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J’avoue avoir lu ce roman un peu à reculons , malgré les louanges que j’avais lues à son propos. La première raison c’est que je n’avais pas été charmée par le précédent roman de Maylis de Kérangal « Naissance d’un pont ». La deuxième, c’est la nature même de son sujet, le don et la greffe d’organe.

Je suis le plus souvent choquée par les campagnes incitant les citoyens à manifester leur volonté de donner leurs organes s’ils se retrouvaient en état de mort cérébrale. On insiste toujours sur le fait qu’ainsi ils peuvent sauver des vies et il y a toujours un discours culpabilisant vis à vis de eux qui ne souhaitent pas donner leurs organes. Et bien ce roman prend la peine d’évoquer sans jamais juger ni donner la moindre leçon de morale , l’état de souffrance absolue des parents qui apprennent la mort cérébrale de leur fils et doivent en même temps accepter, ou non, de donner ses organes.

Toutes les questions sont bien posées et on vit au plus près l’état de sidération dans lequel sont plongés les parents de Simon. La façon dont leur cerveau se fige à l’annonce qu’ils ne peuvent imaginer et leur plongée dans le plus noir des cauchemars. Ce qui rend ce roman exceptionnel, c’est le talent de Maylis de Kérangal, qui à partir de là, décrit tous les acteurs qui vont se mettre en mouvement , jusqu’à la « ré » implantation du cœur de Simon dans le corps de Claire. Tout cela se passe en moins de vingt quatre heures. Mais qui dit urgence et rapidité, n’empêche pas de sentir l’intensité du déroulement des vies celle du donneur, de ses parents, du receveur…

Cela permet à l’auteur de nous décrire plusieurs « types » de notre société . Face à la mort de ce jeune surfeur de dix neuf ans, elle rassemble, les différentes personnalités du corps médical : du prestigieux chef de service , héritier d’une dynastie de médecins parisiens, à l’infirmière du Havre aux amours compliquées. Un petit exemple bien vu de notre époque, l’infirmière qui attend désespérément un appel d’un amoureux et qui répond au médecin chef de service en sentant les vibrations de son portable, complètement partagée entre l’envie de regarder qui l’appelle et se concentrer sur ce qu’on est en train de lui reprocher. Notre époque vous dis-je !

Je comprends les louanges à propos de « Réparer les vivants » et je trouve qu’au delà du sujet choc , c’est un grand roman que je conseille à chacun et chacune de lire si ce n’est déjà fait.

 Citation

Un passage où on voit son talent à décrire des personnages ancrés dans notre société, mais aussi un bon exemple de son style, je raccourcirais volontiers certaines de ses phrases (mais pas celle -là) :

La plupart comédiens sur le carreau, débutants pleins de promesses ou éternels seconds couteaux de productions télévisuelles, arpenteurs de spots publicitaires, doublures, figurants, silhouettes, courant les castings pour amasser des heures, gagner de quoi payer un loyer – le plus souvent une colocation dans un arrondissement du nord-est parisien ou de la proche banlieue-, ou reconvertis coach pour des journées de formation aux techniques de vente – à domicile ou autres-, et finissant parfois par intégrer des panels de cobayes où ils louaient leurs corps, goûteurs de yaourt, testeurs de crème hydratante ou de shampoing antipoux, expérimentateur de pilules diurétiques.

On en parle

Clara et Cathulu et Kroll et bien d’autres avis intéressants sur Babelio

2 Thoughts on “Réparer les vivants – Maylis de KERANGAL

  1. Bonjour Luocine
    Je n’ai pas envie de lire un bouquin sur le don d’organe (même si je suis POUR)…
    Si je dois lire un deuxième livre de l’auteure après Un chemin de tables ( (paru en 2016) que je viens de découvrir et qui m’a intéressé, alors je pense que je lirai Kiruna (sur le monde des mineurs), repéré sur un autre blog. Pour ma part, c’est bien davantage le côté « description sociologique » qui m’intéresse que le « style » – auquel je suis peu sensible…
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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