Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Ce roman a été chaudement défendu par une partie des lectrices du Club et cela lui a valu de participer « au coup de cœur des coups de cœurs » de l’année 2017/2018.
J’avais déjà essayé de le lire, mais l’écriture m’avait immédiatement rebutée. Je ne suis pas à l’aise lorsque je sens que, de façon artificielle, l’écrivain adopte une style « poétique » . Ici , cela passe par des mots vieillis qui ne rajoutent pas grand chose au récit : Corroyage, Extrace, Hierophante, Hongroye. Et puis par un rythme de phrases très particulier. L’écrivain dit qu’il a voulu décrire le basculement d’une petite ville de province : Besançon qu’il ne nomme pas (mais il dit que c’est la ville où est né Victor Hugo), vers le monde moderne pendant les années 1970/1980. Mais ce n’est vraiment qu’une toile de fond très lointaine à une vie de famille totalement perturbée par la mort d’un jeune enfant, le petit frère du narrateur. Sa mère va continuer à le faire vivre dans son imaginaire et dans sa folie, elle lui dresse un couvert, fait son lit, achète des vêtements et des fournitures scolaires pour lui…. Le père essaiera d’oublier tout cela dans l’alcool. Mais ce drame semble très lointain car il est vu à travers les yeux d’un enfant. Je pense que la seule façon d’aimer ce livre c’est d’aimer la langue de cet auteur, langue à laquelle je n’ai pas été sensible. Les deux passages que j’ai notés vous permettront, je l’espère, de vous faire une idée par vous même.

Citations

le linge qui sèche

Marguerite-des-Oiseaux possédait des culottes semblables à des voiles. Des culottes de trois trois-mâts que l’on imaginait gréées sur son fessier et que le moindre pet gonflait comme un grand foc afin de la propulser de la cuisine aux latrines. Les culottes de grand-mère, simples esquifs, ne prenaient pas le large et ressemblaient plutôt à des taies d’oreiller munies de deux grands trous. Celles de maman étaient à peine un peu moins prudes et formaient presque un V du côté de l’entre-cuisse. Quant aux slips de Lucien : inexistants. Elle les pendait ailleurs, Fernande, avec ses culottes à elle, dans un bûcher fermé à clé, hors de la vue des cuistres. Quand on a épousé un Monsieur d’importance qui possède pardessus, brillantine et joues flasques, on exhibe pas ces choses de basse extrace aux yeux du tout-venant.

Effet de style « poétique »

 Il possédait en lui, quelque chose d’inné, de bestial, comme un cri des cavernes lorsqu’un premier orage illumina la grotte ; un cri qui se serait transmis le silex en silex, de tison en disant, de feu en feu, de foyer en foyer, de forge en forge, et qui aurait fini par échouer, ici, entre ses mains de forgeron, comme il l’était sans doute écrit de toute éternité tant il semblait évident que Jacky avait dû naître d’un ventre de fer en fusion entre deux cuisses de lave au temps des grandes fissures cambriennes tandis que les volcans projetaient dans les menus quelques myriades d’enclumes phosphorescentes.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sylvie Schneiter. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un roman qui est construit comme une suite de fragments de vie, autour des souvenirs de Jacqueline Woodson, écrivaine spécialiste de littérature pour la jeunesse. Dans ce livre, c’est sa propre jeunesse qui l’occupe et elle se souvient, d’abord de la mort de sa mère qu’elle a essayé de toutes ses forces d’oublier. C’était avant Brooklyn, quand la famille vivait dans une ferme du Tennesse : »SweetGrove ». Moments de bonheurs bouleversés par la mort. Celle de Clyde le frère de sa mère mort au combat au Vietnam. Puis celle de sa mère qui ne surmontera jamais ce deuil, alors le père entraîne ses deux enfants à Brooklin, « où est maman ? » demande le petit frère d’August (prénom féminin, celui de la narratrice), « elle vient demain ou après demain ou encore après » répond inlassablement August qui est surtout attirée par les trois filles qui semblent posséder les clés pour vivre heureuse à Brooklin.

L’auteure sait si bien nous les décrire ces quatre filles qui parcourent les rues de la grande ville en se tenant par les épaules et en se défendant quand elles le peuvent de tout le mal que peuvent faire les habitants d’un quartier voué à la misère que nous la voyons cette bande : Sylvia Angela Gigi et August, on entend leurs rires et leurs peurs. Leurs vies peuvent devenir très vite tragiques et la réussite ne tient qu’à leur courage et à leur détermination. Le père est un personnage attachant, qui se soucie de l’éducation, on peut imaginer son bonheur d’avoir réussi à élever ses deux enfants dans un quartier où les dangers les guettaient à tous les coins de rue. Malgré tous les événements qui forment comme le décor de la vie de cette petite fille : les émeutes qui font fuir les rares blancs de son quartier, les pillages des quartiers chics et la drogue déjà bien implantée à Brooklyn, ce n’est pas, finalement, le tragique qui l’emporte mais l’optimisme et la fraîcheur de l’enfance qui arrive à devenir adulte sans trop se perdre.

Citations

Être noire : discours d’une mère à sa fille

Sa mère lui dit qu’elle avait les yeux de son arrière-grand-mère. « Elle est venue au monde en Caroline du Sud, par un papa chinois et une maman mulâtre. » Gigi regarde à ses yeux, légèrement bridés, marron foncé. « Les cheveux aussi, enchaîna sa mère, soulevant les tresses de Gigi. Lourds et épais comme les siens. »
 » Ta seule malédiction, c’est ta peau sombre. Je te l’ai transmise, conclut sa mère. Tu dois inventer un moyen de dépasser ta couleur. Inventer ta voie pour y échapper. Reste à l’ombre. Ne la laisse pas devenir plus foncée. Ne bois pas de café. »
 

Mot d’enfant

Une fois, j’étais petite, ma mère m’avait demandé ce que je voulais être quand je serai grande. « Une adulte » avais-je rétorqué. Mon père et elle avaient éclaté de rire.

La vraie misère

Un homme qui avait grandi dans notre quartier marchait dans les rues en uniforme de l’armée. Manchot. Il avait appris à tenir une seringue entre ses dents et à s’injecter avec sa langue, de la cam dans les veines au niveau de l’aisselle.

Quel livre ! Je l’ai lu deux fois. Une fois, pour comprendre d’où venait cette Naïma si courageuse, celle qui peut soulever des montagnes pour arriver à voyager en Algérie mais qui a tant de mal à faire parler son père. Et puis je l’ai relu tranquillement sans me dépêcher en allant à chaque événement voir ce qu’on disait sur la toile des événements évoqués par l’auteure.

Je suis tombée sur des reportages qui à eux seuls feraient des romans et j’ai encore plus admiré le talent d’Alice Zeniter de ne pas avoir alourdi son récit des habituels prises de position sur l’Algérie. Elle mène son récit sur une ligne de crête très inconfortable comme l’a été la vie de ces algériens qui refusaient le FLN sans pour autant accepter la colonisation. Trop favorable à la France, elle aurait minimisé le racisme et surtout le traitement des harkis après 1962 en France. Trop proche des combattants , elle aurait passé sous silence des crimes révoltants et le rejet de sa propre famille . Elle porte ces contradictions en elle mais ne veut plus être une victime de cette histoire.

Alors elle nous raconte tout, depuis l’Algérie jusqu’au Paris d’aujourd’hui en passant par les camps de Rivesaltes où on a parqué des Harkis comme s’ils étaient coupables de quelque chose. Refusés et assassinés en Algérie, ils étaient très mal vus en France. Ensuite c’est la vie en HLM qu’on n’appelait pas encore Cité . Son père fait partie de ceux qui se sont emparés de ce que la France offrait grâce à l’école pour s’en sortir . Sa fille, qui ressemble à l’auteure, est donc la troisième génération, celle qui veut connaître ses origines mais qui hélas ne retrouve qu’une Algérie marquée par une autre guerre : celle de l’intolérance islamiste. Cette Algérie-là, est encore perdue pour elle qui assume une vie de femme libre.

Il ne faut pas réduire ce roman à l’Algérie, aux Harkis et aux cité, mais grâce à cet éclairage, l’auteure nous fait revivre la France des années 60 jusqu’à aujourd’hui. J’ai retrouvé des ambiances et des moments de moments de ma jeunesse, le Paris d’Hamid c’est aussi le mien, la vie en province était si étriquée que seule la capitale pouvait donner ce sentiment de liberté . Je pense aussi que cette écrivaine a trouvé un territoire où elle n’est pas « perdue » : l’écriture. et j’espère, pour le plus grand plaisir de ses lectrices et lecteurs qu’elle y reviendra très vite

Citations

Un adage contraire aux célèbre « Vivons heureux vivons cachés » des gens du Nord

– Si tu as de l’argent, montre le.
C’est ce qu’on dit ici, en haut comme en bas de la montagne. C’est un commandement étrange parce qu’il exige que l’on dépense toujours l’argent pour pouvoir l’exhiber. En montrant qu’on est riche, on le devient moins. Ni Ali ni ses frère ne penseraient à mettre de l’argent de côté pour le faire « fructifier » ou pour les générations à venir, pas même pour les coups durs. L’argent se dépense dès qu’on l’a. Il devient bajoues luisantes, ventre rond, étoffes chamarrées, bijoux dont l’épaisseur et le poids fascinent les européennes qui les exposent dans des vitrines sans jamais les porter. L’argent n’est rien en soi. Il est tout dès qu’il se transforme en une accumulation d’objets.

Dicton

Ici on dit que les dettes se couchent comme des chiens de garde devant la porte d’entrée et défendent à la richesse d’approcher.

Humour

Il m’a filé une baffe et je suis redescendu avec le cousin qui m’insulte tant qu’il pouvait en disant que j’avais fait mal à son honneur, à sa réputation. Tu y crois, toi, Hamid ?
Youssef se tourne vers le petit garçon, avec un large sourire
-Même pour faire la Révolution, il faut être pistonné….

Les cités des années 60

 Le Pont- Féron offre à Clarisse et Hamid une haie d’honneur faite de barres décrépites, d’antennes de télévision tordues, de chaussées défoncées, de vieux assis devant les immeubles, leurs bouches à demi vide ou bien brillantes de dents en or, les sacs plastiques à leurs pieds contenant un mélange de médicaments et de nourriture. Il semble à Hamid qu’il a suffi qu’il s’absente un an pour que la cité s’effondre sous le poids de l’âge. Elle fait partie de ces constructions qui n’ont d’allure que flambant neuves et qui vieillissent comme on pourrit La conjoncture s’ajoute au faiblesse de son architecture pour faire craquer les murs, la crise sonne le glas des trente glorieuses et écrase ce quartier de travailleurs qui travaillent de moins en moins.

L’homme algérien ne trouve plus sa place

Il y a la télévision. Celui qui ne fait rien la regarde. C’est comme ça, en France. Mais comment rester chef de famille lorsque l’on regarde la télévision aux côtés de ses enfants et de sa femme ? Quelle différence y a-t-il entre soi et les enfants ? Soi et l’épouse ? La télévision et le canapé effacent les hiérarchies, les structures de la famille pour les remplacer par un avachissement similaire chez chacun.

  Très bien vu !

  Et en guise de modernité, de glamour politique, qu’est-ce qu’on vous a proposé -et pire- qu’est-ce que vous avez accepté ? Le retour de l’ethnique. La question des communautés à la place de celle des classes. Alors les dirigeants pensent qu’ils peuvent apaiser tout tension avec une jolie vitrine de minorités, une tête comme la leur, en haut de l’appareil d’État, sûrement, ça va calmer les gens de la cité. Il nous montre Fadela Amara, Rachida Dati, Najat Vallaud-Belkacem au gouvernement. La peau brune, Le nom arabe, ça ne suffit pas. Bien sûr, c’est beau qu’elles aient pu réussir avec ça ‘ ça n’était pas gagné- mais c’est aussi tout le problème, elles ont réussi. Elles n’ont aucune légitimité à parler des ratés, des exclus, des désespérés, des pauvres tout simplement. Et la population maghrébine de France, c’est majoritairement ça, des pauvres.

Paris

Hamid s’enivre de Paris tant qu’il peut. Il voudrait pouvoir s’injecter la ville, il l’aime, il est amoureux d’une ville, il ne croyait pas que c’était possible mais il ne veut plus la quitter. Ici, tout les monuments sont célèbres et les visages anonymes. Les photographies et les films font que Paris semblent appartenir à tous et Hamid, plongée en elle, réalise qu’elle lui manquait alors même qu’il n’y avait jamais posé le pied.

C’est bien observé

 Hamid et Gilles jalousent François qui sert des mains ici et là et surjoue pour eux le fait d’avoir ici ses habitudes. Ils découvrent que l’anonymat de la grande ville, qui les libère, crée aussi le besoin paradoxal de lieux où l’on peut entrer et être reconnus.

Traduit de l’anglais par Christine Raguet.

Une plongée dans la souffrance d’un homme rongé par l’alcool, et qui a laissé sur son chemin un bébé qui a dû se débrouiller tout seul pour grandir. Non, pas tout seul car le geste le plus beau que son père a accompli, a été de le confier au seul être de valeur rencontré au cours de sa vie d’homme cabossée par une enfance bafouée, puis par la guerre, par le travail manuel trop dur et enfin par l’alccol : « le vieil homme » saura élevé l’enfant qui lui a été confié et en faire un homme à la façon des Indiens , c’est à dire dans l’amour et le respect de la nature. Bien sûr, cet enfant a de grands vides dans sa vie : son père qui lui promettait tant de choses qu’il ne tenait jamais et sa mère dont il ne prononce le nom qu’aux deux tiers du roman mais que la lectrice que je suis, attendait avec impatience. Ce roman suit la déambulation lente de la jument sur laquelle le père mourant tient tant bien que mal à travers les montagnes de la Colombie-Britannique, guidé par son fils qui jamais ne juge son père mais aimerait tant le comprendre. Après Krol, Jérome Kathel, j’ai été prise par ces deux histoires, la tragédie d’un homme qui ne supporte sa vie que grâce à l’alcool. Et celle de son enfant qui a reçu des valeurs fondamentales de celui qu’il appelle le vieil homme. Tout le récit permet aussi de découvrir le monde des Indiens, du côté de la destruction chez le père, on vit alors de l’intérieur les ravages mais aussi la nécessité de l’alcool. Souvent on parle de l’alcoolisme des Indiens, comme s’il s’agissait d’une fatalité, mais au centre de ce comportement, il existe souvent des secrets trop lourds pour que les mots suffisent à les évacuer. L’enfant en parle ainsi

C’est un peu comme un mot de cinq cents kilos

L’autre aspect, bien connu aussi du monde des Indiens, c’est l’adaptation à la nature qui remet l’homme à sa juste place sur cette planète. Et l’auteur sait nous décrire et nous entraîner dans des paysages et des expériences que seule la nature sauvage peut nous offrir.

 

Citations

Être indien

Il était indien. Le vieil homme lui avait dit que c’était sa nature et il l’avait toujours cru. Sa vie c’était d’être seul à cheval, de tailler des cabanes dans des épicéas, de faire des feux dans la nuit, de respirer l’air des montagnes, suave et pur comme l’eau de source, et d’emprunter des pistes trop obscures pour y voir, qu’il avait appris à remonter jusqu’à des lieux que seuls les couguars, les marmottes et les aigles connaissaient.

L’alcool

 Le whisky tient à l’écart des choses que certaines personnes ne veulent pas chez elle. Comme les rêves, les souvenirs, les désirs, d’autres personnes parfois.

La souffrance et l’alcool

 J’ai essayé de me mentir à moi-même pendant un paquet d’années. J’ai essayé d’me raconter que ça s’était passé autrement. J’ai cru que j’pourrai noyer ça dans la picole. Ça a jamais marché du tout.

Les couchers de soleil

Lorsqu’ils passèrent la limite des arbres au niveau de la crête, les derniers nuages s’étaient écartés et le soleil avait repris possession du ciel à l’ouest. Les nuages été à présent pommelé de nuances mordorées et il pensa que c’était bien la seule cathédrale qu’il lui faudrait jamais.
Photo prise dans un blog que j’aime beaucoup : ruralité .net
 oui, les couchers de soleil sont des cathédrales !


J’avais lu, sur les commentaires à propos d’un de ses livres, que celui-ci plaisait à beaucoup de blogueurs et blogueuses. Comme je le comprends ! Il a tout pour plaire ce roman. D’abord l’art de raconter, à propos d’objets anodins tout ce qui les rattache à un pan de vie. Comme ces boucles d’oreilles qu’il a retrouvées et qui lui rappelle une partie de sa jeunesse. Une virée à Paris, ville où il se promène jeune adulte avec trois autres amis, un premier amour qui n’a pas duré très longtemps, et ce cadeau qui devait sceller une grande amitié. Les années 80 époque où

Les Free Time viennent d’être supplanté par les MCDonald’s. Tout le monde porte les United Colors de Benneton

Peu à peu, au fil des objets, sa vie se déroule à travers les pages de ce roman, construit sur la douleur d’un divorce mal vécu. Sa femme partant avec un dentiste, certaines phrases sur cette honorable profession sont très drôles même si elles sont caustiques. Mais le charme de la construction du roman ne s’arrête pas là, chaque personne qui s’arrête devant un objet le fait pour des raisons bien précises, et redonne une nouvelle vie à l’objet en question. Le livre est construit en boucle et ce qui devait n’être un débarras, est porteur de vie : les objets perdus, prennent un nouveau départ vers des objets trouvés. Et, grâce à l’acheteuse des boucles d’oreille, s’esquisse un départ possible vers une rencontre : l’auteur pourra-t-il ainsi sortir de la tristesse de son divorce ?

La multiplicité des points de vue sur les objets permet de rendre compte des différentes perception du même événement. L’histoire du cadre rouge est vraiment attachante, l’homme a détesté ce cadre dans lequel sa mère affichait des photos de lui enfant qui ne lui rappelaient que des mauvais souvenirs, mais son épouse avait été touchée par le geste de sa belle -mère lui confiant un moment de l’enfance de celui qu’elle aimait.

Jean-Philippe Blondel a ce talent particulier de garder en lui, et de nous faire revivre des moments de notre passé par une chanson, une marque de vêtements, un événement. Son minuscule inventaire, c’est certainement ce que beaucoup d’entre nous pourrions faire à propos d’objets que nous gardons et dont nous seuls connaissons l’histoire, mais évidemment nous n’avons pas tous ni toutes son talent pour les raconter.

Citations

La lecture adolescente

Je cherche des romans qui parleraient de moi -de nous, mais dans les librairies, je ne vois que des récits de quadragénaires qui s’épanchent sur leur divorce et sur leurs maîtresses.

On pense à une chanson de Bénabar

 Marianne est institutrice, elle s’est dénudée pour un autre instituteur et ensemble ils forment un couple CAMIF parfait, ils ont un monospace acheté d’occasion et trois enfants ceinturés à l’arrière, ils vont en vacances en Vendée et ont fait poser dernièrement des pavés autobloquants dans la descente de leur garage.

Vision de la Bretagne

Chrisian Lapierre venait de Bretagne -de l’autre côté de la France, pas loin de cet océan que je n’avais vu qu’en carte postale,nous, on allait plutôt à la montagne, c’était moins cher, et même si on avait choisi la mer, on aurait viré plus au sud, en Bretagne, il pleut tout le temps et c’est une région triste à mourir.

Les petites anglaises

Je suis sorti pendant quelques temps avec une fille qui s’appelait Kathleen, assistante anglaise de son état, qui trouvait la France for-mi-da-ble, la culture for-mi-da-ble, la cuisine extra-for-mi-da-ble et les Français hyper-for-mi-da-ble. J’ai été content de l’accompagner sur le quai de la gare du Nord pour son retour dans son pays natal. Elle était en pleurs, mais moi, je trouvais ça formidable. 

Au moins, j’ai pratiqué l’anglais oral.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clotilde Meyer et Isabelle D. Taudière.

Laissez moi vous dire une chose. On est jamais trop vieux pour apprendre.


Après Dominique, Kathel, Keisha et tant d’autres, je viens vous recommander la lecture de cette épopée. Voici le sujet, tel que le raconte la quatrième de couverture :

«  lorsque Jay Mendelsohn, âgé de quatre-vingt-et-un ans, décide de suivre le séminaire que son fils Daniel consacre à l’Odyssée d’ Homère, père et fils commencent un périple de grande ampleur. Ils s’affrontent dans la salle de classe, puis se découvrent pendant les dix jours d’une croisière thématique sur les traces d’Ulysse. »

 Daniel Mendelsohn a écrit un roman concernant la famille de sa mère assassinée lors des massacres de la Shoah : « Les Disparus » -récompensé par le prix Médicis en 2007-, livre qui m’avait beaucoup marquée . (C’était avant Luocine, et je me promets de le relire). Il consacre donc ce temps romanesque et son talent d’écrivain à la quête de la personnalité de son père. Il le fait à travers l’analyse minutieuse de l’Odyssée, ce si difficile retour d’Ulysse vers son royaume d’Ithaque, son épouse Pénélope et son fils Télémaque. On y retrouve tous les récits qui ont construit une partie de notre imaginaire. Ulysse et ses ruses, Pénélope et sa fidélité à toute épreuve, Télémaque, ce fils qui recherche son père, mais aussi le Cyclope, Circé, Calypso, les enfers… tous ces récits, grâce au talent du professeur Daniel Mendelsohn, nous permettent de réfléchir à la condition humaine. On aurait, je pense, tous aimé participer à ce séminaire au cours duquel ce grand spécialiste de la littérature grecque et latine, n’assène pas son savoir mais construit une réflexion commune aux participants et au professeur grâce aux interventions pertinentes de ses étudiants. Je n’ai pas très bien compris si tous connaissent le grec ancien ou si (comme cela me semble plus probable) seul le professeur peut se référer au texte originel. L’épopée prend vie et se mêle à la quête de l’auteur. Qui se cache derrière ce père taiseux, incapable de montrer ses sentiments à ses enfants ou à son épouse ? Certainement plus que la personnalité d’un père ingénieur devant lequel son fils tremblait avant de lui avouer qu’il ne comprenait rien aux mathématiques. Au détour d’une réaction d’étudiant, d’une phrase analysée différemment, nous comprenons de mieux en mieux ces deux fortes personnalités si différentes. On se prend à rêver que tous les pères et tous les fils sachent un jour entreprendre ce voyage vers une réelle connaissance de l’autre. Daniel est écrivain et professeur, le chapitre intitulé ‘Anagnorisis« , où il s’agit bien de « reconnaissance » se termine ainsi :
Quand vous enseignez, vous ne savez jamais quelles surprises vous attendent : qui vous écoutera ni même, dans certains cas, qui délivrera l’enseignement.
Et il avait commencé 60 pages auparavant de cette façon :
Une chose étrange, quand vous enseignez, c’est que vous ne savez jamais l’effet que vous produisez sur autrui ; vous ne savez jamais, pour telle ou telle matière, qui se révéleront être vos vrais étudiants, ceux qui prendront ce que vous avez à donner et se l’approprieront -sachant que « ce que vous avez appris d’un autre professeur, une personne qui s’était déjà demandé si vous assimileriez ce qu’elle avait à donner….
Quel effet de boucle admirable et toujours recommencée, oui nous ne sommes au mieux que des transmetteurs d’une sagesse qui a été si bien racontée et mise en scène par Homère. J’ai beaucoup de plaisirs à raconter les exploits d’Ulysse à mes petits enfants qui s’émerveillent à chaque fois du génie du rusé roi d’Ithaque, j’ai retrouvé le livre dans lequel enfant j’avais été passionnée par ces récits. Et je crois que comme le père et le fils Mendelsohn, j’aimerais faire cette croisière pour confronter mes souvenirs de récits à ces merveilleux paysage de la Grèce.
Peut-être que comme Jay, je trouverai que l’imaginaire est tellement plus riche que la réalité, et puis hélas je n’ai plus de parents à retrouver car il s’agissant bien de ça lors de cette croisière « sur les pas d’Ulysse » permettre à Daniel de retrouver la facette qu’il ne connaissait pas de son père, celui qui sait s’amuser et se détendre et faire sourire légèrement la compagnie d’un bateau de croisière. Bien loin de l’austère ingénieur féru de formules de physique devant lequel tremblait son plus jeune fils.

Citations

Relations d’un fils avec un père qui n’aime pas qu’on fasse des petites manières ou des histoires.

Lorsque mon père racontait cette histoire, il passait rapidement sur ce qui, à moi, me semblait être la partie la plus intéressante – la crise cardiaque, sa précipitation, à mon sens, poignante à rejoindre mon grand-père, l’action, en un mot – et s’étendait sur ce qui avait été pour moi, à l’époque, le moment le plus ennuyeux : les rotations de l’avion. Il aimait raconter cette histoire, car pour lui, elle montrait que j’avais très bien su me tenir : j’avais supporté sans me plaindre l’assommante monotonie de tous ces ronds dans l’air, de tout cette distance parcourue sans avancer. « Il n’a pas fait la moindre histoire », disait mon père, qui avait horreur que l’on fasse des histoires, et même à cette époque, malgré mon jeune âge, je comprenais vaguement qu’en donnant une légère inflexion caustique au mot « histoires », c’était en quelque sorte ma mère et sa famille qu’il visait. « Il n’a pas fait la moindre histoire », disait papa d’un hochement de tête approbateur. « Il est resté sagement assis, à lire, sans un mot ».
 De longs voyages, sans faire d’histoires. Des années ont passé depuis ce long périple de retour, et depuis, j’ai moi-même eu à voyager en avion avec des enfants en bas âge, et c’est pourquoi, lorsque je repense à l’histoire de mon père, deux choses me frappent. La première, c’est que cette histoire dit surtout à quel point « lui » s’était bien tenu. Elle témoigne de la façon exemplaire dont il a géré tout cela, me dis-je maintenant : en minimisant la situation , en faisant comme s’il ne se passait rien d’anormal, en donnant l’exemple et restant lui-même tranquillement assis, et en résistant -contrairement à ce que j’aurais fait car, à bien des égards, je suis davantage le fils de ma mère et le petit-fils de Grandpa – à la tentation d’en rajouter dans le sensationnel ou de se plaindre.
La seconde chose qui me frappe quand je repense aujourdhui à cette histoire, c’est que pendant tout le temps que nous avons passé ensemble dans l’avion , l’idée de nous parler ne nous a pas effleurés un instant.
Nous avions nos livres et cela nous suffisait.

Les questions que posent les récits grecs et qui nous concernent toujours.

Nous savons bien sûr que « l’homme » n’est autre Ulysse. Pourquoi Homère ne le dit-il pas d’emblée ? Peut-être parce que, en jouant dès l’abord de cette tension entre ce qu’il choisit de dire (l’homme) et ce qu’il sait que nous savons (Ulysse), le poète introduit un thème majeur, qui ne cessera de s’intensifier tout au long de son poème, à savoir : quelle est la différence entre ce que nous sommes et ce que les autres savent de nous ? Cette tension entre anonymat et identité sera un élément clé de l’intrigue de l’odyssée. Car la vie de son héros dépendra de sa capacité de cacher son identité à ses ennemis, et de la révéler, le moment venu, à ses amis, à ceux dont il veut se faire reconnaître : d’abord son fils, puis sa femme, et enfin son père.

Message d Homère

 L’Odyssée démontre la vérité de l’un des vers les plus célèbres et les plus troublants, que le poète met dans la bouche d’Athena à la fin de la scène de l’assemblée : »Peu de fils sont l’égal de leur père ; la plupart en sont indignes, et trop rares ceux qui le surpassent. »

Le plaisir des mots venant du grec

Les récits de Nestor sont des exemples de ce que l’on appelle les récits du « nostos ». En grec, « nostos » signifie « le retour ». La forme pluriel du mot, « nostoi », était en fait le titre d’une épopée perdue consacrée au retour des rois et chefs de guerre grecs qui combattirent à Troie. L’Odyssée est-elle même un récit du « nostos », qui s’écarte souvent du voyage tortueux d’Ulysse à Ithaque pour rappeler, sous forme condensée, Les « nostoi » d’autres personnages, comme le fait ici Nestor -presque comme s’il craignait que ces autres histoires de « nostoi » ne survivent pas à la postérité. Peu à peu, le mot « nostoi », teinté de mélancolie et si profondément ancrée dans les thèmes de l’Odyssée, a fini par se combiner à un autre mot du vaste vocabulaire grec de la souffrance, « algos », pour nous offrir un moyen d’exprimer avec une élégante simplicité le sentiment doux-amère que nous éprouvons parfois pour une forme particulière et troublante de vague à l’âme. Littéralement, le mot signifie « la douleur qui naît du désir de retrouver son foyer », mais comme nous le savons, ce foyer, surtout lorsqu’on vieillit, peut aussi bien se situer dans le temps que dans l’espace, être un moment autant qu’un lieu. Ce mot est « nostalgie ».

L’implication de l’écrivain dans le récit de l’odyssée

J’avais hâte d’aborder l’épisode de la cicatrice d’Ulysse, où se trouve mêlé dans deux thèmes essentiels de l’Odyssée : la dissimulation et la reconnaissance, l’identité et la souffrance, la narration et le passage du temps. Mais une fois de plus, j’ai dû me rendre à l’évidence, les étudiants ne s’intéressaient pas du tout au même chose que moi. Seul Damien, le jeune Belge, avait parlé de la cicatrice d’Ulysse sur notre forum. Sans doute, me dis-je, est-ce parce que je suis écrivain que cette scène me fascine plus qu’eux : car tout l’intérêt de la composition circulaire est de fournir une solution élégante au défi technique qui se présente à quiconque veut entrelacer le passé lointain à la trame d’un récit au présent en gommant les sutures.

Pour comprendre ce passage, il faut savoir que l’auteur est homosexuel. Cela avait été difficile pour lui de le dire à ses parents. Mais son père ne l’avait pas jugé à l’époque. Il est en train de faire une croisière sur « les pas d’Ulysse ». Il est adulte et son père est très vieux. Dialogue père fils

Papa, attends, insistai-je. Donc, si je comprends bien, il y a eu un garçon gay amoureux de toi dans le Bronx, c’est de lui que te vient ton surnom de « Loopy », et tu n’as jamais songé à m’en parler ?
Mon père baissa les yeux. C’est simplement, Dan, que… Je ne savais pas trop comment t’en parler.
Que répondre à cela ? Alors j’ai fait comme mon père : j’ai été sympa avec lui.
C’est bon, dis-je. Au moins, maintenant, c’est fait. Bon Dieu, papa…
Il appuya sur un bouton de son iPad et l’ Iliade émit une lumière bleutée dans la pénombre. Ouais, on dirait… Puis il leva les yeux et dit : c’est une croisière sur l’Odyssée, n’oublie pas. Chacun a une histoire à raconter. Et chacun a… son talon d’Achille.
Oui, sans doute.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Lu en une nuit et sans aucune passion. Ce pauvre Benjamin vit dans une famille suisse très riche qui a les apparences d’une famille très heureuse. Malheureusement pour lui, elle n’a que ça, les apparences. Sa vie est à jamais bouleversée par la disparition de sa sœur Summer, et vingt cinq ans plus tard, il est anéanti par ce souvenir qu’il croyait avoir maîtrisé. Il lui faudra un courage incroyable pour remonter dans des souvenirs et comprendre peu à peu ce qui était évident pour son entourage.

L’intérêt du roman vient de ce que nous partageons les efforts de cet homme dont le cerveau est embrumé par les mensonges de sa famille. Mais je n’ai pas été intéressée par cette lecture, je me rendais compte que j’étais indifférente à l’histoire et pourtant Monica Sabolo sait très bien la raconter, elle ne tranche jamais entre la mort ou la disparition de Sumer et ceci grâce à son narrateur, celui qui était là, mais qui est aveuglé par le poids de sa famille.

Citation

Voici la clé de l’histoire

– Et puis tes parents…
– Quoi, mes parents ? J’avais été surpris par le son d e ma voix, j’avais peut-être crié. Il fixait le mur, comme s’il regardait les images qui défilaient derrière mon dos.
– On finit toujours par retrouve les gens, tu sais. Ils laissent une trace quelque part, ils passent un coup de téléphone, se font repérer dans un supermarché. J’avais envie d e vomir. Il avait des traces sombres de transpiration sous les bras ; alors évidemment, s’il n’y a aucun indice aucun mouvement…

L’inspecteur a soupiré, comme si cette idée était trop déplaisante. Il avait brusquement baissé les yeux sur moi.

– quoi qu’il en soit, les gens ne disparaissent pas comme ça. Il y a toujours une explication. Et elle est souvent extrêmement simple. A portée de main.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Claude Peugeot.

J’ai lu ce roman grâce à la blogosphère, je mettrai les liens si, sur un commentaire, je reconnais celui où celle qui aime cet auteur. ( J’ai perdu la référence du blog où j’ai noté ce nom, c’était au début de l’été 2017.)

Le titre américain est « I know this much is true ». Ces deux titres révèlent une vérité du roman mais pas exactement la même, le titre américain insiste sur la tension qui sous tend tout le roman. On sent que Dominick, le narrateur qui essaie de sauver son frère Thomas, schizophrène, des griffes d’une institution psychiatrique répressive après qu’il s’est tranché la main dans les locaux de la bibliothèque, va dévoiler peu à peu une enfance terrible qui cache des drames qui l’empêchent aujourd’hui de reprendre pied dans sa vie. Le titre français représente le point final du roman, on ne peut construire sa vie qu’en acceptant les différents aspects de sa propre personnalité. Thomas le fragile, le malade, le protégé de la mère des deux jumeaux est finalement plus fort que le bouillant et toujours en colère Dominick, enfin c’est une façon de parler car Thomas est du côté du malheur et la répression s’abat sans pitié sur lui, la soit-disant force des vaincus est de savoir reconnaître en chacun de nous cette part de faiblesse, c’est alors que « les vaincus sont puissants » .

Wally Lamb nous plonge dans l’histoire d’une famille « dysfonctionnelle » (j’emprunte ce mot à Pat Conroy élevé à la dure lui aussi par un ancien Marine). La différence est que Ray n’est pas le géniteur des enfants, il a épousé la mère et reconnu les jumeaux. Durant toute leur enfance, il n’aura pour but que d’en faire de braves petits soldats et les endurcir pour affronter un monde qu’il sait ne faire aucune place aux faibles. Dominick s’en sort à sa façon, il affronte avec bravache cette éducation, mais Thomas réagit par les pleurs. Plus sa mère le protège, plus Ray s’énerve jusqu’à une scène terrible qui arrive après 900 pages. C’est le reproche que je fais à ce roman pourquoi faut-il à cet auteur 976 pages pour accoucher de cette souffrance qui dévore toute une vie ? Bien sûr ce roman nous permet de visiter les bas-fonds des hôpitaux psychiatriques américains, de partager les tensions de l’arrivée des immigrants italiens, de revivre le racisme ordinaire contre les indiens et les noirs, et de comprendre que la peur d’avoir du sang noir dans les veines a provoqué bien des secrets, que rien n’est pire que statut de fille mère … Bref nous sommes avec les vaincus souvent et il est vrai que nous mesurons qu’eux aussi on fait la force de ce grand pays. Mais j’aurais aimé un peu plus de concision, même si je comprends que le rythme de cette écriture vient du dévoilement progressif que Dominick réalise grâce à une thérapie très douloureuse. Au bout de tant d’horreurs, la fin heureuse a mis un peu de baume sur mon cœur tellement meurtri surtout quand je lis pendant des pages et des pages les souffrances que l’on peut faire subir à des gens sans défense dans les hôpitaux psychiatriques.

Citations

La dernière phrase

L’amour grandit dans le riche terreau du pardon ; les bâtards font de bons chiens ; La preuve de l’existence de Dieu réside dans la plénitude des choses.

Le sens du roman avec le titre français

Je suis professeur d’histoire américaine(…..)mes élèves tirent, je l’espère, la leçon que j’ai moi même tirée : l’abus de pouvoir nuit à l’oppresseur autant qu’à l’opprimé.

L’amitié entre garçons

« Comment peux-tu fréquenter le trou du c… le plus notoires de tout le lycée ? » me demandait constamment Thomas l’été ou Léo et moi étions ensemble au rattrapage d’algèbre. Certes, Léo était un vrai trou du cul, je le savais. Mais, je le répète, il était aussi tout ce que mon frère et moi n’étions pas : sans complexe, insouciant, et hyper drôle. Son toupet phénoménal nous avait fait accéder à toutes sortes de plaisirs interdits que mon béni-oui-oui de frangin aurait désapprouvé, et qui m’aurait valu des rossées de mon beau-père : les films classés X du drive-in de la route 165, le champ de courses de Narragansett, un magasin de vins, spiritueux sur la route de Pachaug Pond qui accordait aux mineurs le bénéfice du doute. Ma première cuite magistrale, je l’ai prise dans la voiture de la mère de Léo, à la Cascade en fumant des cigarettes et en faisant circuler une bouteille de Bali Hai. J’avais 15 ans.

Les expérimentations sur les malades mentaux

 Les années 70 et 78 avaient été fastes. À cette époque-là, considérant qu’en fin de compte Thomas n’était pas maniaco-depressif, on avait arrêté le lithium pour le remplacer par de la stelazine. Puis le Dr Bradbury avait pris sa retraite, et ce connais de Dr Shooner, ce nabot qui suivait désormais mon frère, avait décrété que, si ça marchait avec six milligrammes de stelazine par jour, ça marcherait d’autant mieux avec dix-huit. Il me semble encore tenir ce petit charlatan par les revers de son veston de tweed comme le jour où j’ai trouvé Thomas assis, paralysé, l’oeil vitreux, la langue pendante, bavant sur sa chemise.

Les bibliothèques

 Autrefois, le métier de bibliothécaire était un métier agréable -après tout elle aimait bien les gens. Mais à présent, les bibliothèques étaient à la merci des laissés-pour-compte et des sans-abris du quartier. Des gens qui se fichaient éperdument des livres et de l’information. Qui venaient s’asseoir là comme des légumes ou se précipitaient aux WC toutes les cinq minutes. 

Le destin et l’amour d’un fils pour sa mère

 J’étais celui qui en voulait le plus au destin de l’avoir gratifiée d’abord d’un mari inconstant, puis d’un fils schizophrène, avant de revenir lui taper sur l’épaule pour lui filer le cancer. Or je prouvais seulement que j’étais celui qui refusait le plus obstinément de se rendre à l’évidence. Si je me donnais tant de mal et si je faisais les frais de lui offrir une cuisine neuve, elle avait intérêt à vivre assez longtemps pour en profiter.

 

Je dois cette lecture à Krol qui sait si bien ne pas raconter les livres qu’elle apprécie. L’ennuie c’est qu’elle dit aussi qu’il vous faut fuir les billets qui en disent trop . Alors ? lirez vous le mien jusqu’au bout ? Tant pis, je me lance. Ce roman est en deux parties, dans la première le père humoriste célébrissime est le narrateur et le personnage principal. On le suit dès son enfance, marquée par un père qui ne l’a jamais compris et un accident qui rendra son frère paraplégique. Cela ternit à jamais sa possibilité d’être heureux car il se sent responsable. Son succès comme humoriste lui permet de sortir de sa condition de Français moyen, mais creuse peu à peu, entre son fils et lui un désert aride où l’incompréhension est la règle. Ce grand comique se vide peu à peu de sa substance et alors que la France entière se tord de rire à ses blagues, son fils est de plus en plus absent de sa vie. L’explication nous est donnée dans la deuxième partie dont le narrateur devient le fils, celui-ci n’a vécu le succès de son père que comme une trahison et une absence de plus en plus lourde d’abord, puis de plus en plus indifférente. Ces deux êtres trouveront-ils le moyen de se rencontrer. Sous le regard critique de Krol, je ne peux évidemment en dire plus. Pourquoi ne suis-je pas plus emballée par ce roman ? J’ai adoré la première partie qui décrit très bien ce que le succès peut avoir à la fois d’enivrant et de destructeur. La description de l’entrée en scène de cet humoriste devant des milliers de spectateurs est criante de vérité. mais la deuxième partie m’a beaucoup moins plu. Et en plus, elle est trop évidente. On devine très facilement les ressorts psychologiques des deux personnages et le caractère narcissique du fils m’a semblé très convenu. J’espère ne pas en avoir trop dit, si l’angoisse de la scène veut dire quelque chose pour vous, lisez ce livre j’ai rarement lu une description aussi réaliste.

Citations

Comme je comprends

Prendre le train était toujours un moment très anxiogène pour lui ; il avait systématiquement peur d’arriver en retard à la gare, il fallait qu’il regarde plusieurs fois le quai indiqué sur le panneau d’affichage pour être sûr de ne pas se tromper. Paris Saint-Lazare : voie 3. Il vérifiait le numéro du train sur son ticket, puis sur l’écran de télévision accroché en l’air. Plusieurs fois. S’assurait qu’il se trouvait bien sur la voie 3. Plusieurs fois. Et, arrivé dans l’Inter-cité, il ne pouvait s’empêcher de demander au premier passager croisé : « Est-ce que ce train va bien à Paris ? »

Ne pas faire comme son père

Parce que Édouard a voulu « pousser » Arthur, trop fort sans doute. À avoir souffert d’un père qui ne croyait pas en lui, il s’est persuadé que c’était tout l’inverse qu’il fallait à son enfant. Il se devait de l’encourager, le forcer à se dépasser. Alors quand son gamin a eu l’idée, à cinq ans à peine, de s’amuser à faire parler ses marionnettes en peluche, Édouard n’a eu de cesse de l’encourager dans cette voie, tu as un don, il ne faut pas le gâcher, entraîne-toi ! 

La fin d’un amour

Tout au fond de son cœur, Édouard sait que cette fois, c’est la fin, la vraie. Celle contre laquelle on ne peut plus lutter, celle qui est déjà arrivée à pas de loup même si on ne s’en était pas aperçu jusqu’à présent, celle qu’il faut seulement accepter, le plus dignement possible, même si on sait qu’après coup, la douleur semblera insurmontable, qu’il faudra la noyer, l’assommer, la museler à tout prix pour qu’elle reste silencieuse. – Je partirai demain matin, sauf si tu préfères que j’aille à l’hôtel ce soir. – Ne raconte pas n’importe quoi, on ne va pas devenir des étrangers l’un pour l’autre… Tu peux rester, profiter d’Arthur quelques jours… – Non, j’ai du boulot de toute façon, tout un tas de trucs à gérer à Paris.

L’artiste

Tu sais, je suis persuadée que la plupart des artistes ont un besoin de reconnaissance et d’affection supérieur aux autres, ils ont en eux cette soif viscérale d’être appréciés, d’être aimés.