas à elle. La ville était une immense vitrine de magasin, et elle était dehors sur le trottoir à admirer l’intérieur.

 

 

 

 

Édition Charleston. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Bourgeois

Encore un livre sur mon Kindle qui a bien rempli sa fonction de me faire oublier tous ces fils multicolores auxquels j’ai été reliée une petite semaine l’été dernier. Je ne peux que vous recommander cette lecture, cette auteure vous permettra de revivre le martyre du peuple coréen colonisé par le Japon.
Le roman commence en Corée dans une famille qui héberge et nourrit des pêcheurs. Ce n’est pas la richesse mais grâce au travail harassant du couple, ils y arrivent. Plusieurs malheurs vont s’abattre sur cette famille, d’abord la mort du mari puis la grossesse non désirée de leur fille unique qui s’est laissé abuser par un riche Coréen habitant au Japon. Heureusement elle trouvera un homme qui veut bien l’épouser et toute la famille partira vivre au Japon qui est alors la puissance coloniale dominant la Corée.
La deuxième partie du roman raconte le sort des Coréens au Japon. Pendant la guerre, ils sont considérés comme des « sous-hommes » et après, ils sont l’objet de toutes les discriminations habituelles dans un pays qui est en proie au racisme et au mépris pour tout ce qui n’est pas japonais. La famille va s’en sortir grâce au travail incroyable des femmes et on l’apprendra plus tard grâce aussi, à la protection du riche Coréen qui est le père biologique du premier enfant du personnage principal. C’est aussi un mafieux très puissant qui lui ne craint pas d’affronter les Japonais.
Le roman est passionnant. Suivre le destin de cette famille est un voyage qui m’a tenue en haleine jusqu’au bout. J’ai beaucoup aimé me plonger ainsi dans la culture coréenne en particulier la cuisine qui semble délicieuse. L’image du Japon ne sort pas grandi, pendant et avant la deuxième guerre mondiale c’était une puissance coloniale barbare pour les populations sous son joug et ensuite ce pays est apparu comme victime de la bombe atomique et n’a pas fait le même travail de mémoire que l’Allemagne. Et donc, a gardé des aspects contestables de sa civilisation, en particulier le mépris voire le racisme envers les Coréens.

Citations

Le destin de femmes

Évidemment ! Sunja-ya, le destin d’une femme est de travailler et de souffrir. Souffrir, et souffrir encore. Mieux vaut t’y attendre dès maintenant, tu sais. Tu grandis, alors il faut bien te prévenir. Ta vie va dépendre de l’homme que tu vas épouser. Avec un bon mari, tu auras une vie correcte, mais avec un homme mauvais, c’est la malédiction assurée. Dans tous les cas, il y aura de la douleur. Prépare-toi à souffrir et continue de travailler dur. Personne ne prendra soin d’une pauvre femme : on ne peut compter que sur soi-même.

 

Le deuil

Shin adressa un sourire faible au jeune pasteur. Cinq ans plus tôt, le choléra avait emporté quatre de ses enfants ainsi que sa femme et, depuis, il avait compris qu’il ne pouvait plus parler du deuil – tout ce qu’une personne pouvait lui dire à ce sujet lui semblait désormais ridiculement sentimental et insensé. Avant de les perdre, il
n’avait jamais fait l’expérience de la douleur de cette manière, pas vraiment. Ce qu’il avait appris de Dieu et de la théologie lui avait paru plus concret après sa tragédie personnelle. Sa foi n’en avait pas été ébranlée, mais son tempérament avait changé pour toujours. Comme si une pièce chauffée s’était refroidie d’un coup.

La vertu de la femme

Pour autant, nous devons préserver ta vertu – elle est plus précieuse que ton argent. Ton corps est un temple sacré où repose le Saint-Esprit. Les inquiétudes de ton frère sont légitimes. La foi mise de côté, et pour parler avec pragmatisme : si tu devais te marier, ta pureté et ta réputation seraient essentielles. Le monde juge sévèrement une fille pour son inconvenance – même lorsqu’il s’agit d’un accident. C’est terrible, mais c’est ainsi

L’après guerre au Japon

Tous ces gens – les Japonais et les Coréens – sont dans la merde parce qu’ils pensent en termes de groupe. Mais je vais te dire la vérité : un leader bienveillant, ça n’existe pas. Je te protège parce que tu travailles pour moi.
Quant à tous ces partis de Coréens, il faut que tu te souviennes qu’au bout du compte, les dirigeants ne sont que des hommes, ce qui ne les rend pas plus intelligents que des porcs. Et les porcs, on les bouffe. Tu as vécu dans une ferme qui vendait des patates douces à des prix indécents aux Japonais affamés par la guerre. Tamagushi a violé les régulations gouvernementales, et je l’ai aidé, parce qu’il voulait faire de l’argent, et moi aussi. Il se voit probablement comme un Japonais respectable, honorable même, plein d’une fierté nationaliste – comme tous, pas vrai ? La vérité, c’est qu’il fait un très mauvais Japonais, mais un homme d’affaires avisé. Je ne suis pas un bon Coréen, et je ne suis pas japonais.

Le patriotisme

Le patriotisme n’est qu’un principe, comme le capitalisme, ou le communisme. Mais les principes font oublier aux hommes leurs propres intérêts. Et les types au pouvoir exploiteront toujours les hommes qui croient trop en leurs principes. Tu ne peux pas réparer la Corée. Des centaines d’hommes comme toi et des centaines d’hommes
comme moi ne suffiraient pas à la remettre sur pied. Les Japs sont partis, et maintenant la Russie, la Chine et les États-Unis se disputent notre petit pays de merde. Tu crois que tu peux rivaliser avec eux ? Oublie la Corée.
Concentre-toi sur ce que tu peux avoir. Tu veux l’épouse ? Parfait. Tu n’as qu’à te débarrasser du mari, ou attendre qu’il crève. Ça, c’est quelque chose que tu peux maîtriser.

 

Le savoir

Absorbe tout le savoir que tu pourras. Remplis ton cerveau de connaissances – c’est la seule forme de pouvoir que personne ne pourra jamais te reprendre.