Depuis « Bluff » je savais que je lirai d’autres livres de cet auteur. Celui-ci est comme une ébauche de « Bluff ». Nous sommes en Australie. Le personnage commence par faire de la pêche, cette fois sur un bateau digne des plus horribles cauchemars. Tout y est affreux, la façon de pêcher, le non respect des espèces protégées et surtout les rapports d’une violence extrême entre les pêcheurs. Puis, on part dans le nord de cet énorme continent, vers Nullarbor. La route qui traverse cet endroit est écrite dans les guides comme étant une des plus impressionnantes du monde.

Mais cette photo ne dit rien des routes secondaires qui mènent à la côte. Cela devient alors un vrai parcours du combattant. Notre personnage, dont on ne sait rien, est visiblement à la recherche de sensations fortes. Il va en avoir en suivant des Aborigènes qui lui font découvrir le plaisir de la chasse et de la pêche. Peu de personnages sympathiques : ils semblent tous vivre des subventions de l’état. Ils attendent le chèque du gouvernement pour se saouler à mort. Mais … Il y a une rencontre : Augustus qui est un personnage comme on en rêve et qui prendra sous sa coupe le narrateur qu’il surnomme « Napoléon ». Grâce à ce vieux sage de la tribu des Bardi, on a un aperçu de ce qu’aurait pu être la civilisation des aborigènes si les « Blancs » ne les avaient pas massacrés, ou s’ils n’avaient pas complètement nié leur culture. Mais on sent bien que c’est trop tard et que les « Blancs » ont gagné. Aujourd’hui, l’Australie brûle, les Aborigènes ne sont plus là pour expliquer comment vivre dans un pays qui peut être si hostile à la présence humaine.

Si vous avez envie de visiter ce pays, je vous conseille fortement de lire ce livre, et, ne pas craindre les requins, les crocodiles, les serpents, les araignées … et les alcooliques bien entraînés à la bagarre.

 

Citations

La tempête

Ma couchette gisait sous la proue, au plus fort du tangage. Chaque impact me soulevait à un mètre de mon matelas. Je me suis hissé dans la cabine en me cramponnant aux barreaux. Attablés en silence, les autres attendaient que ça passe. En mer quand les conditions deviennent à ce point mauvaises, pas un ne la ramène. Le capitaine moins que les autres. L’humilité du marin face aux éléments, si l’on veut. Plus certainement, la trouille.

Le mal de mer

Grelottant, nauséeux, j’étais terrorisé. Le mal de mer , le vrai, vous fait envisager la mort comme une délivrance. Moi, je n avais pas envie de crever, mais je me sentais trop épuisée pour croire en ma survie.

Histoires de chasse en Australie

J’connais des tas d’histoires comme ça. Trois types partent à la chasse après la fermeture du pub. À l’affût dans un arbre, ils poireautent des heures et des heures. Au petit matin, il fait froid, l’un des trois en a marre, descend de sa branche. Les autres lui crient de revenir, il leur faut un cochon. Mais leur pote ne veut rien entendre. Alors ils se bagarrent, le coup part. Là, ils l’enterrent au pied de l’arbre, ni vu ni connu. Bien sûr, on retrouve le corps. En général, l’autopsie montre qu’il s’est débattu dans son trou, car il n’était pas vraiment mort.

Plaisirs de la nature australienne

Comme je sautillais, maladroit, pour soulager la plante de mes pieds, Augustus s’est campé devant moi : « Napoléon, regarde où tu marches ». Un minuscule serpent gris, strié de noir, se tortillait, nerveux, au bout de sa gaffe.  » Serpent cinq minutes ». Il a lancé le reptile dans les profondeurs de la mangrove, sans épiloguer sur l’étymologie.

Toujours les joies australiennes

« Alors faut pas se promener là tout seul ? J’ai demandé.
– Ah non, Napoléon. À moins d’marcher en haut des des des dunes. Parce qu’il galope, les croc’, même sur le sable. Ou bien t’amènes un chien… Le crocodile raffole des clebs. Friandises ! Il entend aboyer, on l’tient plus, il est comme fou… Crois-moi, Napoléon, s’il a le choix, un croc ira toujours après le chien.
– Mais dans l’affaire, tu perds ton chien !
– Hé, Napoléon qui t’a dit de prendre le tien ? Celui du voisin, il te faut… Une pierre, deux coups, le croc te bouffera et le clebs d’à côté, celui qui aboie tout le temps, t’en es débarrassé. »

Comme quoi, l’alcool ce n’est pas bon pour la santé

Un type, il avait bu… Eh, Yagoo, pas qu’un peu. Ils l’ont ramené de Broome … Lui, il a coupé par les buissons, pour rentrer plus vite… Les buissons, en pleine nuit ! Le serpent tigre, six morsures, qu’il lui a données.
– Il est mort ?
– Ben non. Pas croyable, hein ? Mais on lui a coupé la jambe… Et le serpent, Yagoo, crevé. On l’a trouvé près du type, le matin… Tué par l’alcool, à c’qui paraît, tellement le type en avait plein l’sang. Eh ! Yahoo. C’est pas bon, hein l’alcool…

Une façon de priver les Aborigènes de leurs terres

Les blancs, ils ont fait dégager tout le monde… Ils voulaient plus les voir sur l’île. Un bel endroit comme ça, tu parles, ils l’ont gardé pour eux tout seul. Toujours la même histoire, hein, Napoléon. Un jour, ils ont rassemblé tout le monde. Ils ont dit qu’il fallait partir. Un cyclone va venir, qu’ils ont fait. L’île disparaîtra sous la mer. Ils les ont mis dans des bateaux, à part les vieux, pas moyen de faire partir. Tout ça, Napoléon c’était que des bobards… Les miens ont atterri à Lombadina, il y avait des aborigènes de toute la région… Ils ont pris les enfants, les ont placés dans leur pension. Pour les éduquer, il disait. Les parents, c’était trop de tristesse, personne a eu le cœur de retourner sur l’île…

Traduit du norvégien par Alain Gnaedig

Édition Folio

C’est à propos de « Mer Blanche » chez Jérôme que j’ai eu très envie de découvrir Roy Jacobsen. Merci à lui et à toutes celle et ceux qui ont dit tant de bien de ce roman qui m’a permis de découvrir la Norvège du début du XX° siècle. J’ai été un peu étonnée que ce roman plaise tant à Jérôme que j’imagine plus tenté par des lectures du monde urbain dur et violent. Mais je suppose que ce qui lui a plu, comme à tout ceux qui aiment et aimeront ce roman, c’est son écriture sans aucun pathos pour décrire un monde d’une dureté incroyable. La nature d’abord aussi grandiose que cruelle, elle ne laisse aucun répit aux habitants d’une petite île du nord de la Norvège au sud des îles Lofoten. Les tempêtes détruiront plusieurs fois le hangar que la famille essaie de dresser pour faire sécher le poisson. Les hivers si longs que bêtes et hommes risquent de mourir de faim puisque la principale ressource est constituée par le poisson qu’il faut aller pêcher loin plus au nord quand le climat le permet. Sur l’île voisine, plus grande et plus riche une usine achète le poisson pour le transformer. Et sur cette île aussi vit un pasteur au cœur sec, en tout cas trop sec pour prendre en charge deux petits qui viennent de perdre leur père, le directeur d’usine et dont leur mère sombre dans la folie. C’est donc l’héroïne de ce roman, Ingrid qui les prendra en charge et les ramènera sur sa petite île Barroy. Pourtant elle aussi doit faire face à la mort de son père et la grave dépression de sa mère. Tragédies successives mais racontées avec une telle pudeur que le lecteur souffre en silence et respect pour le courage de ses enfants que les difficultés forcent à devenir adultes si vite. On suit avec angoisse les efforts de son frère Lars pour améliorer le quotidien d’une petite famille qui est souvent plus proche de l’anéantissement que de la survie.

Un grand moment de lecture et qui en dit long sur la dureté des temps anciens en Norvège.

Citations

Je suppose que cela décrit la crise de 29

Quel soulagement de voir un homme rentrer sain et sauf chez lui, même s’il arrive à l’improviste. Il y a la crise dans le pays et dans le monde, des faillites et des budget réduit, des gens doivent quitter leurs ferme, d’autres perdent leur travail, et les gars de l’équipe d’artificier dans laquelle il était le contremaître a été renvoyer chez eux avec mon salaire à peine de quoi couvrir ce qu’il avait déjà dépensé.

Les chaises

Quand Barbro a grandi sur Barroy, les filles n’avaient pas de chaises. Elle mangeait debout…..
Mais Barbro se souvenait ce que c’était de ne pas avoir de chaise si bien que, le jour où elle eut la sienne, elle emporta partout avec elle, au hangar à bateaux, à la remise, et même dans les prés ; elle s’asseyait dessus et observait les animaux, le ciel, les pies huîtrières sur la rive. Un meuble à l’extérieur. C’est faire du ciel un toit et de l’horizon le mur d’une maison qui s’appelle le monde. Personne n’avait jamais fait cela. Ils ne parvinrent jamais à s’y habituer.

Vivre sur une île

Un îlien n’a pas peur sinon il ne peut pas vivre dans un endroit pareil, il lui faut prendre ses cliques et ses claques, déménager et s’installer dans un bois ou dans une vallée, comme tout le monde. Ce serait une catastrophe, un îlien a l’esprit sombre, il n’est pas raide de peur, mais de sérieux.

Les tempêtes

Mais, en règle générale, les tempêtes sont brèves, et c’est durant l’une d’elles que les feuilles disparaissent. Il n’y a pas beaucoup d’arbres sur l’île, mais il y a assez d’ arbustes à baies, de bouleaux nains et de saules qui, à la fin de l’été, ont des feuilles jaunes qui virent au marron et au rouge à des vitesses variées, si bien que l’île ressemble à un arc-en-ciel sur terre pendant quelques jours de septembre. Elle garde cette allure jusqu’à ce que cette petite tempête attaque les feuilles par surprise et les emporte dans la mer, et métamorphose Barroy en un animal loqueteux à fourrure marron. Elle va rester ainsi jusqu’au printemps, si elle ne ressemble pas alors à un cadavre aux cheveux blancs sous les rafales et la grêle, quand la neige violente arrive , disparaît, revient encore et forme des congères comme si elle tentait d’imiter la mer sur terre.

Le mépris

Gertha Sabina Tommesen réussi à appeler Barbro « l’idiote » trois fois pendant qu’elle lui montre la chambre où elle va dormir avec l’autre bonne, qui vient des îles elle aussi, mais qui est bien plus jeune que Barbro. Elle explique que l’idiote doit s’attendre à être appelée à l’usine quand il y a des arrivées de harengs, même au milieu de la nuit, comme les autres femmes de la maison.

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Citation de Sénèque qui illustre parfaitement le sens de ce roman :

Tirons notre courage de notre désespoir même 

Ce roman concourt à notre prix final du mois de Juin 2019, c’est dire si l’enthousiasme des lectrices a été convainquant. J’avoue que je me suis amusée à cette lecture. J’ai retrouvé une partie de mon enfance quand je chipais des livres à mes frères et qu’en secret, je partais dans des romans plus aventureux que mes goûts habituels en matière de lecture. Je pense aussi que cette auteure s’est bien amusée à rédiger des belles scènes de navigation et de batailles entre les bateaux du roi et ceux des pirates. Virginie Caillé-Bastide s’est appliquée à être la plus exacte possible aussi bien en matière de navigation que sur le plan historique. Elle a choisi de garder des tournures de la langue du XVIIe siècle, mais cela n’empêche nullement la compréhension. Pour étoffer son roman elle a choisi de confronter un pirate à l’âme noire, Ombre, à un pasteur Jésuite à l’intelligence et à l’humanité remarquables. C’est sans doute ce qu’on peut lui reprocher, les personnes positives le sont à la lumière du XXI° siècle et de valeurs humanistes qui ne sont venues que très tardivement dans les conscience des humains. Mais ce reproche ne doit arrêter aucun lecteur ou lectrice. Si vous voulez connaître, l’histoire de Ombre, anciennement petit noble breton, qui a vu toute sa famille et ses proches mourir de faim, qui reniera Dieu et ses œuvres pour partir dans les Caraïbes et devenir un des pirates les plus craints des mers lointaines, embarquez-vous sur le Sans-Dieu, l’aventure sera au rendez vous, et l’amour aussi, un peu, peut être trop, si vous êtes uniquement attaché à la réalité historique.

 

Citations

 

La famine sous Louis XIV, propos sarcastiques

Certes, notre pauvre dame a déjà perdu six enfants et le petit Jehan était le seul que le Seigneur notre Dieu avait omis de lui reprendre.

Combat de pirates

Après la détonation, chacun entendit le sifflement reconnaissable entre tous de cette arme redoutable. Tournoyant dans les airs, les deux boulets reliés par une chaîne entamèrent d’importance un gréement déchirèrent une voile, et rencontrèrent deux matelots qui avait eu l’infortune de se trouver sur leur course. Au même instant, le brick tira à bout portant belle salve dans les flancs du galion, l’atteignant au cœur de ses œuvres vives, où se situaient canon et réserve de poudre. Aussitôt, un début d’incendie se déclara ajoutant à la confusion de l’assaut. Le bricks s’était encore approché ne se trouvait plus qu’à quelques brasses de l’espagnol. Perchés dans les enfléchures des haubans, les gabiers du « Sang Dieu » lancèrent des dizaines de grenades sur le pont du galion, causant grand dommage à l’ennemi. Puis à l’aide de grappins et de crochets, ils agrippèrent les vergues et les drisses, de façon à permettre au restant de l’équipage de sauter à bord du vaisseau. Pendant l’abordage, bien des pirates tombèrent sous les balles des mousquets espagnol, mais la majorité d’entre parvint à gagner le pont principal et se précipita avec force cris sur les soldats ébahis. Hache en main et sabre au clair, l’Ombre fut l’un des premiers à se jeter sur un officier qui n’avait pas eu le temps de recharger son mousquet, et dont l’épée délicatement ciselée , vola au premier coup de hache…..

Discussion de pirates

« Oh là Gant-de-fer, sauras-tu encore te servir de ton boute-joie afin d’en régaler les drôlesses et émouvoir leur tréfonds ? » L’intéressé répondait aussitôt 
« Et toi, Foutriquet, si ton appendice est proportionnel à ta taille, je gage que tu ne leur feras point grand effet et qu’elle s’en viendront me trouver afin que je les satisfasse à ta place ! »

Le style

À peine l’amour rencontré, la mort s’était-elle invitée ? Les misérables qui exploitait le corps de cette malheureuse avait-il occis le naïf jeune damoiseau afin de lui faire payer le prix de son impudence ?

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Par grande tempête, ce qui n’était pas le cas le jour où j’ai pris cette photo, les côtes de la manche rappellent les tourments dans lesquels ont été pris l’équipage du Toroa : le capitaine Rongo Walker, le second Tamatoa et le narrateur le Frenchie dont on ne connaîtra que ce surnom.

C’est l’un des sujets de ce roman, les lois impitoyables de la mer. Pour les avoir une seule fois oubliées, Rongo Walker a failli perdre la vie, celle de ses deux équipiers et son bateau. Cela a commencé par une mauvaise pêche, puis par une panne de radio, enfin par un soleil couchant trop rouge annonciateur de tempêtes. Mais l’appât d’une pêche miraculeuse à la langouste, a fait perdre au capitaine sa légendaire prudence. Les descriptions de la mer en furie sont à vous donner le mal de mer et à vous empêcher de dormir. Mais sur un bateau aux conditions de vie si rudes se tissent aussi des liens d’amitié très forts qui nous permettent de comprendre pourquoi et comment les hommes ont de tout temps réussi à vaincre la peur de la mer déchaînée.

Le deuxième thème du roman, ce sont les traditions Mahori, dans des sortes de contes qui s’insèrent dans le roman, elles sont racontées et permettent de comprendre une autre civilisation qui avait une toute autre connaissance de la mer que celle qui permet de naviguer aujourd’hui. Ce sont de très beaux textes qui permettent de réfléchir, encore une fois, à la disparition de civilisations orales qui valaient largement la notre et qu’on n’a ni su comprendre et encore moins respecter.

Si j’étais par moment complètement séduite par ce livre, j’ai, aussi, été moins prise par la répétition des récits traditionnels qui veulent trop démontrer les charmes et les valeurs de ces civilisations. J’ai trouvé les propos répétitifs, ces anciens qui savaient naviguer sans aucune carte ni boussole seulement avec les étoiles, les courants et le sens de la houle, c’est absolument magique mais j’ai eu du mal à m’y intéresser plusieurs fois de suite. Je vois pourtant que ces récits à leur façon accompagnent le roman et que le dernier évoque la fin d’un ancien navigateur mais cela n’a pas suffi à capter toute mon attention. Alors que les récits de la pêche et de la vie sur le bateau m’ont saisie d’effroi et d’admiration. Malgré mes réserves, je ne peux que conseiller la lecture de ce roman j’aimerais tant partager avec vous ce plaisir de lecture. Ne serait-ce que pour vous dépayser (par beau temps) dans des paysages absolument magnifiques et peu connus

 

 

Citations

Une de mes réserves : la difficulté de lire des noms étrangers

Mon nom est Temarii à Teriipaia, je suis né le 1er décembre 1919 à Iripau,le village dans le nord de Tahaa. Les Polynésiens, trois choses nous importent, un lopin de terre ou bâtir son Fare, un coin de lagon pour la pêche, une montagne à cultiver. Moi c’est Murifenua dans la baie de Vaiore et ma plantation là-haut, sur la colline de Mahamene.

Un dicton qui fait réfléchir

Dans nos îles on a ce principe : Ha’amata Hape, Ha’aoti Hape.Ce qui commence faux finit faux.

Climat du Sud de la nouvelle Zélande

Fiordland – ce nom avait acquis au fil des mois l’éclat mystérieux des légendes. Les gens d’ici évoquaient cette région sauvage, aux confins sud de la Nouvelle-Zélande, avec un émerveillement souvent teinté d’effroi. Rien que d’immenses forêts, des lacs et des montagnes, une poignée d’habitants à peine sur des centaines de kilomètres, un climat effroyable, – pluie, vent et froid prenaient dans la région des proportions d’apocalypse. Il n’y avait que les pêcheurs pour naviguer dans ces parages. Les tempêtes en mer de Tasman étaient violentes, imprévisibles, on entendait parler de navire en perdition drossés sur les récifs, de chavirage brutaux, d’hommes perdus en mer. Les abris et étaient rares sur ces côtes, très éloignés les uns des autres, inaccessibles par vent fort.

La poésie

C’est un poète, il a l’amour des mots… Aimer les mots, c’est aimer les hommes surtout. On ne peut pas se parler à soi-même comme si on était seul !… Tout le monde aime les mots, nous les Maoris plus encore. On a perdu cela, mais nos anciens pouvaient se disputer trois jours et trois nuits sans repos pour décider du sens d’un verbe…

La vie sur un bateau

En mer ce n’est pas chacun dans son coin, il faut savoir à tout moment sur qui on peut compter. Par ses contraintes et sa monotonie, la solitude qu’elle impose, toujours sous le regard des autres, la vie au large et un révélateur. On dit qu’aller sur un bateau c’est comme être en prison avec, en prime, le risque de périr noyé. Les faux-semblants se dissolvent dans l’eau salée, on ne peut pas mentir longtemps.

Navigation traditionnelle

Je suis pas perdu, comprenez. Je sais me retrouver sur le grand océan. Je sais où, car je l’ai appris, je sais sous quel astre se trouve tout les terres connus. Je connais les chemins d’étoiles, les oiseaux, tous les signes… Sans voir le ciel pendant trois jours, je trouve une place étroite entre de roche. C’est la houle qui me guide. Te Lapa m’aide aussi, les éclairs sous l’eau qui dansent en profondeur. On voit toutes sortes de lumière la nuit quand on est seul en mer. Les reflets de la lune et des constellations, ça tremble en surface. L’éclat jaune vert qui brille là où l’eau brasse dans le sillage du Vaka, ou quand les poissons jouent avec les vagues. Les feux des hommes qu’on aperçoit très loin, les objets enflammées qui traversent le ciel…


Ce livre, cadeau d’amis navigateurs, a été récompensé par plusieurs prix et commenté de façon très élogieuse sur de nombreux blogs. Si j’ai quelques réserves sur ce roman et que je n’en fais pas comme tant d’autres lecteurs et lectrices un coup de cœur, je le considère cependant comme un très grand roman. Catherine Poulain, cette petite femme à la voix si douce est à coup sûr une romancière étonnante. Elle raconte, son expérience de 10 ans en Alaska, où elle est allée faire la pêche dans des conditions extrêmes. C’est une femme de défis, et elle veut montrer à tous, et d’abord à elle même qu’elle peut tenir sa place sur les bateaux menés par des hommes par tous les temps.

Comme elle n’a aucun préjugé, elle cherche à connaître ces marins qui après avoir passé des semaines en mer dans des conditions de fatigue effroyable reviennent à terre pour se saouler dans les bars des ports. Elle en fait des portraits au plus près de la réalité et trouve en chacun d’eux, même ceux qui roulent dans le caniveau après leur beuveries, leur part d’humanité. J’ai beaucoup aimé ces récits de pêche et on reste sans voix devant la violence contre l’espèce animale. Les scènes où ces hommes tuent ces superbes poissons sont d’une beauté mais d’une tristesse infinie, les hommes sont-ils obligés de tant de cruauté pour se nourrir ? Même les limites imposées par les contrôles pour la survie des espèces ne sont guère rassurantes pour la reproduction des gros poissons des mers froides. Bien sûr, les pêcheurs ne doivent pas ramener des poissons trop petits, ils les rejettent donc dans les flots, seulement qui s’inquiètent qu’ils soient déjà à l’état de cadavres ? Tout cela est parfaitement raconté, alors pourquoi ai-je quelques réserves ? C’est un récit très répétitif surtout quand Lily est à terre. Je n’ai pas une grande passion pour les beuveries dans les bars et il y en a beaucoup, beaucoup trop à mon goût dans ce roman.

Citations

Être pêcheur

Embarquer, c’est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T’as plus de vie , t’as plus rien à toi. Tu dois obéissance au skipper. Même si c’est un con (…..) Manquer de tout, de sommeil, de chaleur, d’amour aussi, il ajoute à mi-voix, jusqu’à n’en plus pouvoir, jusqu’à haïr le métier, et que, malgré tout on en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie à devenir fou. Qu’on finit par ne plus pouvoir se passer de cette ivresse, de ce danger, de cette folie !

Dangers de la pêche

– Mais a quoi exactement je dois faire attention ?
– À tout. Aux lignes qui s’en vont dans l’eau avec une force qui t’emporterait si tu te prends le pied, le bras dedans, à celles que l’on ramène qui, si elles se brisent, peuvent te tuer, te défigurer … Aux hameçons qui se coincent dans le vireur et sont projetés n’importe où, au gros temps, au récif que l’on n’a pas calculé, à celui qui s’endort pendant son quart, à la chute à la mer, la vague qui t’embarque et le froid qui te tue….

Scènes à vous dégoûter de manger du poisson et une idée du style de l’auteure

Mais non, pas des dollars …. des poissons bien vivants… des créatures très belles qui happent l’air de leur bouche stupéfaite, qui tournoient follement sur le clair blanc de l’aluminium, aveuglés par le néon, se cognent encore et encore à cet univers cru où tout est tranchant, toute sensation blessante.

Une femme à bord

Une femme qui pêche va se fatiguer autant qu’un homme, mais il va lui falloir lui trouver une autre manière de faire ce que les hommes font avec la seule force de leurs biscoteaux, sans forcément réfléchir, tourner ça autrement, faire marcher son cerveau. Quand l’homme sera brûlé de fatigue elle sera encore capable de tenir longtemps, et de penser surtout. Bien obligé.

Que cherche-t-on dans ces conditions extrêmes

Vous êtes venus chercher quelque chose qui est impossible à trouver. Une sécurité ? Enfin non même pas puisque c’est la mort que vous avez l’air de chercher, ou en tout cas vouloir rencontrer. Vous cherchez… une certitude peut-être… quelque chose qui serait assez fort pour combattre vos peurs, vos douleurs, votre passé -qui sauverait tout, vous en premier.