20160503_104806Traduit de l’Arabe (Irak) par François Zabbal.

Quatre raisons pour lire ce roman :

  • Comprendre que l’Irak a été un pays d’une grande culture très ancienne riche et variée avant que tous les malheurs du monde s’abattent sur lui..
  • Comprendre ce que représente l’exil pour des êtres parfaitement adaptés à leur pays avant les guerres civiles.
  • Savourer la langue d’Inaam Kachachi.
  • Et puis …. je lui ai attribué, sans l’ombre d’une hésitation, cinq coquillage…

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Je crains de ne pas être assez convaincante pour vous dire à quel point j’ai apprécié la lecture du roman de Inaam Kachachi . Tout m’a touchée dans son écriture. Elle sait par son style nous faire partager la beauté de la langue poétique arabe. J’ai pensé que François Zabbal, même si ce n’est pas facile à rendre en français, avait dû prendre bien du plaisir car un traducteur est un amoureux de deux langues et cette auteure m’a fait regretter de ne pas lire l’arabe.

Le roman parle de l’exil des chrétiens Irakiens. Le personnage central est une femme gynécologue de 84 ans, Wardiya, qui arrive en France d’abord chez une nièce poète et de son fils Iskandar adolescent. Un lien très particulier se tissera entre cette femme extraordinaire porteuse de tout le riche passé de l’Irak et cet ado qui a vécu principalement en France, il ne connaît son pays qu’à travers les innombrables morts pleurés par ses proches ; cela lui donnera l’idée de créer un cimetière virtuel qui connaîtra un certain succès auprès de sa tante. L’auteure sait nous faire revivre son pays et on se rend compte que l’humanité toute entière a beaucoup perdu à travers la destruction d’une ancienne et riche civilisation, en particulier l’occasion de faire vivre ensemble une mosaïque de peuples aux mœurs divers et variés. Il n’en reste pas grand chose et le pays est, aujourd’hui, aux mains de gens sans honneur ni dignité . Les chrétiens sont les dernières victimes, ils ont essayé de rester mais, quand la peur quotidienne est au rendez vous, on ne peut que fuir. Comme Wardiya qui a vu un jour dans son cabinet, rempli de femmes qui venaient en consultation, une toute jeune fille arriver avec une ceinture d’explosifs et qui, par quel miracle ?, ne voulait plus mourir, ce dernier épisode tragique la décidera à partir de son cher Bagdad.

Ce roman raconte aussi, ce que représente l’exil quand, ce qui est souvent le cas, les familles sont complètement éclatées. Wardiya a trois enfants, l’une à Dubaï, son fils à Haiti et sa fille au Canada. Elle a essayé de rejoindre sa fille médecin comme elle, mais le Canada lui a refusé son visa, elle rend hommage dans son livre à Sarkozy (c’est si rare que l’on parle de lui positivement que je le souligne !) qui a ouvert les portes de la France aux réfugiés chrétiens d’Irak. Elle raconte bien comment à l’arrivée un simple toit sécurisé et la disparition de la peur rend n’importe quel réfugié de zone de guerre heureux. Puis vient le moment où on se rend compte qu’il faut s’adapter à un monde qui n’est pas le sien. Avec toute la famille dispersée sur toute la planète. C’est vraiment très dur quand on a plus de 80 ans. On se demande si la vraie patrie de cette Wardiya ce n’est finalement pas la médecine, en tout cas c’est dans sa confrontation avec les médecins qu’elle se sent revivre complètement. Plusieurs voix se font entendre dans ce roman et plusieurs époques s’entremêlent, il fallait bien cela pour nous faire comprendre à quel point voir ses proches dispersés par l’exil est une véritable douleur même si chaque jour qui passe on remercie le ciel ou la France d’être en vie.

Pour en savoir un peu plus sur les chrétiens d’Orient ce reportage bouleversant d’Arte
http://www.arte.tv/guide/fr/060824-000-A/la-fin-des-chretiens-d-orient

Citations

Les premiers appartements des réfugiés

Le studio dans lequel ils vivaient verticalement le jour, et horizontalement la nuit.

L’exil

Je me calfeutre dans mon appartement et je suis les nouvelles du pays. J’écris de la poésie. Je dialogue avec Bagdad à l’aide de la télécommande, et je me considère comme une patriote. Mes poèmes sont les armes que je manie le mieux. Que puis-je faire de plus qu’aligner les mots et les lamentations à la manière des poètes d’antan. Même la tendresse, je m’évertue à l’ extirper de moi afin de ne pas être envahie par la nostalgie. Je ne veux pas retourner là-bas, pas même pour en savoir plus. Les liens se sont interrompus depuis que les écrans ont été envahis par des Irakiens qui ne ressemblent pas aux Irakiens. Des voleurs, des coupeurs de têtes , des nervis qui exhibent sur la poitrine les médailles de leur forfait.

Les juifs en Irak dans les années 50

C’était l’année de la déchéance de la nationalité pour les juifs. Ceux d’entre eux qui voulaient quitter le pays étaient autorisés à s’en aller à la condition de ne plus jamais revenir. Et cette année là, aucun juif ne fut admis à l’université.

Une pointe d’humour

La France leur a ouvert la porte de manière inopinée. Elle les a accueillis en même temps que des milliers de réfugiés. Ils ont cru alors qu’on les privilégiait parmi les Noirs, les Jaunes et les métis, et qu’ils auraient droit à un meilleur traitement et de meilleurs logements. Mais les poux sont analphabètes, ils ne savent ni lire ni écrire et ils ne font pas la différence entre la tête d’un Vietnamien et celle d’un Somalien, d’un Tchétchène ou d’un Irakien.

Rapport entre la nièce et sa tante

La venue de ma tante de Bagdad n’a pas vraiment changé le rythme paisible de ma vie, mais elle en a bousculé la routine.

Elle m’a transformée comme un jeu de cartes qu’on brouille avant de distribuer les 10, les as et les rois. Chacun des joueurs assis autour de la table tente de lire sur le visage de ses partenaires s’ils possèdent ou non un joker. Wardiya les avait tous. Une femme qui porte quatre-vingts ans sur ses épaules ne s’avance pas légère et seule, sans son passé. En s’exilant, ma tante m’a jeté celui-ci dans les bras.

28 Thoughts on “Dispersés -Inaam KACHACHI

  1. Cela semble un bien beau roman et les citations sont très belles…

  2. Cinq coquillages: Hé bé… Mais ça m’intéresse, forcément.

    • Je trouve que cette écrivaine a su faire revivre un drame actuel et nous faire connaître un pays de l’intérieur. De plus je suis charmée par sa langue.

  3. Je ne sais plus où j’ai déjà vu ce titre mais tu es plus que convaincante, impossible de dire le contraire !

  4. j’ai immédiatement cherché le livre et hourra la médiathèque l’a ainsi qu’un premier roman
    j’ai lu il y a quelques mois un essai sur les chrétiens d’orient : Sur les fleuves de Babylone nous pleurions, je l’ai trouvé intéressant mais en même temps un peu insatisfaisant et du coup je n’ai pas fait de billet

  5. Dans ce roman il s’agit surtout de l’exil et comme il se trouve que j’aide des chrétiens irakiens à prendre pied dans la langue française, je l’ai trouvé absolument parfait . Ces gens ont quitté leur pays, le pays de leurs racines, le pays où ils avaient l’habitude de vivre à côté de tant d’autres peuples qu’ils n’avaient jamais imaginé ce déferlement de violence.

  6. Tu m’as autant convaincue que pour Le pouvoir du chien. Je vais donc jeter un coup d’oeil à la médiathèque…

    • le pouvoir du chien c’est un roman , comme toi je le trouve parfait , ici on est entre le témoignage et le romanesque et pour une fois je n’ai pas été gênée par le mélange des genres. Au contraire le romanesque permet de supporter la réalité. Je ne sais pas si le personnage principale existe , mais des femmes irakiennes ayant son courage j’en connais plusieurs.

  7. Mais si ! tu as réussi à me convaincre…

    • je suis contente c’est un très beau livre et très émouvant. Mais comme je suis proche d’une famille chrétienne irakienne je me sens très concernée.

  8. Je viens de vérifier à la bibliothèque, il y est, yes !! C’est tentant ; je suis d’assez près la situation, j’écoute souvent sur France-Culture l’émission Chrétiens d’Orient le dimanche matin et ils parlent beaucoup du problème.

  9. La Souris jaune on 24 mai 2016 at 17:20 said:

    C’est gagné aussi pour moi, j’ai bien, bien envie de le trouver, celui-là, et de rencontrer cette gynécologue de 84 ans, et de voir l’exil par son prisme ! Merci Luocine !

  10. et bien si, tu es convaincante, il est noté !

  11. Bien noté pour moi aussi ; l’occasion de voyager et de s’ouvrir l’esprit.

  12. j’espère qu’il te plaira autant qu’à moi, et que je n’ai pas laissé mes sentiments personnels l’emporter sur la qualité du roman.

  13. Bonjour Luocine, j’ai vu une partie de ce documentaire sur les chrétiens d’orient et c’est peu de le dire qu’ils sont menacés. C’est la valise ou le cercueil qui les attend et c’est épouvantable. Je note le titre de ce livre.

    • Et que peut-on faire pour eux? J’essaie d’aider une famille à apprendre le français mais c’est une si petite goutte d’eau dans un océan d’indifférence.

  14. Je te trouve tout à fait convaincante et souligne l’auteur dans ma liste Lire le monde.

    • Cela me fera très plaisir de l’y retrouver. Je saurai si j’ai été convaincante quand je lirai vos billets qui enrichiront mon propre point de vue.

  15. Tu dis bien roman hein ? Pas témoignages ? j’ai du mal avec ce dernier genre … Mais j’aime beaucoup le style des extraits, surtout le dernier.

    • C’est un roman, mais je pense qu’Inaam Kachachi s’appuie sur des personnages et personnalités qu’elle connaît bien. Je suis comme toi, je préfère en général le témoignage au roman, mais dans ce cas précis cela ne m’a pas du tout dérangée , quand même je voudrais savoir si cette femm a existé.

  16. Margotte on 29 mai 2016 at 16:34 said:

    Que des gens soient obligés de fuir leur pays, c’est déjà scandaleux, mais à cet âge là… je n’ose imaginer le choc, les difficultés d’intégration et le reste… Enfin, un livre sur un sujet d’actualité et qui doit donner à réfléchir !
    Merci pour ce partage, je ne connaissais pas du tout ni l’auteur, ni le roman.

    • La famille que je connais a dû fuir avec leur mère de 90 ans . C’était ça où prendre le risque qu’elle soit égorgée par Daesh . Elle pleure tous les jours. Son seul bonheur ce sont ses petits enfants.

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