Emprunté à la médiathèque.

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Le chemin de Compostelle m’a entraînée vers le Brésil…. Je voulais connaître ce roman pour lequel Jean-Christophe Rufin a reçu le prix Goncourt 2001 et connaît depuis une notoriété certaine. Cet écrivain est doué pour les romans historiques, je le sais depuis « le grand Coeur » et même si je ne suis pas une grande adepte du genre, je ne boude pas mon plaisir quand c’est bien fait. Cette épopée de 600 pages nous raconte un épisode peu connu , la tentative de colonisation du Brésil par le chevalier de Villegagnon en 1555.

En quelques pages, à la fin du roman, l’auteur nous résume ce que l’on sait de cet épisode peu glorieux, il explique aussi, que les deux personnages les plus romanesques, Colombe et Just de Clamorgan, sont sortis de son imagination, l’écrivain a donc pu , à sa guise, leur donner une personnalité plus complexe que les personnages pour lesquels les sources historiques mettent quelques limites à la création littéraire .

Le style de Ruffin est un délice de simplicité et de clarté,puisque nous sommes en 1555, il maille son texte de mots anciens qu’on a plaisir à rechercher. Savez-vous ce que sont des « poils amatoires » ? j’ai souri quand j’ai compris( le texte est suffisamment explicite !). Ruffin entraîne son lecteur dans un Brésil à la nature aussi luxuriante qu’inquiétante peuplée d’Indiens au mœurs qui choquent les Européens. D’abord, ils se promènent nus et ne semblent pas avoir envie de domestiquer la nature. Et comble de l’horreur, ils sont anthropophages .

Le choc des deux civilisations ne permet pas qu’une compréhension mutuelle puisse s’installer , sauf pour Colombe mais c’est le privilège du romancier de rêver que deux civilisations aussi opposées puissent se comprendre. Les colons sont peu nombreux et mènent une vie terriblement dure, la construction d’un fort est une entreprise complètement surhumaine mais à ces rudes conditions d’installation se rajoutent les disputes religieuses qui décimeront, bien plus sûrement que tout autre danger, la malheureuse petite troupe aux ordres d’un capitaine fantasque qui va perdre peu peu toutes ses illusions. Malheureusement, il perdra la seule qui le rendait un peu sympathique , la croyance en l’homme et deviendra un enragé de la foi et donc tuera,tortura avec toute la bonne conscience que donne l’assurance d’avoir Dieu pour soi .

Au delà de la découverte du Brésil ce roman est une bonne façon de faire revivre la Renaissance avec ce curieux paradoxe que cette période a apporté l’humanisme mais, hélas, l’intolérance religieuse et annonce les guerres de religion. C’est terrible de se souvenir que les anciens persécutés, calvinistes ,luthériens deviendront à leur tour des combattants au nom de la « vraie » foi sans aucune pitié pour ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Le débat autour de la présence du corps du Christ dans l’hostie en est un parfait exemple.

Je comprends que beaucoup de lecteurs aient aimé ce roman et dans notre monde où l’on voit des musulmans s’entre déchirer au nom de la pureté de leur foi ce livre a sa place dans notre réflexion.

Citations

le choc de l’Italie pour les Français de l’époque

Je suis arrivé en Italie a trente ans et, crois-moi, j’étais encore tout plein de la vieille tradition de notre chevalerie où l’homme est ruiné par les veilles et les prières,cousu de cicatrices et ne s’accorde aucun soin. Mon premier choc , je l’ai reçu à Florence , en voyant le David de Michel-Ange et le Baptême du Christ de Sansovino. Ainsi malgré la trahison d’Adam, l’idée de Dieu était toujours présente dans l’homme et il suffisait de la cultiver. L’homme idéalement beau, chef d’œuvre de son créateur, l’homme de bien qui excelle aux armes et aux arts, l’homme bon,calme,serein, élégant, maître de lui, pouvait devenir un idéal.

 Réflexion qui m’a étonnée

La fidélité est un sentiment qu’on contente aisément. Il suffit de le tolérer.

 Genre de discussions avec des fanatiques religieux

– les auteurs dont vous parlez , précisa tranquillement le pasteur , ne connaissait pas le Christ. Leur pensée plongée dans les ténèbres , ne peut être d’aucun secours. Il faut croire, voilà tout.

– C’est ce que disent aussi les prêtres et le pape , fit lugubrement l’amiral.

– Oui, confirma Richer avec mépris. Mais la différence, c’est qu’il sont tort.

Tuer au nom de Dieu

Les guerres de religion sont toujours une providence pour les criminels. La violence tout à coup devient sainte ; pourvu qu’ils sachent mimer la dévotion, au moins en parole, licence leur est donnée par un Dieu d’accomplir des infamies dont ils avaient longtemps rêvé.

 On en parle

Je renvoie aux critiques de Babelio car je n’ai pas lu de critiques récentes de ce livre dans mes blogs préférés.

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