Édition Calmann Lévy 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman bien ficelé et qui ferait un très bon film où une pièce de théâtre, il s’agit d’un huis-clos, autour d’une repas, et c’est tellement français ! Étienne un avocat d’affaire a imposé à sa jeune femme Claudia, kinésithérapeute, de recevoir Johar une brillante femme à la direction d’une entreprise qui doit fusionner avec une autre groupe et son mari, Rémi, enseignant en économie dans une classe préparatoire.

Chacun va commencer ce dîner avec des souffrances et des enjeux très personnels. Claudia, avec qui nous serons souvent, est une jeune femme réservée, très timide, d’autant qu’elle ne se sent jamais mise en valeur par son mari. Étienne est le personnage le moins sympathique du roman, il est le fils d’un grand avocat parisien, il est très beau et à l’aise dans toute les situations mondaines contrairement à sa jeune femme. Hélas, pour lui, ses affaires vont moins bien et il compte sur Johar pour obtenir une amélioration de sa situation. Johar est le personnage central du roman, elle a eu un parcours atypique, jeune femme tunisienne, elle cochait toutes les cases de l’échec social, mais elle est très douée et a fait un parcours de réussite exceptionnelle. Pourtant peu de gens misaient sur elle au départ, elle se souvient bien du mépris d’Étienne à ses début , le même Étienne qui la courtise aujourd’hui. Et puis il y a Rémi son mari, le copain d’Étienne, qui a beaucoup aimé Johar, mais leur couple est sur la fin et lui a rencontré une jeune Manon, professeur comme lui qui lui fait beaucoup de bien.

Peu à peu les enjeux de chacun vont devenir tellement divergents que la fin du repas verra l’éclatement de la vérité, la fin des couples et le retour pour au moins trois des personnages vers de vraies valeurs.

Tout tient par la construction du roman et la découverte peu à peu de ce qui se jouait en sous main, dont évidemment je ne peux rien vous dire !

 

Extraits

 

Début.

 Claudia s’adosse au mur de la cuisine. La chaleur emmagasinée par le plâtre tout au long de la journée se propage dans ses hanches, ses omoplates, ses épaules. Sa tête tombe en avant, infiniment lourde. À la vue des striures rouges qui lui barrent la gorge, Claudia s’enfonce un peu plus profondément dans le mur, indifférente aux traces que ses mains encore grasse d’avoir huilé le poulet, impriment sur la peinture blanche.

Les remarques qui rendent Étienne si antipathique.

« C’était foutu dès ma naissance pour la gloire professionnelle, de toute façon, se dit rageusement Étienne  : je ne suis pas une femme et je ne suis pas arabe. »

L’argent.

 « Cela ne lui ressemble pas de parler aussi directement d’argent » pense Rémi, « c’est trop vulgaire ». Habituellement dans le monde d’Étienne, on ne nomme pas l’argent, même s’il est présent partout, même s’il se cache sous le tombé parfait d’une chemise, la silhouette féline d’une voiture l’élégance velouté d’un vin.

Les cadeaux.

 Il s’était initié à l’art de choisir des cadeaux qui disent qui vous êtes plutôt que de chercher à faire plaisir à leurs destinataire, offrant des truffes fraîches à des amis de retour de week-end dans le Périgord, promettant à d’autres de les ravitailler bientôt en poivre noir tout juste rapporté du Cambodge

Johar.

Son fait d’armes de directrice des opérations n’est pas seulement d’avoir révolutionné l’entreprise, c’est d’avoir révolutionné le pays en remportant et en exécutant de main de maître plusieurs contrats de digitalisation chez les fleurons de la l’industrie française, ainsi que, le Graal absolu, plusieurs ministères de la nation.

 


Édition JC Lattès

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman que La Souris Jaune a beaucoup aimé. L’écrivaine grâce à une écriture très énergique décrit tout ce que cette photo ne dit pas. Si on réfléchit à cette photo prise par Robert Capa, on peut se poser des questions sur l’évolution du ressenti face à ce qui s’est passé à la libération. Robert Capa a-t-il eu un moment de compassion pour cette femme et son bébé ? Les gens hilares autour de cette femme, et leurs descendants sont ils fiers de leurs rires aujourd’hui ?

Il ne faut pas oublier que cette femme Simone est accusée de collaboration, mais l’auteure pense que c’est plutôt sa mère qui a fait cela : dénoncer ses voisins à une collabo notoire et puissante, cinq seront arrêtés et deux mourront dans les camps allemands. La vindicte populaire est sûrement injuste mais elle avait un fondement dans ce cas précis. Pour moi, ce que de tout temps j’ai trouvé révoltant, c’est qu’on traite les femmes différemment que les hommes, je n’ai aucune considération pour celles qui ont entretenu des relations avec des soldats allemands mais elles méritent un jugement comme les hommes, pas une humiliation de plus parce que ce sont des femmes.
L’auteure s’empare donc de cette histoire et de cette photo pour retracer le parcours de Simone, elle a changé les noms car elle ne veut pas faire oeuvre d’historienne mais créer un roman avec un fondement historique.
Ce qui ressort c’est l’ambiance familiale complètement délétère car la mère, une forte femme, a fait faillite en voulant tenir une crèmerie à Chartres. Cette femmes est remplie de haine et méprise tous ceux qu’elle rend responsable de sa déchéance sociale : son mari qui n’existe jamais à ses yeux car il ne lui a pas apporté la richesse, ses voisins qui, d’après elle, se réjouissent de sa misère actuelle, tous les hommes politiques qui ne savent pas gouverner la France en particulier les juifs comme Léon Blum.

Dans cette famille deux filles, Madeleine qui sera toujours au côté de Simone, la petite sur qui repose tout le désir de revanche sociale de la mère. Elle va réussir ses études et sera comme sa mère attirée par les théories nazies, et méprisera son père qu’elle appelle le vieux.

C’est un roman terrible, car d’une tristesse infinie, sans la guerre cette enfant serait devenue une professeure respectée sans doute mais aurait-elle réussi à surmonter tous les messages de haine ressassés par sa mère. On n’en sait rien, elle a rencontré pendant l’occupation l’amour d’un soldat allemand. Il faut dire que l’image des hommes qu’elle rencontre avant lui est tellement destructrice pour elle. Là aussi on sent le désaveu social, elle a envie de s’élever et de fréquenter un bourgeois (le fis de son professeur d’allemand) mais elle ne ne sera pour lui qu’une « marie-couche-toi-là ». Bref l’Allemand est le premier homme qui l’a respectée !

Un roman trop triste, mais qui sonne vrai. Lors de la discussion du club, on a bien senti que le passé de la collaboration donnait lieu à des ressentis encore très douloureux. Certaines trouvaient que l’auteure excusait trop cette femme qui s’était engagée auprès des Allemands.

 

Extraits

 

Le début.

 Dans trois jours j’aurai vingt-trois ans. Je vais mourir avant. Ils ne me louperont pas. Une balle dans la tête. Le sang gicle comme un geyser et me barbouille les yeux. Le monde devient cramoisi, puis tout noir. Je m’écroule, la gueule fracassée sur le pavé. Petit tas inerte qu’il faudra charrier dans la fosse commune

La mère de Simone.

 Cette épicerie parisienne représentait beaucoup pour toi, Maman. C’était la possibilité de continuer l’ascension sociale de ton père, modeste serrurier devenu chef d’une entreprise de vingt ouvriers. C’était aussi une revanche. Tu n’avais pas pu faire d’études. Tes professeurs t’avaient jugée trop médiocre pour obtenir le moindre examen. Tes deux sœurs aînées avaient empoché le certificat d’études primaires. Mais toi, la benjamine, tu avais dû te contenter d’une école ménagère. Coudre, cuisiner et briquer. Voilà ce que tu étais censée faire de ta vie. Ça te foutait la rage. Tu voulais prouver au monde, et à toi-même que tu en avais dans la caboche. Tu voulais faire fortune.

Sa mère alcoolique, et son père soumis.

 Elle s’enferme dans les cabinets. Puis, elle revient, les yeux toujours un peu plus vitreux, le pas toujours un peu plus lourd. Le tout dans des vapeurs de Cologne. Pas besoin d’un dessin pour piger son manège : maman picole.
 En revanche, à table, pas une goutte de vin. Maman grogne même contre le vieux qui verse en douce du rouge dans son reste de soupe. « Comme les ploucs, tu me dégoûtes » dit-elle. Et lui comme à son habitude il baisse encore plus le menton dans son assiette. Il se grouille de finir de boulotter pour aller se terrer dans sa chambre. Le lendemain, il s’esquive à l’aube pour ne pas croiser la patronne.

 

Édition Babel Acte Sud

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Ce mois de janvier 2024,le thème du club de lecture, autour des photos, permet à la bibliothécaire de ressortir des romans peu lus et pourtant intéressants. Cette écrivaine Anne-Marie Garat, a été récompensée par des prix littéraires et a connu un succès certain mais pas tellement pour ce roman. Spécialiste de l’image, elle rend hommage aux artistes de la photographie et dans ce roman, elle cherche à faire comprendre le poids de la photo pour celui qui la prend comme pour celui qui la regarde. Évidemment, en 1990, quand elle écrit ce roman, on en est au début du numérique, la photo d’art aujourd’hui existe-t-elle encore ? De toute façon la photographe professionnelle qui est décrite vit en 1986, elle prend donc des photos avec des pellicules et les tire elle-même avec les procédés argentique. Tout le roman tourne autour d’une famille de la région de Blois, qui possède une belle propriété, et le personnage important c’est une certaine Constance, mère de Madeleine (qui fête ses 96 an en 1986), et de Romain qui mourra en 1914, victime de la guerre alors qu’il n’a pas combattu : il est tombé et ne s’est jamais relevé !.
Tout est vraiment bizarre dans cette famille, Constance avait 14 ans en 1885 quand un juge lui a parlé gentiment. Elle déclare qu’il va l’épouser. À partir de là tout va dérailler, elle n’épousera pas le juge mais elle fera tout pour que son fils le devienne (juge !). Elle aura deux filles dont elle ne s’occupe absolument pas, trouvera une technique pour avorter de tous les bébés que son mari lui fera à chaque retour de voyage sauf de ce petit garçon qu’elle aimera d’un amour fusionnel. Celui-ci a une passion prendre des photos de sa maison au même endroit tous les ans. Constance a deux sœurs et Madeleine la plus jeune élèvera son petit neveu Jorge qui est amoureux de Milena la photographe professionnelle. Elle même vient d’un pays communiste et ses parents ne veulent pas lui raconter leur fuite. Fuite qui l’a beaucoup marquée. Ses parents ont été des ouvriers exploités, sa mère en usine et elle mourra d’une infection causée par un outil de l’usine, son père n’a pratiquement pas de retraite car il n’a pas été déclaré correctement. Jorge est le fils de Thérèse, la petite fille de Constance, et elle a sauvé un enfant juif pendants la guerre. Toutes les histoires se mêlent car l’auteure ne respecte pas la chronologie et il y a de quoi se perdre. Je trouve que l’auteur a voulu parler de tous les faits de société qui sont importants pour elle, et l’ont révoltée mais c’est trop touffu : la condition des femmes du début du siècle, la guerre de 14/18, la femme bourgeoisie qui s’ennuie en province, les enfants juifs cachés, l’exploitation des ouvriers, la condition sociale des émigrés, et la création artistique à travers la photographie. (et j’en oublie)

Le livre tient surtout pour son style, Anne-Marie Garat aime faire ressentir l’angoisse et les situations tendues à l’extrême, elle a un style très recherché parfois trop, et, même dans ses phrases, on peut se perdre.

Extraits

Début.

 Constance a rencontré le juge un dimanche de juin dans le parc de Mme Seuvert. Elle a quinze ans à peine et remplit sans effort apparent, avec l’indolence charmante, un peu froide avec la complaisance appliquée des jeunes filles d’alors son rôle de figurante dans les visites de voisinage.

Un portrait (et un peu d’humour , c’est rare).

 Et puis maigre, très propre, toute lustrée de deuil soyeux, et le front encore jeune et perdu sous sa mantille de dentelle noire armée par coquetterie de la canne à pommeau de feu Seuvert ; la figure fraîche, rose de joue, l’œil comme un grand café et l’oreille très fine, affectant un air de complaisance détachée, d’indulgente ignorance pour les liens et les plans qui se trament chez elle.

La vieille dame de 96 ans.

 « Alors tu es venue juste pour me souhaiter mon anniversaire. Tu fais bien, c’est le dernier. Je dis ça tous les ans, remarque. Je finirai par avoir raison. »

J’ai du mal avec ce genre de phrases poétiques (sans doute) mais que je ne comprends pas !

 Elle a froid , elle a mal au ventre, là où sont entrées les photographies, comme d’une déchirure froide. Elle a mal des images qui se fixent lentement dans sa chambre noire.

Les ronces.

 Le roncier semble inerte, cependant il est mû d’une puissance de guerre souveraine qui arme les rameaux d’épines redoutables, les allonge et les déploie en tous sens, hors de toute logique, dans une ignorance insultante de son désir enfantin. Planté là, le roncier pousse. Il puise dans la terre noire sa force vitale, sa méchanceté native. Il dresse devant l’enfant le mur de sauvagerie incompréhensible, la vésanie* hostile, insensée des choses qui existent. Indépendantes, naturelles. Indestructibles, insensibles, qui le rejettent à sa solitude impuissante.
(vésanie* veut dire folie)

L’importance du titre.

 Rendue à ce seuil, elle se souvient d’une image de porte noire ouverte sur les cris, l’indicible souffrance. Celle dont ni le père ni la mère ne révèlent ce qu’on trouve au delà. Parce que chacun a sa chambre noire. Apprends à y entrer, jusqu’au plus profond de son obscurité. Dans une totale solitude à en admettre l’obscurité. À y survivre.


Édition La Martinière

 

Les hommes de notre famille ont toujours été des salauds, de magnifiques salauds. 

 

Un récit de retour vers les souvenirs d’enfance de la narratrice (sans doute très proche de l’auteure) . Son enfance est marquée par l’origine russe de son père. Au début, on pense à un récit léger et nostalgique mais hélas la violence alcoolisée de son père donne une dimension dramatique à ce récit.

Le charme de ce roman vient du style de l’écrivaine, il est léger et drôle sauf quand la violence s’installe. Les souvenirs de la Russie sont entretenus par une grand mère qui se souvient de sa fuite de son paradis du temps où sa famille de la noblesse vivait à Saint Pétersbourg. Le plus amusant, c’est la façon dont le père de cette grand mère a gardé les comportements des nobles russes : en arrivant en France il a dépensé sans compter pour faire la fête et cela, jusqu’au dernier centime de la fortune familiale.

Le fils de cette grand-mère est le père de la narratrice, sa vie a rencontré la violence et l’alcool, les trois enfants se sont enfuis de cet univers morbide. On le comprend facilement, il n’empêche que la narratrice veut revoir une dernière fois la maison des vacances où elle a été si heureuse.
Un roman bien écrit une langue moderne qui sert bien le propos de cette écrivaine. C’est un peu léger mais c’est voulu le ton ne devient dramatique qu’à certains moments, la violence de son père, la mort de sa grand mère tant aimée.

 

Extraits

Elle retrouve son père.

 Je suis à présent une vieille petite fille qu’il pourrait enfin prendre dans ses bras mais c’est trop tard, nous n’avons jamais su. La seul chose que nous somme capables de faire, c’est de nous asseoir l’un à côté de l’autre dans la voiture (ça va ? me dit-il après vingt ans d’absence …) et de rouler dans la garrigue fenêtres ouvertes pour allez une dernière fois ensemble dans la Maison blanche aux volets clos.

Son père.

 Ma sœur mon frère et moi savions bien que ma mère lui avait tout imposé, la maison, le chien, Noël, les saisons, et les choses à prévoir.
 Peut-être que nous aussi, elle nous avait imposés ? Parfois j’en avais la sensation.
– Mais je croyais que les enfants, il faut les désirer à deux ? demandai-je à ma sœur, le soir, quand nous discutions serrées l’une contre l’autre sous les couettes.
– Tu parles ! répondait-elle. Il y a des femmes qui mettre comme cela le grappin sur des hommes.
– Le grappin ? comme pour les bateaux de pirates ?
– Oui, un peu comme ça, si tu veux  ! disait-elle en riant. Une sorte d’arbordage , !

Son grand père et l’argent.

 Il était parti de Saint-Pétersbourg en laissant toute son histoire mais il a eu le temps d’emporter une petite statue de Pouchkine un buste, qu’il m’offrit ce jour-là.
– Tiens Ptit’sa. C’est pour toi. Comme cela tu n’oublieras jamais d’où nous venons. Et sache bien que l’argent n’a aucune importance, crois moi je peux te le dire ! L’argent est une chose fragile, qui va et vient et s’épuise. Sois riche de mille autres choses ma chérie, c’est ce que t’enseigneras cette statue. Ne te laisse jamais engourdir. Souviens-toi de notre histoire et des chemins que la vie peut parfois prendre …

L’alcool.

Quand les hommes se mettent à boire, ils le font avec ceux qui passent et qu’ils ne voient même pas. Ce ne sont que des fausses amitiés, des gorges ouvertes sur le vide. Quand les hommes se mettent à boire, ils commencent à plusieurs mais finissent toujours seuls.

Une mère battue.

Les hurlements d’une mère sont une des rares choses qui vous détruisent définitivement de l’intérieur. C’est irréparable. 

 

 

Édition l’iconoclaste

 

Un vrai roman comme je les aime, je suis complètement partie dans cette histoire au point où j’ai dû vérifier si Michelangelo Vitaliani avait vraiment existé, car l’auteur mélange si bien la fiction avec l’Histoire qui a secoué l’Italie au Vingtième siècle que c’est compliqué de faire la part entre le réel et son son imagination. Une petite réserve sur la longueur du roman et le côté invraisemblable de cette histoire d’amour.

Nous sommes avec un homme qui va mourir, il longtemps vécu et terminé sa vie en 1986, dans un couvent . Le père responsable de ce couvent, Vicenzo, est aussi le gardien d’un très lourd secret que le romancier mettra du temps (trop peut-être ?) à nous dévoiler. La chronologie est quelque peu bousculée mais nous suivrons l’enfance misérable de Mimo que sa mère a confié en 1916 à un individu sans coeur Zio. Le père de Mimo était sculpteur et Zio aussi . Le roman se situe en Ligurie dans un village Pietra d’Alba.

De ce lieu, le romancier met en lumière les oppositions de l’Italie de cette époque. La famille noble, les Orsini, qui ont un château et les pauvres comme Zio et les deux enfants dont il a hérité, bien malgré lui ,de la charge. Alinéa (Vittorio) et Mimo.

Celui-ci va s’avérer un artiste de grand talent, cela nous vaut de très belles pages sur la création artistique d’un sculpteur. Dans ce petit village, il va faire la connaissance de Viola la cadette des Orsini, le destin de ces deux enfants est intimement lié, ils découvrent qu’ils sont nés le même jour et se déclarent jumeaux cosmiques. Viola est une enfant surdouée qui retient tout ce qu’elle lit et veut devenir une savante. Un jour elle grandira pour devenir une très belle jeune femme mais pas Mimo qui est atteint de achondroplasie c’est à dire qu’il ne fera jamais plus d’un mètre quarante.

C’est un roman touffu, il s’y passe beaucoup d’évènements liés à l’histoire de l’Italie. La montée du fascisme est bien rendu, car si Mimo ne s’occupe pas de politique, il en est un témoin privilégié. La famille Orsini est toujours aux manettes du pouvoir et manipule tout le monde, les deux frères de Viola, le brutal fasciste qui a su retourner sa veste juste à temps et le prélat à l’air si doux tiennent dans leurs mains le destin de Mimo et Viola. L’amour de Mimo pour Viola est impossible mais également très beau. Elle sera victime de sa beauté, de sa richesse et surtout de son intelligence, ce roman décrit bien la condition des femmes de cette classe en Italie à cette époque. C’est un roman à la gloire des femmes italiennes et à leur courage, la révélation finale en est un superbe symbole.

Tout au long du roman on parle aussi de ce que Vicenzo doit garder bien caché dans des souterrains sous son église, je peux vous le dire, car on le sait assez vite, il s’agit d’une sculpture de Mimo, mais on ne sait qu’à la toute dernière page (ou presque) pourquoi il fallait la dissimuler à tous les regards.

J’ai passé des heures merveilleuses avec ce roman et j’ai beaucoup regardé la Pieta de Michelangelo et consulté Wikipédia pour vérifier les faits historiques. Si vous ne l’avez pas encore fait lisez le vite, dépaysement garanti. Mais sachez quand même qu’Athalie a beaucoup plus de réserves que moi et et que « mot à mot » est bien d’accord avec elle.

 

 

 

 

Extraits

 

Début.

 Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l’abbaye en ce jour d’automne 1986, au bout d’une route à faire pâlir ceux qui l’empruntent. En mille ans rien n’a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides -il faut l’être quand on vit perché au bord du vide-, trente-deux corps qui le furent aussi dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.

Le marbre et la sculpture.

 Il fronça les sourcils. Son regard alla du marbre à moi, de moi au marbre, puis il écarquilla les yeux. – Oh non, non. non Mimo. Zio va te tuer il y a un chefs-d’œuvre dans ce bloc.
– Je sais. Je le vois.
(Et 10 jours plus tard)
 Je ne me relevais pas aussitôt admirant l’ours, qui se dressait au dessus de moi. Il émergeait du bloc de marbre à mi-hauteur, une patte appuyée sur la pierre comme pour s’en arracher, l’autre tendue vers le ciel. Sa gueule pointait aussi, ouverte en un grognement que sa tête légèrement penchée, rendait moins menaçant. Je n’avais sculpté que la moitié supérieure du bloc, à partir de la taille, de plus en plus en détails. Si bien que l’œil du spectateur, partant du bas du socle jusqu’au sommet du museau, entreprenait un voyage de la brutalité à la délicatesse, de l’immobilité vers le mouvement. On dira ce qu’on veut de mon travail, mais je crois qu’il y avait là quelque chose du divin, dans cette genèse de marbre qui n’était d’abord rien, un condensé d’angles et de néant, puis se brisant, donnait naissance dans un jaillissement de blancheur à un monde violent, tendre, tourmenté une oursonne abandonnée qui en saluait une autre.

L’Italie.

 Ce n’est pas pour rien qu’un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l’intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l’autre a bâti, et l’émotion est la même.
 l’Italie, royaume de marbre et d’ordures. Mon pays

Jolie façon de raconter.

 Je dois beaucoup aux femmes dite « perdues », et mon oncle Alberto était le fils de l’une d’elles. Une fille courageuse qui se couchait sous les hommes, au pont de Gênes, sans colère ni honte. C’était la seule personne dont mon oncle parlait avec respect, une ferveur confinant à la vénération

L’après guerre en Italie.

 Les nations victorieuses se disputaient la charogne des vaincus. Les tensions de l’année passée se répandaient comme une peste dans tout le pays, obéissant au schéma précis dont j’avais été témoin : revendication de justice suivies d’une répression impitoyable par des groupes à la solde des tout jeunes Faisceaux italiens de combat, créés par un ancien socialiste à Milan.

Un moment d’humour (il n’y en a pas beaucoup).

-J’ai bientôt seize ans. Et je ne vole toujours pas. Je ne serai jamais Marie Curue.
– Quelle importance ? Tu es toi Viola, et c’est beaucoup mieux.
Viola leva les yeux au ciel et sortit sans prendre la peine de refermer la porte de la grange, nous laissant spéculer dur les,énigmatiques vertus du mystérieux Maricuri.

L’arrivée de Mussolini au pouvoir.

 Le 28 octobre de cette année-là, les plus forts d’entre eux, fascistes, squadristes, anciens partisans tentèrent leur chance. Une bande dépareillée marcha sur Rome, bien décidée à intimider le gouvernement en place. Malgré leur succès à réprimer les émeutes socialistes, dont j’avais été témoin, ils étaient mal armés, hésitants et, surtout peu sûrs de leur coup. Tellement peu sûrs que leur courageux chef Mussolini, tremblant dans ces pantalons bouffants d’ancien socialiste et de futur dictateur avait préféré rester à Milan. Il avait jugé plus prudent de ne pas rejoindre la marche, pour pouvoir décamper en Suisse au cas où les choses tourneraient mal. L’ère était à la lâcheté. Et parce que L’ère était à la lâcheté, le gouvernement puis le roi décidèrent de laisser faire au lieu d’envoyer l’armée, pourtant prête à agir. Le planqué de Milan se retrouva du jour au lendemain à la tête du gouvernement ce dont il fut le premier surpris.

Édition de L’Olivier

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Un roman, ou plutôt une autobiographie qui commence par la fin : l’assassinat de la mère de l’auteure. Celle-ci part dans ses souvenirs pour comprendre les raisons de cette mort. Elle est , elle même la fille d’un poète universitaire irlandais et d’une femme noire américaine du Mississipi. Ses parents se sont mariés au début de l’assouplissement des lois régissant les mariages mixtes, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne souffriront pas du racisme. L’auteure n’explique pas pourquoi le mariage de ses parents n’a pas résisté , ni le rôle que son père biologique a joué dans sa vie. Hélas, pour elle sa mère se remariera avec un homme ancien soldat qui a fait la guerre du Vietnam. Ils ont un enfant ensemble, et c’est la raison pour laquelle elle ne le quitte pas immédiatement. L’enfant sera malheureuse et cet homme la fera souffrir en cachette de sa mère, l’enfant ne le lui dira pas et s’en voudra parce que cela aurait peut être sauvé sa mère. Je ne vous apprends rien en disant qu’un jour celui-ci tuera sa femme. Ce qui révolte sa fille c’est que la police n’a pas cherché à protéger sa mère. Un témoignage terrible qui est, hélas, bien banal .

Le livre se termine par la retranscription des enregistrements des dernières conversation de sa mère avec son mari. On devine une femme lucide et courageuse , mais qui ne pourra pas se défendre face au pistolet de celui qui n’a qu’une idée en tête : l’empêcher de vivre.

Un livre qui a connu un grand succès aux États-Unis, (enfin c’est ce que dit la quatrième de couverture) qui m’a intéressée sans me passionner je n’arrive pas à savoir pourquoi. En revanche j’ai bien aimé la façon dont cette auteure raconte le racisme ordinaire des américains et aussi le courage des femmes qui s’y opposent. Par exemple, sa tante qui ne veut pas qu’un homme blanc l’appelle « hé , Tantine  » et qui lui répond  :

Ça alors, j’aimerais bien savoir quand est ce que mon frère a épousé votre mère !

Mais avec un fusil à portée de main .. on ne sait jamais !

 

Citation

L’enfant métissée.

 

 J’ai mis leurs mains côte-à-côte et j’ai demandé pourquoi ils n’étaient pas de la même couleur, pourquoi je ne correspondais à aucun d’eux. « Qu’étais-je » « Tu as le meilleur des deux mondes », m’ont ils répondu, une réponse que j’avais déjà entendue.
À l’extérieur, seule avec l’un ou l’autre, un profond sentiment de dislocation s’emparait de moi. Si j’étais avec mon père, je mesurais les réactions polies des Blancs, la façon dont ils s’adressaient à lui en l’appelant « monsieur » alors qu’ils appelaient ma mère « ma fille », jamais « mademoiselle » ni « madame » comme la politesse l’exigeait, comme on me l’avait appris. Le traitement que je recevais variait tellement selon que je me trouvais avec ma mère ou mon père que je n’étais pas sûre de savoir à qui ou à quel lieu j’appartenais.

Édition Bleu et Jaune. Traduit du Croate par Chloé Billon

Merci à Keisha pour cette suggestion de lecture, elle avait su me donner envie et j’ai beaucoup aimé ce roman. Comme Keisha, j’ai recherché les jeunes femmes guitaristes que l’autrice signale à chaque début de chapitre et comme elle, je suis allée de bonheur en bonheur.

 

Ce roman suit cinq femmes qui sont mêlées au destin d’une superbe guitare construite par un luthier extraordinaire : Albert, je n’ai pas réussi à savoir si ce luthier a vraiment existé ou de quel modèle l’écrivaine s’est inspirée. Le récit commence avec une femme qui a planté la graine d’un arbre d’exception : le palissandre. Puis on trouvera celle qui a transgressé les codes de son village pour abattre cet arbre somptueux au creux de la forêt interdite aux femmes. Mais celle-ci a ainsi réussi à sauver sa famille de la faim en ramenant ce bois précieux au village. Nous suivrons ensuite le destin d’une troisième femme qui est appelée l’orpheline car elle est sortie de la forêt sans se souvenir de ses parents. Elle accompagnera Albert dans la fabrication de la guitare en palissandre. L’orpheline accompagnera cette guitare vers un jeune compositeur prometteur, nous suivrons alors le destin de cet homme qui a perdu son inspiration. Il la retrouvera grâce à une femme étrange qui sera notre quatrième femme éprise de liberté et qui recevra cette guitare pour finalement l’offrir à la cinquième femme pour un prodigieux concert. Ce récit est construit comme une composition musicale qui monte vers un moment superbe, avec des reprises et des moments de doutes.
Tout le roman est rempli du rôle des femmes porteuses du pouvoir de donner la vie, l’écriture est superbe et le côté « conte peu réaliste » qui souvent me gêne je l’ai accepté, mais quand même parfois un peu de réalisme m’aurait fait du bien, par exemple, je ne peux pas imaginer comment une femme peut ramener seule un tronc d’un palissandre adulte. Mais je ne dois pas être trop rationnelle pour un livre qui m’ a apporté tant d’autres choses.

L’écriture est à la fois légère et puissante, et nous enveloppe dans une musique douce et pénétrante. C’est un livre en dehors du temps ou seulement le temps des rêves, j’ai eu l’impression de revenir au meilleurs moments de ma vie, celui où pour m’endormir on me racontait des histoires avec des fées et une nature avec laquelle les humains avaient des liens qui permettaient leur survie. J’ai retrouvé ces plaisirs intenses en lisant des livres à mes enfants et à mes petits enfants.
Il me manque une dimension pour bien apprécier ce roman, celle de la composition musicale, car le livre suit visiblement une partition de musique . Les moments se nomment Glissando, Pizzicato, Vibrato.
Un superbe moment de lecture hors du temps !

 

Citations

 

La perte de l’inspiration.

 Sa panne durait depuis l’automne précédent, elle s’était éternisée trop de mois et était à présent devenue son état naturel, le prolongement de ses doigts, il ne savait plus comment s’extirper de ce quotidien de frustration. Il avait l’impression d’être en train de crier au fond d’un puits asséché. Personne ne l’entendait et il mourait de soif

Je suis tellement d’accord.

 Oui, les nuages sont magnifiques, mais tout le reste dans les voyages en avion me tape sur les nerfs. Arriver en avance à l’aéroport, faire la queue, des tapis roulants, enlever ses chaussures et vider ses poches, la nourriture d’avion dans de petits récipients en plastique et l’air froid qui souffle pile sur votre tête, le décalage horaire, les hôtesses de l’air aux sourires artificiels, tout ça est si contre nature si inhumain. Si j’avais le temps, je préférerais voyager en train ou en bateau, lentement.

Travail d’une musicienne classique.

Depuis déjà d’années, j’avais le même emploi du temps, et je m’entraînais au moins six heures par jour. Même pendant les pauses, au restaurant, dans le bus, au cinéma, mes doigts s’agitaient et répétaient toujours les mêmes exercices. Petite fille, déjà, mon professeur m’avait expliqué que le talent ne suffisait pas, et que c’était la discipline qui faisait la différence entre un bon et un excellent musicien.

La guitare.

 Fini le sciage, le ponçage et la découpe. Les sons perçants avaient cédé la place aux chuintements et au vernissage. Il avait commencé par polir toute la surface de la guitare avec un papier de verre très fin, pour en effacer l’empreinte de ses doigts. Puis il avait caressé la guitare au pinceau, lui appliquant un enduit qui renforçait sa fermeté. L’odeur du vernis étouffait le parfum du bois, mais il soulignait sa beauté. Les poils du pinceau, dont Albert affirmait qu’ils étaient faits en queue d’écureuil, se courbaient, laissant derrière eux une trace brillante.

 L’apothéose.

Le chef d’orchestre fit un signe de la main, et je me mis à jouer. Bientôt, la clarinette puis l’orchestre tout entier se joignirent à moi. À un moment, il me sembla que la guitare avait pris possession du morceau et s’était mise à raconte sa propre histoire à travers lui. Le public écoutait, concentré, buvant les notes. L’enfant s’était calmé dans mon ventre, comme s’il écoutait lui aussi attentivement une berceuse. Je pouvais sentir la musique résonner dans mon ventre, mon visage, mes pieds.

 


Édition Harper Collins

C’était déjà une édition Masse critique qui m’avait découvrir Sophie Pointurier, à propos d’un roman sur le monde de l’art contemporain et le destin d’une femme peintre originaire de RDA. J’avais beaucoup aimé le roman « la femme périphérique » et beaucoup moins celui-ci. La construction, cependant, est intéressante car on sait dès le départ que le personnage principal, Claude, a fait quelque chose de suffisamment grave pour se retrouver en garde à vue et être soupçonnée de meurtre. Cela n’empêche pas le récit de monter régulièrement en tension. Évidemment, l’interrogatoire est coupé par des retours en arrière qui explique pourquoi cette femme en est arrivée là. Puisque le policier lui demande de revenir au début, elle se remémore le début de son projet : construire avec Élie un lieu pour des femmes inspirée qu’elle était par le béguinage. Élie et elle avaient été choquées à Paris par la mort d’une vieille femme désespérée. L’annonce d’un petit village à vendre dans le Tarn va lancer leur projet. Avec Harriet une américaine et Anna elles vont acheter puis retaper ce village. Le danger vient du voisin, Michel, producteur de lait, qui veut récupérer une partie des terres.

Pourquoi ces femmes portent-elles un fusil ? Pour aider d’autres femmes à ne pas se faire tuer par leur conjoint. Parce que finalement c’est là le coeur du livre, l’autrice a dû être frappée, comme beaucoup d’entre nous, par le nombre de femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint. Elles veulent aider ces femmes avant qu’il ne soit trop tard mais ça ne se passe pas comme prévu.

D’où viennent mes réserves ? Je trouve que cette cause est si importante que je supporte difficilement de la voir traiter de cette façon. Non, il n’existe pas des femmes qui ont pris des fusils pour arracher des victimes aux mains de leurs maris-bourreaux. Cette fiction me gêne et dessert la cause qu’elle veut défendre. L’engagement politique est une vraie caricature : aller taguer les murs du journal « valeurs Actuelles » ne me semble pas de première nécessité. La violence faite aux femmes n’a pas hélas de couleur politique ! Je ne pense pas que Marie Trintignant ait été tuée par un homme lisant « Valeur Actuelle » ! Ni qu’Adrien Quatennens soit un homme politique de droite !

Bref une déception sur un sujet tellement important !

 

Citations

Le béguinage .

 Pendant des siècles, les béguines ont su se frayer un chemin entre vie laïque, travail rétribué et vie mystique, où leur engagement était révocable. Ce statut, créé sur mesure par elle-même et pour elles-mêmes, leur avait permis de contourner l’obéissance pendant des siècles. Ni mariées, ni religieuses, ni soumises. Juste : tranquilles.

Cela ne m’étonne pas.

 Je savais que les vieux souffraient de dépression, j’en donnais les statistiques dans mes cours, mais c’était un des sujets que je m’étais toujours refusé d’investir émotionnellement. Pourtant, j’avais décliné mille fois les chiffres de l’ARS : les personnes âgées de plus de 65 ans représentent la tranche de la population est plus à risque de décès par suicide, chez les femmes le taux est deux fois supérieure à la moyenne nationale 

La presque fin du roman.

 Qu’est-ce qui a fait que je me suis retrouvé par trois fois à appuyer sur la détente ? Je voulais une maison loin de tout, pour moi, pour mon fils, et je me suis retrouvé au milieux de la violence millénaire. J’ai accepté d’être le soldat que Harriet avait vu en moi et je savais que j’avais raison de le faire. C’est pour ça que je me suis exécuté froidement. Je m’en suis chargé à ma manière.

 

 

 

 


Édition Gaïa livre de poche Grands romans Points

Traduit de l’islandais par Henrý Kiljan Albansson

 

Une saga comme je les aimais beaucoup autrefois. J’avoue préférer les livres plus concis aujourd’hui, mais je ne savais rien de l’Islande et cette plongée dans la réalité féminine de ce pays m’a beaucoup plu.

Dans le tome 1, nous voyons la jeunesse et la formation de Karitas qui sera artiste peintre. Elle doit tout à sa mère qui a eu le courage de s’extraire de son lieu de naissance lors de son veuvage pour aller faire de l’argent dans un port qui vit du hareng. Elle a réussi à donner une formation scolaire à ses six enfants qui ont tous très bien réussi. Karitas est douée pour le dessin et grâce à une femme qui reconnaît son talent elle part se former à Copenhague à l’académie des beaux arts.

Elle y rencontrera l’amour pour le trop beau Sigmar . Sans renoncer au dessin elle le suit dans un village isolé et met au monde son fils Jøn puis un petit qui ne vivra pas et enfin des jumeaux Haldóra et Sumarlidi. Son beau Sigmar est parti faire fortune et elle est seule, sa soeur aînée vient lui prendre sa fille et elle même part chez une cousine d’une femme du village et va vivre treize ans chez elle .

Alors qu’elle a décidé que ses fils doivent aller chez sa mère pour recevoir une bonne instruction son mari revient. Mais elle ne le suivra pas, elle veut reprendre sa vie d’artiste.

À travers ce récit, l’autrice nous dépeint la vie des femmes d’Islande de la première moitié du XX° siècle. C’est une vie très dure mais c’est aussi une vie de solidarité. Sans l’entraide entre femmes cette vie serait un pur cauchemar. J’admire leur énergie et leur détermination. J’ai essayé de trouver des renseignements sur cette coutume qui fait que des gens réduits à la misère peuvent vivre chez d’autres fermiers en échange de travail, j’avais trouvé le même fait dans « les cloches jumelles » qui se passe en Norvège et dans les « Annales de Brukkekot ». Les gens trop vieux pour travailler y trouveront gite et couvert jusqu’à la fin de leur vie.

Nous sommes avec les femmes , donc du côté des lessives, du tricot des broderies du ménage en plus des travaux des champs et des enfants trop nombreux qui arrivent tous les ans. On ne sent pas ces gens exploités mais toujours à la limite de la survie.

C’est parfois compliqué de retenir et surtout prononcer les noms de ce pays : à votre avis comment on prononce un h devant un r pour le prénom Hrefna ?

J’ai bien aimé aussi la façon dont cette écrivaine mélange la réalité et les esprits qui hantent ce pays, certains chapitres très courts sont consacrés à l’inspiration de tableaux que Karitas peint, j’aurais aimé les voir mais c’est un exercice amusant de les imaginer.

Un premier tome très dépaysant et passionnant.

 

Citations

Les nom difficiles et toutes les façons d’écrire le »o »

 Leur mère dormait à poings fermés lorsqu’ils longèrent les Fjords de l’Est qui s’ouvraient les après les autres sous un soleil étincelant. À l’embouchure de Seyõisfjörõur, les filles se résolurent à la réveiller ….

Le malheur de passer de la campagne à la ville.

 La dernière fois où il en était ainsi tous assis autour d’une petite table, le père des enfants venait juste de mourir. Maintenant personne n’était mort mais c’était quand même comme si une petite fleur qui n’avait pas de nom était en train de mourir. Ils n’avaient plus rien à quoi se raccrocher, ils étaient assis dans un petit réduit comme mis aux fers et ne pouvaient aller nulle part même pas gambader dans une cour herbeuse. Karitas brûlait d’envie de pouvoir sortir prendre l’air comme chez eux dans la crique, agiter ses bras, danser avec les oiseaux et se sentir heureuse, et tout d’un coup elle était devenue comme une vieille femme qui ne se souvenait plus pourquoi elle se trouvait justement à cet endroit.

La dureté des travaux à la campagne pour les femmes.

 Ensuite ils s’étendaient sur le dos et se reposaient mais je devais rapiécer leurs chaussures et repriser leurs chaussettes et ravauder leurs vêtements jusque tard dans la nuit. Si je n’étais pas assez rapide dans mes travaux ils me pressaient tous, les ouvriers, le maître et la maîtresse de maison. Moi, j’allais vêtue de guenilles sales car je n’avais jamais le temps de prendre soin de moi-même. Je ne me rappelle pas avoir souri pendant que j’étais bonne à tout faire. On exigeait de nous, les filles, une telle ardeur au travail. J’ai raconté cela à ma mère et elle ne m’a jamais renvoyée faire les foins. Ce que je trouvai le plus terrible était l’injustice. C’était beaucoup plus difficile de ratisser et de lier que de faucher pourtant nous n’avions que la moitié de la paye des hommes et nous devions de plus les servir.

L’appel de l’art .

 Tu partiras vers l’art. Il t’a appelée. Ce sera un long voyage et sur ta route se trouveront trolls et embûches. Et lorsqu’enfin tu atteindras la montagne bleue et qui s’élève, magnifique, au milieu des autres massifs bleu noir tout se refermera derrière toi et tu seras prisonnière à vie. Mais cette captivité t’apportera souvent plus de bonheur que la liberté. 

Une jolie façon de parler du froid .

Après le jour de l’an la famille fut contraint de rester au fond du lit.
 Le froid l’y poussa. Une énorme patte glaciaire venue du nord avait posé ses griffes sur la ville, s’était ruée sur le pays comme une bête sauvage avec un gel et un blizzard tels que la terre gémit. Lorsque le vent se calma quelque peu, elle se coucha comme un jupon blanc sur les hanches du fjord et ferma les voies maritimes.

Premier roman que je lis qui raconte ce qui a, de tout temps, occupé les femmes.

 La lessive bouillait dans la marmite noire sur la cuisinière à crottin dans la vieille cuisine et Karitas la remuait avec un bâton. Elle avait rarement fait bouillir ses serviettes hygiéniques avec autant de plaisir que cette fois. Une appréhension s’était installée en elle après que l’homme du rêve lui fut apparu une nouvelle fois bien qu’elle sache que la conception ne pouvait pas avoir lieu sans la présence d’un homme en chair et en os. L’expérience lui avait appris à ne rien considérer comme universel. Aussi elle fit bouillir ses serviettes avec un sourire de satisfaction sur les lèvres, les pêcha dans la marmite et les mit avec le linge blanc. Descendit lourdement chargée jusqu’au ruisseau, l’âme en paix, parfaitement calme à l’intérieur d’elle même, à partir de maintenant rien ne pouvait entraver son voyage vers le Sud.

 

tome 2
Nous retrouvons les personnages qui ont constitué la vie de Karitas. Celle-ci est maintenant une artiste peintre et le thème principal du livre décrit combien il est difficile pour une femme de s’imposer comme créatrice. Elle a décidé de vivre de son art même si parfois ses tableaux ont du mal à se vendre. Elle ne veut pas accepter l’argent de Sigmar, son richissime mari. Leurs rapports sont compliqués elle lui en veut de n’être pas rentré de la pêche le jour où elle a accouché de ses jumeaux. Cette trahison sera à l’origine de la plus grande tragédie de sa vie, elle n’a pas pu s’opposer à ce que sa terrible sœur Bjarghildur lui enlève la fille Halldõra . Mais elle éprouvera toute sa vie une attirance pour le si beau Sigmar.
Ses fils sont adultes maintenant et elle pense enfin être libre pour son art mais le plus jeune le jumeau Sumarlidi lui impose de s’occuper de sa fille Silfà.
le second tome est riche en rebondissements familiaux parfois tragiques : il y a un personnage odieux, violeur et qui détruit autour de lui. Sinon tous les autres s’installent dans l’histoire de leur pays de façon assez positive. Mais pour moi, c’est moins dépaysant que le début de la Saga. En revanche les difficultés de la création artistique sont très bien décrites. On comprend ce qui motive Karitas et comment elle est amenée à concevoir des tableaux très originaux.
Et pour cela, j’ai aussi lu avec grand intérêt ce deuxième tome.
Je ne sais pas exactement quelle artiste a inspiré cette écrivaine et cela m’a manqué.
Édition Les Escales. Traduit de l’italien par Anaïs Bouteille-Bokobza
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Le portrait du père violent et dominant sa famille de toute ses colères et de ses mots assassins est criant de vérité. Il s’agit certainement d’une part de l’enfance de l’autrice qui par se livre se libère du poids de son enfance à Bari capitale des Pouilles italiennes. On sent tout le poids de la souffrance des femmes italiennes qui subissent leur sort avec courage. La petite Rosa vit dans l’amour de sa mère et la terreur que son père éclate d’une colère incontrôlée. Elle s’éveille à la sexualité dans un quartier où règne la prostitution. Elle reproduira , hélas le schéma familial et son Marco s’avèrera un homme dur et violent. Mais à la différence de sa mère elle réussira à s’en séparer.
Le roman décrit bien la pauvreté des villes du Sud de l’Italie et la difficulté de mener une vie correcte quand la misère vous tient dans ses filets. C’est vraiment le meilleur aspect du roman.
Mais je suis peu sensible au côté « rédemption par l’écriture », cette impudeur me gêne surtout dans la deuxième partie quand on voit cette jeune femme s’accrocher à un homme qui ne lui apporte rien. L’écrivaine n’a pas réussi à m’intéresser , mais cela vient du peu de goût que j’ai pour l’auto -apitoiement sur son propre sort. C’est sans doute vrai que c’est compliqué de ne pas reproduire le schéma parental mais cela ne justifie pas pour autant le fait d’en faire le récit. Je sauve de ce roman toute la première partie de son enfance à Bari dans les quartiers miséreux, on vit au plus près de ces familles qui cherchent par tous les moyens de s’en sortir. C’était mon dernier roman italien proposé par mon club de lecture, j’ai lu de bien beaux romans même si celui-ci m’a moins intéressée.

Citations

J’aime bien ce passage :

 Il s’est bien habillé pour l’occasion il a plaqué ses cheveux en arrière pour dégager son front large et il porte un parfum agréable, nouveau. Moi aussi, j’ai fait un effort, j’ai sorti une vieille robe à fleurs qui me serre un peu, je me suis coiffée et j’ai mis des chaussures neuves. Sans véritable raison, en réalité. Peut-être que les amours terminées méritent encore une belle tenue.

Alors que son père vient d’être cruel avec son amoureux :

Ne t’inquiète pas Rosa. S’il t’aime il ne se laissera pas impressionner par les discours de papa, m’as-tu dit. 
T’en souviens-tu maman ? Moi, très bien, de même que de la douceur de ta main qui me caressait les cheveux d’un geste prudent et léger ; peut-être avais-tu peur que je te repousse. Tu parlais toujours avec une émotion qui te ramenait aux mêmes sujets : le mauvais caractère de papa,  » Il est comme ça on y peut rien », le sort inéluctable du quartier, « C’est comme ça, on ne peut pas le changer « . Tu tressais les fils de notre destin dans un mouvement circulaire auquel on n’échappait jamais