Édition l’avant scène Gallimard NRF 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un premier roman d’une jeune auteure de vingt quatre ans qui se met dans la peau d’une femme très âgée en maison de retraite. Ce roman est surprenant et a su souvent retenir mon attention, sans pour autant être un coup de coeur.

Les quatre saisons vont permettre à Isadora Abberfletch, cette vieille femme en fin de vie de faire revivre sa Maison. Chaque saison lui a apporté son lot de joie et de souffrances. la Maison avec ce M majuscule est le personnage central du roman. Isadora, croit lors de sa jeunesse que cet endroit est indispensable à sa propre vie. Elle ne peut s’en détacher , elle y a toujours vécu, avec sa famille puis qu’avec son père et enfin seule jusqu’à ce qu’elle comprenne, enfin, que sa Maison la tuera si elle y reste encore un an de plus.. Elle y a connu les moments les plus heureux de son enfance avec sa petite soeur Harriet et son frère Klaus. Les rapports avec Louisa, la soeur aînée de la narratrice sont plus compliqués on comprendra pourquoi lors de la scène importante du printemps. Chaque saison, même si elles ont été des moments heureux de sa vie se terminent par une catastrophe, l’été verra la mort de sa mère, l’automne celui de la mort d’Harriet sa petite soeur, l’hiver celui où elle se décide à partir en maison de retraite et le printemps celui où Louisa lui montrera l’envers du décord qu’elle ne voulait pas voir.

J’ai beaucoup aimé la description de l’attachement à la maison d’enfance, l’autrice sait exactement de quoi elle parle car elle encore proche de sa propre maison d’enfance , en revanche son personnage d’Isadora est peu incarnée et on a beaucoup de mal à l’imaginer mais Perrine Tripier a beaucoup de talent , elle vieillira, elle aussi et saura peut-être mieux comprendre le détachement progressif aux biens de ce monde qui sont l’apanage de la vieillesse.

 

Citations

Les romans qui débutent par la météo m’agacent peu.

 Pluie fraîche sur pelouse bleue. Herbes d’été humide, relents de terre noire. Toujours ces averses d’août sur les tiges rases, brûlées d’or.les lourdes gouttes ruissellent sur la vitre, situent, serpentent, et s’entrelacent en longs rubans de lumière liquide.

Le but de sa vie.

J’avais compris que le passé était la seule chose qui valait la peine que ma vie soit vécue. Moi, la Maison et nos souvenir, nous ferions de grandes de choses car les choses familières ne sauraient mourir. 

L’été .

La liberté absolue des jours d’été, c’est cela qui distinguait cette saison du reste de l’année. Quel délice ces soirs bleus où nous mangions dehors, sous le grand cèdre. La tablée se trouvait baignée par les effluves de résine.

Vieillir.

Vieillir n’est ce pas troquer son être vivant pour un être préparé à mourir ? Échanger le fluide vital, les idées folles, l’ivresse du monde contre une douce langueur, un cocon de morphine salutaire et lénifiant.

L’oncle alcoolique .

« Ne touche pas à l’alcool en revanche », disait Petit Père en coulant un regard appuyé vers Bertie et ses joues incarnadines, quand il remontait de la cave où il était allé « vérifier les stocks ». Nous savions tous que Bertie avait un problème, mais cela faisait partie du personnage, de bon vivant, le trublion, Le grand dévoreurs de chair. Nous le laissions tranquille, sans doute à tort, n’est-ce pas, les ogres ne font jamais de vieux os, ils font bien rire tout le monde repas de famille et puis ils disparaissent, et personne n’est surpris, mais le rire manque cruellement.

Les photos.

Les morts n’ont aucune humilité, ils s’affichent là, figés à jamais sur du papier glacé, et sont à jamais chez eux dans les lieux qu’ils ont habités On a peur de les déranger, on refuse de jeter le service d’assiettes de la vieille Léodagathe, parce qu’elle l’aimait beaucoup, la sainte femme ; pourtant ce service enquiquine tout le monde, et il est ébréché et de mauvais goût, mais ça personne ne le dit, parce que la veille Léodagathe, dont les os reposent quelque part, entassés dans le cimetière du village, rongés par la vermine était, avant tout, « une sainte femme ».

Jolie formule !

Klaus et Louise ne m’ont jamais semblé avoir du mal à partir, au contraire ; ils ont la valise aisée, la route facile. Ils partent et reviennent sans douleur, la Maison leur est toujours ouverte et toujours douce, jamais violente comme l’amour et immodéré que je lui porte et qui me rend folle loin d’elle, comme une amante jalouse.

Les déménagements.

 On s’attarde moins sur des lieux qu’on doit quitter souvent, parce qu’on se force sans doute à moins s’y attacher, comme pour atténuer la rupture que chaque déménagement provoque. Les déménagements nous brisent. On fiche dans les murs des morceaux de soi partout où l’on passe, et l’on se désagrège en partant. Mon frère s’est désagrégé au fil du temps, c’est sans doute pour ça qu’il n’est heureux nulle part 

L’autre version de la Maison.

 Elle murmura que j’étais malsaine, accrochée au passé, accrochée à une enfance que j’avais idéalisée. Elle ne s’arrêtait plus de vomir des horreurs, elle disait que Petite Mère n’avait jamais été heureuse avec Petit Père, que cette Maison avait été un calvaire pour elle, une charge écrasante. Je pensais qu’elle avait fini mais Louisa se mit à cracher de nouveau « Petite Mère n’a jamais eu d’initiales brodées sur son linge, elle ; elle avait les serviettes blanches des épouses. La maison lui pesait comme la dalle d’un tombeau, elle suffoquait sous l’effroyable pression qui lui appuyait sur le ventre, là, un ventre où se tordait l’angoisse de la ruine, l’angoisse de la mort. »

Édition L’avant scène Théâtre

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Une pièce que j’aurais eu un grand plaisir à voir. Un dialogue inventé entre deux génies du XX° siècle Einstein et Charlie Chaplin. C’est souvent drôle, tragique aussi . L’auteur concentre sa pièce sur trois moments de leur vie. D’abord quand Einstein, découvre avec horreur le sort des juifs sous la botte nazie, et que Chaplin veut faire un film en se moquant d’Hitler. Le deuxième moment Einstein s’en veut d’avoir pousser Roosevelt à construire la bombe atomique enfin la dernière scène Charlie Chaplin victime de la commission d’épuration menée par McCarthy vient voir une dernière fois son ami avant de s’exiler en Suisse. Il y a aussi un gouvernante qui permet d’avoir un lien avec l’extérieur.

Tout le travail de l’auteur c’est de nous faire comprendre à la fois le génie de ces deux hommes extraordinaires et la différence de leur démarche. Tous les deux sont des créateurs et ont besoin de liberté pour créer mais ils réagissent très différemment. Dison que Chaplin est plus humain qu’Einstein et qu’il finira sa vie dans une forme de bonheur familial qu’Einstein n’a jamais onnu.
Un beau texte et une grande envie de le voir sur scène

Citations

Un bon mot .

 « Avec le « professor » c’est pas évident pour l’habillement … au début je faisais comme Elsa. Quand il y avait des visiteurs importants, je lui demandais de faire un effort… Un jour, il m’a dit : « Si c’est moi qu’ils veulent voir, fais-les entrer…Si c’est mes vêtements, tu ouvres mon armoire et tu leur montres mes costumes ! »

Les génies scientifiques sont jeunes.

Chaplin : Et pourquoi ne fait-on plus de découvertes après quarante ans ?… Le cerveau s’amollit à ce point ?

Einstein : Je crois plutôt qu’on est prisonnier de soi-même… De ce qu’on a découvert avant … On se répète….. Ce qui manque c’est l’insolence.

Dictature et démocratie.

Einstein  : …Vous savez la différence entre une dictature et une démocratie, Charlie ?… Dans une dictature les gens sont gouvernés par la force et le mensonge. Dans une démocratie, uniquement par le mensonge !

Les stars

Chaplin : J’en ai observé beaucoup à Hollywood des stars quand on les voit groupées et elles produisent peu de lumière et encore moins de chaleur ! ( « Einstein sourit montrant le télescope »). J’ai le même à la maison. Je voulais apprendre l’astronomie. Mais c’est plus fort que moi : je dirige toujours l’objectif vers la rue. Les hommes intéressent plus que l’univers … Le contraire de vous, en somme !

Einstein : l’univers me paraît moins compliqué que mes semblables en tous ca !

 

 


Édition Liana Levi. Traduit de l’italien par Marianne Faurobert

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Ce roman est à la limite du conte , à la fois réaliste et onirique. Il raconte l’arrivée dans un pauvre village Sarde de réfugiés venant d’un bateau et sauvés par des humanitaires. Personne n’est tout bien ni tout mal dans ce récit, c’est pourquoi je dis qu’il est réaliste, mais il y règne aussi une atmosphère finalement positive comme dans un rêve, le rêve que les hommes puissent vivre heureusement ensemble, c’est pourquoi je le qualifie d’onirique.
Cela ne veut pas dire que ce récit n’est pas profond et ne fait pas réfléchir. La narratrice, une des femmes du village est très vite intriguée par ces gens qui arrivent de si loin, et elle n’est pas la seule. Elle croit pouvoir les aider et avec des amies : elles veulent leur « faire du bien ». Ce qui est amusant c’est que ces pauvres gens se croyaient arrivés en Europe alors qu’ils sont en Sardaigne dans un village isolé loin des images qu’ils avaient en tête.
Comme dans tout conte, il y a une morale, les gens du village pensaient tout leur donner, mais l’arrivée de ces immigrés leur permettra de voir ce qui ne marche pas dans leur village. C’est un échange et avec un questionnement sur l’aide humanitaire qui est très intéressant. Beaucoup de questions sont abordées dans ce roman , l’isolement des villages ruraux, la fuite de la jeunesse, l’agriculture rentable au dépend des potagers personnels….

Aucune solution simpliste n’est offerte aux lecteur et la vie va continuer tout aussi imparfaite qu’avant. Au passage, ces gens auront appris la tragédie de ceux qui sont obligés de fuir leur pays. L’écrivaine mélange avec bonheur la religion chrétienne avec l’Odyssée d’Homère, tout est prétexte à nous faire saisir la relativité des comportements humains . Elle nous régale de poésies et de citations de poètes.

Je ferai un reproche à ce livre, on se perd dans les personnages malgré leur liste au début du livre, j’ai dû sans arrêt m’y reporter.
C’est avant tout un livre qui fait du bien et où le malheur ne nous rend pas totalement triste alors que rien n’est gommé, on comprend toutes les horreurs mais la vie avec « les hommes de bonne volonté » est la plus forte.

 

Citations

Le sens de l’accueil des Sardes.

Nous ne sommes pas comme les Napolitains qui vous imposent leur compagnie même si vous n’en voulez pas et vous pourchassent vous parlent, vous invitent à parler. Nous, les Sardes, nous sommes accueillants, mais si nous devinons que vous souhaitez rester seuls, seuls nous vous laisseront, à jamais.

Des immigrants déçus.

 Mais certains des envahisseurs aussi, une fois qu’ils eurent compris que c’était bien dans ce village sarde oublié de Dieu et des hommes, ravitaillé par les corbeaux, qu’on les avait envoyés, ne voulurent plus rien avoir à faire avec nous, déçus d’avoir risqué leur peau pour échouer ici.
 Non, leur place n’était pas ici. 
Ils avaient entendu dire que l’un de nos traits distinctifs, à nous Européens étaient le goût du shopping, et qu’ici les vitrines scintillement de partout. Où étaient donc toutes ces boutiques ? Il n’y avait rien chez nous de ce à quoi ils s’attendaient. Nous n’en valions pas la peine

L’homosexualité .

 Une fois l’humanitaire du sex-shop raconta que son père avait coutume de dire : « mieux vaut un fils mort qu’un fils pédé. » L’un avait donc pour géniteur un assassins potentiel, l’autre était musulman, et dans son pays les homosexuels étaient arrêtés et parfois pire. Leur amour ne semblait pas promis à une fin heureuse et cela nous causait du chagrin, un déchirement comme toujours quand un amour est impossible.
 Tout ceci nous faisait réfléchir au fils du Tailleur qui ne revenait jamais au village parce qu’il avait un fiancé, mais qui s’en ouvrait sans problèmes au monde entier. Son père en avait plus honte que s’il avait été délinquant, mais un jour que nous nous plaignons de nos enfants avec de profonds soupirs, comme le font souvent les parents entre eux, quand ils se lâchent le Tailleur fit cette sortie : « Mon fils, lui, au moins s’est fait tout seul et il est devenu célèbre alors que les vôtres ont eu beau courir le monde vous devez encore les entretenir. »

Aimer l’humanité ou les personnes.

 Le père Efix se moquait des autres comme d’une guigne et en cela il se révélait bien différent de la Dévote, de Gilles, et du Professeur qui ne faisaient jamais de favoritisme et beaucoup plus critiquable puisqu’il était prêtre. Mais nous nous sentions proches de lui, qui aimait des personnes et non toute l’humanité. Il fallait être un saint pour aimer toute l’humanité. 

La Vierge Marie par le père Efix.

 « Marie doit s’être sentie très seule, elle aussi, disait le père Efix. Quelle que soit la manière dont les choses se sont vraiment passées son enfant aurait pu rester son père. Mais il en va de même pour toutes les femmes enceintes, les circonstances de la conception ne comptent plus, le mâle s’efface. Le père s’il apparaît, le fera plus tard, et demeura un père putatif.
 Il aimait énormément Joseph et le tenait en grande estime. Quelle largesses de vue avait été la sienne, lui qui avait accepté de s’unir avec une femme gravide, peut-être victime d’un viol. Certes, un ange lui était apparu qui lui avait dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ton épouse. » Comment le croire ? Et si c’était une hallucination ? Mais Marie avait le cœur pur et cela lui suffisait.

Le train des enfants

Édition Albin Michel . Traduit de l’italien par Laura Brignon

J’avais lu l’an dernier ce roman sans le mettre sur Luocine, et je ne sais pas pourquoi, en revanche je me souvenais très bien de cette lecture. Et j’ai retrouvé mes mêmes sensations . Ce roman, raconte un fait historique : les Italiens, sous la houlette du parti communiste, ont organisé après la deuxième guerre mondiale, le transport d’enfants du sud de l’Italie vers les région du nord plus riche. Nous suivons le destin de Amerigo Esperanza petit garçon de six ans au début du livre qui doit prendre ce train.

Cette première partie est très belle, nous voyons ce voyage à travers les yeux d’un enfant qui souffre de se séparer de sa mère et dont la compréhension de ce qu’il se passe ne dépasse pas ce qu’un enfant de sept ans peut comprendre. C’est drôle et émouvant. Il est très attaché à sa mère mais souffre de la faim et ses conditions de vie, sont plus proches de la survie. Il trouve dans le Nord des gens accueillants et qui, surtout, lui révèlent son don pour la musique. Son retour chez lui est brutal, car il y retrouve la misère et sa mère vend son violon pour le nourrir. Trop malheureux il repart vers sa famille d’accueil. La deuxième partie on le retrouve adulte lors de la mort de sa mère.

Cette deuxième partie, fait que j’ai quelques réserves sur ce roman. Pour éviter un roman trop long, Viola Ardone suggère plus qu’elle ne nous raconte comment s’est passé le reste de la vie d’Amerigo Benvutti (on comprend, alors, qu’il a pris le nom de sa famille d’accueil) qui est aujourd’hui un violoniste connu. On comprend aussi que sa mère a eu un autre fils et même un petit fils. Amerigo décidera d’aider ce petit garçon. Le petit violon vendu par sa mère dans son enfance jouera un rôle important dans l’épanouissement de la personnalité d’Amerigo Esperanza-Benvutti. La personnalité de sa mère est difficile à cerner complètement. Quand l’enfant est petit, il aime sa mère mais sait qu’elle est incapable d’exprimer le moindre sentiment affectueux. On croit comprendre aussi qu’elle ne veut accepter la charité de personne, ce qui explique qu’elle n’a pas voulu que son fils reçoive le courrier de sa famille du Nord. Tout cela le petit ne peut le comprendre mais l’adulte lui pardonnera car on voit qu’il a essayé de l’aider financièrement.

Malgré ces réserves, je ne peux que recommander cette lecture qui permet de mieux connaître les difficultés de l’Italie du Sud d’après guerre.

 

Citations

 

Le jeu de l’enfant .

 Je regarde les chaussures des gens. Si elles sont en bon état, je gagne un point ; si elles sont trouées, je perds un point. Pas de chaussures : zéro point. Chaussures neuves : étoile bonus. Moi, des chaussures neuves je n’en ai jamais eu, je porte celles des autres et elles me font toujours mal. Maman dit que je marche de travers. C’est pas ma faute. C’est à cause des chaussures des autres. Elles ont la forme des pieds qui les ont utilisées avant moi. 

La leçon de vie du chef mafieux.

 Mon petit gars. il m’a dit, les femmes et le vin c’est pareil. Si tu te laisses dominer, tu perds la tête, tu deviens un esclave, et moi j’ai toujours été un homme libre et je le resterai.

Fin du livre : le destin de son neveu.

Je lui ai offert mon violon, celui que tu as fait en sorte que je retrouve. Il est exactement à la bonne taille pour lui, on verra s’il a envie d’apprendre. Il pourra le faire ici sans avoir à s’échapper, sans avoir à troquer ses désirs contre tout ce qu’il a. 

 

 

 

Le choix

Édition Albin Michel traduit de l’Italien par Laura Brignon

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Une femme sans mari est comme une moitié de ciseaux : elle ne sert à rien.

Nous sommes à Martorana, en Sicile dans les années 60, et l’histoire connaîtra un épilogue en 1981. Ce roman est une illustration tragique d’une loi italienne incroyable qui ne sera abolie qu’en 1980 qui voulait que : lorsqu’un violeur accepte d’épouser la femme qu’il a violée, il n’y ait alors aucune suite pénale pour lui, et l’honneur de la femme sera rétablie ! !

La partie la plus importante du récit se passe avant le viol et décrit avec une minutie passionnante l’adolescence d’une jeune fille qui a la tête remplie des interdits de sa mère pour rester sans tâche jusqu’à son mariage. Pour cela, elle a tout accepté : arrêter ses études, se marier avec un homme aveugle qu’elle ne connaît pas et surtout résister au sale petit voyou qui se prend pour un Don Juan irrésistible. Malheureusement, celui-ci est riche et réussit à organiser son enlèvement et à la violer. Les rapports entre elle et ses parents montrent une toute jeune fille qui voudrait à la fois s’extraire de son milieu, ne pas accepter les clichés de sa mère sur les femmes, mais en même temps essayer de s’adapter à la vie qu’on lui propose, qu’elle imagine comme la seule possible. J’ai bien aimé le personnage du père qui semble être un homme effacé et inconsistant, mais qui, dès le début, soutient sa fille Pour sa mère, il lui faudra pour pendre conscience du drame de ses deux filles, le choc du procès. Elle admirera alors le courage d’Olivia et soutiendra enfin, Fortunata l’aînée pour divorcer du mari qu’elle lui avait imposé, pour que sa fille retrouve son honneur car elle était enceinte, du fils du maire qui ne voulait pas l’épouser contrairement à cet homme qui, pendant quatre ans, lui fera vivre un véritable enfer, elle a perdu son bébé à la suite des coups qu’elle reçus. Au début du roman, la mère essaye de faire entrer à toute force dans la tête d’Oliva tous les préjugés sur le comportements des filles : elles ne doivent pas courir, elles ne doivent pas regarder les garçons, elles ne doivent pas faire d’études et surtout, surtout rester sans tâches. Elle a si peur, cette mère qui n’est pas originaire de Sicile qu’elle en devient méchante. Je trouve ce point de vue intéressant car je pense que si les femmes sont des victimes dans les civilisations traditionnelles, elles le doivent avant tout aux préjugés des mères ou à leur peur. (Je n’oublie pas que l’excision pour parler du pire est fait par des femmes sous l’ordre des mères)

C’est un roman qui se lit facilement, l’histoire est un peu trop exemplaire pour mon goût. L’autrice (il faut que je rajoute ce mot à mon vocabulaire puisqu’il a gagné contre auteure que je lui préférais !) raconte bien les histoires et sait captiver son lectorat. La photo choisie pour la couverture du livre reflète bien le roman, on sent toute la peur de la femme âgée qui pourrait être la mère d’Olivia devant la beauté de sa fille.

Citations

La peur de la jeune adolescente.

 Je ne sais pas si le mariage, je suis pour, je ne peux pas finir comme Fortunata, qui s’est fait mettre enceinte par Musiciacco pendant que je mangeais des pâtes aux anchois chez Nardina. C’est pour ça que je cours tout le temps dans la rue : l’air expire le garçon est comme celui d’un soufflet qui aurait des mains et pourrait toucher ma chair. Alors je cours pour devenir invisible, je cours avec mon corps de garçon et mon cœur de fille, je cours pour toutes les fois ou je ne pourrai plus, pour mes camarades qui portent des chaussures fermées et des jupes longues, qui ne peuvent marcher qu’à petit pas lents, et puis aussi pour ma sœur qui est enterrée chez elle, comme une morte mais vivante.

L’honneur des hommes et des femmes.

 Don Vito est devant le café de la place au milieu d’un groupe d’hommes, ils commentent les tenues des femmes en prenant garde à ne pas se faire entendre par leurs maris. Je le vois rire, il a une belle bouche et des yeux couleur de mer, mais il a comme un chagrin sur son visage. J’imagine qu’il est obligé de faire ce cinéma pour ne pas apporter de l’eau au moulin des langues-coupantes qui l’appellent « moitié d’homme » dans son dos. Les hommes souffrent eux aussi :leur honneur réside dans les femmes qu’ils ont prises, l’honneur des femmes réside dans leur chair même. Chacun défend comme il peut ce qu’il possède.

Débat dans la réunion organisée par un sympathisant communiste.

 – » Donc si j’ai bien compris, la femme doit rester à la maison et obéir à la volonté de son mari. Vous êtes d’accord ? Les dames ici présentes partagent cet avis ?
– Moi je pense que ce n’est pas juste » intervient femme entre deux âges. L’assemblée se retourne pour la regarder.  » Ce n’est pas juste, mais c’est nécessaire, précise-t-elle. Dans la rue, les filles doivent être accompagnées, parce que si elles sont seules, les gens se demandent où elles vont. Les hommes sont en chasse, c’est leur nature, et les agneaux se font manger par le loup.

La gentillesse de son père.

« Tout à l’heure tu m’as demandé ce que je fais. Eh bien voilà, conclut-il une fois son tri achevé quand tu trébuches je te soutiens »

Et c’était dans la loi.

« Article 544 du code pénal :  » pour les délits prévus par le chapitre premier et par l’article 530, le mariage, que l’auteur du délit contracte avec la personne offensée, éteint le délit, également pour les personnes ayant contribué au même délit ; et, s’il y a eu condamnation, l’exécution et les effets pénaux cessent « 
– Qu’est ce que ça veut dire ? Parle simplement, Pippo, lui enjoint mon père.
– Ça veut dire : après le mariage, délit éteint pour la loi, honneur réparé pour la fille.


Édition Phébus

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Pour résumer ce très court roman, je dirai que l’auteur réunit les tensions qui ont traversé le Nord et Roubaix au moment de la fin d la guerre d’Algérie. Il faut pour cela plusieurs composantes : l’OAS, le FLN, le MNA, les Harkis et un intellectuel de gauche qui veut alphabétiser les travailleurs algériens. En 2023, est ce que toutes ces tensions qui ont été parfois payées par la mort peuvent être apaisées ?

Abdel est professeur de français, il est né d’un père français et d’une mère arabe et il a connu le harcèlement scolaire. Il s’en est sorti grâce à la culture et les livres qu’il trouvait dans une petite librairie au centre de Roubaix.

La libraire, Yvonne, décède d’un AVC et fait de son plus fidèle client sont légataire universel. Hériter d’une librairie, c’est surtout hériter de dettes et de soucis mais Abdel ne refuse pas cet héritage et fait le projet de monter une exposition des photos d’Yvonne pour montrer le Roubaix de sa jeunesse. Celle-ci a effectivement pris des photos de sa ville jusqu’à l’assassinat de son père dans un café où il faisait de l’alphabétisation. Assassiné par qui ? FLN ou OAS ? Le drame de cette femme, lié à ces conflits, est aussi un ressort du roman, on comprendra pourquoi elle ne s’est jamais mariée et pourquoi elle s’est enfermée dans la solitude d’une librairie.

Un tout petit roman qui se lit facilement et qui fait revivre une période de cette région peu souvent évoquée et racontée par un écrivain que j’ai trouvé plus objectif que dans un précédent roman « En dépit des étoiles ». Il n’y a pas de gentils et de méchants quand un pays se déchire où même se libère du colonialisme. Les armes de ceux qui sont convaincus d’être dans le bon sens de l’Histoire peuvent être terribles et souvent mortelles.

 

Citations

 

Nombre de romans débutent par des remarques météorologiques .

La petite librairie ne quitte l’ombre de l’hôtel de ville de Roubaix à aucun moment du jour. Et aucune saison ne fait exception. Que règne cette canicule moite du Nord, le temps frileux de brumaire où un hiver de diamant, le soleil effleure à peine sa façade. Le printemps, l’été ne sont ici une idée étrangère, une nécessité acquittée en douce par la nature, comme les demoiselles en fleurs se doivent d’ôter vite fait leurs maillots mouillés à la plage sous une serviette mal nouée. Si on leur aperçoit le saint-frusquin l’espace d’un éclair, c’est bien diable.

Dialogue avec Saïd un algérien qui a subi un attentat et qui reste très marqué Abdel est agrégé de lettres.

– Tu vois les traîtres et les harkis, je les ai tous ! Abdel glisse son bras sous le sien, il va le raccompagner.
– Nous sommes tous des traites, Saïd. Tu devrais rajouter mon nom.
 Saïd en reste écarquillé presque offusqué
– Ah non toi t’es le chef des mots !

Abdel parle de lui.

Alors, on se retrousse les manches, monsieur le coupé en deux, monsieur cul entre deux chaises, arabo-européen ! Se moquer de lui-même le requinque, comme au matin de l’oral à l’agreg, La Fontaine au programme, des suées de trac, au point de penser comme les petits caïds qui lui criaient au collège avant de le torgnoler « le crouille a la trouille », et puis il s’est moqué de lui-même lui le raton des champs allait écrire une nouvelle fable « le ras bibliothèque », et il s’est présenté devant le jury avec le poil sec.

Les luttes fratricides entre Algériens.

 Et ainsi de suite, avec une étonnante connaissance des appartenances politiques il ramenait en désordre le gâchis, les vieux règlements de comptes, la réalité tragique d’avant la fabrication du mythe mensonger et unique d’une Algérie unie pour son indépendance sous la seule bannière du FLN
A l’époque tous les cafés des Algériens à l’Épeule, à la Potinnerie, tu savais d’avance si tu pouvais entrer si tu donnais ta cotisation au FLN ou au MNA. Acheter des cigarettes, jouer au tiercé, regarder le foot sur la grosse télé suspendue, c’était permis pour tous, mais boire un thé, non… Ou alors accompagné d’un Français. Un d’ici et Georges faisait l’écrivain public de temps en temps. J’allais avec lui en plus que je faisais les vitres dans dans des usines que j’ai rencontré des algériens ouvriers dedans La Lainière, Masurel, les peignages, les tissages, les filatures…

 


Édition F Deville

J’ai découvert cette auteure grâce à Yv à propos d’un autre titre « l’autre côté du bocal ».

Pour ce roman Verena Hanf, change de narrateur à chaque chapitre pour décrire un drame qu’Adriana n’arrive pas à oublier et qui lui donne des pulsions de violence bien compréhensibles. Elle ressent une boule dans la poitrine qui la glace complètement mais qui, parfois, l’empêche d’avoir des réactions raisonnables. Elle a fui la Roumanie où a eu lieu ce drame pour vivre en Belgique au service de Nina psychologue alcoolique mariée à Stefan, avocat d’affaire. Elle doit s’occuper de Mathilde, une petite fille trop seule et malheureuse, donc capricieuse comme beaucoup d’enfants de milieu riche mais en manque d’amour de ses parents.
Adiana a laissé chez ses parents, paysans en Roumanie, Cosmos son fils. Elle commence à aller mieux grâce à Gaston un métisse belgo-congolais.

Le titre dit bien l’ambiance du livre tous les personnages sont comme des « funambules » et s’ils font le moindre écart tout peut s’effondrer sous eux. Certains personnages sont plus positifs et plus solides que d’autres. La grand-mère Bunica, par exemple, qui aime son petit fils et sait qu’il est mieux auprès d’elle qu’à Bruxelles où sa fille est trop fragile pour s’occuper d’un enfant. Et surtout Gaston cet homme au grand cœur qui essaie d’apprivoiser Adriana malgré son côté sauvage et froid. Il sent ses blessures qu’il voudrait guérir, il en est amoureux et est prêt à adopter Cosmos.

J’ai bien aimé cette lecture, même si j’ai trouvé un côté un peu « convenu » aux différents personnages et même à l’histoire. Pas d’enthousiasme donc mais un moment de lecture agréable. Cela ferait un support parfait pour une mini-série télévisée.

Citations

Rapport difficiles avec sa mère.

 Elle sait que Mamă lui fera son fameux reproche, à deux mots sur un ton glacé : « Toi. Enfin. » La froideur de sa voix perce à travers les 2200 kilomètres qui les séparent. Elle se transmet sans filtrage entre l’appareil des parents, des années 70, gris est lourd, avec cadran et fil, déposé sur le buffet de la cuisine à côté du cygne en porcelaine et le sien, un portable rosé, léger et égratigné, de seconde main.

Différences entre riches et pauvres.

 Il faut dire que selon Nina et Stefan Jung, presque tout est mauvais pour la santé. Le sucre, le sel le pain blanc, le saucisson. La bonne humeur sans doute aussi, il faut tirer la gueule, se plaindre, gémir. Mais bon, peut-être est-ce juste typiquement allemand : grincher, bien que tout aille bien. Heureusement que chez les Roumains, c’est autre chose. Ils rient même si tout va mal.

La maison de la réussite.

 Chaque meuble, chaque peinture a été placé avec minutie. Stefan n’a rien laissé au hasard, rien au désordre. Il y a une structure en filigrane dans leur maison, un design cohérent, original tout en restant sobre. Il est fier du résultat. Si Nina n’était pas si réticente à recevoir des gens (elle devient de plus en plus paresseuse lui semble-t-il), il en inviterait chaque samedi, juste pour se réjouir de leur admiration pour la composition des meubles, des couleurs et des (rares) décors.


Édition La manufacture de livres

 

Ne croyez pas lire un livre de plus sur le sort des juifs pendant la deuxième guerre mondiale, cela constitue bien la toile de fond mais le thème principal c’est le parcours Stéphane Milhas petit fils d’Alphonse Jullian pour à la fois retrouver un sens à sa vie et redonner l’honneur à ses grands-parents. Ses grands-parents ont été des résistants et ils ont caché des gens traqués, dont une famille juive , les Trudel dont le mari Eli est un peinte connu.

Sa tante et son oncle, avant de quitter leur appartement pour aller en institution lui donne le fameux « tableau du peintre juif » . L’histoire familiale raconte qu’un peintre juif que ses grands parents avaient caché le leur avait laissé en remerciement. Stéphane fait des recherches et se rend compte qu’Éli Tudel est un peintre assez connu et que son tableau vaudrait au bas mot plus de cent mille euros. Stéphane est au chômage sa femme Irène fait vivre le ménage avec un petit salaire de vendeuse. Alors pour elle la solution est simple. , il faut vendre au plus vite ce tableau.
Sauf que, Stéphane préfère la dignité à l’argent et il décide donc de prendre contact avec Israël afin que ses grands parents reçoivent le titre de Justes pour avoir aider des juifs.

Tout devient extrêmement compliqué quand il se rend en Israël car on accuse ses grands parents d’avoir volé ce tableau qui est répertorié aux œuvres spoliées aux juifs Il apprend aussi que les Trudel sont mort à Auschwitz.
Commence alors pour lui une enquête pour comprendre ce qui a pu se passer, car la mort des Trudel ne correspond pas aux informations que sa tante lui a données. Son but principal est de laver l’honneur de ses grands parents qu’il ne peut imaginer avoir voler quoi que ce soit.

Cette enquête va permettre à l’auteur de cerner au plus prêt la personnalité de Stéphane et de comprendre la façon dont la résistance faisait passer des clandestins . Je ne peux évidemment pas vous révéler la solution de son enquête mais cette enquête fait revivre l’horreur du sort des juifs qui avaient tant de mal à fuir leur sort.

Un roman que j’ai bien aimé, et j’ai partagé le désarroi de Stéphane qui peu à peu va ouvrir les yeux sur son entourage : ses filles, sa femme et il va se retrouver lui-même à la fin de ce grand voyage.

 

Citations

Le couple de la génération de ses parents.

Ma tante est la sœur aînée de ma mère. Elle a plus de quatre-vingt-dix ans, et son mari, mon oncle, est un peu plus âgé qu’elle. Louise et Étienne forment un couple adorable. Des petits vieux comme on les aime, curieux et bienveillants. Ils habitent en région parisienne, et régulièrement, je me dis que je ne vais pas les voir assez souvent. Une fois tous les cinq ans, en moyenne. Pas le neveu idéal.

Être cévenol.

 Il n’était pas seulement cévenol. Il était aussi et surtout protestant calviniste. Descendant de camisards, façonné par les causses, avec le maquis dans les veines. Chez ces gens-là, la notion de devoir va avec celles de modestie. On fait ce qu’on a à faire mais on ne s’en vante pas.
 Son frère, dont il était très proche, est mort sous la torture assassiné par la Gestapo sans avoir parlé. Encore un taiseux. Il avait payé son appartenance à un réseau FFI dans le massif des Vosges. J’imagine qu’aux yeux de mon grand-père, le véritable héros de la famille, c’était son frère. Il s’était interdit de fanfaronner, il aurait trouvé cela inapproprié, voire indécent. 

Vision négative d’Israël .

 – Rendez-moi mon tableau ! Je crie.
 Des rires me répondent en provenance d’un toit. Je lève la tête. Là-haut, sur une terrasse des jeunes dansent au rythme d’une musique techno. Ils me saluent pouce levé. Parmi eux, j’aperçois des garçons torse-nu et les filles en t-shirt moulant. C’est c’est quoi ce pays schizophrène ? À quelques dizaines de kilomètres d’ici des rigoristes en « talit » dictent depuis leur kibboutz la politique du pays à des teufeurs imbibés de cannabis et d’ecstasy. À un jet de roquette, c’est la guerre, et ici c’est la décadence. Partout dans les rues de la capitale, à l’entrée des centres commerciaux, des gares et des administrations, des soldats en armes scannent les sacs de courses d’une population qui se laisse faire sans rechigner. La terreur comme chose acquise, intégrée dans les habitudes. Attachés-cases, sacs à main et mitraillettes se côtoient et tout le monde semble trouver la chose normale, tant que cela n’empêche pas les soirées sur les terrasses de la ville de se tenir. Un conflit permanent au milieu de la fête et vice-versa.

Portrait du grand père.

Dictionnaire à la main – « Le Petit Robert « pour l’orthographe et celui des noms propres pour les détails biographiques-, mon grand-père vérifiait tout. Je n’avais droit à une barre de chocolat noir qu’une fois ma corvée remplie -je préférais le blanc mais ils étaient jugés « décadent » par mon grand-père et donc proscrit.
 De toute ma jeunesse, je n’ai surpris mon grand-père en train de se laisser aller à une frivolité qu’à une occasion ! 

 


Édition Folio Junior

Traduit de l’anglais par Alice Marchand

Ce livre est un projet de lecture avec mon petit fils de huit ans. Sa maman se désole car il ne lit plus que des mangas. J’ai fait une recherche dans les différentes maison d’édition et j’ai été étonnée à quel point c’est difficile de trouver un roman d’aventure. J’espère que celui-ci lui plaira mais je lui laisserai la parole.

Pour moi ce livre est parfait car il insiste beaucoup sur les possibilités de débrouillardise des enfants, mais en ne niant pas du tout les risques qu’ils ont encourus. Quatre enfants étaient dans un petit avion pour aller jusqu’à Manaus en Amazonie . Le pilote meurt brutalement d’une crise cardiaque, l’avion s’écrase. Les enfants sont vivants mais pour combien de temps ?

Heureusement pour eux, ils rencontreront un homme qui va les aider. J’ai beaucoup aimé les descriptions de la nature qui est loin d’être accueillante. L’auteure est visiblement très bien renseignée sur les habitudes alimentaires des animaux de la région, comme les singes qui se badigeonnent de fourmis avant de plonger leurs mains dans les ruches sans se faire piquer. Comportement que les enfants vont imiter. Les rapports entre eux n’est pas immédiatement fluide mais ils finiront pas se connaître et s’entendre. On apprend beaucoup de choses sur les animaux et les plantes de cette région . Il y a quelques invraisemblances, mais pas trop. Je pense qu’aucun enfant n’oubliera le passage sur les mygales. Et, j’espère vraiment qu’Arthur va aimer.

 

Arthur (8 ans)

J’ai beaucoup aimé ce livre mais j’ai mis du temps à le lire car il est un peu difficile et long mais si on se laisse prendre par l’histoire c’est très bien. Je pense que c’est un livre pour des enfants un peu plus grands que moi. Mon passage préféré c’est quand les enfants font un pacte en faisant sur leur peau une marque avec un couteau pour jurer qu’ils garderont le secret de l’explorateur. J’ai appris dans ce livre que l’on pouvait manger des mygales et que c’était très bon. J’irai bien en Amazonie mais j’ai un peu peur aussi.

Citation

Manger une mygale .

Fred prit son courage à deux mains. Il détacha la mygale du bâtonnet. Elle était chaude et croustillante, mais avait gardé son allure d’araignée. Il se boucha le nez et croqua une patte.

Il fut stupéfait. Elle avait un goût de poisson, un goût de sel, comme la mer. Il croqua une plus grosse bouchée.
– C’est pas mal, commenta-t-il.
Connie le considéra d’un air incrédule. 
– Tu es en train de manger une araignée. Tu en as conscience ?

 

 


Édition Mialet-Barrault

 

Lorsqu’on me prenait par les sentiments on me prenait en entier. Le regretté-je ? Qu’est-ce qu’un regret sinon une peine perdue ?

 

Je suis toujours un peu étonnée quand je ne trouve pas sur mon blog des livres que j’ai lus, « Les hirondelles de Kaboul » m’avait marquée à l’époque … celle d’avant Luocine.

Ce livre est une épopée pour faire comprendre l’histoire de l’Algérie dans tous ses aspects, violents et contradictoires, la colonisation n’étant pas le facteur principal de cette violence.

Nous allons suivre le destin d’un homme, encore un enfant en 1914 , Yacine Chéraga qui sous la contrainte acceptera de prendre l’identité de Hamza Boussaïd, fis du cruel et redouté caïd Gaïd Braman Boussaïd, pour se faire enrôler dans l’armée française et partir à la guerre en France.

Yacine est un homme au coeur pur qui va aller de malheur en malheur en ayant rarement le choix de prendre son destin en main. C’est ce personnage dont a eu besoin Yasmina Khadra pour faire ressortir toutes les divisions de l’Algérie qu’il aime tant. Yacine bien sûr s’est totalement trompé sur les intentions du Caïd qui non seulement n’a tenu aucune de ses promesses pour sa famille, mais ne cherche qu’à le faire disparaître après son retour de la guerre, afin que son propre fils soit considéré comme un héros.
Yacine va partir à la recherche de sa famille, il rencontrera des personnalité remarquables dans le désert qui lui donneront des leçons de vie. Il retrouvera des compagnons d’armes qui veulent donner à leur pays la dignité , chasser les traitres et se débarrasser des Français. Ce qui m’a le plus étonnée dans ce récit, c’est à quel point dans de nombreux endroits de l’Algérie, la présence française est à peine perceptible. Les rapports entre le riche Caïd et les pauvres paysans sont d’une violence insupportable, le mépris avec lequel cet homme écrase tous les pauvres autour de lui ne doit rien aux colonisateurs qui d’ailleurs ne voient en lui qu’un « bougnoule » est absolument odieux. Toujours poursuivi par la volonté de destruction du Caïd, Yacine fera 11 ans de bagne où il aurait dû mourir. Ce sont ses frères d’arme qui finiront par le sortir de cet endroit sordide. Je n’ai eu aucune réserve sur la première partie du roman, la guerre 14/18 vu par cet Alérien de 15 ans. Tout est bien raconté : on retrouve la violence des combats et le côté totalement imprévisible de la survie. J’ai en revanche trouvé quelques longueurs dans la partie consacrée à son retour et la fin trop idyllique, mais je l’ai acceptée un peu comme celle de Candide qui, après tant de malheur retourne « cultiver son jardin ». Cela ressemble plus à un conte qu’à la réalité.

Comme certains des lecteurs de ce roman, j’ai trouvé que la succession des malheurs de Yacine si « vertueux » était un peu incroyable, mais ce n’est sans doute pas ce que veut nous faire comprendre l’écrivain. Il cherche, surtout à cerner tout ce qui empêche ce grand et beau pays de rendre ses habitants heureux. Pour lui, les divisions viennnent de l’intérieur beaucoup plus que de la colonisation. C’est un point de vue original et intéressant . De plus c’est écrit dans un style qui emporte le lecteur dans un récit passionnant et des paysages tellement éloignés de ma Bretagne !

 

Citations

Algérie en 1914.

 Je réalisai enfin pourquoi le monde du caïd étaient aux antipodes du nôtre et pourquoi on disait de Gaïd Brahim qu’il était aussi puissant qu’un sultan et riche à subvenir aux besoins de ses descendants pendant mille ans. Lorsqu’on dispose d’un domaine aussi imprenable qu’une forteresse, pavoisées de jardins en fleurs, avec un palais au milieu et, sur une aile, des tentes grandes comme des chapiteaux, et sur l’autre un haras hennissant de pur-sang splendide, on n’a pas besoin d’avoir un dieu puisque on l’est presque.
 Jamais je n’avais pensé qu’une maison puisse compter autant de fenêtres, s’étager sur deux niveaux et se couvrir d’une tonne de tuiles sans s’effondrer. Je venais d’une bourgade miteuse ou les taudis étaient faits de torchis et de poutrelles mitées, avec des portes branlantes et des toits qui fuyaient pendant la saison des pluies.

Beau passage.

 Un poète de passage dans notre village a dit : « Les hommes vrais ont la larme facile parce qu’ils ont l’âme près du cœur. Quant à ceux qui serrent les dents pour refouler leurs sanglots, ceux-là ne font que mordre ce qu’ils devraient embrasser.  » Il avait sans doute raison. Je n’avais jamais vu pleurer mon père ni aucun homme de notre douar. C’était peut-être pour cette raison qu’ils préféraient assumer leur malheur au lieu de le conjurer.

Humour .

C’est là tout ton problème, l’assimilé. Quand on a le cul entre deux chaises, on risque la fissure anale. Que tu viennes de la ville ou de la lune, t’es rien d’autre qu’un indigène, comme « ils » disent, un indigène apprivoisé, et tu n’es pas plus futé qu’une oie.

Baptême du feu.

 Je voyais des ombres remuer autour de moi. Mon cœur était empli d’épouvante. L’image du cerf entrevu l’autre jour dans la forêt tournait en boucle dans ma tête. Il avait tellement de noblesse, l’animal, tellement de classe. Il marchait au milieu de son royaume comme un dieu supplantant l’espèce humaine, ces barbares imbus de leur personne qui ne respectait ni la nature ni la vie. Et dire que, quelques heures plus tôt, je contemplais le bosquet bruissant de quiétude, les oiseaux qui voltigeaient dans le ciel. La brise furetait dans les buissons tandis que chaque instant naissait à sa splendeur. Et d’un coup, sans crier gare, le tumulte dévastateurs de l’artillerie adverse était devenue la seule symphonie qui compte. Aveugle. Monstrueuse. Absolue.

On croit lire la guerre d’Ukraine .

Après des mois de batailles rangées de marches interminables, d’embuscades, d’assauts dévastateurs, nous crapahutions sur place. Chaque fois qu’on croyait être les Boches en déroute, ils resurgissaient au détour d’un repli tactique et reprenaient une à une les lignes que nous leur avions prises. Tout était à refaire. Des semaines de combats pour un gain de quelques hypothétiques kilomètres. Cauchemar récurrent, le massacre tournait en boucle. À l’identique. Jusqu’au moindre détails. L’odeur des putréfactions polluait l’air des plaines, nauséabonde, traumatisante. 

J’aime bien cette phrase.

« Jamais » est un engagement que personne ne peut garantir. 

La sagesse des hommes du désert .

– Rappelle- toi mon garçon. L’échelle de la sagesse comporte sept paliers qu’il faut impérativement franchir si l’on veut accéder à soi, rien qu’à soi, et à personne d’autre.
– Sept paliers ?
– Dans le « manuscrit des anciens », on les appelle « les sept marches de l’arc-en-ciel » (il compta sur ses doigts) l’amour ; la compassion ; le partage ; la gratitude ; la patience et le courage d’être soi en toutes circonstances. Si tu arrives à en faire montre tu atteindras le sommet-roi celui qui te met hors de portée du doute est tout près de ton âme.
– Tu en as cité que six.
 Il sourit de ce sourire qui en dit long sur les chemins de croix qu’il avait dû négocier pour accéder à son âme.
– Va mon garçon. La septième est au bout de ton destin

Un joli poème .

Qu’est-ce qu’un roi sans sa cour
Sinon un autre diable qui s’ennuie 
Qu’est-ce qu’un poète sans amour
Sinon une ombre dans la nuit 

 


Édition Equinox (les arènes) 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman thriller politique, écrit par un journaliste qui connaît parfaitement les dessous de la vie politique des années 90/2000 de l’ex-URSS et de l’Ukraine. Le style journalistique de l’auteur rend ce roman très facile à lire, les chapitres sont courts et contiennent chacun une information qui constituent une pièce de puzzle qui amènera la chute de la « chienne », et le recul des « loups » pour un temps de l’Ukraine. Ils rodent en meute encore chez le grand frère Russe avec à leur tête le chef du clan Poutine . Et l’on sait aujourd’hui que cette meute n’acceptera pas de se contenter de dominer le territoire russe qu’il lui faudra aussi revenir en force en Ukraine. C’est pourquoi je l’associe à la guerre alors qu’il se situe deux ans avant l’invasion de 2014.

Le roman se situe donc, en 2012, il met en scène une femme qui va devenir présidente de l’Ukraine, elle s’est taillé un empire grâce à une énergie et une absence totale de scrupules. Nous sommes dans les 30 jours qui précèdent son investiture, elle est menacée par un accord qu’elle avait conclu au début de sa montée en puissance avec les Russes. Ceux-ci la tiennent et veulent donc qu’elle se soumette. Le piège est admirable et le suspens est si bien mené que je ne peux pas en dire plus.

En revanche ce que je peux dire et cela vous le savez : l’Ukraine n’acceptera plus les manoeuvres des politiciens corrompus et cela deviendra insupportable pour les Russes qui comme le décrit si bien Iegor Gran dans « Z comme zombie » n’ont aucune illusion sur leurs dirigeants mais s’en accomodent très bien.

Une lecture facile et prenante, une pierre de plus dans ma compréhension de ce que les Ukrainiens vivent aujourd’hui et les raisons pour lesquelles nous devons être solidaires de leur combat.

 

Citations

Efficacité du style.

 La fille est suivi par quatre serveurs en costume blanc étincelant. Son travail à elle est de rouler du cul dans un pantalon de cuir, le leur est de ressembler à des matelot de « La croisière s’amuse ». Elle sans doute mieux payée qu’eux, d’ailleurs. Quelques centaines de dollars. C’est donc que les choses sont en ordre, à leur place. L’argent est le meilleur étalon, le plus incontestable des ordonnateurs. Pas un des convives ne songerait à remettre en question cette simple vérité

Vision de Vienne.

 Les Russes ne sont pas les seuls à avoir colonisé Vienne. Toutes les langues de l’ex- URSS s’y font entendre. Les mercenaires de Ramzan Kadyrov y donnent la chasse aux réfugiés politiques thétchènes. les Azéris ont noyauté les organisations internationales installées là, distribuant leurs valises de billets aux fonctionnaires internationaux. Les oligarques kazakhs en disgrâce cohabitent avec les officiels d’Astana qui cherchent à les descendre.
Les Ukrainiens ne sont pas en reste.

Efficacité d’Olena face à l’impuissance de Valeri, son mari.

 

 Peu à peu ses affaires ont gagné en organisation et en professionnalisme. Au lieu de ployer sous des ballots de plastique, elle remplissait les coffres de vieille Lada. Elle payait désormais le voyage d’autres femmes vers la République tchèque, l’Allemagne, en quête de nouvelles raretés et de ces jeans que la jeunesse et les nouveaux riches s’arrachaient. Valéri la regardait faire avec effroi, s’enfonçant encore un peu plus à mesure que sa femme sauvait sa peau, s’élevait au dessus du mouroir. Le pays qu’il voyait naître dans les yeux d’Olena n’était pas celui qu’il avait imaginé, attendu, pas celui que lui promettait les articles qu’il lisait à la fin de la décennie précédente. Il condamnait ses combines minable, amorales, mais n’était même pas capable de sortir de l’appartement.

Les enfants du communisme : passage clé pour comprendre les personnages du roman.

 

 Ce qui est important ce n’est pas de savoir quelle enfant était Olena Hapko, ni si elle a changé plus tard, et à cause de quoi. Ce qui a changé, c’est le monde autour d’elle. Il n’a pas seulement changé, il s’est écroulé en un claquement de doigts. Ces gamins nous les avons élevés avec nos valeurs, et nos références. Et puis, lorsqu’ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n’avait le moindre sens. Ces valeurs qu’on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu’on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l’écroulement de l’URSS, c’est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l’erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l’hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés contre tous les grands discours. Tout ce qu’on nous demandait c’était de nous serrer la ceinture et de courber l’échine, une fois de plus, accepter que le passé était mort. Nous avons vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu’est-ce que ça pouvait nous faire, leurs « privatisations » à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps … Mais imaginez ce qu’ont pu ressentir ces enfants qui arrivé à l’âge adulte à ce moment là, plein de confiance et d’allant. Eux ne connaissaient ni la violence de la cupidité ni les cadavres étendue en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu’on leur disait et surtout à croire en l’avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s’accrocher, en quoi garder la foi ? Qu’est-ce que ça veut dire dans le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?