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Traduit du norvégien par Jean Baptiste Coursaud.

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J’ai trouvé le premier tome de la trilogie des « Elling » dans ma médiathèque préférée. Alors, peu importe si j’avais déjà lu « Potes pour la vie« , je me suis précipitée sur le début de la vie d' »Elling ». Il n’y a aucune nécessité à commencer la trilogie par le début. De plus, ce premier tome peut même vous décourager de lire la suite ce qui serait bien dommage. La plus grande partie de ce roman raconte un voyage en Espagne avec sa mère. C’est triste et drôle à la fois, parfois c’est carrément tragique, mais le rythme du roman est beaucoup plus lent que « potes pour la vie ». C’est normal, il raconte sa vie avec sa mère qui malgré son immense amour n’a pas pu le lancer dans une vie indépendante d’elle. On le voit prendre toutes les mauvaises solutions, malgré son implacable logique. Mais son regard d’homme inadapté à la vie en groupe, nous fait aussi voir autrement les voyages organisés dans les lieux touristiques accueillant des milliers de touristes et Benidorm sur la « Costa Blanca » n’est pas exactement mon endroit de rêve même si au creux de l’hiver j’ai des envies de soleil.

Évidement, même cette image est trompeuse, la réalité pour Eling sera encore pire, lui et sa mère auront une chambre donnant sur une arrière cour, avec vue sur les poubelles. Et, catastrophe leur chambre n’aura qu’un seul lit, ce qui entraînera pour Elling un délire des plus fou sur ce qui peut se passer dans l’esprit de quelqu’un qui veut qu’un fils de 30 ans, couche dans le même lit que sa mère.

Il sera d’ailleurs beaucoup question de sexualité dans ce roman, la scène dans le bain au milieu des jeunes femmes espagnoles est un peu lourde mais très drôle. Et puis il y a le tragique, son enfance où des jeunes l’ont pris comme souffre douleur, en lui faisant subir des violences sexuelles et autres. Dans ce récit tourmenté où tous ses souvenirs prennent corps on comprend combien sa vie et celle de sa mère ont été compliquées et ce qui est très triste, combien l’amour n’a pas suffi à faire de lui un être à part entière. Non, Elling n’est ni débile ni fou mais sa différence ne lui permet pas d’affronter le monde extérieur. Par contre l’analyse qu’il en fait nous met face à nos travers de façon très drôle.

Finalement, il se retrouve avec Kjell Bjarne dans un centre psychiatrique et lui invente des histoires amoureuses, ensemble ils réussiront à mieux affronter le monde extérieur. Je lirai certainement le troisième tome, et si j’espère que nos sociétés peuvent faire une place à des gens aussi différents, je n’en suis pas sûre.

Citations :

La vision des bains de mer selon Elling

Ne mettrais-je pas plutôt ces vacances à profit pour me baigner, ou éventuellement faire des promenades sous les palmiers ? Eh bien non, justement, ce n’était pas dans mon intention. ! Une promenade pédestre vite expédiée sous les palmiers – je voulais bien . Mais la baignade comme le nom l’indiquait c’était une activité que je pratiquais dans la baignoire. Et en compagnie de nul autre que moi-même. Non pas que j’ai honte de mon propre corps, loin de là, il n’était guère différent de la plupart des autres corps . Mais ce n’était pas une raison pour l’accumuler à une centaine d’autres qui déjà se serraient comme des sardines sur une plage. De plus, je nourrissais une profonde aversion pour la fréquentation collective d’une eau souillée par un bataillon entier d’hommes n’ayant pas fait leur toilette et de femmes en plein cycle menstruel.

Voyage en avion remarque pertinente d’Elling

Une fois sur le tarmac, il s’est produit cette anecdote singulière. Quelques-uns des passagers se sont mis à frapper dans leurs mains. Voilà des gens qui sans vergogne, applaudissaient ! Mais pour quoi ? Si je peux me permettre de demander, et je le fais d’ailleurs. Ah ici ça aurait bonne mine si les passagers de la ligne 3 du métro d’Oslo se mettaient à frapper dans leurs mains chaque fois que la rame s’arrêtait à une nouvelle station. Ce serait ridicule.ce serait ni plus ni moins qu’une ridiculisation du chauffeur.

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Un séjour assez long à Fontenay-sous-Bois à l’occasion d’une naissance m’a permis d’utiliser le Kindle pour satisfaire mon envie de lecture.
Traduit de l’anglais par Natalie Zimmermann

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J’ai donc saisi l’occasion de lire un livre de plus sur « l’affaire » grâce à Sandrine qui tient le blog « Tête de lecture » et j’en suis ravie. Ce n’est pas la première fois que je dois au romancier l’évocation de l’affaire Dreyfus. Adolescente, j’ai dévoré les romans de Roger Martin du Gard , plus tard j’ai retrouvé « l’affaire » chez Proust , j’ai étudié en classe « J’accuse » de Zola. Et voilà donc un roman qui m’a replongée dans cette incroyable erreur judiciaire. Le romancier choisit de raconter la prise de conscience du colonel Picquart, et en cela il est novateur et passionnant. Deux conceptions de l’honneur de l’armée s’affrontent. Celle de Picquart.

Ce jeune et brillant colonel persuadé de l’innocence de Dreyfus est également certain que l’armée doit reconnaître son erreur pour retrouver son honneur.

Commence alors pour lui une véritable descente aux enfers digne d’un véritable thriller et écrit comme tel par Robert Harris. Même si on connaît la fin, on craint pour sa vie , et même si on connaît bien l’affaire, on est surpris de l’acharnement de l’armée à son encontre. Il risque de perdre sa carrière, son honneur et sa vie pour défendre un homme pour qui, au début, il a très peu d’estime. Lorsqu’il a la preuve que celui qui a écrit le bordereau sur lequel se fonde l’accusation est Esterhazy , il croit naïvement qu’une enquête va être diligentée pour confondre le traitre et innocenter Dreyfus.

Il s’oppose à l’état major parisien qui croit aussi défendre l’honneur de l’armée, en préférant ne pas reconnaître ses erreurs plutôt que de déclarer un juif innocent. Tout le monde au début est de bonne foi , mais lorsque les preuves des faux d’Henry seront découvertes, une autre affaire commence : celle des preuves secrètes (entièrement fabriquées) pour ne pas revenir sur un jugement qui arrangeait tout le monde. Tout cela mené par le ministre de la guerre le général Mercier

Ce roman se dévore comme un roman policier et en ces temps où l’intolérance fait encore des ravages, cela fait du bien de se replonger dans les périodes difficiles qui ont forgé les valeurs de la république française. Comme dans le livre de Bredin, on constate que, même si Dreyfus a été réintégré avec les honneurs dans l’armée française à laquelle il était si attaché, ses années aux bagnes n’ont pas été prises en compte dans sa carrière militaire alors que les deux années où Picquart a été renvoyé de l’armée lui ont permis un avancement rapide.

Citations

Les bassesses humaines, la présence de la foule haineuse lors de la dégradation de Dreyfus

C’est à ce moment que je compris ce que Mercier avait saisi depuis le début, à savoir que le désir humain d’assister à l’humiliation de l’autre formerait toujours une protection amplement suffisante contre le froid le plus intense.

L’antisémitisme dans l’armée et le plaisir des bons mots :

Remarquez, commandant Picquart : les Romains jetaient les chrétiens aux lions ; nous leur servons des Juifs. C’est un progrès, me semble-t-il.

Propos prêtés au Colonel Sandhers responsable du contre-espionnage et du dossier contre Dreyfus :

– Vous pensez que si la guerre éclate, il sera nécessaire d’enfermer les juifs ?

– Il faudra au moins les obliger à s’inscrire sur un registre et les contraindre à un couvre-feu et des restrictions de déplacement.

Le choix du silence, le choix de l’armée française en 1894, le choix de Picquart  :

– Je peux vous assurer que je n’éprouve strictement rien pour Dreyfus, ni dans un sens ni dans un autre. Franchement, je voudrais qu’il soit coupable – cela me faciliterait grandement la vie. Et, jusqu’à très récemment, j’étais persuadé de sa culpabilité. Mais maintenant que j’ai les pièces entre les mains, j’ai le sentiment qu’il ne peut pas être coupable. Le traitre c’est Esterhazy

– Peut-être que c’est Esterhazy, et peut-être pas. Vous ne pouvez pas en être certain. Cependant, le fait est que si vous ne dites rien, personne ne le saura.

Nous avons donc enfin atteint le cœur même de ce sombre problème. La pièce me paraît encore plus silencieuse qu’auparavant. Gonse me regarde bien en face. Je choisis mes mots avant de répondre :

– Mon Général, ce que vous dites est abominable ; je ne sais pas ce que je ferai, mais je n’emporterai pas ce secret dans la tombe.

On en parle

Un excellent site, Alfred Dreyfus pour ou contre.

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L’horreur d’être élevée par une mère suicidaire :

Souvent, elle raconte à Charlotte qu’au ciel tout est plus beau.
Et ajoute:quand j’y serai, je t’enverrai une lettre pour te raconter.
L’au – delà devient une obsession.
Tu ne veux pas que maman devienne un ange ?

Ce serait prodigieux, n’est ce pas ?
Charlotte se tait.

La grand-mère neurasthénique

Évidemment, sa grand mère l’aime profondément.
Mais il y a comme une force noire dans son amour.
Comment cette femme peut-elle s’occuper d’une enfant ?
Elle, dont les deux filles se sont suicidées.

Le grand amour de Charlotte le professeur de chant et ses intéressantes théories

Il a développé des théories nouvelles sur les méthodes de chant.
Il faut aller chercher la voix au plus profond de soi.
Comment est-il possible que les bébés puissent crier si longtemps ?
Et sans même abîmer leurs codes vocales.

On en parle

Allez sur Babelio vous verrez que ce roman a touché tant de lecteurs et de lectrices.

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J’ai absolument adoré la première partie de ce roman. Un peu moins la seconde , lorsqu’on voit, en 1943 et 1944, le « Tout Paris » essayer de revivre de façon futile autour du monde du spectacle. Le roman commence par l’enterrement à Saint Pierre de Chaillot de : « Princesse Natalie,Marguerite, Marie, Pauline de Lusignan, duchesse de Sorrente. 7mai 1908-10 février 1945 » . Le roman raconte la lente et inexorable destruction de cette jeune femme morphinomane . La première partie se passe à Cannes où la famille se trouve « coincée » jusqu’en 1943. Coincée cela veut dire que la famille a du mal à recevoir exactement comme elle l’a toujours fait.

À la mort de sa mère la riche Américaine princesse Elisabeth de Lusignan, Natalie apprend qu’elle est la fille naturelle de Paul Mahl un riche juif ami de son père le prince de Lusignan. En plus d’être une bâtarde elle est donc confrontée au monde juif et sous la botte des nazis cela prend un tout autre sens que dans les salons du microcosme de l’aristocratie parisienne. Natalie n’était pas capable de se défendre d’un milieu oppressant, elle était faite pour une vie de salon à la Marcel Proust, auteur qu’elle découvre et qu’elle comprend. Sa rencontre avec la morphine lui sera fatale et lui enlèvera toutes ses forces. Quand la famille retourne à Paris , cette femme droguée est envahie de pulsions et de révoltes qu’elle n’arrive pas à assumer. Elle aurait voulu être plus courageuse et pouvoir répondre à sa petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ? » . Sa révolte se limitera à une sortie chez la princesse Murat :

« Les juifs sont devenus des morts-vivants, tout leur est interdit. Ils sont plus ostracisés que des lépreux au Moyen Age ! « .

Ambiance glaciale garantie, dans ce Paris mondain qui, comme Natalie me dégoûte quelque peu. Comme elle, et cela grâce au talent de Pauline Dreyfus , le grand écart se creuse entre les soucis des réceptions (quelle robe ? quel plat ? quelles conversations ?) et les familles juives qui disparaissent peu à peu. Comme Natalie, j’ai envie de les secouer tous ces Cocteau, Guitry invités chez les Murat, Noaille Trémoïles et autres… et leur demander s’ils savent répondre à cette petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ?« . Comme elle, je n’aurais peut-être pas eu le courage d’aller plus loin dans ma révolte que de ne plus traverser les Champs-Élysées interdits aux juifs ( tiens, je ne le savais pas !) et monter dans le dernier wagon du métro le seul autorisé aux juifs. Il me reste à parler du style de cette auteure, son sens de la formule est absolument admirable et drôle. C’est un livre qui se lit vite et qui fait du bien alors qu’il raconte une histoire bien triste et une époque abominable.

Citations

Les conventions

Pas un bal où elle ne s’affichât auprès du jeune André Mahl, au point de scandaliser les maîtresses de maison, ulcérées que la jeune fille préférât ce jeune homme « israélite » à tant d’autres jeunes gens dont le sang, était lui irréprochable. Natalie était certes la moins jolie des sœurs Lusignan, mais de là à « s enjuiver ». Tapie derrière les éventails, augmentée de points d’exclamation, la réprobation se propageait.

L’argent et la « noblesse »

Un jour que la cousine de son mari d’autant plus à cheval sur sa généalogie qu’aucun parti ne lui semblait à la hauteur de la sienne, lui avait lancé : « Mais au fond votre nom ne vaut rien ! » . Élisabeth avait eu assez d’esprit pour lui répondre « Pas au bas d’un chèque. .. »

La noblesse d’empire

Partout où l’empereur est passé, il se sent un peu chez lui . Jérôme n’a rien fait d’exceptionnel dans sa vie, celle de ses ancêtres lui tient lieu de carte de visite.

L’art de la formule de Pauline Dreyfus

De toute façon, la duchesse douairière de Sorrente n’a jamais aimé les enfants, non plus que les contacts physiques qui présidaient à leur arrivée. Sitôt après la naissance d’un fils , elle s’était estimée quitte avec son mari et avait définitivement condamné la porte de sa chambre. Elle s’était réfugiée dans la lecture et la médisance, deux activités qui accomplie avec sérieux, auraient suffi à emplir la journée de n’importe qui.

Ce qui ne se fait pas

Les frasques d’Élisabeth sont indubitablement à ranger dans la case « ce qui ne se fait pas ». Dans la même nomenclature, il y a le divorce, le mariage avec une demoiselle ayant du sang juif(du sang protestant à la rigueur, si la jeune personne porte le nom d’une grande banque), et la bâtardise assumée. Tous ces comportements qui engendrent la pire des calamités pouvant s’abattre sur une famille : « le scandale ». En puriste des mondanités, il aurait volontiers ajouté à cette liste le fait de manger son dessert avec une cuillère…

On en parle

Chez Clara, et Mimipinson.

20141123_113333Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Voici le genre de romans qui a ma préférence : des romans en apparence léger et qui m’amène à réfléchir sur notre société. Celui-ci commence par une arrivée au paradis où rien ne fonctionne comme le nouvel élu s’y attendait , c’est drôle et en même temps … certains d’entre nous ont sûrement gardé au coin de leur mémoire des images naïves du paradis. Son accueil commence par un sourire grinçant, on propose à l’élu de retrouver sa mère. Mais celui-ci n’a qu’une envie fuir la personne qui ne l’a pas beaucoup compris de son vivant. Mauvais point pour lui ! Au paradis on se doit d’aimer sa famille. Le personnel du paradis est complètement débordé et les réalités terrestres ont contaminé les Cieux, la surpopulation des défunts ont rendu impossible un tri honnête des bons et des méchants. Autant appliquer les méthodes du libéralisme sauvage et renoncer aux valeurs chrétiennes ou tout simplement humaines. C’est un moment très drôle.

Puis, nous redescendons sur terre et là, en nous intéressant à Simon un secrétaire d’état du gouvernement , très vite le monde va devenir fou, parce que tous les moyens de communication sur le net se dérèglent. Tout devient trop « transparent » , ce qui devait être privé devient public. Et Simon qui a malencontreusement prononcé , hors micro, LA phrase qui ne fallait pas dire à propos des « femmes » et des « homosexuels » se trouve être à la Une de tous les réseaux sociaux. Il est alors victime d’un véritable lynchage médiatique et comme en même temps tous les ordinateurs deviennent fous et révèlent des mails détruits au monde entier et les visites sur les sites divers et variés Simon a de quoi se faire beaucoup de soucis , il a, en effet beaucoup visiter le site de très belles et jeunes femmes peu vêtues et il a, aussi, beaucoup chatter avec une certaine Natacha…. .

Ce que j’aime dans cette satyre, c’est que le trait est tout juste forcé, il s’agit bien de notre société qui se repasse en boucle des photos indiscrètes, des confidences d’une femme abandonnée par son trop célèbre amant, des phrases qui n’étaient pas destinées à être publiques et qui collent à la peau de celui qui les a prononcées , une opinion qui exige une transparence de ses élus même sur leur vie intime, des dévoilement de leur vie sexuelle à l’assemblée nationale…. Tout cela fait partie de notre quotidien et la fameuse « transparence » ne me semble ne pas se placer là où il le faudrait .

Citations

Humour de Benoît Duteurtre

J’avais appris à me méfier du mot « espace » depuis que le local poubelles de mon immeuble s’était transformé en « espace propreté ».

Les enfants sont parfois cruels

Cette bibliothèque présentait toutefois l’inconvénient d’envahir un espace toujours plus grand, ce qui avait obligé Simon de créer de nouveaux rayons, sans parler des volumes amassés à son domicile. Un jour son fils Tristan, venu lui rendre visite, lui avait infligé une cruelle observation :
Dire que tout cela tiendrait sur une clé USB !

Humour ?

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Traduit du chinois par François Sastourné.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
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Un grand talent d’écrivain ce Mo Yan, d’ailleurs consacré par le prix Nobel de littérature en 2012, il arrive à nous faire revivre le monde rural chinois en racontant, de façon simple et apparemment naïve, la vie d’un village. Mo Yan part d’un acte fréquent à la campagne : la castration d’un petit veau, mais hélas celui-ci se passe mal, pour nous montrer toutes les forces qui sont en jeu dans le village où la survie alimentaire est à peine assurée. Lorsque la faim tenaille les gens, un plat de « couilles de veau » sautées à la ciboulette devient un plat de roi, pour lequel bien des passions vont se déchaîner. C’est drôle et tragique à la fois.

La deuxième nouvelle : le coureur de fond a ma préférence, le village apparaît dans toute sa variété. Comme le village est un lieu de rééducation des « droitiers » cela permet aux paysans d’être confrontés et parfois d’utiliser des compétences dont ils n’avaient aucune idée. C’est un monde absurde, où personne n’est à l’abri de l’arbitraire, un monde violent où la force physique a souvent le dernier mot. Souvent seulement, car au-dessus de tous les liens bons ou mauvais que les habitants peuvent tisser entre eux et parfois avec les « droitiers », il y a la police qui peut enfermer qui bon lui semble sur une simple dénonciation. Quel pays ! et en même temps quelle énergie pour vivre quand même de toutes les façons possibles. Ces récits m’ont fait penser aux images naïves dont la révolution culturelle relayée par les amitiés franco-chinoises ont inondé la France à une certaine époque.

Citations

la fin de la nouvelle « Le veau », c’est à prendre au deuxième degré

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

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Je me demande si le nom de l’expédition Donner a été le départ de l’inspiration de ce beau livre de Chris Donner. Puisqu’il situe son livre à Reno tout près du lac Donner. Cette expédition a existé, 81 personnes ont voulu trouver une route plus rapide entre l’Utah et le Nevada, 36 personnes sont mortes de faim et on a parlé de cannibalisme à propos des survivants.

L’histoire de ce roman-ado que beaucoup de personnes plus âgées auront grand plaisir à lire se présente comme un conte moderne. Un jeune qui, comme par hasard, s’appelle David est doué naturellement pour le dessin, tout ce qu’il entreprend devient une merveille de reproduction de la réalité ; oui mais voilà dans son école d’art cela n’a plus aucune valeur. Sauf aux yeux d’un vieux professeur fou de la renaissance italienne. Plus le jeune David est mis en valeur pour ses dons académiques plus il est mis à l’écart de l’école qui est de plus en plus sous la coupe du représentant de l’art contemporain. C’est mon seul reproche la vision de l’art contemporain est caricatural.

Le livre pourtant pose une très bonne question que faire d’un don de dessinateur à notre époque. Et cette question lui est finalement posée par l’enseignant académique. Veut-il comme tant d’autres dessiner des portraits à la sortie des musées pour 5 dollars ? David qui est un peu angélique sur les bords, veut faire des enfants avec la femme qu’il aime et pas du tout devenir artiste, il ne se sent pas artiste et a bien du mal à l’expliquer à son père qui est si fier de lui.

Un très bon roman qui fera réfléchir les ados et les anciens ados !

Citation

Je connais quelqu’un d’autre comme ça

J’aurais dû faire ce dessin la veille, mais j’étais un élève paresseux et sujet à la procrastination, d’après les commentaires de mes précédents bulletins scolaires.

L’adieu du professeur académique

Vous dessinez comme un Dieu, vous le savez, je vous l’ai dit. Trop. Et maintenant , je veux vous dire une chose, il faut que vous sachiez que ça ne vous servira à rien. Il y a encore un siècle, vous auriez triomphé partout, mais aujourd’hui dans le monde de l’art, il n’y a pas de place pour des garçons comme vous. C’est fini. J’ai essayé d’expliquer ça à votre père plusieurs fois. Il ne peut pas le comprendre. Il voit ce que vous faites et il se dit : »Mon fils est un génie », et il a raison. Mais c’est quoi un génie malheureux, un génie au chômage, un génie dont personne n’achète les œuvres ? C’est juste un futur clochard. Je n’ai pas envie de vous retrouver un jour à la sortie d’un musée en train de faire le portrait à des touristes pour cinq dollars.

Les projets d’art contemporain

Et le défilé des projets continua, tous pleins d’invention, d’imagination, de mo-der-ni-té. C’est celui de Catherine Donkins qui produisit la plus forte sensation : elle proposait de déféquer dans une boîte de fer-blanc, genre boîte de conserve, qu’elle scellerait selon la méthode que son père utilisait dans son usine de conditionnement de corned-beef. Elle avait déjà dessiné l’étiquette sur laquelle on pouvait lire : »Merde d’artiste » ; Dissimulant son dégoût derrière un sourire d’une fausseté patente, Mr Deems accepta le projet de Catherine , tout en lui rappelant que l’exploit avait déjà été réalisé par Piero Manzoni en 1961. Catherine le savait , mais argumenta qu’aucune artiste femme ne l’avait encore fait.
– Il fallait y penser, dit Mr Deems.

On en parle

Beaucoup d’avis positifs chez Babelio.

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Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Superbe BD et excellent moment de lecture. Comme je suis déçue que cette BD n’ait pas reçu un coup de cœur ! Malheureusement, je ne l’avais pas encore lue et je n’ai pas pu la défendre.

Les personnages sont très proches de la réalité et si j’aime cette BD ou roman graphique, c’est que le dessin est indispensable à la qualité du récit. La grand-mère juive est drôle et tellement vraie ses expressions de visages en disent plus que de longues pages de romans. Dès les premiers instant, on comprend sa personnalité lorsqu’elle ne veut pas jeter sa bouteille d’eau au contrôle avant de prendre l’avion. Elle préfèrera boire un litre et demi d’eau plutôt que de la jeter, quand on connaît le confort des toilettes dans l’avion, c’est un acte de pur inconscience ou d’héroïsme. Sa petite fille est une jeune israélienne de son époque qui n’a pas l’habitude de se laisser dicter sa conduite. Avec sa grand-mère, elles sont venues voir s’il était possible de récupérer des biens en Pologne.

L’histoire aurait pu être tragique, elle est surprenante et dépeint très bien les mémoires des personnes très âgées. Les secrets de famille qui n’en sont pas vraiment ont pesé lourd dans le passé de cette vieille grand-mère. Son voyage n’avait pas le but que l’on croyait mais il était indispensable qu’elle revienne à Varsovie. La façon dont cette BD nous fait découvrir Varsovie est originale et très vivante. Les jeunesse juive doit se retrouver à 100 % dans l’œuvre de Rutu Modan.

Mieux qu’un long roman, cette BD nous dit beaucoup sur l’amour et le poids des souvenirs douloureux sans jamais tomber dans le pathos. Un superbe exemple de l’humour juif.

Citation

Je l’ai fait pour agacer Tzilla. La seule chose que les juifs aiment plus que l’argent, c’est la provocation.

On en parle

chez Keisha et Aifelle

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J’ai reçu beaucoup de livres pour mon anniversaire, celui-ci, je le dois à mon fils. C’est un livre étonnant, à la fois drôle et tragique comme doit l’être la vie des Africains à Paris. « Debout-payé » c’est le nom que l’on donne aux vigiles en africo-français. Quelle inventivité dans la langue ! un sens de la formule que j’avais déjà trouvé chez Alain Mabanckou. Le roman est divisé en deux parties. Une première partie constituée par les remarques et observations quasi scientifiques (au moins dans la forme !) des vigiles à l’entrée des magasins surtout de Sephora ; et une seconde par les récits de Ferdinand, Kassoum et Ossiri trois Ivoiriens qui nous font découvrir leur passé et leur façon de vivre en France.

Être vigile (donc noir dans 90 % des cas) développe un sens aiguë de l’observation, notre société vue à travers le regard des vigiles est pour le moins étonnante quand elle ne vous fait pas éclater de rire. Toutes les nationalités qui se pressent dans les enseignes des Champs Élysées ont leurs façons de se comporter dans les temples de la société de consommation. Toutes les femmes se pâment devant le « numéro 5 » de Chanel qu’il faut donc protéger des mains trop baladeuses et éviter que les flacons se retrouvent dans les endroits les plus insolites sans passer aux caisses. Un vigile voit tout mais pas particulièrement les vols contre lesquels il est très impuissant, il remarque donc : les modes vestimentaires, les inscriptions sur les tee-shirt, les types physiques selon les origines et les réactions de chacun face au bip bip du portail qui annonce que vous êtes sorti sans payer un article… Et quand il a de l’esprit, il nous fait souvent sourire. Il voit aussi comment est organisé le magasin, et malheureusement pour lui, il entend à longueur de journée une musique insipide. J’ai eu envie de noter toutes ses remarques tant elles étaient pleine d’humour.

Et puis l’autre partie du livre raconte la vie de ces vigiles africains dans ce qui reste des cités étudiantes ivoiriennes où on loue une place pour s’allonger une partie de la nuit à celui qui a sous-loué une partie de la chambre au locataire. On découvre des personnalités étonnantes au passé très divers. Et un mode de vie en marge de notre société que l’on peut deviner sans la connaître vraiment quand on passe dans certains quartiers de Paris. Rien n’est facile et la lutte pour faire sa place et survivre n’est pas simple. Le regard sur la population africaine à Paris est vraiment passionnante , un regard drôle et plein de moqueries.

Ce livre est important pour comprendre la présence africaine en France, ce n’est pas le sujet mais on se demande pourquoi les Ivoiriens se donnent tant de mal pour venir en France alors qu’ils y vivent dans des conditions si difficiles. On a l’impression que rien ne peut les empêcher de venir alors que pour certains, ils avaient plutôt une bonne profession dans leur pays. Et le plus important, après avoir lu « Debout-payé » on regarde, enfin, les vigiles comme des êtres humains.

Citations

Difficulté de devenir vigile

Nom, prénom, sexe, daté et lieu de naissance, situation matrimoniale, numéro de sécurité sociale. Etc. Ce sera l’épreuve la plus exigeante de la matinée.

Sens de l’observation

En Chine, il paraît que le mot « fesse  » n’existe pas. Là – bas, on dit « bas du dos » . On ne peut inventer un mot pour une partie du corps qui n’existe pas.

Remarque pertinente

CHINOIS. Avec la quantité énorme d’habits fabriqués au pays de Mao, on peut dire qu’un Chinois dans un magasin de fringues, c’est un retour à l’envoyeur

Présence du voile

En trois heures de vacation, le vigile a compté plus de femmes voilées dans Sephora qu’en six mois dans tout Belleville.

La religion qui unit toutes les femmes

Sephora est la Mecque et le stand de Christian Dior, la Kaaba autour de laquelle tournent les femmes , arabes ou non, voilées ou pas, au nom du saint parfum.

Le petit clin d’œil au « fessologue » d’Alain Mabanckou

Bien qu’on puisse en dégager quelques grands groupes, la forme des fesses est aussi unique qu’une empreinte digitale. Quand le vigile se met à penser à ce qui se passerait dans les commissariat si c’était ce système d’identification qui avait été choisi par les pouvoirs publics.

La militante africaine, fière de son continent

Comprenez bien les enfants, on ne peut pas être indépendants quand même ce qu’on mange vient de qui nous aliènent.Une grande partie de la richesse nationale retourne en occident par l’achat des tonnes de blé dont nous avons besoin pour satisfaire le caprice du pain. Comprenez bien les enfants, le pain est un caprice alimentaire, un complexe alimentaire, un mimétisme alimentaire, un traumatisme alimentaire. Le pain est tout ce que vous voulez sauf une denrée de subsistance pour nous . On n’est pas au Sahara. ici si tu jettes n’importe quelle graine par terre et sans même te baisser une seule fois dessus, elle devient un baobab en six mois ! Imaginez tout ce qu’on pourrait faire avec tout l’argent du blé qu’on donne à des paysans blancs.

On en parle

Deux blogs trouvés chez Babelio : Fils de lecture et Ollie. Et Jérôme

les supremes

Traduit de l’américain par Cloé Tralci avec la collaboration d’Emmanuel et de Philippe Aronson.

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En bateau, lire n’est pas toujours facile, entre les manœuvres et le mal de mer, le temps de la navigation est plus propice aux beaux paysages qu’à la lecture. Heureusement, en octobre , les jours sont courts et les escales assez longues pour profiter d’un bon roman. J’avais choisi celui-ci à la médiathèque, car j’avais lu sur mes blogs amis des critiques positives. Le moins que je puisse dire, c’est que je ne regrette pas mon choix.

Le début est déroutant, car on passe de l’une à l’autre des trois amies et l’on doit faire un effort pour savoir qui est « je ». Odette qui comme sa mère converse avec les fantômes et qui devra lutter contre le cancer ou Barbara-Jean qui noie dans l’alcool ses drames trop violents pour une femme , même si elle est la plus belle de la ville ou Clarice mariée au trop beau Richmond. Mais peu à peu se dessine la vie de ces femmes . Plus que l’intrigue quelque peu romanesque, c’est la description de l’amitié de ces trois femmes qui m’a fait adorer ce roman, et puis, j’ai souri souvent et ri parfois.

Le mariage de la fille de Veronica qui devait être l’événement le plus sensationnel de l’année restera dans tous le souvenirs mais sans doute pas pour les raisons qui ont fait dépenser des fortunes aux parents de la mariée.Les différences entre les différentes églises m’ont amusée et l’épisode de la prostituée qui croit avoir entendu le seigneur lui parler est un bon moment .La vie à Plainvieuw tourne autour des églises et du café restaurant de Little Earl où se retrouvent les trois suprêmes avec leur mari. Et inénarrable Minnie qui prédit l’avenir se trompe tout le temps et d’un égoïsme à toute épreuve. La façon dont elle annonce la mort de son mari aux enfants de celui-ci est absolument inoubliable. Les langues vont bon train dans ce café et les scènes souvent cocasses se suivent , le rire n’est jamais très loin des larmes. C’est une peinture réconfortante pleine d’humanisme , peut être trop de bons sentiments, mais ça ne m’a pas gêné.

J’ai aimé lire que si Edward Kesley Moore avait écrit ce roman c’est qu’il ne retrouvait pas dans la littérature Nord-américaine le caractère des femmes qui l’avaient élevé. Si les femmes qu’il a connues ressemblent à celles de ce roman , je trouve qu’il a bien de la chance , et qu’être noir aux USA , n’est donc pas synonyme de malheur.Depuis la présidence d’Obama on s’en doutait un peu.

Citation

Un portrait de Jésus à vous faire aimer les églises

Ce qui est frappant dans cette fresque, c’est le portrait de Jésus – le plus sexy que j’ai jamais vu. Il a les pommettes saillantes, et des cheveux de jais bouclés. Ses bras bronzés et musclés se tendent vers vous, et il a le ventre aussi ferme que celui des mannequins brésiliens qui posent en sous – vêtements dans les publicités. Sa bouche semble souffler des baisers vers l’assemblée, et sa couronne d’épines légèrement penchées sur le côté Lui donne un air décontracté à la Frank Sinatra.

L’humour et l’amitié

Clarice farfouillait dans la commode de sa meilleure amie à la recherche d’un truc pour embellir, voire dissimuler la robe hideuse qu Odette ne manquerait pas de porter ce soir – là. La grand – mère aveugle qui avait confectionne tous ses vêtements quand elle était petite avait beau être morte , son sens du style perdurait dans les tristes placards de sa petite fille.

Un sourire qui m’a rappelé celui de Madame Verdurin

Florence souriait également, même si avec elle il était toujours difficile d’en avoir la certitude. Depuis des années, elle arborait une expression grimaçante qui relevait d’avantage du dégoût que de la joie . Chez elle, les zygomatiques étaient atrophiés depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, son rictus habituel paraissant moins agonisant ce jour là.

On en parle

Les fanas de livres (qui a plus de réserves que moi) Audouchoc qui n’a pas aimé, Cathulu qui a aimé autant que moi.

Écoutez « Les Suprêmes »

https://www.youtube.com/watch?v=izzKUoxL11E