Category Archives: Rapport Familaux

Traduit de l’anglais (Ètats-Unis) par Brice Matthieussent ; collection 10/18

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

J’ai oublié sur quel blog j’avais lu qu’il fallait absolument lire ce petit roman de John Fante, mais quand je l’ai vu au club de lecture de notre médiathèque, j’étais très contente. Oui, c’est un excellent moment de lecture tout en humour grinçant et méchant qui décoiffe, parfois un peu trop pour moi. Le personnage principal est un écrivain qui trouve un soir un énorme chien devant chez lui. Un chien de race Akita qui, sur cette photo, semble bien sympathique mais qui est un véritable danger dans une famille qui n’allait pas non plus très bien avant son arrivée

Ce chien mérite très bien son nom, Stupide, il saute sur tout ce qui lui semble un compagnon sexuel acceptable et comme il est très puissant cela donne des scènes aussi comiques que gênantes. L’écrivain, narrateur de ce roman se sent mal de tous les livres qu’il ne réussit plus à écrire. Il se sent raté aussi bien socialement que dans sa vie familiale. Même s’il le raconte avec beaucoup d’humour, on sent son désespoir à l’image de la scène finale qui donne peu d’espoirs sur la survie de son mariage. Ce roman raconte aussi très bien le choc des familles lors des départs des enfants qui occupaient une place si importante au quotidien dans la maison. J’ai trouvé très originale dans ce roman la peinture de chaque personnage, on peint souvent la famille américaine comme une force en soi. Dans les films, les séries, les romans, la famille made-in US semble un lieu d’engagement et de résistance à toute épreuve. Ici, au contraire chaque individualité est caractérisée par une destinée propre et leur seul point commun lors de ce roman c’est ce chien, qu’elle le rejette ou l’aime. Un point de vue et un humour très particulier qui fait du bien en contre point des images trop lisses que nous renvoie « la culture » américaine : John Fante est issu de l’immigration italienne, et a connu la misère, ceci explique cela. Je ne voudrais pas donner une fausse image de ce livre qui est surtout très drôle même si on sent une grande tristesse sous cette façon de rire de tout et surtout de lui.

 

Citations

Beaucoup de pères pourraient écrire cela

Jimmy avait cinq mois, et je l’ai détesté comme jamais parce qu’il avait des coliques et braillait encore plus que Tina. Les hurlements d’un enfant ! Faites-moi avaler du verre pilé, arrachez-moi les ongles, mais ne me soumettez pas aux cris d’un nouveau-né, car ils se vrillent au plus profond de mon nombril et me ramènent dans les affres du commencement de mon existence.

Un père reste une fille s’en va

Pendant qu’Harriet sanglotait dans le patio, je suis allé dans mon bureau écrire à Tina une lettre que je ne posterai jamais, je le savais, quatre ou cinq pages éplorées d’un gamin qui avait laissé tomber son cornet de glace par mégarde. Mais je lui disais tout, ma culpabilité, mon terrible désir de pardon. Quand je l’ai relu, la force et la sincérité de ma prose m’ont bouleversé. Je l’ai trouvé par endroits très belle, j’ai même envisagé d’en tirer un bref roman, mais je n’avais pas mon pareil pour tomber en extase devant ma prose, je n’ai pas eu trop de mal à déchirer ce que j’avais écrit et à le mettre à la poubelle.

 

Édition livre de poche Folio

J’avais noté le nom de cette auteure à propos d’un autre livre « J’irai danser si je veux » chez Cuné d’abord, puis chez Aifelle. Voilà une tentation que je ne regrette absolument pas et je vais certainement lire les autres romans de Marie-Renée Lavoie. J’ai commencé par son enfance, car ce livre est paru en poche et que les deux amies blogueuses en disaient du bien. Je vous le recommande sans aucune réserve. J’ai beaucoup ri et souvent retenu mes larmes. J’étais rarement à l’unisson avec Joe-Hélène qui pleure comme une madeleine lorsque son héroïne Oscar du dessin animé qui va enchanter toute son enfance, mourra dans un dernier combat pendant la révolution française. Au contraire quand Joe-Hélène reste digne en nous racontant les souffrances ordinaires des habitants de son quartier, je me suis sentie très émue, les portraits de ces vieux sortis de l’asile qui ont tout perdu sont presque tragiques, même s’ils sont « ordinaires » pour la petite fille qui a toujours vécu parmi eux. « Le vieux » Roger qui veille sur elle à sa façon lui sera d’un précieux secours lors d’une agression où le courage et la beauté de l’enfance ont failli se flétrir définitivement sur un trottoir. La galerie de portraits des habitants du quartiers est inoubliable, cela va de la famille des obèses, à ceux confits en religion, et ce Roger (c’est lui « le vieux ») qui ne dévoilera jamais son secret à la petite fille pour qui il a tant de tendresse, et qui jure dès qu’il ouvre la bouche. J’ai encore oublié ce détail, la langue ! Le québécois a pour moi des charmes qui me forcent à sourire et les « Ostie » « Jériboire » « Face de Bine » « Calvaire » « Crisse » »En Maudit » chantent dans ma tête. J’ai toujours eu des coups de cœur pour les livres qui savent raconter l’enfance. Ce n’est pas si facile : il faut, à la fois, retrouver la naïveté de cet âge-là et en même temps faire comprendre à l’adulte lecteur la réalité du monde dans lequel vivait cette enfant. Joe-Hélène est une petite fille d’un courage incroyable et si elle se trouve bien banale à côté de son modèle « Oscar » jeune fille déguisée en soldat pour servir Marie-Antoinette, elle va faire l’admiration de tous ceux qui, enfants, qui n’ont jamais eu à se lever deux heures avant tout le monde pour distribuer des journaux, afin de gagner quelques sous pour aider la famille. Sa famille est tenue de main de maître par une mère courage. Tout aurait pu se passer à peu près normalement si son père, enseignant, ne trouvait pas dans l’alcool et le tabac des compensations naturelles à un métier où il souffre de ne pas pouvoir imposer son autorité. D’ailleurs de l’autorité, il n’en a pas, il est seulement gentil et profondément humain. Sa femme heureusement tient la famille et grâce à elle cette bande de cinq petites va sans doute s’en sortir. Oui, ils n’ont n’a eu que des filles ! mais quand on voit le portrait des hommes dans ce roman , on se dit que c’est mieux d’être une fille, elles ont plus de courage et sont moins portées sur l’alcool.

Citations

Portrait des voisins

L’énorme fille unique de nos voisins portait, à seize ans à peine, une petite centaine de kilos, une permanente bouclée serrée et une humeur adaptée à sa condition de victime injustement traitée par des légions de médecins incompétents qui osaient prétendre qu’elle était responsable, en grande partie, de son sort. Gargantua Simard, son père, cardiaque de profession, toujours vêtu d’un maillot de corps jauni au travers duquel perçaient des mamelons dont la texture et le mouvement imitaient la pâte à gâteau pas cuite, promenait sont imposantes panse sur le balcon en maudissant à peu près tout. La pauvre mère, la sainte femme, faisait des ménages en plus d’assumer à elle seule toutes les tâches de la maison. Comme elle se mouvait presque normalement, quand ses tâches le lui permettaient, c’est sur elle qu’ils déversaient leur fiel bien macéré. Plus on s’en prenait à elle, plus elle souriait. Elle opérait comme une photosynthèse de l’humeur qui rendait l’atmosphère à peu près respirable. Les deux ventrus – jambus, fessus, doublementonus, têtus- avaient des visages de plâtre plantés sur décor de gargouilles obèses, et jamais l’idée de se rendre sympathique ne leur était passée par la tête.

Deux expériences à ne pas tenter

Je n’avais pas peur de ma mère, je savais seulement qu’il n’était pas possible de tailler, ne serait-ce qu’une toute petite brèche, dans son imprenable personnage. Pas la peine de se plaindre, de pleurnicher, d’argumenter, de se monter un plaidoyer. Insister ne pouvait que condamner à une abdication des plus humiliantes. Je le savais pour m’être quelquefois frottée à son opiniâtreté. Chercher à gagner sur cette femme relevait de la même témérimbécilité que de se coller- avec la même intention de voir ce que ça fait vraiment- la langue sur une rampe de fer forgé bien glacé. Mais bon, j’avais mis un certain temps à le comprendre. Dans les deux cas.

La mort et les jeunes

 Je comprenais ça parce que j’étais à l’âge où la mort n’avait encore aucune prise sur moi. Je n’allais jamais mourir , moi , je n’avais même pas dix ans . Et, à cet âge-là, on accepte d’emblée que les vieux doivent mourir, ça semble même dans l’ordre des choses. Après, le temps coule et ça se complique parce que ça se met à nous concerner. C’est là qu’on a besoin de concepts philosophiques dérangeants, comme celui de l’absurdité, ou d’abstractions humanoïdes réconfortantes, comme la plupart des Dieux.

L’adolescence

De toute façon, les crises d’adolescence ne sont pas à la portée de tous : ça prend avec les parents qui ont de l’énergie pour tenter de discuter, s’énerver, crier et faire des scènes ou encore pour lire des bouquins de psychologie de comptoir et traîner les jeunes ingrats chez des spécialistes. Aucun adolescent ne prend la peine de se farcir une crise sérieuse sans avoir la conviction de susciter la colère d’au moins un petit quelqu’un en bout de ligne. Tous ces petits arrogants en mal de vivre, qui se faisaient les dents sur le dos des professeurs un peu mou, comme mon père, avant de jouer leur grand « Fuck the world » à leurs parents pas payés cette fois pour les endurer, usaient mon père prématurément.

L’obésité et la télécommande

L’emplacement qu’avait choisi mon père était le seul que la télécommande occuperait jamais : sur le téléviseur. Même si le raisonnement qui justifiait cette règle relevait d’un syllogisme des plus fallacieux ( Badaboum utilisait toujours à distance la télécommande, or Badaboum est obèse, donc les télécommandes rendent obèse), le caractère imposant du contre-exemple qu’elle représentait suffisait à nous convaincre de son bien-fondé. L’énormité de l’argument permettait à mon père de faire de petites entorses au sens commun.

Découvertes qui font grandir

Plus jeune, j’avais fait quelques découvertes qui m’avaient arraché un bout de naïveté, mais jamais rien d’aussi grave. Durant l’année de mes six ans, par exemple, j’avais dans la même semaine découvert tous les cadeaux du Père Noël entassés au fond du congélateur désaffecté et le petit Jésus, pas encore né, dans la boîte à fusibles placée dans l’armoire au-dessus du sèche-linge. Ça faisait tout un tas de croyances qui tombaient d’un coup. Mais la peine alors ressentie avait rapidement laissé place au bonheur de partager tous ces secrets avec mes parents qui tenaient à ce qu’on soit complices pour que mes petite sœur bénéficient du droit sacré de croire à n’importe quoi. Ce n’était au fond qu’une autre forme du même jeu. Seule l’image de mes parents, que je suspecterai désormais de tout, c’était trouver altérée par ce mensonge pieux

Le feuilleton télévisé qui a rythmé sa vie d’enfant

Et puis, je suis morte dans l’épisode suivant celui de la mort d’André. Un vendredi soir, à 16h17, sur Canal Famille. Les morts télévisuels sont toujours précis, comme les naissances de la réalité. Ça m’a semblé tout naturel, même si j’avais secrètement souhaité quelques grandes scènes encore pour pouvoir engranger dans ma mémoire des hauts faits d’armes de dernière minute. Pour ma postérité. Mais voilà, comme tous les destins étaient liés, Oscar ne devait pas survivre longtemps à la mort d’André, de son beau cheval blanc et de la vieille France. L’effet domino.

Les toilettes uniques dans une famille nombreuse

Je me suis réfugiée dans la salle de bain, le seul endroit où il était possible d’échapper aux poursuites de la bienveillance familiale. Assis sur le carrelage gelé,me suis pleuré pendant des heures.
Et comme il n’y avait toujours qu’un seul WC dans l’appartement, il s’est passé peu de temps avant qu’on ne se mette à piétiner devant la porte. Les plus grands drames de l’histoire n’ont jamais eu d’emprise sur les plus petits besoins de l’homme. Ça contrecarrait un peu mes plans, je voulais mourir là, par terre, misérable, seul, au moins jusqu’au dîner.

Édition Stock

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Ce roman raconte une histoire qui touche et bouleverse trois générations de femmes, liées entre elles par des tragédies qui ont eu comme cadre un village de province écrasé de soleil, et en particulier un ruisseau dans lequel elles peuvent se baigner(contrairement au ruisselet de ma photo). L’héroïne, Billie une jeune femme de trente ans, artiste peintre, doit revenir dans cet endroit qu’elle a fui pour enterrer sa mère, qui vivait dans un EHPAD spécialisé pour les personnes atteintes d’Alzheimer. Celle-ci a été retrouvée noyée dans le ruisseau qui arrose le village. La violence avec laquelle Billie reçoit cette nouvelle nous fait comprendre à quel point ce passé est très lourd pour elle. Une phrase rythme le roman : « les monstres engendrent-elles des monstres ? » . 

Il faudra trois cents pages du roman pour que tous les fils qui lient cette jeune femme à cette terrible hérédité de malheurs se dénouent complètement. Et heureusement aussi, pour qu’elle parvienne à se pardonner et à repousser l’homme qui la respectait si peu.

L’ambiance oppressante dans laquelle se débat Billie rend ce récit captivant, on se demande comment elle peut se sortir de tant de malédictions qui sont toutes plausibles. C’est très bien écrit, Caroline Caugant a ce talent particulier de nous entraîner dans son univers et de savoir diffuser une tension qui ne se relâche qu’à la fin. Ce n’est pas un happy-end mais un renouveau et sans doute, pour cette jeune femme la possibilité de se construire en se détachant de tous les liens qui voulaient la faire couler au fond de la rivière maudite.

 

 

Citations

L’EHPAD

Aux Oliviers le temps était comme arrêté. Il n’y avait que la prise des médicaments qui compartimentait les journées. À heure fixe les infirmières arpentaient les couloirs, disparaissaient tour à tour derrière les portes bleues. En dehors de ces légion en blouse blanche, la lenteur régnait. Si on restait trop longtemps dans cet endroit, c’était à ses risques et périls. On pouvait y être avalé , y perdre la notion des heures, s’endormir là pour toujours, comme Louise.

Le temps qui passe

Le temps est censé changer les êtres. Si par hasard on les croiser au détour d’une rue, on ne les reconnaît pas immédiatement. Il nous faut un moment pour retrouver un nom, le lier à une époque, à cause de toutes ces modifications minimes sur la chair, dans la voix, qui s’additionnent et en font des étrangers.
Mais les autres, les rares -ceux que l’on a aimés-, il semble ne jamais vouloir s’éloigner de nous.

 Presque la fin …

Demande-t-on pardon aux morts ? En sentant la vague de chaleur qui l’empli au niveau de la poitrine, elle se dit que oui.
Le calme revient à la surface, les oscillations s’estompent. Seule s’éternise la danse paisible et silencieuse des grands moustiques d’eau.

 

Comme vous le voyez, il a obtenu un coup de cœur au club de la médiathèque de Dinard

Je comprends très bien ce coup de cœur, car au-delà de l’humour qui m’a fait sourire, il s’y installe peu à peu une profonde tristesse que l’on sent sincère. Ce roman se construit, en de courts chapitres, autour d’événements de cette génération qu’elle appelle « millénium », celle de l’auteur qui grandit avec la coupe du monde de 1998, et la défaite de Jospin au premier tour des élections de 2002. Mais le fil conducteur de ces courts chapitres, c’est aussi son amitié avec Carmen, jeune femme dynamique qui n’a peur de rien, jusqu’au 11 août 2003, date à laquelle une erreur de conduite la rendra responsable d’un accident mortel. Carmen ne pourra pas surmonter sa culpabilité, ni « refaire sa vie » – expression que la narratrice trouve particulièrement vide de sens . Et tout cela au rythme des chansons du groupe ABBA dont l’auteur a la gentillesse de nous traduire les textes. Je ne connaissais pas, mais je trouve une belle nostalgie dans ces paroles.

 

Un roman vite lu, comme les SMS d’aujourd’hui mais qui laisse une trace dans notre mémoire et qui permet de mieux comprendre une génération, dans laquelle les hommes n’ont vraiment pas le beau rôle. Il faut dire qu’enfant son prince charmant était Charles Ingall qu’elle a eu du mal à rencontrer dans sa vie de parisienne de tous les jours ….

 

 

Citations

 

Son père

Quand j’étais petite, je disais à mon père que je voulais devenir « docteur des bébés ». Et lui, au lieu de prendre ça en compte, de me dire quelque chose d’encourageant, genre : « C’est bien », il répondait. « T’es pas assez intelligente pour ça. Toi, il faudrait que tu travailles dans une boulangerie. » Il avait des idées louches. Comme si tous les boulangers étaient bêtes.

Sa mère

Si j’avais le culot de contester une de ses décisions, si j’exprimais un désaccord, j’avais droit à un interminable monologue culpabilisant qui commençait par : « Je te rappelle que j’ai passé vingt huit heures trente sur la table d’accouchement ! Vingt huit heures trente ! » Elle finissait par : « Je me suis battue pour avoir ta garde et je me sacrifie pour t’élever ! Il est où ton père, hein ? Il est où là ? » Elle disait ça en regardant autour d’elle ou en levant les yeux au ciel. Comme si elle le cherchait. »Hein ? Il est où ?. Tu le vois quelque part toi. » 

 (J’en ai rêvé des dizaines de milliers de fois, qu’il sorte de derrière le canapé, ou qu’il rentre par la fenêtre en mode Jean-Paul Belmondo pour lui fermer son clapet. « Abracadabra ! Top top badaboum. Coucou c’est moi ! »)

Sa mère sarkozyste

Entre son divorce, son remariage avec une chanteuse et les affaires dans lesquelles il avait trempé, le nouveau président était au centre de toutes les discussions. 
« On peut pas changer de sujet maman ? J’en fais une overdose !
– T’avoueras qu’il a un certain charisme, il est viril…. Je dis pas qu’il est beau, mais il a un truc… 
-T’es sérieuse ?
– Nan, mais attends, c’est tout de même autre chose que le père Chirac et son pantalon remonté jusqu’aux tétons… »

Art de la formule

C’était étrange, mais elle regardait mon menton. Il fait s’y faire, Sylvia, la mère de Carmen, parle aux gens en les regardant droit dans le menton.

Humour de Carmen son amie

En ce temps-là, mon père était en couple avec Nadine : une Corse qui travaillait dans un bar PMU et louait le studio meublé juste au-dessus de chez lui. 
Elle faisait des permanentes pour se friser les cheveux et les teignait en blond platine. Carmen se moquait tout le temps :  » Ça va ton père ?… Et son caniche ça va ? » Des fois elle demandait : « Ça te fait pas bizarre que ton père il sorte avec Michel Polnareff ? »

La séparation

C’était une punition injuste. Je l’avais quitté, mais il m’y avait poussé avec tant d’ardeur. Ce n’était pas faute d’avoir fermé les yeux, d’avoir résisté. Voilà pourquoi j’ai eu longtemps le sentiment d’avoir « subi » cette séparation. 

Lui, je ne l’aimais plus. 
Mais j’aimais tant ce rêve d’avoir une famille. J’aimais tant l’idée de donner des frères et des sœur à ma fille. J’avais tellement peur qu’une fois de plus on dissocie aussi Papa ET Maman. 
Je me réconcilie à présent avec l’idée que le divorce n’est pas la fin. Il conclut simplement une histoire qui se brise depuis longtemps déjà.

Les musiques de téléphone

L’annonce sur sa messagerie vocale , je m’en souviens très bien , c’était un extrait de mauvaise qualité de »novembre Rain » des Guns N’Roses. Eddy adorait ce groupe de musiciens crasseux et chevelus. Moi, je trouvais qu’il avait l’air de sentir la pisse.
 » De quoi tu parles ? Tu connais rien à la musique !Tu écoutes de la merde ! Abba, sérieux ? Quelle genre de meuf et écoute cette merde ? »
J’ai toujours pensé que les gens qui n’aimaient pas Abba ont le cœur aride, ils n’aiment pas la vie. Les membres du groupe ABBA, eux, au moins, portaient des vêtements propres et pailletés, et donnaient l’impression de sentir la lavande. J’ai toujours pensé aussi que mettre un extrait pourri d’une chanson sur son répondeur, c’est le summum du ringard. (Tout ce que l’on veut entendre sur une messagerie c’est le bip, putain, que ce soit bien clair une fois pour toutes.)

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

Depuis « Touriste » découvert grâce à la blogosphère, je me laisse facilement tenté par cet auteur. En plus il était au programme de notre club de lecture … On retrouve bien l’humour et le sens de l’observation un peu décalé de l’auteur qui aime autant regarder une feuille qui plane jusqu’à son trottoir du quartier de Belleville, que les réactions des Parisiens après les attentats du 13 novembre 2015.

Julien Blanc-Gras est « PAPA » et nous décrit avec humour les premières années de la vie de son enfant, avec en toile de fond, la quarantaine pour lui, la montée de l’intolérance islamiste, les attentats, toutes ces violences le poussent à savoir ce que ses propres grands parents ont vécu à savoir : la guerre 39/45. Mélangeant les époques et les réactions des Parisiens d’aujourd’hui, il veut se forger une conduite personnelle face aux événements qui ensanglantent la capitale. Mais pas plus qu’il ne trouve les réactions adéquates pour éduquer son fils avec les valeurs qui sont les siennes, il ne trouvera pas non plus des lignes de conduite dans les réactions de ses aïeux : s’il y a une morale ou un enseignement à ce livre c’est qu’en matière d’éducation, comme en matière de conduite en matière de guerre, chacun fait ce qu’il peut et ne se trouvera jamais à la hauteur de la situation.
Cela nous vaut un livre agréable souvent drôle et parfois profond. Un livre de Julien Blanc-Gras en somme.

Citations

Si vrai ….

Amina faisait preuve d’un professionnalisme sans faille. J’ai slalomé entre des bébés prénommés Madeleine, Gaspard Marianne, salué des assistantes maternelles prénommées Fatou, Yuma et Chipo, et j’ai descendu l’escalier en tenant mon fils contre moi un peu plus fort que d’habitude …

Le père parle à son fils d’un an après le massacre de Charlie hebdo

Je m’imaginais en train de lui exposer la situation. « Des abrutis ont massacré des gens parce qu’ils qu’ils faisaient des dessin. »

 Tout compte fait, ce n’est pas facile à comprendre pour un adulte non plus.

Autre époque

Ça veut dire quoi, protéger ? J’étais porteur d’une inquiétude nécessaire que je voulais maintenir dans des proportions raisonnables, suffisantes pour conserver une vigilance sans toutefois diffuser une angoisse contre-productive. Où se trouve l’équilibre entre sécurité et confiance ? Le périmètre de liberté laissé aux enfants c’était affreusement réduit en une génération. Mes parents me laissaient rentrer de l’école tout seul à six ans. Impensable de nos jours. Le monde n’est pas devenu plus dangereux, notre conscience du danger s’est accrue. On ne lâche plus ses gamins des yeux. Réduction de l’autonomie géographique. Les blousons munis de balise GPS existent déjà et il n’est pas insensé d’imaginer une géolocalisation généralisée des enfants dans un futur proche. On ne lâche plus nos gamins des yeux et ils collent le leurs aux écrans, espace de liberté affranchi de la surveillance des adultes.

Autre horreur !

Un fait divers récent avait retenu mon attention, deux employés d’une crèche du New Jersey avait eu l’idée d’organiser des combats de bébé. Une sorte de Fight Club pour les tout-petits, qu’elles invitaient à se mettre des mandales pour les filmer et les poster sur snapchat. Il faut reconnaître que cela aurait pu faire un bon programme de télé réalité. Il faut aussi reconnaître que cela ne renforce pas notre foi en l’être humain.

Paroles de petit garçon deux ans et demi

– Non Madeleine, toi tu peux pas dessiner un avion parce que tu es une fille. Tant pis pour toi. 
J’étais atterré comment était-il possible qu’il soit déjà aussi phallocrate ? Quand il me demandait comment volaient les avions, je prenais pourtant bien soin de lui expliquer que c’était des messieurs ou des dames qui pilotaient.

Début de scène très drôle à la poste

Je suis allé chercher un colis à la poste. J’admets que cette phrase est sans doute la plus ennuyeuse de l’histoire de la littérature mais je ne pouvais pas y couper pour raconter l’épisode qui suit. À ma grande surprise, j’avais développé une sorte de plaisir pervers à me rendre à la poste. Le service public offrait des interstices où l’on pouvait établir une relation verbale avec des gens vieux, gros ou moche, salutaire injection de chair réel dans nos quotidien s’effrite en dans la dématérialisation marchande.

 

Vous connaissez l’auteur des bandes dessinées, (Fabcaro) Zaï Zaï Zaï et de Et si l’amour c’était d’aimer vous devez faire connaissance avec l’auteur de roman Fabrice Caro. Heu ! oui, c’est le même auteur et avec un humour toujours aussi fabuleux. Lisez le premier chapitre et je suis certaine que vous ne pourrez plus vous arrêter . Le sujet est simple, le père du narrateur qui a certainement quelques points communs avec l’auteur lui demande de faire un discours au mariage de sa sœur. Seulement voilà, lui il est totalement obnubilé par son téléphone portable car il aimerait tant que Sonia réponde à son SMS, et puis est-ce qu’il a vraiment bien fait de le lui en envoyer un ? et était-ce une bonne idée de mettre un point d’exclamation après bisous ? bref il n’a pas trop la tête à ce discours et cela nous vaut des scènes toutes plus drôles les unes que les autres sur la vie familiale . Un bon moment de détente, merci Monsieur Caro, vos livres me font tant de bien !

Citations

Très drôle

Isabelle appartenait à cette génération d’étudiante qui voulait partir en Afrique, à cette époque c’était une fatalité qui s’abattait sans prévenir sur une certaine frange de la population féminine, on y échappait pas, l’acné à douze ans, l’Afrique à dix neuf , elles attrapaient l’Afrique comme on attrape la varicelle. On les voyait, du jour au lendemain, transfigurées, transmutées , déambuler vêtues de sarouels informes, le vêtement le moins sexy qui soit, transformant le campus en immense course en sac.

Le narrateur doit faire un discours pour le mariage de sa sœur qui lui offre tous les ans des encyclopédies

Attends attends attends, je crois que tu n’as pas bien compris là, ton discours je ne vais pas le faire tu entends, je n’ai d’ordre à recevoir de personne, tu crois qu’elle passe beaucoup de temps, elle, à se demander quel est le plus beau cadeau qu’elle pourrait faire à son frère ? Tu les as lues mes encyclopédies, Ludovic ? Tu as lu  » les plus beaux sommets d’Europe » ? Tu as lu  » Reptiles et batraciens » ? Tu as lu « Bébés du monde » ? Et je fixe, dépité, le gratin dauphinois, et je suis sûr qu’il existe quelque part, chez un quelconque éditeur une encyclopédie sur le gratin dauphinois.

Chagrin d amour

D’ailleurs, il y a de moins en moins de soirées, on est jamais aussi seul que lorsqu’on se retrouve seul, le vide attire le vide. Un seul être vous manque et tous les autres prennent la fuite.

Envie de fugues

Quand j’avais treize ans, j’étais une vraie chipie, en constante rébellion, toujours à me friter avec mes parents au point d’être obnubilée du matin au soir par l’idée de fuguer, c’était devenu obsessionnel… Et chaque fois que j’étais sur le point de le faire, une chose, une seule chose m’en empêchait , et sais-tu laquelle ? J’avais une trouille monstre que mes parents, pour la photo d’avis de recherche, en choisissent une sur laquelle j’étais moche. Imaginer qu’une photo mal choisie, une photo de moi avec un sourire forcé ou une coiffure débile ou un énorme bouton sur le front, bref imaginer qu’une telle photo sera diffusée partout dans la région, voir dans le pays, me tétanisait pour moi c’était la honte suprême… J’avais envisagé de laisser sur mon lit, avant de fuguer, un petit message d’adieu avec une photo minutieusement sélectionnée posée à côté, comme une dernière image que je leur aurais confiée, mais le risque qu’ils en choisissent une autre pour l’avis de recherche était trop grand… Voilà à quoi à quoi tient une grande décision à treize ans…

 

Quelle traversée du 20° siècle et même du début du 21° ! Nous suivons les destinées des membres d’une famille bourgeoise parisienne bien ancrée dans les valeurs chrétiennes et du patriotisme. Les hommes se donnent corps et âmes à leur vocation militaire ou autres et font des enfants à leurs femmes qui élèvent la nombreuse tribu. Tout le talent d’Alice Ferney, c’est de ne pas juger avec nos yeux d’aujourd’hui les engagements d’hier. Elle rend cette famille très vivante et les personnalités des uns et des autres sont crédibles, on s’attache à ces hommes et ces femmes d’une autre époque et pour moi d’un autre monde. On comprend leur destinée, et son but est atteint, on ne peut plus les juger avec nos mentalités d’aujourd’hui. Je reste quand même un peu hésitante sur les guerres coloniales, certes ceux qui n’ont pas accepté la colonisation ont utilisé des façon de faire peu recommandables mais beaucoup en France n’acceptaient pas le colonialisme. Sans doute étaient-ils plus nombreux que ceux qui ont tout de suite compris que Pétain faisait fausse route. Mais peu importe ces détails, cette famille et tous ces membres ont captivé mon attention (comme le prouvent les nombreux passages que j’ai recopiés). Nous passons donc doucement d’une famille attachée aux valeurs royalistes parce que le roi était chrétien à une famille républicaine patriote. Les enfants se bousculent dans des familles nombreuses et pour Alice Ferney c’est de ce nombre que vient une de leur force. On sent qu’elle a un faible que son lecteur partage volontiers pour le cancre de la tribu, Claude, qui finalement avait des talents cachés que le système scolaire n’avait pas su mettre en valeur. Ce roman a été, pour moi, un excellent moment de lecture, sauf les 50 dernières pages, qui sont répétitives et qui ne rajoutent rien au roman. On sent qu’il y a à la fois trop de personnages et que l’auteur n’a plus grand chose à ajouter puisqu’elle n’a pas voulu faire entrer cette famille dans le 21° siècle. Cette époque où la réussite des femmes ne se mesure plus au nombre de leurs enfants ni à la réussite de ces derniers, mais plutôt à leur épanouissement qui passe aujourd’hui par une carrière et un rôle social en dehors de la famille.

 

Citations

 

Le café du mort

Jérôme Bourgeois n’était plus. Sa tasse pleine fumait encore et il ne la boirai pas. Peut-on boire le café d’un mort, si on le fait pense-t-on ce qu’on pense habituellement d’un café ( il est froid, il est trop sucré, trop fort, il est bon) et si on ne le fait pas, que pense-t-on au moment de le jeter dans l’évier ? Je me le demanderais en songeant à ce détail, parce que je connais cette éducation qui interdit de gâcher et que la génération de Jérôme l’avait reçue. Mais non, penserais-je, dans l’instant où quelqu’un vient de mourir personne alors ne boit plus, le temps de la vie se suspend, le trépas accapare l’attention, l’aspire comme un trou noir la matière cosmique,et tout le café de ce jour funeste est jeté. 
 

Un beau portrait 

 
Jérôme fut résolument français et provincial. Il ne fut pas médecin du monde, il fut médecin de son monde : il soigna les gens du coin. C’était peut-être moins glorieux, personne d’ailleurs ne lui remit de décoration, mais ce fut bon pour ceux qui étaient là. Généraliste, Jérôme recevait tous ceux qui le demandait : les personnes âgées solitaires et les nourrissons avec leur mère, les enfants qui était à l’école avec « ceux du docteur » et venait se faire soigner en même temps que jouer chez lui, les ouvriers, les derniers agriculteurs, les commerçants, les notables. Il n’en n’avait jamais assez des gens, ils disaient oui je vous attends. Parfois on le payait en nature, un pain, une poule, un lapin. Clarisse embarquait l’animal à la cuisine. Jérôme avait accepté le suivi médical des détenus de la prison voisine. C’était le temps Michel Foucault militait. Jérôme ne lisait pas le théoricien des châtiments, il pénétrait dans la détention. Pas un appel d’autrui qu’il n’entendît . Quand on se donne à dévorer aux autres, on n’a jamais le temps de s’inquiéter pour soi. Jérôme était une énergie en mouvement.
 

Les familles nombreuses 

 
 
Être dix, c’était avancer dans la vie comme une étrave avec derrière soi le tonnage d’une énorme famille. C’était une force inouïe, la force du nombre. C’était se présenter devant le père avec l’encouragement des autres, et s’agglutiner autour de la mère dans la chair des autres, et goûter à la table des autres. C’était ne se sentir jamais seul mais aussi être heureux quand par miracle on l’était, séparé soudain de l’essaim, dans un silence éblouissant auprès d’une mère disponible. C’était exister dans dix au lieu de n’être qu’en soi. C’était avoir grandi à la source de la vie, dans sa division cellulaire, spectateur de l’apparition d’autrui. Je n’ai connu maman enceinte, remarque souvent Claude.
 

Tellement vrai

 
 
Ils seraient les représentants d’une époque et d’un milieu typiquement bourgeois, parisien,catholique,très « Action française  » comme on le dit maintenant, avec la sévérité de ceux qui viennent après et n’ont guère de mérite, puisqu’ils savent où mènent certaine idées et que l’Histoire a jugé. 
 

Henry Bourgeois né en 1895

À l’âge adulte, Henri fut toujours du côté de l’église plutôt que de celui de l’état. Il répétait ces préventions à qui voulait l’entendre :  » En affaires il y a une personne à qui il ne faut pas faire confiance, c’est l’état ». Entrepreneur, chef de famille qui avait l’ élan d’un chef de bande, Henri avait la haine de cette puissance changeante. Sa préférence allait à un guide spirituel plutôt que politique. En En somme, laïcisé, le monstre froid ne l’intéressait plus.
 

Collaborer résister 

Le sens exacerber de la discipline et une chose concrète et la condition sine qua none du métier militaire. Aucun Bourgeois ne l’ignorait. On ne transige pas avec l’obéissance sauf si elle réclamait des actes contraires à l’honneur. L’honneur était une grande valeur. Or à cette aune qu’est-ce que c’était qu’émigrer ? S’enfuir comme un malpropre ? Abandonner le pays et le peuple dans un désastre ? Ainsi pensait Jean à l’âge de 19 ans. Mers-el-Kébir ne fit qu’aviver son amour pour la France, sa défiance de l’Angleterre, sa confiance dans la légitimité de Vichy. Il est possible de le comprendre si l’on parvient à ne pas lire juillet 1940 à la lumière d’août 1945.
 

Le sport

 
Le sport n’était pas encore une pratique répandue chez les Bourgeois. On appréciait pas tout ce qui allait avec : les tenues décontractées, la sueur, les vestiaires collectifs et la promiscuité. La préférence était donnée aux rites sacrés ou anciens, comme la messe, le déjeuner dominical et les partie de campagne à Saint-Martin. On y restait entre soi, dans une société choisie et connue, alors que les associations sportives mêlaient des populations hétérogène. En un mot, le sport c’était populaire. C’était le Tour de France. C’était plouc ! C’était rustre. Cette opinion effarouchée c’était évidemment formée en vase clos et à distance .
 

Portrait et révélation d’une personnalité 

 
Claude accompagnait le président partout. Il était ses yeux. Il lui décrivait tout ce qu’il voyait, ce qui est aussi une manière d’accroître sa propre attention. 
– Dites-moi un peu plus sur ses déchets, demandait le président. 
Et Claude décrivait les déchets. Au fond et sans le savoir, il pratique et le difficile exercice qu’on appelle en grec « ekphrasis ». Quoi de plus formateur pour apprendre à regarder, à connaître et à exprimer ? Claude trouva en lui quelque chose qu’il ignorait, le talent.
Chez le président, il trouva l’expérience. Un jour, dans l’avion pour Casablanca, Claude lui lisait le journal. Quels sont les titres aujourd’hui ? demandait Jean Émile Gugenheim. Puis informé de tout : lisez moi tel et tel l’article. Un entrefilet ce jour-là raconter comment un fonctionnaire soudoyé pour l’obtention d’un contrat avait rendu l’argent. Le journaliste vantait l’honnêteté et se réjouissait de sa persistance. Claude fit de même. Jean Émile Guggenheim s’amusa de ses naïvetés.
– Pourquoi riez-vous ? demanda Claude
– Il n’y avait pas assez dans l’enveloppe !
. Le président connaissait la nature humaine. Il n’en concevait ni désolation, ni épouvante, mais composait , et parfois il se divertissait de ce qu’elle fût si immuable et prévisible.
 
 
 
 
 
 
 
 

 

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un livre étonnant, raconté à travers le regard d’un enfant de 12 ans qui vit dans une famille de sur-doués alors que lui ne l’est pas. Son père meurt et les rôles dans la famille, vont peu à peu changer. Isidore assez insignifiant, au moins aux yeux de ses frères et sœurs qui cumulent les succès scolaires va devenir un personnage central, il est, en effet, le seul à mettre les sentiments au centre de toutes ses préoccupations. Cette famille, vit au rythme du passage des thèses des uns et des autres, le mieux étant d’en faire deux pour rester le plus longtemps possible dans le cadre si rassurant de l’école. Rassurant ? Oui, quand on obtient toutes les félicitations sociales qui vont avec la réussite. Le petit canard boiteux, cet Isidore au cœur tendre finira par comprendre que l’on peut être heureux autrement que par la réussite scolaire et au passage fera sourire plus d’une fois son lecteur. 

Plusieurs choses m’ont gênée dans ce roman, le style d’abord, cela passe par la langue d’un ado et l’absence du « ne » est une vraie difficulté comment lire et comprendre « On peut plus pour toi » . On s’y fait , on devine ! ce qui m’a encore plus gênée c’est que le roman n’est pas ancré dans la réalité, on sait que ça se passe en France sans en reconnaître le lieu. 

Ce ne sont là que des détails d’un roman léger qui pourra amuser et distraire.

 

 

Citations

Un moment tendre (avec l’absence du ne de la négation. )

J’ai attendu le weekend pour aller sur la tombe du père. J’ai dit à personne que j’y allais. Je me disais qu’ils avaient tous oublié, ou qu’il s’était pas rendu compte de la date, et je voulais pas être rabat-joie de service. Quand je suis arrivé, la tombe du père était couverte de trucs que je pouvais attribuer à chacun de mes frères et sœur (un petit bonsaï =Léonard ; un bouquet de fleurs sauvages =Simone ; une bougie = Aurore ; des petits cailloux blancs dans le jardin =Jérémy ; l’orchidée devait être la part de ma mère). Ils avaient tous dû venir là chacun leur tour sans rien dire aux autres.

 

Humour macabre

Elle m’a demandé ce qui, à mon avis, arrivait aux enfants qui mouraient alors qu’il portait encore leurs bagues. » Tu crois qu’on les enterre avec ? Elle a dit. Je doute qu’il y ait des orthodontistes pour enfants morts.

 

 

Les joies de la thèse 

Tu as pas remarqué que Bérénice, Aurore et Léonard se sont tous inscrits en thèse parce qu’ils pensaient qu’ils allaient trouver des réponses à toutes leurs questions, mais qu’au lieu de ça, il leur faut de plus en plus de temps pour répondre à des questions de plus en plus simples ? Ils divisent toutes les questions en une infinité de sous-questions maintenant, et les sous questions sont tellement compliquées qu’ils finissent jamais par revenir à la question originale. Ils sont devenus cinglés.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.  Cela faisait un moment que mes lectures ne me menaient pas vers un plaisir total. J’adore, quand je lis retrouver tout ce qui a enchanté mon enfance :

  • Une langue qui fonctionne bien et qui, ici, est très belle.
  •  Une histoire qui me bouleverse.
  • Partir dans des contrées que je ne connais pas très bien
  • Me retrouver dans les sentiments décrits par l’auteur.

Il y a tous ces ingrédients dans cette histoire et plus encore. L’auteur a voulu retrouver qui était Jacob, cet oncle qui est mort en Alsace en libérant la France de l’occupant Nazi. Comment ce jeune juif de 19 ans, n’ayant vécu qu’à Constantine s’est-il retrouvé dans l’armée de de Lattre de Tassigny ? Valéry Zenatty a cherché, elle peut ainsi nous faire vibrer aux souffrances de ces familles juives algériennes plus proches des arabes que des français. Pétain leur retirera la nationalité et leur interdira même d’aller à l’école, mais lors de l’indépendance de l’Algérie, toute sa famille et sans doute tous les juifs viendront vivre en France. Cette famille est très pauvre et dominée par des hommes violents et rudes. L’amour des femmes pour leurs enfants passe par la cuisine, des petits plats qu’elles préparent pour eux, plus que par des paroles ou des gestes. Cette auteure sait décrire l’atmosphère de cette maison si pauvre où la famille s’entasse dans une seule pièce. Jacob peut survivre grâce à la culture qui ne lui servira à rien dans l’armée, mais lui, simple soldat de seconde classe fera le malheur de sa mère en décédant sur le front. Une jeune femme écrivaine de sa descendance lui aura rendu toute son âme et aurait permis à sa mère, si elle avait été encore en vie, d’être fière de son dernier né tant aimé. Dans ce roman, Victor Hugo est cité et ces quelques vers correspondent exactement à ce que l’on ressent :

« Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle
Enfant ! N’enviez point notre âge de douleur,
Où le cœur est tour à tour esclave et rebelle,
 Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. »

   

Citations

 

Chez lui

Ce serait comme à la maison depuis le jour où il avait découvert que personne ne pouvait deviner ce qu’il pensait, il y avait une voix qu’il était le seul à entendre. Elle avait commencé par dire je n’aime pas le ragoût de cardes, les chardons, c’est bon pour les mulets, puis je n’aime pas les grimaces stupides de la tante Yvette, sa façon de rouler des yeux comme une chouette folle, je n’aime pas les cris de mon père, sa main qui s’abat sur qui le contrarie, qui le provoque, qui ose le contredire, je n’aime pas la peur que je vois parfois sur le visage de ma mère, je n’aime pas cet appartement où il y a du monde, tout le temps, du bruit, tout le temps, la voix avait ajouté je préfère l’école, monsieur Bensaid est plus gentil que papa, mademoiselle Rouvier est plus jolie que maman, il ne se passait rien de grave, il n’était pas puni, ça restait dans sa tête, c’était des mots de silence, il faisait ce qu’on attendait de lui, m’interrompait pas les adultes, les contredisaient encore moins, aidait sa mère à porter les paniers au marché, suivait son père et Abraham à la synagogue, faisait les mêmes gestes qu’eux, ils lui caressaient la tête parfois en disant qu’il était un bon garçon, il jouait avec la poussière qui dansait dans les rayons du soleil, s’interrogeant sur ce que l’ œil voit, mais que la main ne parvient jamais à saisir.

L’armée et la poésie

Pourtant Monsieur Baumert leur avait dit que la poésie résiste à tout, au temps, à la maladie, à la pauvreté, à la mémoire qui boîte, elle s’inscrit en nous comme une encoche que l’on aime caresser, mais les vers, ici, ne trouvent pas leur place, ils jurent avec les uniformes, sont réduits au silence par les armes et le nouveau langage aux phrases brèves et criées qui est le leur. Monsieur Baumert leur a menti, ou s’est trompé, les heures passées à mémoriser des poèmes n’ont servi qu’à obtenir de bonnes notes, et le sergent-chef se fiche de leurs notes, il aurait même tendance à humilier un peu plus ceux qu’il appelle les fortes têtes et qui était au paravent des élève studieux. Il préfère les soldats qui truffent leurs phrases de fautes, sauf ceux qui sont musulmans et qu’il appelle les bougnoules, et il les corrige en éclatant de rire, les affublant de surnoms qui le ravisse, Fatima, Bourricot, Bab-el-Oued, et quand il perçoit un rougissement déferler sous la peau brune, il pose sa main sur l’épaule du soldat humilié pour dire, je rigole, parce que je sais que tu as le sens de l’humour, tu es un bon gars, tu te bats pour la France, et la France te le rendra.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.  C’est un livre étrange construit autour de courts chapitres ayant pour thème les relations entre deux frères. J-B est le frère cadet de J-F Pontalis, jeunes l’aîné avait tout pour lui mais n’a pas fait grand chose de ses talents, son jeune frère s’est mieux débrouillé que lui, il deviendra célèbre et sera finalement détesté par son aîné. Les différents portraits de fratries aimantes ou haineuses m’ont amusée le temps de la lecture, mais je sais que j’oublierai assez vite ce livre. J’ai été très contente de voir une référence à un roman que j’ai adoré « Le pouvoir du Chien » et qui, il est vrai, décrit très bien les relations entre deux frères unis par la haine et le mépris. J’ai aimé aussi le portrait de Modiano, et il faut souligner que cet auteur écrit très bien. Un livre facile et agréable à lire, mais aussi, hélas, à oublier !  

Citations

Difficultés de porter un nom célèbre

Pour autant, pas question de le renier, ce pesant patronyme. C’eût été renier mon père dont le nom, lui, ne figure dans aucun dictionnaire, seulement, à jamais, dans ma mémoire. J’ai eu, tout au long de mon adolescence, à résoudre cette contradiction : être, j’y tenais par-dessus tout, le fils de mon père et n’être à aucun prix le descendant de sa famille. Sans doute pour garder toujours vivante en moi, et à moi seul, l’image – non, pas l’image : la présence, de ce père aimé-aimant, mort très jeune, me fallait-il fuir tous les membres d’une famille qui avait commis la faute impardonnable de n’être pas lui.

Bonne remarque

Je ressemblais à ces touristes qui vont de site en site, d’un portail d’église à un château-fort sans quitter de leurs yeux leur guide bleu ou vert, cherchant à vérifier si ce qui est devant eux correspond bien à ce qui est inscrit dans le guide. Ils ne voient rien. Ils refusent de se laisser absorber, ne fût-ce que quelques instants, par ce qui est là, à portée de leur regard, offert. Ils font plus confiance au guide qu’à eux-mêmes, ils ne savent pas percevoir.

Quand J-B Pontalis parle d’un de mes roman préféré

L’intensité tragique de ce roman défi tout résumé. Son titre :  » pouvoir du chien ». Son auteur, américain, se nomme Thomas Savage. C’est un des romans les plus fort que j’ai lu.

Portrait de Modiano

Il ne peut être que notre ami, qu’un frère très proche, ce grand garçon inquiet, incapable de finir une phrase, mécontent si, croyant lui venir en aide,on tente de la finir à sa place.

Si bien raconté !(cela se passe en 1942)

Quand je sortais du lycée Henri IV, j’étais partagée entre deux sentiments, plaisir d’échapper à l’ennui savamment distillée par la plupart de nos professeurs, particulièrement celui dont les « fiches » qu’il tenait serrées dans sa main potelée comme un prêtre son bréviaire avait de quoi vous dégoûter à jamais de la littérature ; vague tristesse de me séparer de mes camarades qui s’empressaient de rentrer chez eux, à l’exception des internes dont les blouses grises me paraissaient avoir déteint sur toute leurs personne. Comme tout alors était gris, à commencer par le ciel, comme l’avenir était obscur .