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Lors de la lecture de ce roman, on ne cesse de penser que l’auteur a vécu très souvent cette situation. Il s’agit d’ un dîner parmi les puissants du si petit monde des parisiens friqués et branchés, avec une surprise l’invitation à table de la bonne, une beurette qui ne correspond pas aux clichés de la bonne société de gauche parisienne. Les scènes sont souvent drôles, le roman se lit vite. Le ton est parfois très caustique surtout à propos de la bonne société qui se croit ouverte. Le démarrage est un peu long. (normal : il faut camper les personnages). « Madamedu » Sophie du Vivier et monsieur Thibaut du Vivier reçoivent George Banon qui doit signer un gros contrat avec Monsieur. Ils reçoivent :

  • Sybil Costière et Erwan Costière des jeunes qui réussissent et qui aiment l’argent ce seront les seuls personnages qui seront antipathiques tout au long du roman
  • Stanislas Stevillano homme lettré et homme de goût.
  • Adrien Le Chatelard avocat et Christina Le Chatelard ne dit rien (leucémique ?) mais attire le regard de tout le monde créera le roman par sa superstition : jamais 13 à table.
  • Marie Do « minique » dit tout ce qu’elle pense femme de Stanislas odieuse et sympathique à la fois
  • Stanislas raté du quai d’Orsay
  • Joséphine appartenant au monde des médias « toujours prête à aider les puissants dans le besoin en authentique petite sœur des riches »
  • Dandieu académie française et son épouse biologiste
  • Sonia la bonne marocaine sympa et pas du tout la beurette de service qui ne s’appelle pas Sonia mais Oumeilkheir.

Le repas va être mouvementé !

Critique du monde

Pierre Assouline ne cesse de tourner autour de la table, pour nous offrir une savoureuse et cruelle galerie de portraits. Voici Sybil Corbières, personnage insignifiant, abonnée à la chirurgie esthétique : « Elle était ainsi faite et refaite que même ses cordes vocales sonnaient comme un piano accordé de la veille. » Voici Dandieu, l’écrivain, membre de l’Académie française, qui se gargarise de phrases creuses : « Il se voulait si républicain qu’il se disait laïque et obligatoire tout en regrettant de ne pouvoir être également gratuit. » Et Marie-Do, l’épouse de l’ambassadeur au placard, « celle qui dit tout haut ce que tout le monde n’osait même pas penser plus bas, encore que la bassesse soit également partagée ». Quant à maître Le Chatelard, spécialiste des divorces (« Il avait le génie de la séparation »), c’est un bavard impénitent. À écouter les silences de son épouse, « on comprenait vite qu’elle avait plusieurs fois divorcé de lui sans même qu’il s’en aperçoive ».

Le cruel Assouline n’y va pas avec le dos de la cuillère. Par moments, il donne l’impression de forcer inutilement le trait. Les convives, à deux ou trois exceptions près, mériteraient d’être jetés par la fenêtre, alors que la charmante – trop charmante ? – Sonia, alias Oumelkheir Ben Saïd, nous éblouit par sa finesse. Elle n’est pas spécialiste du couscous, mais termine une thèse de doctorat à la Sorbonne sur un mouvement architectural assez complexe qui s’était épanoui en Europe au début du XVIIIe siècle…

Ce monde n’est pas le sien, mais, à force de l’observer, elle en connaît les codes et les usages. Ayant « le goût des autres », elle n’arrive pas à détester cette faune. Quoique née à Marseille, elle restera toujours en France « une invitée ». Comme les juifs, finalement, remarque Pierre Assouline : ils ont derrière eux un tel passé d’exclusion, de persécution et de nomadisme « que ce sont eux, les invités permanents, en dépit des apparences »… Le titre du roman, qui paraissait bien banal, prend soudain une autre dimension.

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