Édition de l’Olivier

Je pensais avoir déjà mis des romans de cet auteur sur mon blog mais puisque je ne l’ai pas encore fait, je vais commencer par celui-là qui a eu le grand mérite de m’occuper pendant deux jours pendant cette horrible période de confinement au printemps 2020. Nous sommes en 2008, et le narrateur un Paul Stern qui doit avoir quelques points communs avec l’auteur, est accablé par une famille assez lourde. Son oncle Charles et son père se détestent. Son père a formé avec sa mère un couple traditionnel, catholique très conservateur qui a un peu étouffé leur fils unique Paul. Le père a eu bien des déboires financiers et a mené une vie assez étriquée, Charles est tout le contraire, il est très riche, vit avec une femme sans être marié qu’il appelle John-Johnny et a de nombreuses maîtresses. Il cherche par tous les moyens à écraser son frère en particulier en achetant des bateaux à moteur très puissants. Ce frère meurt, et le père du narrateur hérite et avoue à son fils qu’il n’a jamais eu la foi et qu’il n’a jamais aimé sa femme… Dans sa propre famille Paul ne comprend pas pourquoi sa femme Anna est dépressive au point de ne plus avoir envie de rien et de dormir toute la journée. En revanche, ses trois enfants ont l’air d’aller bien. Paul Stern part une année à Los Angeles pour rédiger le script d’un film tiré d’un mauvais film français. L’intérêt du roman vient de la peinture du monde de Los Angeles, d’Hollywood exactement et c’est vraiment terrible de voir comment ce grand pays maltraite sa population vieillissante et pauvre. Evidemment la peur de vieillir est encore plus terrible pour les acteurs. Son année aux US est ponctuée par les coups de fils de son père qui n’arrive pas à se mettre dans la tête le décalage horaire, et l’on voit cet homme que son fils a connu toute sa vie très coincé se lâcher dans les plaisirs du sexe et de l’argent. Paul reviendra en France et retrouvera une Anna plus en forme et on l’espère pour lui, une vie familiale plus épanouie.

Il manque de la profondeur à ce roman, en particulier sur les malaises de sa propre famille. On a aucune explication au mal-être d’Anna mais ce n’est sans doute pas ce que voulait faire l’auteur. En revanche l’auteur ne manque pas d’humour et son livre est riche d’impressions hélas trop justes sur l’envers du décor de la réussite américaine.

 

Citations

Ambiance dès le début du roman

Pour autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais vu vivre ces deux hommes autrement que dans l’exécration et le conflit. Mon oncle, propriétaire de biens, installé à Paris – en outre le seul individu que j’ai connu à posséder un portefeuille en velours pourpre-, tenait son frère pour un velléitaire envieux, un raté oxydé par la province et l’aigreur, tandis que mon père, lorsqu’il évoquait les frasques de son aîné, commençait inévitablement par cette phrase : »Le sauteur s’est encore fait remarquer. » Ce terme désuet était assez approprié à l’univers des frères Stern.

Les deux frères

À quai, les frères s’épiaient . Quand l’un larguait les amarres, l’autre, en général Charles, le suivait précipitamment. À la sortie du chenal, le rituel était toujours le même : mon père calait son régime moteur à 1800 tours par minute – ce qui lui garantissait une consommation horaire d’un litre et demi de gas-oil- et sa ligne sur un cap à l’ouest tandis que son frère derrière lui, lançait ses turbines rugissantes. Au moment où il était dépassé sur bâbord, mon père s’efforçait de demeurer impavide dans la gerbe d’écume, n’adressant pas même un regard à l’énergumène qui envoyait son bateau ballotter dans tous les sens, ce chauffard des mers qu’il ne connaissait que trop.

Portrait d un acteur

 Il faut s’aider de la beauté nébuleuse caractéristique de ces médiocres acteurs dont on ne se rappelle jamais le nom. Il était à l’âge charnière où l’on pouvait encore deviner l’enfant imbuvable qu’il avait été et voir déjà le sale con qu’il s’apprêtait à devenir.

Ce roman date de 2008 mais ce qu’il décrit est encore vrai aujourd’hui.

Il ne rejoindrait pas la cohorte de ces retraités qui se rendaient à leur travail à l’heure où, le soir, je rentrais chez moi. On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d’entre eux. Pour survivre, payer le loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d’hommes et de femmes cumule deux emplois. Le jour ils embauchent dans des supermarché ou des compagnies de nettoyage et, la nuit les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans les « diners » ouverts vingt quatre heures sur vingt quatre. La ville, le pays tout entier usent ses vieux jusqu’à la corde, puis les jettent à la rue quand ils n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Je trouve cela très vrai :

Et je m’étais lancé dans le récit d’un scénario que j’improvisais et modelais tout en le racontant. Ce n’était pas la première fois que je le constatais , mais cela me surprenait chaque fois : l’esprit n’est qu’une matière inerte, un moteur découplé. Pour fonctionner il lui faut un carburant terriblement volatil et précieux : le désir.

Le re-mariage de son père avec la concubine de son propre frère

Je vis surgir mon père dans un costume beurre frais, sans doute taillé pour Maurice Chevalier, canotier compris, s’avancer vers le Maire au bras d’une femme sans doute séduisante, mais moulée dans une robe de taffetas blanc aux lignes emberlificotées qui mouraient vers l’arrière en une esquisse de traîne timidement inachevée. Françoise-Johnny portait un chapeau de la même matière, l’une de ces choses effrayantes que l’on ne voit plus que sur certains hippodromes britanniques, et qui retombait sur ses épaules à la façon d’un col de cygne mort. Je me demandais si c’était l’amour ou l’âge qui rendait à ce point fou. À moins que ce ne fût les deux.

Un milliardaire américain

Pourquoi les milliardaires adoptaient-il toujours le mauvais goût des empereurs et éprouvaient-ils le besoin irrépressible, d’enluminer, de dorer ce qui déjà suintait l’argent ? J’ignorais à partir de quelle quantité de diéthylamide d’acide lysergique (LSD) ce décor de péplum devenait acceptable, mais pour un promeneur néophyte il était une constante irritation oculaire. Même si, dans son genre, Ames n’était sans doute pas le pire. Pour un homme réputé compliqué, il aimait plutôt les choses simples, les colonnes hellènes, un horizon de marbre, des moulures à palmettes, les plafonds sixtiniens, un mobilier emperlouzés,des portes sculptées aux poignées poinçonnées.

Humour

Tu sais comment je l’appelle ? Forrest Gump. Parce qu’il passe la moitié du temps à courir pour se maintenir en forme et l’autre à galoper pour échapper à sa femme. C’est ça, je baise avec Forrest Gump.

Le golf

Alors ce golf ?
– Je ne sais pas jouer. Ce n’est vraiment pas mon sport.
– Qu’est-ce que vous me dites là ? Le golf n’est le sport de personnes, Paul. Les types qui le pratiquent l’ont choisi par défaut, parce qu’ils ont échoué dans d’autres disciplines par manque de vitesse, d’adresse, d’endurance de force. Le golfeur dissimule une petite infirmité, c’est pour ça qu’il fait son parcours en voiturette électrique.

LOS Angeles

Elle incarnait toute la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle, de macédoine sociale, avec des pauvres pour ramasser les merdes des chiens, des vieux pour garer des voitures, Edwards pour livrer des pizzas, un remède de cheval pour calmer Efrain et des champignons pour guérir les angoisses vertébrale, C4 C5 incluses. Ce pays était une secte, avec ses rites économiques et ses gourous fanatiques.

Un roman qui ne vous apprendra pas grand chose ni sur la spoliation des biens juifs, ni sur la romancière qui met en scène sa propre famille. Elle est la petite fille de Jules Strauss qui fut un des plus grand collectionneur d’œuvres d’art parisien du début du XX° siècle.

Par pudeur sans doute, elle ne s’étend que très peu sur les souffrances de cette famille. Je pense que, comme moi, elle a entendu parfois « Ah, encore une histoire de juifs pendant la guerre » et qu’elle n’a pas voulu insister. Je comprends et c’est compliqué aujourd’hui d’écrire sur ce sujet mais il m’a manqué quelque chose dans cette quête . Une âme je crois, celle qu’on sent dans le regard de cet homme : Jules Strauss.

En revanche vous apprendrez beaucoup de choses sur la difficulté d’obtenir la restitution de biens spoliés (essentiellement aux familles juives) par les nazis et autres comparses pendant la guerre . – À ce propos , j’ai regardé le film « Rue Lauriston » avec Michel Blanc, c’est un film remarquable tous les acteurs sont excellents et on comprend tellement bien la façon dont on traitait le juifs et leurs biens ! et ici il s’agit de Français !- . C’est incroyable ce que Pauline Baer de Pérignon est amenée à faire pour récupérer un seul des dessins ayant appartenu à son grand père . On pourrait penser que cette seule photo pourrait faire la preuve que Jules Strauss avait bien une collection digne des musées et que tout le monde allait aider sa petite fille à retrouver une partie des biens, loin s’en faut !

Cet aspect du roman est passionnant , c’est d’ailleurs ce qui a plu à Aifelle . On peut en effet se douter que si la famille ne possède plus aucun tableau de cette superbe collection c’est que les grands parents de Pauline Baer de Pérignon ont été « contraints » de vendre. Et vous savez quoi ? Où dormait le dessin pour lequel, au bout de trois ans d’investigation, la preuve de la spoliation ne fera aucun doute ? Au Louvre dans les réserves. On peut se dire que la famille ne l’avait pas réclamé mais c’est faux sa grand-mère avait monté un dossier tout de suite après la guerre. En vain ! L’administration française n’a RIEN fait pour les aider, plus grave en réalité beaucoup de gens savaient que la provenance du dessin était douteuse mais rien n’était entrepris pour retrouver sa provenance alors que ce n’était pas très compliqué pour le Louvre de le faire ou au moins essayer !

On est loin de la belle figure de Rose Valland qui pendant la guerre a noté tous les biens volés aux juifs qui étaient entreposés au Musée du Jeu de Paume

Citation

Un fait que j’avais oublié

Avant même d’envahir la France, les Allemands ont établi la liste des collections d’art importantes, il connaissait Jules par ses deux ventes de 1902 et 1932. Tout grand collectionneur juif pendant la guerre figurait sur les listes de le ERR, l’Einsatzab Reichsleiter Rosenberg, l’organisation dirigée par l’idéologue du parti nazi Alfred Rosenberg, qui a été jugé et exécuté à Nuremberg. C’est lui qui a organisé les confiscation des œuvre d’art appartenant aux grandes collections juives dans les territoires occupés à partir de juillet 1940 à Paris environ vingt-deux mille objets ont été saisies pendant la guerre
L’ERR est installée au Jeu de Paume, où transitent les œuvres pillées avant d’être envoyées en Allemagne. Je découvre l’existence de Rose Valland, qui devient mon héroïne. Attachée de conservation au Jeu de Paume, prétendant ne pas comprendre un mot d’allemand, elle note tout des vols d’œuvre d’art. Elle consigne les nombreuses visites de Goering venu faire son choix, et les envoie en Allemagne. Rose Valland parvient ainsi à établir l’inventaire détaillé des œuvres transférées et leur déplacement de 1940 à 1944. Son action de résistance permet la récupération après guerre d’un nombre important d’œuvres spoliés. Devenu alors membre de la commission de récupération artistique, capitaine de la 1re Armée française, elle travaille avec les monuments Men à la récupération des œuvre et à la reconstitution de leur trajet

 

 

Édition Liana Levi traduit du russe par Nathalie Amargier

 

J’ai découvert ce roman chez Krol, son billet m’a donné envie de mieux connaître la vie de Victor Zolotarev et de son pingouin Micha. J’ai eu le tort de le lire pendant le confinement qui a été pour moi une période de fragilité et de moindre envie de me plonger dans des univers absurdes. Et pour être absurde ça l’est ! Victor a hérité de ce pingouin neurasthénique car le zoo de Kiev n’a plus les moyens de nourrir les animaux. Nous sommes en pleine crise sociale en Ukraine et en plus de la misère, il y règne de sordides histoires de corruption. On imagine les dégâts matériels pour la population mais en plus les acteurs de ce pays ont une forte tendance à disparaître violemment. Victor est embauché pour un travail qui semble assez facile : écrire des nécrologies de personnalités assez en vue. Cela permet au journal d’être prêt à publier les éloges des « futurs » disparus. Un travail de tout repos qui lui permet d’acheter le poisson nécessaire à la survie de Micha. Mais nous sommes en Ukraine, et évidemment écrire des nécrologies peut s’avérer dangereux. D’abord les personnalités se mettent à disparaître de mort brutale et peu à peu Victor se trouve lui-même en grand danger. L’auteur écrit avec cet humour russe si caractéristique et n’hésite pas à plonger son lecteur dans un monde absurde. Trop pour moi , et je dois avouer que petit à petit je lisais la vie de Victor et Micha sans m’impliquer totalement. Je comprends le succès de ce livre car même dans ses aspects excessifs et déjantés, il permet de se rendre compte de la réalité d’un pays en proie à la corruption et à la misère sociale mais il faut accepter les aspects déjantés qui ont fini par me lasser.

Citations

L’humour russe

Il regardait Sergueï et avait envie de sourire. L’amitié ? En fait, il ne l’avait jamais connue, pas plus que les costumes trois-pièces ni la passion véritable. Sa vie était terne et douloureuse, elle ne lui apportait pas de joie. Micha son pingouin, était triste, comme si lui aussi n’avait connu que la fadeur d’une existence dénuée de couleur et d’émotion, d’élan joyeux, d’enthousiasme.

Un pingouin malade

Ben voyons ! se moqua Pidpaly. Même les humains, on ne les soigne plus, maintenant, et vous voudriez qu’on soigne un manchot. Vous comprenez bien que pour un animal de l’Antarctique, notre climat est une catastrophe. Le mieux pour lui serait de retrouver sa banquise. Ne soyez pas vexé, j’ai l’air de délirer, mais si j’étais lui et que je me retrouve sous nos latitudes, je me prendrais ! Vous ne pouvez pas imaginer le martyre que ça représente d’avoir deux couches de graisse et des centaines de vaisseaux sanguins destinés à se protéger des températures les plus extrêmes, alors qu’on vit dans un pays où il fait parfois quarante l’été, et moins dix l’hiver, au mieux, et c’est rare ? Hein ? Vous comprenez ? Son organisme chauffe, il se consume de l’intérieur. La plupart des manchots en captivité sont dépressifs. On m’a toujours répété qu’il n’avait pas de psychisme, mais moi, j’ai démontré le contraire. Et à vous je vais le démontrer ! Et leur cœur ! Quel cœur serait capable, dans ces conditions de supporter une pareille surchauffe ?

Philosophie des buveurs phrase à la Audiard

Buvons pour que ça ne soit pas pire. Mieux, ça a déjà été.

L’horreur

J’ai discuté avec le professeur de cardiologie de l’hôpital des scientifiques… Nous en avons conclu qu’on pouvait lui greffer le cœur d’un enfant de trois ou quatre ans…
 Victor s’étrangla avec son café et reposa la tasse sur la table. Il en avait renversé.
En tout cas, si l’opération réussi, cela pourra lui permettre de vivre encore plusieurs années. Sinon. Le vétérinaire fit un geste d’impuissance.
 Oui, aussi, pour répondre tout de suite à vos interrogations éventuelles, l’intervention elle-même ne ne vous reviendra qu’à quinze mille dollars. En fait c’est assez peu. Quant au nouveau cœur. Vous pouvez chercher un donneur par vos propres réseau, mais si vous nous faites confiance, nous pouvons nous en charger. Pour l’instant j’aurai du mal à vous dire un prix. Il arrive que nous recevions des organes sans même avoir à les payer.
Que je cherche par mes réseaux reprit Victor, ahuti qu’est-ce que vous entendez par là ? J’entends que Kiev compte plusieurs hôpitaux pour enfants, et que chacun a son service de réanimation. Expliqua-t-il calmement. Vous pouvez vous présenter au médecin, mais ne leur parler pas du pingouin. Dites simplement que vous avez besoin du cœur d’un enfant de trois ou quatre ans pour une transplantation. Promettez- leur une bonne récompense. Ils vous tiendront au courant.

Édition autrement traduit de l’anglais (et préfacé sans grand intérêt à mon avis) par Jean Pavans

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Peut-on tomber amoureux d’un domaine ? Cela est arrivé à l’auteure qui est, je ne l’ai découvert qu’ensuite, la femme qui a aimé Virginia Woolf. Dans ce roman, elle sait raconter à la perfection ce qui peut loin de toute rationalité embarquer une personne sage et raisonnable dans l’achat d’une demeure et d’un jardin qui lui pompera toutes ses ressources financières et ses forces de vie tout en lui assurant un bonheur inestimable. Celui de posséder et de faire revivre ce lieu. L’auteure l’a fait pour le château de Sissinghurtst et on peut comprendre son choix :

 

Pour le roman, il s’agit d’une belle demeure qui sans être un château a tout le charme des lieux qui aujourd’hui se visitent surtout quand ils sont entouré d’un beau jardin. Le personnage principal, hérite de l’ensemble des biens d’une parente mais ne peut les garder, d’ailleurs au début il n’a qu’une envie vendre le tout pour se faire une vie personnelle plus confortable, lui l’héritier qui porte ce nom Chase , les Chase ont possédé ce domaine pendant cinq siècles mais lui n’est qu’un pâle employé d’assurance et il cache son prénom Peregrine (qui signerait la noblesse de ses origines). Et puis, il s’installe plus longtemps que prévu dans cette maison et il se fait prendre par son charme, jusqu’à en perdre ses propres repères. Cette possession d’une personne par un lieu superbe est très bien racontée et mérite largement 5 coquillages, en revanche, il y a tellement de détails que je n’ai pas compris que cela m’a empêchée d’être bien dans ce court texte. J’aurais aimé savoir pourquoi l’héritier de cette grande famille ne connaît absolument pas ce lieu ni sa tante. L’Angleterre n’est pas si vaste qu’il ne puisse pas, parfois, rendre visite à sa tante. Et sans dévoiler la fin, je comprends encore moins pourquoi il doit racheter son domaine plutôt que simplement le retirer de la vente et ne payer alors que les hypothèques. Mais le sujet du roman ce ne sont donc pas ces banales histoires d’héritage et de finances mais la prise de pouvoir amoureuse d’un lieu sur une personne.

Citations

Les habits après la mort

Je ne sais pas ce que vous allez faire des vêtements de la vieille dame, Mr. Chase. Ils ne rapporteraient pas grand-chose, voyez-vous, à l’exception des dentelles. Il y a la de belles dentelles authentiques, qui devraient valoir quelque chose. Tout est inscrit dans l’inventaire, il faudra les découdre des vêtements. Mais quand au reste… mettons vingt livres. Ces robes de soie, dirais-je, sont faites d’une bonne étoffe » , observa Mr. Nutley en tâtant une rangée de robes noires pendues dans le placard, qui remuèrent avec un faible bruissement de feuilles mortes. « Suivez mon conseil, donnez-en quelques-unes à la gouvernante, cela en fin de compte vous fera plus de profit que les quelques livres que vous pourriez en tirer. Il faut toujours avoir les domestiques de son côté, c’est mon axiome.. Enfin, c’est votre affaire, vous êtes le seul héritier et personne ne doit s’immiscer. »

Les traditions en Angleterre

Il avait dû dénicher la copie de quelques vieux rapport. Mais non ; il était revenu à la première page et il y avait trouvé la date de l’année précédente. Il était consterné à l’idée que si de telles choses avaient concerné sa tante, elles risquaient aussi de le concerner. Que ferait-il d’un porc « de pasnage » à supposer qu’on en amenât un devant sa porte ? Il aurait été encore plus embarrassé si l’un des fermiers qu’il avait vus aux obsèques était venu lui dire : « Je tiens de toi, le Seigneur. »

Première impression de la maison

La maison lui rendait un regard grave et doux. Sa façade de vieilles briques lit de vin, les V inversés des deux pignons, les rectangles des fenêtres et le stuc crémeux de la petite colonnade qui réunissait les deux ailes en saillie, tout se reflétait sans déformation dans le calme verdâtre des douves. Ce n’était pas une grande maison, elle se résumait aux deux ailes et au corps central, mais elle était parfaite est achevée, si parfaite que Chase, qui pourtant ne connaissait rien et ne s’intéressait nullement à l’architecture, (…), se sentit peu à peu apaisée par une confortable satisfaction. Oui, vraiment la maison était petite, charmante, et satisfaisante. On ne pouvait lui trouver aucun défaut. Elle était exquise de forme et de couleur. Dans ses proportions parfaites, elle portait la grandeur de son style avec une digne simplicité. Elle était tranquille, la soirée était tranquille, la campagne et était tranquille ; elle faisait partie de la soirée, de la campagne.

Séduction

Tel un enfant égaré dans le royaume des délices, il était stupéfié par les enchantements du soleil et de l’ombre. Il s’attardait pendant des heures à contempler, dans une béatitude stupide, les grandes nappes de soleil répandus sur l’herbe, et les ombres intenses qui s’enfouissaient dans les profondeurs des bois. Il se levait tôt le matin et, se penchait à la fenêtre ouverte, se livrait à la rosée, au sentiment de la clarté nouvelle, aux oiseaux. Que de gazouillis. !

Sous le charme

Et comme sa vision s’élargissait, il sentit que la maison, très gracieusement fondue dans les arbres, les prairies, les collines, avait poussé là comme eux, faisant partie d’une tradition séculaire. Il reconsidéra même les tableaux, non comme représentation de fantôme insignifiant, mais comme des hommes et des femmes dans le sang avez contribué à la composition de celui qui coulait dans c’est pas propre. C’était la terre, les fermes, les meules, les sommeil, les jachères qui lui enseignaient cette sagesse

 

Édition Albin Michel

 

Si vous avez une idée positive de Karl Marx, c’est sûrement que vous avez été sensible aux analyses politico-philosophiques de ce « grand » homme, un peu moins, je suppose, des conséquences de ses « géniales idées ». Mais si vous voulez définitivement vous dégoûter de l’homme, lisez ce livre : Sébastien Spitzer, essaie de retrouver la trace du garçon illégitime de Karl Marx. En exil à Londres, celui-ci « engrosse » la bonne de cette étrange famille d’exilés. Il faut absolument cacher, voire faire disparaître cet enfant. Il vivra, mais aura une vie très misérable comme tous les pauvres anglais de cette époque . Le roman se déroule lors du séjour de la famille Marx en Angleterre, il y arrive en 1850. Nous voyons donc dans cette biographie de Freddy Evans, le fils caché de Marx les deux extrêmes de la société britannique. D’un côte la richesse, dont Engels est un digne représentant et le monde ouvrier qui peut à tout moment tomber dans une misère noire. Au milieu, la famille de Marx une famille d’exilés qui est assez originale, la femme de Marx, Jenny von Westphalen avec laquelle il s’était fiancé étudiant est issue de la noblesse rhénane, son frère aîné deviendra ministre de l’Intérieur de la Prusse au cours d’une des périodes les plus réactionnaires que connut ce pays. Il a un rôle important pour l’intrigue romanesque et dans le destin tragique de l’enfant caché. C’est parfois difficile de démêler la fiction de la réalité. Je pense que l’on peut se fier aux faits historiques, mais l’on sent que l’auteur est dégoûté par son personnage et il en fait un portrait à charge. Il faut dire que pour avoir de l’argent, Karl Marx était peu regardant sur l’origine des finances, peu lui importe par exemple que ce bon argent vienne des plantations esclavagistes du Sud des États-Unis. Derrière le grand homme se cacherait donc un jouisseur peu scrupuleux qui était prêt à tout pour mener une vie confortable sans rien faire d’autre qu’écrire et encore quand il y était poussé par sa femme. Engels est un personnage très ambigu, très riche bourgeois il dirige une usine de filature appartenant à son père, il épouse les thèses révolutionnaires qu’il finance tout en faisant beaucoup d’agent grâce au capitalisme libéral. C’est lui qui sera chargé de faire disparaître le « bâtard » mais il aura quelques difficultés à tuer ou faire tuer un bébé. C’est lui aussi qui entretient à grands frais la famille Marx sans aucune reconnaissance de ce dernier. Le point le plus intéressant du roman, c’est la description de la condition ouvrière en Angleterre, on est en plein dans du Dickens, un rien fait basculer des pans entiers de la population du côté des miséreux et de la famine.

Citations

La misère à Londres 1860

Les tanneurs de Bermondsey exigent une heure de pause. Ils triment quinze heures par jour dans l’odeur méphitique du sang chaud et du jus de tannée. Malte hausse les épaules. Les débats autour des horaires de travail, des temps de pause, de la semaine qui s’arrête le samedi et reprend le dimanche ou des salaires trop bas ne le concernent pas. Il en pâtit seulement. Il habite juste en face. Il les voit qui défilent, vociférant et réclamant. Il sait qu’il s’épuisent a demander l’impossible. Cela fait si longtemps que les injustices existent. Depuis que le monde est monde. Alors à quoi bon s’insurger ? Si seulement ils pouvaient s’écarter de sa route. Il ne peut rien pour eux.

Portrait de Karl Marx par la bonne qu’il a « engrossée »

C’est un vaurien, incapable de mettre un seul penny de côté. L’argent lui brûle les doigts. Il ne sait pas compter. Ni travailler d’ailleurs. Il a bouffé la dot et les dons de sa femme. Il accumule les dettes. C’est tout ce qu’il sait faire, réclamer de l’argent à ses amis. Et quand il refuse, il hurle comme un cochon qu’on saigne. Une bête, je vous dis ! Il fait ça même à sa mère. La pauvre femme. Henriette, qu’elle s’appelle. Il dit que sa mère le vole ! .Vous entendez ! Un homme de son âge qui dit que sa mère le vole ! Saleté de bon à rien ! Et après, c’est moi qui dois faire face au boucher, qui dois le supplier de me faire confiance, comme chez le boulanger ou le marchand de fruits aussi. Ça fait cossu d’avoir une employée. Ah oui ça. Ça fait riche. Mais ils n’ont rien. Que dalle. Que le nom de Madame, usé jusqu’à la corde. Un jour, quand il avait trop faim, il a envoyé une lettre d’embauche à une compagnie des chemins de fer. La première, en 10 ans. Pourtant, il a fait des études. Il est docteur. Faut qu’on l’appelle docteur.

L’argent et la vie d’ Engels et le style lapidaire de l’auteur

Engels paye d’une traite à tirer sur les comptes de l’usine. Le document est signé par lui et par son associé. Peter Ermen était rassuré en le paraphant ce matin. 
L’argent n’a pas d’odeur.
 Tant pis pour les esclaves des plantations du Sud.
Engels voit le document disparaître dans la poche de Dressner. Sa mère est immobile. Ses oiseaux sont figés. Et l’équation de Fourier lui revient à l’esprit, celle qu’il crachait l’été à la face des bourgeois, avec les deux sœurs au bras : deux vices font une vertu. Mary est morte si vite. Le coton le dégoûte. L’argent le dégoûte. Mais c’est un mal nécessaire pour la cause.

Le portrait de Marx (appelé le Maure) lors d’un repas chez Engels

– Je ne sais pas, répond le Maure en s’essuyant les lèvres. La peau de son ventre est tendu. Il a trop mangé. Il ne s’est pas retenu. Il en est incapable. Il a fallu qu’il dévore, tout, très vite comme s’il s’agissait du dernier repas de sa vie.
(Et la fin de la discussion)
-Que faire ? Demande Engels.
– Il faut que je voie avec les autres, ces crétins de choristes, les syndicalistes du Lancashire : Swingkhurst, Mowley et d’autres. 
– Et moi ?
– Toi Engels ? Tu finances ! Débrouille-toi pour trouver de l’argent. Il faudra plus d’argent. Beaucoup plus.

Le pacte sur Le dos de l’enfant illégitime de Karl Marx

. J’ai passé un pacte avec mon frère.
– un pacte ?
– Nous avons passé un accord pour les deux. Si l’existence de ce bâtard était révélé ce serait l’image de mon mari qui serait atteinte. 
Engels acquiesce, sans l’interrompre. 
Elle revient sur ce dîner avec son frère.
 C’était il y a quelques semaines, juste avant qu’ils ne débarquent ici, à Manchester, en famille. Ferdinand avait retrouvé Freddy.
 – Ferdinand est un homme intelligent. Au nom des Westfalen, il a accepté de ne rien dire de l’existence de cet enfant. Pour l’image de notre famille. Pour ma réputation. Il a renoncé ainsi à l’idée de nuire à Carl. Tu sais comme il le hait. Cela n’est pas nouveau. Cette histoire aurais pu lui causer du tort. L’enfant caché de Karl Marx. Son fils caché. Avec la bonne !
. Nous nous sommes mis d’accord, mon frère et moi. Je me suis engagée. Plus d’appel à la grève. Plus de drapeau rouge. Plus de menaces sur Londres ou Berlin ou je ne sais où. J’ai promis qu’il regagnerait son cabinet et se contenterait d’écrire. C’est pour ça que mon frère vous a fait suivre.

Je ne savais pas ça :

Comme des milliers des Irlandais, son oncle s’est engagé comme soldat puis sergent dans l’armée Yankee. Il a suivi les troupes nordistes tout le long de la guerre. Il a cru qu’à l’issue il aurait des terres, lui aussi. De bonnes terres prises aux ennemis sudistes. C’est ce qu’avait promis les colonels, les généraux et surtout le président. Le Nord l’a emporté le Nord a libéré les esclaves. Le Nord a remercié les engagés volontaires pour tout le sang versé. Puis les terres ont été remises aux anciens propriétaires, aux partisans des sudistes. Le Nord a offert quarante acres et une mule a quelques esclave affranchis. Il a offert quarante acres et une mule à ces milliers de conscrits, engagé malgré eux. Et quand il n’y a plus de mule, il a dit à tous les autres, les volontaires, les Irlandais, d’aller se faire foutre.

 

Édition 10/18. Traduit du tchèque Joseph Gagnaire

 

Je dois la découverte de cet auteur à Patrice et, comme lui, depuis, j’ai très envie de lire d’autres livres de cet auteur, pourquoi pas « Voyage vers le Nord » . Ce petit livre sur les amoureux des jardins est un petit concentré d’humour. Dès la première phrase, j’ai souri et je savais que je le lirai jusqu’au bout :

Il y a cent manières de créer un jardin : la meilleure est encore de prendre un jardinier

Ecrit en 1929, ce conseil me encore va très bien, derrière tout beau jardin bien fleuri se cache un jardinier compétent (ce que je ne suis pas) et qui doit passer cent pour cent de son temps libre à travailler la terre. J’adore les fleurs mais je déteste les cultiver. Pourtant, quelle merveille quand les roses s’éveillent et parfument l’entrée de la maison ! Dans ce petit livre, écrit comme un almanach, chaque mois, l’auteur précise les différentes tâches qui attendent tout bon jardinier. Tout cela est raconté avec un humour délicieux. Mais j’avoue que l’accumulation des noms de fleurs et de plantes a fini par me lasser. Karel Čapek aime le comique d’accumulation et cela m’a semblé un procédé trop répétitif. Surtout ne vous arrêtez pas à ce bémol, car dans l’ensemble vous trouverez que le jardinier de 1929 a beaucoup de points communs avec celui de 2020 . Et jamais, au grand jamais, vous n’accepterez de surveiller le jardin d’un ami qui part au mois d’août en vacances. Ce « presque rien que vous aurez à faire » peut se terminer par une vraie galère tous les jours. Le jardinier de 1929 écrivait une lettre par jour pour s’inquiéter de l’état de son cher jardin et donner ses précieux conseils, je vous laisse imaginer ce que le jardinier d’aujourd’hui ferait avec son téléphone portable grâce Facebook, Whatsapp et autres façon de s’inquiéter de ses trop chères petites plantes…

 

quelques photos prises dans un jardin au printemps 2020 (celui où le confinement a permis d’admirer l’arrivée des fleurs)  :

 

 

Citations

 

Tellement vrai

Vous verrez, au bout d’une quinzaine, sortir de la mauvaise herbe au lieu de gazon. C’est un des mystères de la nature que les mauvaises herbes les plus luxuriantes et les plus vivaces naissent toujours des meilleures semences de gazon : qui sait s’il ne faudrait pas semer de la graine de mauvaises herbes quand on veut avoir de beau gazon ? Trois semaines après, votre pelouse est abondamment couverte de chardons drus et autres saletés rampantes ou enracinées dans le sol, quand vous voulez les arracher, ou bien elles se cassent juste à la racine, ou bien elles emportent toute une motte de terre. Ainsi vont les choses : 
plus une saleté est nuisible, plus elle a de vitalité. 

Se souvenir que ce livre a été écrit en 1930 et non en 2021 !

 Quiconque devient jardinier recherche avec complaisance les « Vieux Chroniqueurs » . Ce sont des personnes d’un certain âge et passablement distantes qui disent chaque printemps , qu’elles n’ont pas souvenir d’avoir jamais vu un temps pareil . S’il fait froid, elles proclament qu’elles ne se souviennent pas d’un printemps aussi froid. « Une fois, il y a de ça soixante ans, il a fait si chaud que les violettes fleurirent à la Chandeleur ». Par contre si le temps est légèrement plus chaud, les chroniqueurs soutiennent n’avoir aucun souvenir d’un printemps aussi chaud. « Une fois, il y a de ça soixante, nous circulâmes en train en traîneau à la Saint-Joseph ». Bref, les chroniqueurs eux aussi témoigne qu’en ce qui concerne le temps, notre pays a toujours été soumis à un arbitraire effréné et qu’il n’y a pas à aller contre.

 

Genre d’énumérations drôle mais hélas trop fréquentes

Cultiver la terre, c’est d’une part bêcher, creuser, retourner, fouiller, ameublir, aplanir, niveler et faire des ondulations, et d’autre part, s’occuper des ingrédients. Aucun pudding au monde ne peut-être de composition plus compliquée que la terre de jardin. Autant que je puisse savoir, on y met du fumier, de l’engrais, du guano, des feuilles pourries, de la terre de gazon, de la terre arable, du sable, de la paille, de la chaux (de la farine pour les enfants), du salpêtre, des phosphates, de la bouse, de la cendre, de la tourbe, de l’eau de la bière, des culots de pipe, des allumettes brûlées, des chats crevés et beaucoup d’autres substances. Tout cela se mélange, s’enfuit et se répand ; comme je l’ai dit, le jardinier n’est pas un homme qui respire les roses, mais un homme qui est poursuivi par l’idée que « cette terre voudrait encore un peu de chaux », ou bien « qu’elle est lourde, comme du plomb, dit le jardinier, et qu’elle voudrait un peu de sable ».

Le jardinier et la propriété

Quiconque a un jardin devient inéluctablement un défenseur de la propriété, et alors, ce n’est pas un rosier qui pousse dans ce jardin, c’est « son » rosier. L’homme qui est propriétaire prend conscience d’une certaine solidarité qui le lie à son prochain, par exemple en ce qui concerne le temps, il se met à dire : « Nous aurions besoin d’une bonne pluie » ou « Nous avons été bien arrosés ». D’autre part, il devient en quelque sorte fortement exclusif. Il trouve que les arbustes des voisins ne sont que du bois de fagot, à la différence des siens propres ;.ou bien il constate que tel cognassier viendrait bien mieux dans son jardin que dans celui de son voisin, etc. Il est donc vrai que la propriété privée suscite certains intérêts collectifs, certains intérêts de classe, par exemple en ce qui concerne le temps, mais il est non moins vrai qu’ elle excite à l’extrême de forts instincts d’égoïsme, d’initiatives et de possession. Il ne fait pas de doute que les hommes n’aillent au combat pour défendre leur idée, mais ils iraient avec plus de zèle encore et plus de férocité pour défendre leur jardin. Un homme qui possède quelques arpents de terre et qui cultive quelque chose devient, en vérité, un être conservateur car il est assujetti à des lois naturelles millénaires. On aura beau faire, aucune révolution n’accéléra la germination ni ne fera fleurir les lilas avant le mois de mai, cette leçon rend l’homme plus sage et fait qu’il se soumet aux lois et aux coutumes.

Édition Actes Sud Jacqueline Chambon . Traduit de l’anglais(États-Unis) par Gaëlle Rey

 

Aifelle m’a donné envie de découvrir cette auteure à travers un autre titre « Dans la course » , un des commentaires parlait de ce roman que j’ai donc lu. J’ai cherché dans la campagne bretonne ce qui pouvait évoquer l’Amazonie pour faire ma photo, j’ai eu un peu de mal ! mais vous avez quand même l’eau et les herbes.

Si par hasard vous avez envie d’aller en Amazonie (ce qui n’est pas mon cas) lisez ce roman avant pour avoir une idée de ce que vous pourrez y trouver. Entre les moustiques tueurs, les serpents, les plantes toxiques voire mortelles, la chaleur gorgée d’humidité, se cachent des tribus indiennes certaines sympathiques d’autre pas. L’horreur absolue ! Dans cet enfer une jeune scientifique part à la recherche d’une spécialiste des médicaments pour avoir des explications sur la mort de leur collègue qui était déjà parti à la recherche de cette spécialiste. Pour ne pas attraper la malaria, elle prend des médicaments qui lui donnent des cauchemars abominables, ce qui permet à l’auteure de nous faire comprendre son passé. Son père était Indien (de l’Indes) et sa mère du Minnesota. Elle a peu connu son père qui s’est séparé de sa mère pour vivre en Indes et y a refait sa vie. Ce n’est pas du tout le thème principal du roman, même si cela explique sans doute une part du caractère de Marina Singh. Ce roman raconte comment des chercheurs essaient de trouver de nouveaux médicaments dans la jungle amazonienne si riche en biodiversité. Il y a du suspens autour de la mort d’Anders Eckman, dont je ne peux rien dire sans me mettre à dos toutes les anti-divulgâcheuses. En revanche, je peux vous parler de la très antipathique Dr Swenson employée par le même laboratoire que Marina et Anders pour trouver un médicament qui permettrait d’allonger la période de fertilité des femmes. Les femmes indiennes qui accueillent ces scientifiques ne connaissent, en effet, pas de perte de fertilité durant toute leur vie. C’est bien là le but des recherches pour lesquelles le Dr Swenson est rémunéré, mais si elle ne donne pas les résultats de ses recherches, c’est qu’elle veut, avant, trouver un médicament efficace contre la malaria. Elle sait que ce médicament ne sera pas financé par son laboratoire car il n’intéressera pas les femmes américaines. On peut reconnaître les débats actuels sur les médicaments chers (remdesivir) et ceux qui ne coutent rien (l’hydroxychloroquine).

Les histoires d’amour compliquées de Marina, son attachement à un petit enfant indien ne m’ont pas du tout passionnée. En revanche la course aux médicaments et les descriptions de la vie en Amazonie m’ont beaucoup marquée. Si j’ai des réserves sur ce roman, c’est parce qu’aucun personnage n’est vraiment sympathique. J’ai besoin de me sentir bien avec les personnages et entre le Dr Swenson en grand patron détestable et méprisant tout le monde et les amours de Marina, je n’étais bien avec personne. En plus, j’étais plongée dans l’univers – très bien décrit- que je déteste le plus au monde (sans y être jamais allée !)  : la forêt amazonienne.

Citations

 

Une belle lettre d’amour du Dr Ekman

Tous les jours ou presque, j’ai mal à la tête et j’ai peur qu’un de ces minuscules animaux d’Amazonie ne soit en train de creuser un trou de ses dents pour atteindre mon cortex cérébral, et la seule chose au monde que je désire, la seule chose qui donnerait du sens ou de la légitimité à mon existence, serait de pouvoir poser ma tête sur tes genoux. Tu passerais ta main dans mes cheveux, je sais que tu me ferais pour moi. Tel est ton courage, telle est ma chance.

L’arrivée au Brésil

À l’extérieur, l’air était si épais que l’on aurait pu mordre dedans et en mastiquer un morceau. Jamais les poumons de Marina n’avait inhalé tant d’oxygène, tant d’humidité. À chaque inspiration, elle avait l’impression d’emmagasiner dans son corps d’invisibles particules florales, et que de minuscules spores s’installaient entre les cils vibratiles de ses organes pour y prendre racine. Un insecte frôla son oreille dans un bourdonnement si perçant que la tête de Marina bascula en arrière comme si elle avait reçu un coup. Un autre insecte lui mordit la joue tandis qu’elle levait la main pour chasser le premier. Il n’était pas dans la jungle, mais dans un parking. L’espace d’un instant, des éclairs de chaleur illuminèrent un banc de nuages menaçant a des kilomètres au sud avant de les ramener dans la pénombre.

L’horreur absolue pour moi

À la tombée de la nuit, les insectes les assaillirent par nuées. Carapaces dures et souples, mordeurs et piqueurs, grésillant, vrombissant et bourdonnant : tous, jusqu’au dernier, déployèrent leurs ailes de papier et vinrent percuter avec une rage folle les yeux, la bouche et le nez des trois seuls êtres humains qu’il purent trouver. (…) « Le Dr Rapp disait que le travail des entomologiste était facile, dit le Dr Swenson en tournant le dos à l’assaut des insectes. Ils n’avaient qu’à allumer une lumière et tous les spécimens accouraient. »

En période où l’on conteste les recherches en médecine lire de tels faits fait froid dans le dos

Étude clinique mener à Tuskege, en Alabama, de 1932 à 1972, par des médecins américain qui étudièrent l’évolution de la syphilis sur des participants auxquels ils refusaient de donner un traitement curatif pour pouvoir continuer leur recherche.

 

Édition Robert Laffont

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’ai commencé ce roman avec un grand plaisir qui s’est émoussé au fil des pages. Deux trames romanesques s’entrecroisent : celle qui décrit François-René de Chateaubriand qui connaît la dure loi de l’immigration et de la misère en Angleterre pour échapper à l’échafaud, et le père du narrateur, grand universitaire parisien qui, à la fin de sa vie, a voulu retrouver, pour en faire un livre, toutes les femmes aimées par ce grand romantique dont une « petite sonneuse de cloches » de l’abbaye de Westmisnter qui a réveillé d’un baiser Chateaubriand presque mort de froid et de faim et qui, pour ce haut fait, mérite une ligne dans ses mémoires. Le narrateur part donc à la recherche dans les documents d’archives de cette inconnue, il est,alors, entraîné dans une histoire fantastique où François-René joue encore un rôle. Je ne peux en dire plus, car je ménage toutes celles et tous ceux qui aiment le suspens et ne veulent pas savoir la fin des romans avant de la commencer – contrairement à moi !

Le charme du roman vient de l’humour que Jerôme Atttal manie avec finesse et légèreté. Tous les chapitres concernant la vie des émigrés à Londres sont à la fois instructifs et assez cocasses. Ces gens sans argent et qui ne savent rien faire ont dû beaucoup amuser les Britanniques qui comme le dit un des personnages semblent faire « du travail une valeur » . La partie sur la vie moderne est aussi pleine d’observations assez amusantes, entre son père grand universitaire qui se battrait bien en duel sur l’oeuvre de Marguerite Duras et qui écrit des livres que seules des étudiantes amoureuses du grand professeur sont capables de lire. Mais au bout de la moitié du roman, je me suis un peu ennuyée et je dois avouer que j’ai plus parcouru ce livre que réellement lu. Je pense que des lectrrices ou lecteurs plus attentifs que moi pourront en donner une bien meilleure impression.

 

Citations

 

Le dentiste de Londres

Pour l’heure, François René repère l’enseigne de fer et de plomb clouée à l’une des façades de Shelton Street et dont l’inscription, « Le Gentil dentiste », tient lieu d’anesthésie locale pour les patients les plus rétifs (…)
 Quand François René pénètre dans la pièce qui fait office de cabinet, il est frappé par la nudité du lieu. Un parquet aussi vaste que le pont d’un navire, flanqué de deux baquets : l’un destiné à recevoir les dents, l’autre empli à moitié d’une eau troublée de crachats. Contre l’un des murs, un établi sur lequel s’entasse un assortiment d’ustensiles : pinces plus ou moins tordues, tenaille, crochets, forceps coupants, clés de porte et pelote de ficelle. Un flacon d’eau-de-vie accouplé à un gobelet trône en évidence au milieu des instruments sans qu’on puisse déterminer si ce remède et à la jouissance du praticien ou du patient..

le père du narrateur

Sur son temps libre, Joe J. écrivait des livres énormes qui se vendaient peu sans qu’il en conçoivent amertume ni rancœur. Il expliquait ne pas vouloir être tributaire de l’actualité, affirmant que ce qui différencie les grands écrivains des grands criminels réside dans le fait que les premiers ne sont jamais aptes à être jugés par leur époque.

Discussion entre émigrés de la noblesse française

Une fille qui te donne spontanément un baiser ? questionne dans le vide Hingant incrédule. Je n’ai jamais rencontré une telle personne de toute mon existence. Il faut toujours les séduire. Ou les forcer. Ou les épouser. Ou les trois à la fois.

La beauté Féminine

Il fixe avec dégoût l’idiote teinture brune appliquée à ses beaux cheveux blonds. Le caprice, qui en toute chose permet à une jolie fille de choisir une direction opposée à sa nature sur un simple coup de tête, blesse éperdument son cœur.

Édition stock

J’ai lu, sans le chroniquer, « Soudain seuls » de cette écrivaine que je retrouve avec un plaisir de lecture mitigé. Le roman est certes, très bien construit : Iouri brillant chercheur américain qui a passé sa jeunesse en URSS (qui n’était pas encore redevenue la Russie), vient voir son père qui est sur son lit de mort. Rubin, son père a été un véritable tortionnaire afin d’inculquer à son fils les seules valeurs qu’un homme soviétique doit transmettre à son fils : la violence – s’en servir pour ne pas avoir à la subir. Son père, sur son lit de mort, lui demande de partir à la recherche de Klara, sa mère qui a été déportée lors des purges staliniennes. Le roman est construit sur des allées et retour entre le monde d’aujourd’hui et les souvenirs du passé. Nous y trouvons tous les ingrédients classiques des romans se situant dans le monde soviétique. Une mère déportée pour ne pas avoir dénoncé un supérieur juif, un mari lâche qui a essayé de survivre, des hommes violents et alcooliques, la honte de l’homosexualité. Tout cela est bien raconté, la partie la plus intéressante concerne la pêche industrielle, Isabelle Autissier connaît bien la mer et n’a aucun mal à imaginer la violence des rapports entre les marins pêcheurs.
Mais alors pourquoi est ce que je manque d’enthousiasme ? Je trouve que les personnages manquent totalement d’humanité. Le père ultra violent, Rubin, s’est marié avec une femme qui semble là uniquement pour le décor. Iouri ne rencontrera de l’affection qu’auprès d’une femme que son père a violé mais qui finira par s’attacher à lui. C’est un monde d’une cruauté extrême mais quand même crédible. La dernière citation explique ce que j’ai éprouvé oui, c’est une histoire crédible, oui, l’auteure s’est bien renseignée sur ce qui pouvait se passer à cette époque en URSS mais on a l’impression que la famille de Iouri est une éventualité mais n’est pas réelle. Je crois que je préfère lire des témoignages ou des romans d’écrivains qui ont connu ce monde-là.

 

Citations

Le ressort du roman

 Devait-il s’honorer d’avoir pour aïeul cette femme qui avait fait basculer le roman familiale ? Au nom de quoi cette trace indélébile avait-elle été infligée, bouleversant la vie de son père et la sienne ?
Robin resta longtemps silencieux. Puis sembla puiser dans une dernière réserve d’énergie. 
– Je n’ai jamais su. Jamais pu savoir. Et …
Sa voix passa dans un étrange registre, presque enfantin.
Pour un homme dont l’audace avait guidé la vie et qui avait tenté de l’imposer à coups de ceinture à son fils, l’aveu était aussi imprévu qu’incongru. 
Iouri ressentit un vertige. Il savait d’avance ce que son père allait lui demander. Il ne pourrait pas refuser, mais tout, en lui, se dressait contre cette perspective. Il n’aurait jamais dû venir. Rubin le piégeait une dernière fois. Malgré son impossible caractère et sa violence, il devenait une victime qu’il fallait secourir. Iouri s’arc-bouta mentalement pour refuser la proposition qu’il sentait poindre. Mais il y avait Klara, sa grand-mère, il et ce récit qui ne pourrait plus jamais ignorer, un fétu dans le tourbillon de l’Histoire, mais une poutre pour sa propre famille, un nom dans la litanie des sacrifiés, mais le nom qu’il portait. Le regard bleu pâle de Rubin se planta dans ses yeux. 
-Tu dois trouver. Vite, avant que je crève. Au moins que je sache. 
Enfin il lâcha l’inconcevable. 
-Je t’en prie.

La pêche et la souffrance des mousses

À peine le cul du chalut était-il ouvert qu’une marée de bêtes luisantes submergeait le pont, dans un grand chuintement d’écailles. Une masse indistincte s’agitait en tous sens, haletait,se débattait dans un sursaut atavique. Les poissons glissaient les uns sur les autres et s’enchevêtraient. Les queues battaient désespérément, les yeux exorbités, les gueules asphyxiées s’écartelaient, les corps s’arquaient, fouettaient l’air, se tordaient.L’urgences vitales saisissait chaque animal dans un affolement tardif. Les hommes, eux, n’en n’avez cure. Selon un balai bien établi, ils se précipitaient sur les poissons les plus nobles : morues, rares turbots, aiglefin ou perches dorées, hurlant qu’on leur apporte des caisses pour jeter les prises. Les mousses s’activaient, fendant parfois jusqu’aux cuisses la masse grouillante ressemblant à des centaures marin. Puis il leur fallait tirer les caisses alourdies jusqu’au tapis roulant qui convoyait les animaux vers les tables de dépeçage, à l’intérieur. La tâche était rude. Les jeunes, parfois déséquilibrés par une vague, dérapaient sur le mucus. Si la caisse se renversait, il récoltait un torrent d’injures de Serikov ou un coup de pied qui les envoyait la tête la première dans la masse grouillante. Ils aidaient aussi au tri, poussant par-dessus bord les innombrables animalcules raclés en même temps que les poissons comestibles, petits crustacé, méduses, hippocampes, coquillages, bestioles écrasées dans la bataille. Puis ils manœuvraient les lourds manches à eau pour nettoyer le pont.

La famille de Iouri

Il en savait assez pour se représenter les personnages de sa légende familiale : une grand-mère énergique et sensible jusqu’à l’imprudence ; un grand-père aimant , mais faible et veule ; un père tenu de se battre dont la brutalité avait dévoré la vie, une mère inexistante qui s’était dévolue aux objets, puisque les être la des sauvé. Et au final lui, Youri, dont l’enfance avait été imprégnée de ces espoirs, de ces combats, de ces renoncements. Un destin identique à celui de millions de famille tourmentée par les soubresauts de l’histoire, qui cachaient un cadavre dans le placard, croyant ainsi se faciliter la vie.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Grasset

Je sais que cette écrivaine ravit Dominique et qu’elle a bien aimé ce roman ; pour ma part, j’ai beaucoup de réserves. Je le dis en avant propos, j’ai du mal avec les romans ayant pour objet le retour à la nature sauvage et sans doute encore plus aujourd’hui où il est de bon ton de ne parler que de ça. Je suis gênée, aussi, par le style et le propos du livre. Claudie Hunziger aime l’accumulation des phrases courtes, sans verbe, parfois réduite à un seul mot. Moi, moins. J’aime bien les phrases où je sens la pensée se construire avec des hésitations et des retours sur soi. Pour cela il faut douter, et l’auteure ne doute pas, elle sait qu’elle est du bon côté celui des animaux et tous les autres sont des assassins de la pire espèce. (On est bien loin du roman, d’Olag Tokarczuk qui pourtant défend la même cause). Elle construit son roman comme une œuvre de la nature, il faut du temps pour construire une harde de Cerfs il en faut aussi pour écrire son roman. La narratrice se fond dans sa forêt au service d’une cause. Celle de défendre ces superbes animaux :

 

Dans les Vosges, le cerf n’a plus de prédateur naturel, les forestiers estiment qu’ils sont en surnombre et abîment les arbres. L’ONF prend donc la décision d’en appeler aux chasseurs pour diviser par quatre la population de cervidés. C’est là que se situe ce roman : est-ce que cette décision ne fait pas trop la part belle aux seuls exploitants forestiers ? Est-ce que l’on tient compte du bien être animal et de la beauté de la nature ? Vous devinez les réponses de l’auteure qui voit même une collusion de l’ONF avec la boucherie qui vend la viande de cerf.

Il y a de très beaux passages dans ce roman auxquels, j’en suis certaine, toutes celles et tous ceux qui aiment les évocations de la nature seront sensibles. Et depuis que j’ai écrit ce billet j’ai lu le billet de Keisha beaucoup plus séduite que moi.

 

Citations

Genre de passage qui m’agace

Il était temps de passer à mon premier affût. Chacun une aventure. 
Les phrases aussi, chacune une aventure.

De combien de morts est responsable l’homme qui fait tant pleurer son ami ?

C‘était l’été de la première sécheresse, et celle-ci s’était conclue par la mort de Mao. À son annonce, je le vois encore s’écrouler sous un arbre du verger, gisant face contre terre, et je crois bien qu’il pleurait, soudain orphelin, tandis que les petites mirabelles des Hautes-Huttes précocement mûres, le bombardaient d’une pluie d’or.

Mélange évolution de la nature et création d’un livre

La repousse peut atteindre un centimètre par nuit. 
La tige d’une ronce peut, elle, bondir de cinq centimètres la même nuit.
Une ruche, pesée le matin, repesée le soir, peut avoir pris un kilo de miel. 
Tôt le matin, quand on surprend les aubépiniers sortant en fleur de la nuit, gonflés d’humidité, on ne sait pas tout de suite si on voit des cumulo-nimbus d’orage ou des amas de vaches aux mufles blancs. 
En une semaine, les cerfs ont allongé de dix centimètres. Mon livre, de quelques pages.

Je ne savais pas ça

(Remarquez les phrases réduites aux mots que je n’aime pas beaucoup.)

C’est à la mi-juillet exactement que les cerfs se mettent à « frayer », c’est-à-dire à fracturer l’enveloppe de velours qui enrobe leurs bois solidifiés. Quand elle sèche , on dirait qu’elle les brûle comme une tunique de Nessus, et que fou de douleur ils cognent leur bois contre les arbres, allant au même arbre chaque année. Et cette peau velue , brisée, ensuite, il la mange. Oui, il mange les lambeaux de ce velours sanguinolent qu’ils se sont fendus et qui pend devant leurs yeux. Impossible d’en trouver des débris, ils les font disparaître. J’ai beaucoup cherché sur les troncs blessés, dégoulinant de résine.. Pas un petit bout resté collé. Pas un indice traînant sous un buisson. On dirait que c’est hautement réservé. Animal. Interdit. Pour initié. Un moment de métamorphose sanglante. Nocturne et bref.
(PS je ne comprends pas ce « qu’ils se sont fendus » est ce qu’il faut lire « qu’ils ont fendu » )