20151218_095309Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard dans le thème découverte de l’Ouest américain.

3Seuls ceux et celles qui liront ce roman comprendront le gros plan sur la fermeture Éclair de mon jean. J’avais déjà lu un roman de cette auteure, « le temps des miracles » que j’avais beaucoup apprécié. Ces deux livres sont dans la catégorie « ado » mais peuvent être lus par un large public. À mon avis, celui-ci cible franchement un public jeune, ce qui lui donne un côté bien sympathique.on a parfois l’impression de lire une BD sans image. On part sur les routes du Far West, avec une fille à fort tempérament, pour arriver sur la côte Ouest. Bella Rossa est très belle, rousse grâce à son ascendance irlandaise, d’une énergie peu commune. Elle a des seins superbes, comme des pastèques dit-elle, et dans ce monde qui manque de femmes c’est loin de n’être qu’un avantage. Deux personnages haut en couleur l’accompagnent. Son père paralysé, boit sans arrêt, il crie sur sa fille et sur tous ceux qui s’occupent de lui. Et le plus important pour elle, Jaro, son homme qui n’est pas toujours un cadeau.

Ensemble, ils mèneront leur carriole sur les pistes des chercheurs d’or pour leur vendre des objets pour le moins variés. C’est donc l’occasion de revisiter le Far West avec tous ses dangers (dont la guerre) et des personnages parfois très peu recommandables, un pasteur pervers et lubrique, des fermiers qui lynchent un homme à cause de la couleur de sa peau, un voleur aidé d’un opossum, des femmes trop peu farouches au goût de Bella Rosa… C’est un récit simple et efficace en somme, une bonne distraction pour ceux et celles qui aiment les Westerns. Les personnages ne sont pas caricaturaux et le récit est enlevé. Si on considère que ce roman s’adresse a un public jeune, il est parfait, mais pour des adultes, il manque de profondeur.

Citations

Le tout c’est de trouver le client

Pour palper réellement ce magot, encore fallait-il trouver des clients ! Et, franchement, Jaro n’avait jamais rencontré personne qui eût besoin d’un coupe-œuf ou d’un épineur de raisins secs !

Un moment de grâce

 Et tout ça grâce à ta salle manie d’ouvrir ta braguette à tout bout de champ, s’exclama-t-elle en embrassant Jaroslaw avec fougue.
Dans sa fièvre spéculatrice, elle oubliait toutes les épreuves que Jaro lui avait fait endurer, les pincements affreux de la jalousie, les ravages causés à son cœur et à sa fierté. Elle oubliait les filles au gros derrière, les nuits de solitude à guetter le retour de son, amour, les douleurs qui lui transperçaient le ventre, tout.

20151216_122141Pendant les derniers mois de l’année 2015, il a été beaucoup question de relecture, j’ai mis sur ma liseuse tous les classiques que je veux relire. J’ai choisi de relire « Madame Bovary » (que vous connaissez tous et toutes) car j’ai été passionnée par un débat sur France Culture, animé par Alain Finkielkraut, lors de son émission « Répliques » du 28 novembre 2015. Étaient invités : Suzanne Julliard qui vient de publier une anthologie de la prose française ordonnée par genres ( des orateurs aux critiques) et le comédien Fabrice Luchini.

Suzanne Julliard affirmait que, si la langue de Flaubert était travaillée à la perfection, elle n’était en aucun cas poétique. Ma relecture très attentive me place dans son camp. Pourtant Luchini et Finkielkraut étaient tellement passionnés que j’aurais aimé qu’il en soit autrement. J’ai lu « Madame Bovary » plusieurs fois, mais toujours dans des cadres scolaires puis universitaires. Je me souviens combien, au lycée, j’avais été agacée par cette Emma qui me ressemblait si peu, toujours à rêver sa vie au lieu de la vivre.

Et puis, sont parvenus jusqu’à moi, sans pour autant que je relise cette œuvre, les débats menés par les féministes de notre époque accusant Flaubert, d’avoir fait une héroïne avec des yeux de « mâle dominant » occidental. Je trouvais ce débat stérile, et je ne voulais pas m’y intéresser. J’ai repris ce roman avec des préjugés favorables pour ce qui est considéré, à juste titre, comme un monument incontournable de la littérature française. Et de nouveau, Emma m’a prodigieusement énervée, mais je ne comprends absolument pas les propos des critiques féministes, car les hommes sont d’une nullité crasse, seul Charles grâce à son amour sans faille pour sa trop jolie femme, a une présence plus sympathique que l’ensemble des personnages.

C’est un livre désespérant, car personne n’est habité par un sentiment positif pour ce qui fait le sel de la vie, les joies intellectuelles ou les satisfactions physiques. Emma les rêvait dans la réalisation d’un amour passionné, et finalement, étant donné le cadre monotone de sa vie qui peut lui donner tort ? Elle vit à travers ses romans, mais nous blogueuses et plus rares blogueurs, ce sont pour nous aussi de moments délicieux que ceux passés parmi nos lectures. Je vais sans doute résumer le drame d’Emma a bien peu de choses, mais si elle s’était réalisée dans la société autrement que comme la femme de Charles Bovary, Flaubert n’aurait eu à se mettre sous la dent que la série de portraits d’hommes aussi peu reluisants que, Homais, le pharmacien qui se croit savant alors qu’il est tout juste scientiste borné, Rodolphe, le jouisseur, L’heureux l’usurier escroc, Léon le pâle amoureux arriviste et j’en passe.

C’est donc un roman désespéré et je suis vraiment contente de n’avoir pas à l’expliquer à la jeune génération. À la relecture, je me disais sans cesse combien je préfère la lecture de Maupassant autrement plus humain que ce Flaubert qui s’est si bien corseté pour écrire son chef d’œuvre, qu’il ne laisse aucune chance à la vie pour se faufiler à travers les interstices de nos rêves et nos délicieux fantasmes.

Citations

Poésie ? Charles amoureux et heureux

Et alors, sur la grande route qui étendait son long ruban de poussière, par les chemins creux où les arbres se courbaient en berceaux, dans les sentiers dont les blés lui montaient jusqu’aux genoux, avec le soleil sur les épaules et l’air du matin à ses narines, le cœur plein des félicités de la nuit, l’esprit tranquille, la chair contente, il s’en allait ruminant son bonheur, comme ceux qui mâchent encore après dîner, le goût des truffes qu’ils digèrent.

Emma et la recherche du bonheur

Avant qu’elle se mariât, elle avait cru avoir de l’amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n’étant pas venu, il fallait qu’elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres.

La vie de couple

La conversation de Charles état plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie.

Solitude (poésie ?)

Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l’horizon.

Phrase célèbre

Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude. 

Cruauté de Flaubert envers les femmes

L’aplomb dépend des milieux où il se pose : on ne parle pas à l’entresol comme au quatrième étage, et la femme riche semble avoir autour d’elle, pour garder sa vertu, tous ses billets de banque, comme une cuirasse, dans la doublure de son corset.

Remarque à méditer sur l’amour

Mais le dénigrement de ceux que nous aimons toujours nous en détache quelque peu. Il ne faut pas toucher aux idoles : la dorure en reste aux mains.

Une belle réaction d’Emma

Vous profitez impudemment de ma détresse monsieur ! je suis à plaindre, mais pas à vendre !

Victoire d’Homais, dernières phrases du roman

Depuis la mort de Bovary, trois médecins se sont succédé à Yonville sans pouvoir réussir, tant M. Homais les a tout de suite battus en brèche. Il fait une clientèle d’enfer ; l’autorité le ménage et l’opinion public le protège.
Il vient de recevoir la croix d’honneur

SONY DSCTraduit du suédois par Esther Sermage.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

2
Je pense que, pour tous ceux et toutes celles qui ont des chats, ce roman va prendre une couleur particulière tant il est vrai que maintenir son chat dans son jardin et empêcher celui du voisin de venir dans le vôtre est une véritable gageure. À partir de l’histoire d’un chat qui a décidé que les jardins des voisins étaient aussi les siens, Maria Ernestam (qui, nous dit-elle en postface, l’a vécu personnellement) a écrit un très court roman ou une grande nouvelle comme vous voulez (99 pages). Le point de départ est moyennement passionnant : comment expliquer à votre voisin que leur chat terrorise le vôtre chez vous. Mais, en réalité, l’histoire aurait pu finir très mal car derrière cette histoire de félins se cache une histoire de voisinage bien plus grave et qui aurait même pu être tragique.

Il ne faut pas plus d’une soirée pour lire ce livre , vous serez peut être plus indulgente que moi. J’ai trouvé cette histoire de voisinage assez plate même si, finalement un peu de suspens assaisonne la sauce au final.

Citations

Le grand gagnant : le chat du voisin

D’un bond, il monta sur le mur en pierre et inspecta son territoire, mettant tous ses sens à contribution. Les jardins mitoyens, puis ceux des voisins plus éloignés. Il avait implacablement chassé tous ses concurrents, l’un après l’autre, sans céder un pouce. Ceux qui osaient s’aventurer dehors, dans leur propre jardin, il les avait vaincus à force de ruse et de haine raffinée.

20151215_112915Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3Je dédie ce livre à mon fils heureux papa d’une petite fille qui a un an aujourd’hui. S’il lit ce roman, il y retrouvera toutes les angoisses de sa mère lorsqu’il était adolescent. Il s’agit, en effet d’un roman sur l’addiction au monde connecté. Isabelle Jarry nous plonge dans un futur pas très éloigné du nôtre. L’homme a réussi à créer des androïdes capables d’une certaine forme d’intelligence donc, d’autonomie. Pour lutter contre les méfaits d’un temps trop long passé devant des écrans, la société impose des cures de désintoxication d’une semaine à tous ceux qui ne savent pas se déconnecter du monde virtuel. C’est ainsi que commence le roman : Tim se retrouve brutalement dans un de ces centres pour une semaine sans possibilité de prévenir Today, son androïde, qui, à force d’interactions, est devenu pour lui beaucoup plus qu’un robot, il est son véritable assistant et son compagnon de vie.

Le roman permet de suivre deux survies, celle de Tim qui se retrouve confronté à la nature et qui s’inquiète sans cesse pour son androïde qu’il voudrait au moins prévenir de son absence. Or il ne le peut pas puisque le principe de la cure est de priver brutalement le patient de tous ses liens avec le monde virtuel. L’autre personnage en errance, c’est Today (l’androïde) dont l’existence est sans cesse menacée par des rencontres plus au moins hostiles.

Le roman ne décrit pas un monde déshumanisé et la relation de Tim et de Today n’a rien d’impossible. À travers leurs deux expériences, l’auteure nous fait revivre notre société dans des aspects à la fois tragiques et amusants. Les recherches de Tim portent sur la survie après une catastrophe nucléaire, et il rentre donc en contact avec un sage japonais qui est resté vivre à 40 kilomètres de Fukushima, ça c’est pour l’aspect tragique mais pas désespéré puisque ce Japonais a réussi à survivre dans une nature délaissée par l’homme donc de plus en plus belle. Le côté léger et drôle vient des personnages rencontrés par Tim et Today, le chef de cuisine, parodie de ceux présentés à la Télévision, la cantatrice quelque peu décatie, le clochard lubrique…

Bien sûr, on retrouve dans ce roman une opposition entre la vie dans la nature et le monde moderne connecté mais ce n’est pas pour autant un roman moralisateur ni trop simpliste. Et une fois n’est pas coutume, le mot de la fin est donné à l’androïde pas à l’humain. J’ai quelques réserves, encore une fois – ça devient de plus en plus fréquent- les passages en anglais ne sont pas traduits. Mais surtout, j’aurais aimé en savoir plus sur Tim et sur ce qu’il va devenir enfin l’histoire de plusieurs personnages ne me semble pas finie. l’auteure laisse à notre imaginaire le destin de plusieurs personnages : je me suis sentie abandonnée par l’écrivain , que deviendra Mme Hauvelle la chercheuse aigrie, et Mirène la cantatrice clochardisée et surtout Tim, c’est un peu dur de ne pas savoir où va le personnage principal , je suis désolée pour toutes celles qui détestent qu’on « divulgache » les intrigues mais voici la dernière phrase concernant Tim

Il ne savait pas où il allait….

Je n’en dis pas plus pour garder mes lecteurs et lectrices, mais moi je trouve ça frustrant. C’est la raison pour laquelle je n’ai mis que 3 coquillages alors que, jusqu’à l’avant dernier chapitre, je pensais en mettre quatre. L’auteure prépare peut-être une suite ?

Citations

La place de l’homme dans la nature

L’être humain lui-même était si faible… La nature dans son exubérance, sa force insurmontable, son inépuisable énergie, sa faculté à essaimer et à se reproduire, la nature l’avait nargué dès le début. Pourquoi, à l’instar des autres espèces, n’avait-il pas accepté la place qu’il occupait , prédateur des uns, proie des autres, maillon dans la chaîne de la vie ? Pourquoi avait-il voulu échapper à cette condition, imposer sa loi ?

Le Haïku qui donne son titre au roman

La voix du rossignol s’éloigne
La lumière s’éteint
Magique aujourd’hui

20151109_162509Traduit de l’anglais israélien par Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet.

Présentation de son éditeur

Si une roquette peut nous tomber dessus à tout moment, à quoi bon faire la vaisselle ?

Mais je citerais volontiers également Jérôme qui m’a fait découvrir cet auteur

C’est simple, si je devais un jour devenir écrivain (ce qui n’arrivera jamais, je vous rassure), j’aimerais pouvoir écrire comme Etgar Keret !

5
Comme je le comprends, depuis son article, datant du 4 septembre 2015, ce petit recueil m’accompagne partout, il est sur ma liseuse ce qui est très pratique, je peux même lire au golf en attendant que mes amis terminent leur partie. Il m’accompagne également dans ma réflexion après le 13 novembre 2015. Les Israéliens savent mieux que quiconque ce que cela veut dire de vivre avec des bombes qui explosent, et d’être entourés de pays qui sont prêts à vous rayer de la carte à la moindre faiblesse. Ils ont, donc, parmi eux des écrivains comme Etgar Keret qui avec un humour à la Woddy Allen sait se moquer des travers juifs et surtout de lui-même sans pour autant renier qui il est et d’où il vient.

Je sais que nous sommes nombreuses à préférer les romans aux nouvelles, mais ici on n’a pas l’effet habituel de ce genre littéraire, en général ce que l’on redoute c’est un passage d’une histoire différente à une autre qui empêche de se sentir bien dans ce que l’on vient de lire car cela change trop vite. Ici, on accompagne la vie d’Etgar Keret , celle de son fils Lev et de son épouse, à la fois dans leurs souvenirs et leurs difficultés quotidiennes . Le lecteur va du sourire, à l’éclat de rire , le tout teinté d’une très grande émotion. Pour savoir écrire de cette façon, à la fois détachée mais très sensible, sur tous les petits aspects de la vie avec un enfant, les tragédies de la vie et du monde , il faut un talent qui force mon admiration. se dessine, alors, une personnalité d’écrivain qui n’a rien d’un super héros, mais qu’on a envie d’aimer très fort car il donne un sens à la vie.

Citations

Vue sur mer en Sicile

Parce que, enfin, je la connais très bien cette mer : c’est la même Méditerranée qui est à deux pas de chez moi à Tel-Aviv, mais la paix et la tranquillité que respirent les gens du coin sont des choses que je n’avais jamais rencontrées. La même mer mais débarrassée du lourd nuage existentiel, noir de peur que j’ai l’habitude de voir peser sur elle.

Son père

« En réalité, la situation est idéale, me dit-il très sérieusement tout en me caressant la main. J’adore prendre les décisions quand les choses sont au plus bas. la situation est une telle drek(merde) pour l’instant que ça ne peut que s’arranger : avec la chimio, je meurs très vite ; avec les rayons je me tape une gangrène de la mâchoire ; quant à l’opération, tout le monde est sûr que je ne survivrai pas parce que j’ai quatre-vingt-quatre ans. Tu sais combien de terrains j’ai acheté comme ça ? Quand le propriétaire ne veut pas vendre et que je n’ai pas un sou en poche ? »

Moment d’émotion

– Mais pourquoi ? insista Lev. Pourquoi un père doit protéger son fils ?

Je réfléchis un instant avant de répondre « Écoute, dis-je en lui caressant la joue, le monde dans lequel nous vivons est parfois très dur. Alors la moindre des choses c’est que tous ceux qui naissent dans ce monde aient au moins une personne pour les protéger.

– Alors et toi ? demanda Lev. Qui te protégera, maintenant que ton père est mort ? »

Je n’ai pas fondu en larmes devant lui mais plus tard ce soir-là, dans l’avion de Los Angeles, j’ai pleuré.

Difficulté d’être chauffeur de taxi

Le taxi est un mode de transport dans lequel toit est fait pour la seule satisfaction du client. Les malheureux chauffeurs conduisent toute la journée et n’ont pas de toilettes à bord, où aurait-elle voulu qu’il se soulage dans le coffre ?

Sa femme qui a « un mauvais fond »

« je vais sûrement pas aller au mariage d’un type qui sent le bouc que tu as connu dans une salle de gym où tu as mis les pieds même pas deux semaines, a déclaré ma femme avec beaucoup de détermination.

Des-bougies-et-une-Tour-Eiffel-miniature-deposees-pres-du-Bataclan-deux-jours-apres-les-attentats-de-Paris-le-15-novembre-2015_afp-articleLes bougies de Noël n’ont pas la même signification cette année, elles brillent pour celles et ceux qui ont souffert et souffrent encore, depuis le 13 novembre 2015, c’est la raison pour laquelle j’ai choisi des bougies déposées devant le Bataclan.

 

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard dans le thème « mère fille ».

5Je me demande qui d’entre les participantes du club découvrira à cette occasion Annie Ernaux, je dois avouer que, s’il y en a une, je l’envie un peu. Je me souviens du choc que fut pour moi ses premiers romans. J’ai commencé par « la Place » et je n’ai jamais quitté cette auteure. En relisant « Une femme » pour notre future rencontre, je me suis demandée si j’allais découvrir des aspects que j’avais oubliés. Et bien oui, je ne me souvenais pas à quel point, elle réfléchissait sur sa façon d’écrire :

Mon projet est de nature littéraire, puisqu’il s’agit de chercher une vérité sur ma mère qui ne peut être atteinte que par des mots. ( C’est-à-dire que ni les photos, ni mes souvenirs, ni les témoignages de la famille ne peuvent me donner cette vérité). Mais je souhaite rester, d’une façon, au-dessous de la littérature.

À part cet aspect que j’ai trouvé très intéressant, j’ai tout retrouvé : cette mère qui parle trop fort qui aime sa fille mais qui sait si mal le lui dire. Cette façon dont elle a poussé sa fille vers les études et la réussite mais qui était aussi le chemin vers la séparation avec le monde de son enfance.

À l’église, elle chantait à pleine voix le cantique de la vierge, « J’irai la voir, un jour, au ciel, au ciel ». Cela me donnait envie de pleurer et je la détestait.

Elle avait avait des robes vives et un tailleur noir en « grain de poudre », elle lisait « Confidences » et « La mode du jour » ; Elle mettait ses serviettes avec du sang dans un coin du grenier, jusqu’au mardi de la lessive.

Quand je la regardais trop, elle s’énervait, « tu veux m’acheter ». 

Je trouvais ma mère voyante. Je détournais les yeux quand elle débouchait une bouteille en la maintenant entre ses jambes. J’avais honte de sa manière brusque de parler et de se comporter, d’autant plus vivement que je sentais combien je lui ressemblais.

À chaque fois que je lis ce livre, je suis saisie par la justesse de cette analyse, je crois qu’Annie Ernaux explique mieux que quiconque que changer de culture : passer de « Nous deux » à « Proust » , c’est une rupture absolue, un exil définitif et comme tout exil c’est très douloureux. Cela passe par des moments qui peuvent être violents :

À certains moments, elle avait dans sa fille en face d’elle, une ennemie de classe.

Pour celles et ceux qui n’ont pas encore lu cette auteure, j’enfonce des portes ouvertes en rappelant que, ce que l’on remarque tout de suite, c’est son style, tout en retenu et pourtant dévoilant tout ce qui peut être su par l’autre même ce qui d’habitude est caché. Dans ce « roman » ce qui me touche le plus c’est ce cri d’amour, cette fille a su écrire son amour à sa mère, Annie Ernaux est maintenant une grande dame de la littérature de notre époque et celle qui l’a mise au monde, cette femme un peu rude, un peu trop voyante peut être fière de sa fille.

Voici le moment télévisé où je l’ai découverte, le lendemain j’allais acheter son livre. Que de souvenirs !

SONY DSCTraduit de l’anglais (États-Unis) par Martine Béquié et Anne-Marie Augustyniak.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard , thème « relation mère fille »

4Cela fait longtemps que je n’ai pas ressenti un tel plaisir de lecture, je voulais absolument ne plus quitter, Taylor le personnage principal qui n’a pas sa langue dans sa poche, Lou-Ann qui n’est que gentillesse, Mattie qui aide les malheureux candestins, Estevan qui parle si bien l’anglais…. Je trouve que dans le thème « mère fille » ce roman est parfaitement choisi par notre bibliothécaire préférée. Pour plusieurs raisons, car c’est d’abord le récit de la naissance du sentiment maternel. Marietta-Missy-Taylor est une jeune fille qui a décidé de sortir de son Kentucky natal pour vivre une vie indépendante, or dès les premiers jours , une vieille indienne lui met dans les bras une toute petite fille qui visiblement a vécu un très lourd traumatisme. Taylor va apprendre à aimer Turtle-Avril et devenir sa mère. Il faut dire que sa propre mère, femme de ménage a eu cette qualité incroyable, d’aimer sa fille et de trouver tout ce qu’elle fait absolument formidable.

C’est la deuxième raison pour laquelle je trouve ce livre bien choisi, l’amour admiratif d’une mère est un cadeau précieux qui donne des forces pour toute la vie. Je dois dire que je ne résiste pas aux romans qui mettent en scène des « cabossés de la vie » qui au lieu de continuer à se détruire, joignent leurs forces pour franchir les obstacles et aller vers le bonheur. J’ai à propos de ce roman , relu ce qui s’est passé au Guatemala, encore une tragédie maintenant oubliée, elle est ici évoquée à travers le coupe d’Estevan et Esperanza à qui on a arraché leur petite fille.

Le roman situe tous les personnages au moment de leur survie, pour leur adaptation à la vie quotidienne c’est une autre histoire, on espère qu’ayant vécu le pire, ils vont y arriver. Ce roman est servi par des effets de langue, qui doivent être encore plus délicieux en américain, l’arrivée dans le langage de la petite Turtle sont drôles et inattendus, et l’adoption par Taylor dans sa langue rugueuse de jeune fille peu éduquée de l’anglais raffiné d’Estevan, professeur d’anglais au Guatemala sont savoureux mais sonnent un peu plats en français. Grâce à Keisha (je me doutais bien qu’elle avait lu cette auteure !). J’ai vu qu’il y avait une suite que je vais m’empresser de lire, j’aime bien son expression que je me permets de citer : c’est un livre « doudou ».

Citations

Le caractère de Taylor Greer

J’avais décidé depuis longtemps que, si j’avais pas les moyens de m’habiller chic, je m’habillerais mémorable.

La description de Lou-Ann

Elle était du genre à aller chercher les ennuis juste pour montrer qu’on n’avait pas besoin d’être une « pompon girl  » pour se faire sauter . Le problème c’est que ça ne vous rapporte rien. C’est comme un gosse qui fait des tours de vélo en se lâchant des pieds et des mains et s’ époumone pour attirer l’attention de sa mère. Eh bien, la mère en question ne lèvera pas les yeux tant qu’il ne se sera pas fracassé la tête contre un arbre.

Avoir un enfant

Elle ne cachait pas que son désir le plus cher était d’être grand-mère. Dès que la grosse Irène prenait le bébé, ce qui n’était pas fréquent, Mrs Hoge déclarait : « Irène, ça te va à ravir ». Comme si vous deviez faire un enfant parce que ça vous va bien.

L’Oklahoma

Ces étendues désespérément plates de l’Oklahoma avaient fini par me donner mal aux yeux croyez moi . J’avais l’impression qu’il fallait toujours regarder trop loin pour distinguer l’horizon.

20151113_120910Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4L’ennuie avec les lectures du Club comme avec la tenue du blog, c’est que j’enchaîne la lecture les livres trop rapidement. Pour certains, ce n’est pas si grave car ils font partie de la lecture détente, et je suis ravie de partager ces moments avec les lectrices et lecteurs de mon blog. D’autres résonnent plus profondément en moi, et je veux les lire et relire jusqu’à ce que je les possède et qu’ils m’appartiennent. Les livres ne m’ont jamais appartenu parce qu’ils sont bien rangés dans mes rayonnages, cela je l’ai cru dans ma jeunesse. Ils m’appartiennent parce que je sais me souvenir, en les évoquant, du plaisir qu’ils ont su me procurer. Avec Carole Martinez, il faut du temps pour savourer son histoire et sa façon de la raconter.

Toutes les lectrices qui aiment ses livres sont sous le charme de son écriture passionnée. Aussi bien « les fanas de livres » que Asphodèle et Krol. Cette écriture mérite qu’on la déguste par petites touches, sans se presser qu’on puisse laisser cette histoire et la reprendre juste pour le plaisir de s’entendre raconter une histoire tragique. Tragique comme ces petites filles mariées au sortir de l’enfance dans une France de 1361, si rude, ravagée par la peste, la guerre de cent ans et les compagnies armées qui un temps désœuvrées par le traité de Brétigny soumettent les populations aux violences rapines et pillages.

Carole Martinez sait mettre son écriture au service de ce qu’elle imagine de cette époque. Sous sa plume, les légendes , la religion, les faits historiques se mélangent et nous avons l’impression comme la petite Blanche de presque douze ans, d’être emportés sur les flots de la Lou sans pouvoir maîtriser notre destin. D’être submergés par l’angoisse et la peur des hommes capables de déchaînements de violence. Cette violence et cette absence de respect pour la vie d’enfants si fragiles et si exposés aux maladies, rend la mort presque douce. Roman étrange qui ne tient que par cette écriture à deux voix, celle de la mémoire de l’enfant qui est devenue « la vieille âme » et qui éclaire parfois la voix de « la petite fille » qui a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive.

Citations

La présence du Diable

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Françoise Adelstain

4
Un livre d’une grand qualité, car il sait transmettre une forte émotion, tout en respectant les codes de bienséance britanniques. Un homme au sommet de la gloire dans le système juridique anglais, « le vieux Filth »  : Failed in London try in Hong-Kong (acronyme qui veut dire « si tu échoues à Londres essaie à Hong-Kong » mais le mot veut aussi dire sale ou saleté), est respectable et très respecté, connu et admiré pour son savoir juridique. Après une brillante carrière à Hon-Kong, il revient dans le Dorset.

Le roman commence, lorsqu’il se retrouve veuf et très âgé. Ce veuvage auquel il ne s’attendait pas va l’entrainer dans une pérégrination vers son passé. Il est un enfant des colonies britanniques, ce qui veut dire qu’à six ans, il est brutalement séparé de la femme qui l’élevait pour partir au pays de Galle ou de vagues tantes lui ont trouvé une famille d’accueil. Rudyard Kipling parlera, lui aussi de cette incroyable violence faite à des enfants : les colons britanniques avaient si peur que leurs enfants se lient aux indigènes qu’ils préféraient s’en séparer pendant les longues années de 5 ou 6 ans à 18 ans.

Ce vieux Monsieur digne, qui ne peut pas exprimer ses sentiments et qui est, pour tout son entourage, la respectabilité même va peu à peu par toutes petites touches nous livrer ses souffrances, celles de son enfance sont énormes et il est soudain incapable de finir sa vie sans s’y confronter de nouveau. Au passage nous connaitrons ses amitiés, ses amours et son couple beaucoup moins simple qu’il n’y paraît.

Le roman est traversé par des personnalités pour le moins étranges. Les deux tantes qui devaient s’occuper de leur neveu sont complètement dérangées, typiquement anglaises peut être ? Essentiellement intéressées par le golf et pas du tout par le bien être d’un enfant dont elles n’avaient pas demandé à s’occuper. C’est très émouvant de voir le regard des autres vis à vis de ce vieux Filth, regard qui s’arrête à son allure, à sa respectabilité, à son élégance, à sa dignité, et le long et douloureux cheminement de cet homme vers une autre vérité , celle qui a bien failli l’anéantir.

PS : Ce roman a déçu deux lectrices du club et n’a donc pas reçu de coup de cœur, je le regrette . Elles ont trouvé cet homme peu sympathique et le roman bavard, je donne leurs arguments par honnêteté, mais je ne suis pas du tout d’accord. J’aimerais bien lire d’autre avis sur ce roman.

Citations

Un nouveau mot pour moi

Sa somnolence postprandiale

Le veuvage d’un vieil homme

Désormais à près de quatre vingts ans, il vivait seul dans le Dorset. Sa femme , Betty, était morte, mais il papotait souvent avec elle en vaquant dans la maison. 

Une enfance malheureuse

Il n’avait pas bu de lait depuis son départ de chez Ma Didds, au pays de Galles. Elle devait être ici. « Tu ne sors pas de ce placard tant que tu n’as pas bu ce verre de bon lait et tu as intérêt à ne pas remuer les pieds parce qu’il y a un trou en dessous aussi profond qu’un puits, et on n’entendrait plus jamais parlé de toi. » Enfermé toute la journée, jusqu’à l’heure du coucher, il avait six ans.

L’idéal féminin de bien des hommes

Mrs Ingoldby fut le premier amour anglais d’Eddie. Il ignorait qu’une femme si peu compliquée pût exister. Calme et rêveuse, souvent vous apportant une tasse de thé sans raison particulière sauf par affection ; satisfaisant tous les caprices d’un mari colérique dont elle ne se plaignait pas. Ravie sans jamais se lasser des surprises que réservait chaque nouveau jour.

Les mémoires