Édition stock

J’ai lu, sans le chroniquer, « Soudain seuls » de cette écrivaine que je retrouve avec un plaisir de lecture mitigé. Le roman est certes, très bien construit : Iouri brillant chercheur américain qui a passé sa jeunesse en URSS (qui n’était pas encore redevenue la Russie), vient voir son père qui est sur son lit de mort. Rubin, son père a été un véritable tortionnaire afin d’inculquer à son fils les seules valeurs qu’un homme soviétique doit transmettre à son fils : la violence – s’en servir pour ne pas avoir à la subir. Son père, sur son lit de mort, lui demande de partir à la recherche de Klara, sa mère qui a été déportée lors des purges staliniennes. Le roman est construit sur des allées et retour entre le monde d’aujourd’hui et les souvenirs du passé. Nous y trouvons tous les ingrédients classiques des romans se situant dans le monde soviétique. Une mère déportée pour ne pas avoir dénoncé un supérieur juif, un mari lâche qui a essayé de survivre, des hommes violents et alcooliques, la honte de l’homosexualité. Tout cela est bien raconté, la partie la plus intéressante concerne la pêche industrielle, Isabelle Autissier connaît bien la mer et n’a aucun mal à imaginer la violence des rapports entre les marins pêcheurs.
Mais alors pourquoi est ce que je manque d’enthousiasme ? Je trouve que les personnages manquent totalement d’humanité. Le père ultra violent, Rubin, s’est marié avec une femme qui semble là uniquement pour le décor. Iouri ne rencontrera de l’affection qu’auprès d’une femme que son père a violé mais qui finira par s’attacher à lui. C’est un monde d’une cruauté extrême mais quand même crédible. La dernière citation explique ce que j’ai éprouvé oui, c’est une histoire crédible, oui, l’auteure s’est bien renseignée sur ce qui pouvait se passer à cette époque en URSS mais on a l’impression que la famille de Iouri est une éventualité mais n’est pas réelle. Je crois que je préfère lire des témoignages ou des romans d’écrivains qui ont connu ce monde-là.

 

Citations

Le ressort du roman

 Devait-il s’honorer d’avoir pour aïeul cette femme qui avait fait basculer le roman familiale ? Au nom de quoi cette trace indélébile avait-elle été infligée, bouleversant la vie de son père et la sienne ?
Robin resta longtemps silencieux. Puis sembla puiser dans une dernière réserve d’énergie. 
– Je n’ai jamais su. Jamais pu savoir. Et …
Sa voix passa dans un étrange registre, presque enfantin.
Pour un homme dont l’audace avait guidé la vie et qui avait tenté de l’imposer à coups de ceinture à son fils, l’aveu était aussi imprévu qu’incongru. 
Iouri ressentit un vertige. Il savait d’avance ce que son père allait lui demander. Il ne pourrait pas refuser, mais tout, en lui, se dressait contre cette perspective. Il n’aurait jamais dû venir. Rubin le piégeait une dernière fois. Malgré son impossible caractère et sa violence, il devenait une victime qu’il fallait secourir. Iouri s’arc-bouta mentalement pour refuser la proposition qu’il sentait poindre. Mais il y avait Klara, sa grand-mère, il et ce récit qui ne pourrait plus jamais ignorer, un fétu dans le tourbillon de l’Histoire, mais une poutre pour sa propre famille, un nom dans la litanie des sacrifiés, mais le nom qu’il portait. Le regard bleu pâle de Rubin se planta dans ses yeux. 
-Tu dois trouver. Vite, avant que je crève. Au moins que je sache. 
Enfin il lâcha l’inconcevable. 
-Je t’en prie.

La pêche et la souffrance des mousses

À peine le cul du chalut était-il ouvert qu’une marée de bêtes luisantes submergeait le pont, dans un grand chuintement d’écailles. Une masse indistincte s’agitait en tous sens, haletait,se débattait dans un sursaut atavique. Les poissons glissaient les uns sur les autres et s’enchevêtraient. Les queues battaient désespérément, les yeux exorbités, les gueules asphyxiées s’écartelaient, les corps s’arquaient, fouettaient l’air, se tordaient.L’urgences vitales saisissait chaque animal dans un affolement tardif. Les hommes, eux, n’en n’avez cure. Selon un balai bien établi, ils se précipitaient sur les poissons les plus nobles : morues, rares turbots, aiglefin ou perches dorées, hurlant qu’on leur apporte des caisses pour jeter les prises. Les mousses s’activaient, fendant parfois jusqu’aux cuisses la masse grouillante ressemblant à des centaures marin. Puis il leur fallait tirer les caisses alourdies jusqu’au tapis roulant qui convoyait les animaux vers les tables de dépeçage, à l’intérieur. La tâche était rude. Les jeunes, parfois déséquilibrés par une vague, dérapaient sur le mucus. Si la caisse se renversait, il récoltait un torrent d’injures de Serikov ou un coup de pied qui les envoyait la tête la première dans la masse grouillante. Ils aidaient aussi au tri, poussant par-dessus bord les innombrables animalcules raclés en même temps que les poissons comestibles, petits crustacé, méduses, hippocampes, coquillages, bestioles écrasées dans la bataille. Puis ils manœuvraient les lourds manches à eau pour nettoyer le pont.

La famille de Iouri

Il en savait assez pour se représenter les personnages de sa légende familiale : une grand-mère énergique et sensible jusqu’à l’imprudence ; un grand-père aimant , mais faible et veule ; un père tenu de se battre dont la brutalité avait dévoré la vie, une mère inexistante qui s’était dévolue aux objets, puisque les être la des sauvé. Et au final lui, Youri, dont l’enfance avait été imprégnée de ces espoirs, de ces combats, de ces renoncements. Un destin identique à celui de millions de famille tourmentée par les soubresauts de l’histoire, qui cachaient un cadavre dans le placard, croyant ainsi se faciliter la vie.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Grasset

Je sais que cette écrivaine ravit Dominique et qu’elle a bien aimé ce roman ; pour ma part, j’ai beaucoup de réserves. Je le dis en avant propos, j’ai du mal avec les romans ayant pour objet le retour à la nature sauvage et sans doute encore plus aujourd’hui où il est de bon ton de ne parler que de ça. Je suis gênée, aussi, par le style et le propos du livre. Claudie Hunziger aime l’accumulation des phrases courtes, sans verbe, parfois réduite à un seul mot. Moi, moins. J’aime bien les phrases où je sens la pensée se construire avec des hésitations et des retours sur soi. Pour cela il faut douter, et l’auteure ne doute pas, elle sait qu’elle est du bon côté celui des animaux et tous les autres sont des assassins de la pire espèce. (On est bien loin du roman, d’Olag Tokarczuk qui pourtant défend la même cause). Elle construit son roman comme une œuvre de la nature, il faut du temps pour construire une harde de Cerfs il en faut aussi pour écrire son roman. La narratrice se fond dans sa forêt au service d’une cause. Celle de défendre ces superbes animaux :

 

Dans les Vosges, le cerf n’a plus de prédateur naturel, les forestiers estiment qu’ils sont en surnombre et abîment les arbres. L’ONF prend donc la décision d’en appeler aux chasseurs pour diviser par quatre la population de cervidés. C’est là que se situe ce roman : est-ce que cette décision ne fait pas trop la part belle aux seuls exploitants forestiers ? Est-ce que l’on tient compte du bien être animal et de la beauté de la nature ? Vous devinez les réponses de l’auteure qui voit même une collusion de l’ONF avec la boucherie qui vend la viande de cerf.

Il y a de très beaux passages dans ce roman auxquels, j’en suis certaine, toutes celles et tous ceux qui aiment les évocations de la nature seront sensibles. Et depuis que j’ai écrit ce billet j’ai lu le billet de Keisha beaucoup plus séduite que moi.

 

Citations

Genre de passage qui m’agace

Il était temps de passer à mon premier affût. Chacun une aventure. 
Les phrases aussi, chacune une aventure.

De combien de morts est responsable l’homme qui fait tant pleurer son ami ?

C‘était l’été de la première sécheresse, et celle-ci s’était conclue par la mort de Mao. À son annonce, je le vois encore s’écrouler sous un arbre du verger, gisant face contre terre, et je crois bien qu’il pleurait, soudain orphelin, tandis que les petites mirabelles des Hautes-Huttes précocement mûres, le bombardaient d’une pluie d’or.

Mélange évolution de la nature et création d’un livre

La repousse peut atteindre un centimètre par nuit. 
La tige d’une ronce peut, elle, bondir de cinq centimètres la même nuit.
Une ruche, pesée le matin, repesée le soir, peut avoir pris un kilo de miel. 
Tôt le matin, quand on surprend les aubépiniers sortant en fleur de la nuit, gonflés d’humidité, on ne sait pas tout de suite si on voit des cumulo-nimbus d’orage ou des amas de vaches aux mufles blancs. 
En une semaine, les cerfs ont allongé de dix centimètres. Mon livre, de quelques pages.

Je ne savais pas ça

(Remarquez les phrases réduites aux mots que je n’aime pas beaucoup.)

C’est à la mi-juillet exactement que les cerfs se mettent à « frayer », c’est-à-dire à fracturer l’enveloppe de velours qui enrobe leurs bois solidifiés. Quand elle sèche , on dirait qu’elle les brûle comme une tunique de Nessus, et que fou de douleur ils cognent leur bois contre les arbres, allant au même arbre chaque année. Et cette peau velue , brisée, ensuite, il la mange. Oui, il mange les lambeaux de ce velours sanguinolent qu’ils se sont fendus et qui pend devant leurs yeux. Impossible d’en trouver des débris, ils les font disparaître. J’ai beaucoup cherché sur les troncs blessés, dégoulinant de résine.. Pas un petit bout resté collé. Pas un indice traînant sous un buisson. On dirait que c’est hautement réservé. Animal. Interdit. Pour initié. Un moment de métamorphose sanglante. Nocturne et bref.
(PS je ne comprends pas ce « qu’ils se sont fendus » est ce qu’il faut lire « qu’ils ont fendu » )

Après « le ciel par dessus les toits » , et « Les rochers de poudre d’or » , voici ma troisième lecture d’Anna Appanah . Un véritable plaisir au début qui se termine par une déception. Ce roman raconte comment une femme écrivain a élevé seule sa fille Anna. Elle est le fruit d’un amour très fort, si fort que cette jeune femme n’a pas voulu entraver la liberté de son amant en lui annonçant qu’elle était enceinte. Sa fille ne sait rien de cet homme et imagine une rencontre rapide entre sa mère et un géniteur un peu au hasard. Elle a besoin de stabilité et fait un mariage très conventionnel. Pendant ces quelques jours de préparatifs, on sent toutes les tensions entre la mère et la fille. C’est très finement analysé , l’on comprend aussi que cette maman mauricienne mère d’une enfant au visage britannique a été parfois regardée avec curiosité, mais surtout il lui a fallu faire face et être là pour cette petite fille qu’elle aime tant. Elle vit souvent dans ses propres histoires : celles qu’elle a su si bien inventer pour ses lecteurs. Anna sa fille n’a qu’une crainte, que sa mère ne respecte pas les codes de bienséance pour son mariage. Et évidemment, Sonia, sa mère va transgresser : elle éprouvera une attirance irrésistible pour le père de son gendre (qui est divorcé, ce n’est pas totalement glauque !) et sa fille les surprendra dans le même lit ! Et c’est le reproche que j’ai fait à ce roman je n’ai pas réussi à croire qu’une mère aimante soit capable de faire ça sans penser à sa fille, pas ce jour là !

Je vous l’avez dit, cette fin a gâché ma lecture, dommage car jusque là j’étais vraiment bien dans cette fiction avec encore une fois sous la plume de cette écrivaine une grand finesse dans l’analyse des rapports humains.

 

Citations

Rapports mère fille

Anna m’appelle maman. J’aurais aimé qu’elle me donne un petit nom, quelque chose qu’elle aurait inventé pour moi, qui ne serait qu’à moi et si, par hasard, un jour, elle m’appelle alors que j’ai le dos tourné dans une grosse foule, si ce jour-là elle m’appelle à tue-tête de ce nom qu’elle m’aurait donné, je me retournerai, forcément, je saurai. Mais dans une foule, si quelqu’un crie maman, des centaines de femmes se retournent. Anna m’appelle maman, solennellement, gravement. Elle y met de la force, elle articule, elle fait des angles droits à ce mot-là, des falaises abruptes et des rochers affûtés en dessous, elle y met de la distance parfois, de la réprobation souvent. Elle me somme aussi, ai-je quelquefois l’impression, puisque je me raidis à ce mot-là. Une ou deux fois, au lieu de maman j’ai entendu madame et ça m’a rempli le cœur de larmes.

Chagrin d’une mère

Anna, ma fille, s’est éloignée de moi très jeune. Où est-ce moi qui ai fait le premier pas de côté à force d’être penchée sur des livres, de nourrir des familles entières dans la tête, de les aimer, de les faire grandir, de les tuer, de les triturer et à ma guise, peut-être dans ces moments-là, j’étais une mère distante, absente, faite de cendres et de fumée ?

(….)Je me suis dit que peut-être, elle ne m’aimait pas. C’est possible, cela arrive beaucoup plus souvent qu’on le pense, les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents.

Le bouquet du futur gendre

Les lys étaient droits comme des I, équilibre magique, plus rien de la fragilité de la douceur des fleurs, un boa en plumes blanches recouvrait le cou du vase- instrument et dans l’eau flottaient des paillettes blanches. Des jours plus tard, quand les lys se sont fanés et que j’ai essayé de les libérer de cette composition indescriptible , j’ai été saisie d’horreur en découvrant qu’ils étaient traversés par un fil de fer les maintenant jusqu’au pourrissement ultime, droit comme des militaires.

Que de remarques exactes dans ce court extrait

J’ai appris que l’expérience des autres n’a jamais servi à rien. D’ailleurs, on se demande bien si on apprend de sa propre expérience. 
On entend les gens dire des banalités, avoir de l’espoir ridicule, on sait qu’ils vont se casser la gueule sur la routine, que la vie à deux ce n’est pas cela, que les preuves d’amour c’est dans le quotidien, pas dans un nom qu’on porte, que l’amour c’est continuer à pardonner.

 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Traduit de l’espagnol par Vanessia Capieu. Édition du Cherche Midi .

Apres « Une Mère » et « Tout sur mon Chien » je retrouve avec plaisir la plume d’Alejandro Palomas. Bien sûr ce n’est pas un très grand roman, mais c’est un doux moment avec des personnages humains, très humains. Cette histoire raconte les difficultés de Guillermo dit Guille qui doit s’habituer à un nouveau cadre scolaire. Son père ne semble pas très bien le comprendre et sa mère est éloignée du foyer pour quelques mois. L’institutrice et une psychologue scolaire vont essayer de découvrir ce qui se cache derrière ce désir de Guille d’être Mary Poppins plus tard. Même si le lecteur comprend assez vite le secret de la famille, la façon dont l’enfant essaie que tout finisse par aller mieux grâce au mot magique : supercalifragilisticexpialidocious, est très touchante. C’est plein d’humour et on part souvent dans de fausses pistes même si on comprend assez vite l’essentiel. Le roman est raconté selon le point de vue de l’enfant, du père, de l’institutrice et de Maria la psychologue. Si l’intrigue la plus importante est celle qui concerne Guillermo et son père qui réagit trop fort à toutes les envies de son fils de se déguiser en Mary Poppins, le destin de Nazia sa petite voisine fille des épiciers Pakistanais est très bien raconté et ne simplifie pas la tâche du petit garçon. Un bon moment de détente qui m’a fait sourire plus d’une fois.

Citations

Réponses des élèves à la question : « quand je serai grand je veux être … »

Trois footballeurs au Barça, deux à l’Atletico de Madrid, deux à Manchester United et un Iniesta. 
Six Rafael Nadal. 
Deux mannequins super grands et minces. Une princesse (Nazia). 
Un médecin riche.
 Trois Beyoncé. 
Un Batman.
 Un pilote de vaisseau spatial de jeux vidéo. Deux présidents du monde (Les jumeaux Roson).
Une présentatrice célèbre, comme celles qui passent le soir à la télé.
 Un vétérinaire de gros chien. 
Une gagnante de « The Voice kids ». 
Un champion du monde des Jeux Olympiques.

Dialogue où l’on sourit

Pourquoi est-ce que tu voudrais être Mary Poppins ?
 Parce qu’elle sait voler. 
La maîtresse a fait, puis elle s’est un peu gratter le front.
– Mais les oiseaux savent aussi voler non ?
-Oui. 
– Mais tu n’as pas envie d’être un oiseau n’est-ce pas ? 
-Non. 
-Pourquoi ? 
-Ben… Parce que si j’étais un oiseau, je ne pourrai pas être Mary Poppins.

Le regard d’enfant

Un jour, maman m’a dit que si M. Emilio est toujours de mauvaise humeur c’est parce que sa femme est partie en vacances avec leur fille et qu’elle n’est jamais revenue. Elle a dû oublier, ou je ne sais plus quoi, mais avec moi il est toujours gentil et depuis que maman n’est plus là, quand il voit papa il lui sert la main très fort et il lui dit : » Content de te voir, « che » !tu tiens le coup ?

Le match de rugby

Et donc hier quand on est arrivés au stade avec papa et les tontons, je suis allé m’asseoir dans les tribunes pour voir le match qui est toujours très long parce que ça dure longtemps.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Seuil

Un essai ? un roman ? ce qui est sûr c’est que cette lecture a été un peu difficile dans le cadre du club de lecture parce qu’il faut l’avaler en quelques jours et que cette oeuvre ne s’y prête guère elle conviendrait mieux à la flânerie littéraire qui permettrait au lecteur de réaliser le vœu de Bernard Chambaz :

Aux morts pour qu’ils vivent. Aux vivants pour qu’ils aiment

Cette citation extraite de l’oeuvre de Joseph Delteil « les poilus », est le fil conducteur de ce roman, les vivants, dans le texte, ils sont deux, les parents de Martin né en 1976 et on peut aussi y rajouter nous, lecteurs et lectrices. Les morts ils sont très nombreux en dehors des deux principaux Jack London mort en 1916 et Martin mort à 16 ans en 1992, il y a aussi la famille quelque peu compliquée de Jack London et tous les écrivains que Bernard Chambaz convoque dans ce voyage qui retrace un itinéraire possible pour mieux connaître l’auteur, entre autre, de Martin Eden . Le livre se divise en chapitres qui sont autant de lieux évoquant la vie du grand écrivain qui, parfois, dialogue avec Martin, et que l’auteur visite avec son épouse. Je pense que si on ne connaît pas l’œuvre de cet auteur extraordinaire qui s’est battu contre tant d’injustices et qui a produit un nombre d’écrits incroyables, on ne peut pas apprécier ce livre. Beaucoup de gens se sont emparés de sa vie car elle se prête aux scandales et aux révélations sulfureuses même sa propre famille y est allée de différentes versions, comme souvent dans ce cas le plus intéressant et sans doute le plus proche de lui est dans ses livres. Je me souviens bien de ma lecture de Martin Eden, c’est un livre que j’ai lu et relu je crois qu’une grande part de lui est dans ce roman. Cela m’a donné envie de relire les livres qui ont enchanté mon enfance comme « l’appel de la forêt » et « Croc blanc » je ne sais pas si les jeunes d’aujourd’hui pourraient être sensibles à ces histoires, eux qui peuvent regarder de si nombreux documentaires animaliers de si grande qualité. Jack London est un écrivain de qualité et un homme privé médiocre, comme le prouve les lettres à ses filles dont l’auteur dit qu’il aurait aimé en faire un grand feu de joie tellement il y apparaît comme mesquin. J’ai retrouvé dans ce livre l’engagement de l’auteur face à la misère du monde capitaliste et la fluctuation de sa pensée politique. C’est souvent le cas lorsqu’un homme connaît la misère populaire, il sait souvent très bien décrire d’où il vient mais quand lui-même atteint un niveau de vie très confortable grâce à ses écrits sa mauvaise conscience le taraude et peut le conduire à des positions paradoxales.

Je ne suis pas enthousiaste pour ce livre, parce que je me suis souvent perdue dans les différents point de vue des chapitres : étions nous avec l’auteur et son amoureuse ? avec leur fils, avec Jack London ? et surtout je n’ai pas compris le dialogue entre Martin et Jack . Est-ce-que cela a enrichi pour l’auteur la connaissance de son fils ? et j’avoue que les constantes allusions aux signes astrologiques me laissent perplexe.

Toutes ces réserves viennent aussi, sans doute, du fait que j’ai lu trop rapidement ce livre pour le rendre au club et avoir l’avis des autres lectrices. et pourtant dans ce livre j’ai lu cette phrase qui me touche beaucoup :

Nous sommes aussi, un peu, les livres que nous avons lus.

 

Citations

 

Une mère au caractère sans tendresse.

Toute sa vie, il restera animé par des sentiments contradictoires, partagé entre l’affection naturelle qu’il porte à sa mère et l’irritation instinctive que ses réactions provoquent (…… )
On garde au fond du cœur des épisodes cuisants auxquels nous donnons, quelquefois, trop de relief. Le plus lancinant quand il y repense n’est pas que sa mère ne lui ait dispensé aucune tendresse, c’est son comportement lors de l’épidémie de diphtérie ou une fièvre carabinée faillit les emporter, sa demi-sœur et lui. Ce jour-là, Flora demanda au médecin si elle pouvait les enterrer dans le même cercueil.

L’enfance de Jack London

Il n’y a pas que les livres dans la vie. Dès ses huit ans, Jack doit gagner sa vie ou plutôt contribuer au budget familial, débitant des pains de glace l’été, balayant les pistes d’un bowling le weekend, livreur de journaux, à pied d’ œuvre pour l’édition du matin et pour l’édition du soir, la nuit noire l’hiver, avant et après la journée d’école où il s’est davantage ennuyé qu’il n’a appris.

Ce qui rend difficile le livre : mélange des époques et des lieux

Icefields Parkway -ou la promenade des Glaciers- longe depuis Jasper la rivière Athabasca. En langue crie, on entend tantôt l’herbe éparse tantôt les roseaux que les champs de glace prodiguent à la saison estivale.

Défense de l’assassin du président Garfield

À son procès, l’assassin ne plaida pas la folie mais la volonté de Dieu dont il était l’instrument, convaincu qu’il serait à ce titre innocenté, assurant sa défense avec des arguments spécieux :  » Ce sont les médecins qui l’ont tué. J’ai seulement tiré . »

Londres en 1900…

Avant même d’arriver au cœur des ténèbres, sa première impression de la capitale mondiale et d’une « abjecte pauvreté » bientôt « sans limite ». Jack est saisie par la vision des vieux et des enfants fouillant les ordures dans la boue. …. 
 Dormir est un méchant casse-tête, que ce soit dans une pièce insalubre où s’entassent plusieurs familles, chez des marchands de sommeil qui louent très cher des lits occupés par roulement, dans des logements exigus, sordides des taudis, des galetas, des tanières, parfois sans fenêtre, presque toujours sans lumière.

Une histoire qui lui servira dans ses nouvelles

Un vieux marin lui rapporte son histoire et le hasard une fois encore fait que c’est une histoire pour Jack. Le vieux avait donc frappé un lieutenant qu’il avait insulté, le lieutenant était tombé à la mer, il avait sauté dans l’eau par réflexe, mais j’aurais mieux fait de nous noyer tous les deux, crois-moi, un canot les avais repêchés, on l’avait traduit devant un tribunal, on lui avait enlevé la Victoria Cross gagnée sur les champs de bataille au bord de la mer Noire pour les beaux yeux de la reine, et il conclut d’une voix ferme, laissant Jack sans voix. : « Ne te laisse pas vieillir, mon petit ! Meurs quand tu es encore jeune ! »

Jack en époux

Alors que Bess est enceinte, qu’elle se coltine les tâches ménagères et tape à la machine ses manuscrits, il continue de faire du vélo, boxer, nager, sortir au club avec ses copains, animer des réunions publiques où il retrouve Anna.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Albin Michel

 

Dans cette période qui devrait normalement être celle de la fréquentation des cimetières, je vais vous parler d’un roman pour lequel je ne suis pas enthousiaste, même si j’ai eu quelques bons moments pendant la lecture. Violette Toussaint née Trénet est gardienne de cimetière. Quand je dis « née » je ne vous dis pas l’essentiel : Violette est née sous « x » et une sage femme l’a prénommée Violette car à la naissance sa peau violacée l’avait condamnée à ne pas survivre, puis Trénet sans doute parce qu’elle aimait ce chanteur. Violette rencontre son destin sous les traits de Philippe Toussaint un trop beau garçon qui passe son temps à faire l’amour aux femmes, la sienne, celles des autres et toutes les filles qui en ont envie. De cette union mal assortie naîtra une petite fille Léonine et sept ans de bonheur intense pour Violette, même si son mari continue à courir les femmes dans toute la région. Le malheur de Philippe vient d’une mère Chantal Toussaint qui méprise sa belle fille et cherche à transmettre à son fils son propre mépris. Un accident terrible va survenir, mais je ne peux, sans divulgâcher le récit, vous le raconter. Les plaisirs de lecture de ce gros roman, vient des différentes anecdotes liées aux histoires de cimetière. Violette aime son métier et accueille avec respect les malheur des uns et des autres, c’est cet aspect qui m’a le plus intéréssée. J’avoue que l’intrigue autour de la mort de sa petite fille de sept ans, m’a beaucoup moins passionnée et surtout, je ne crois pas du tout aux deux personnages principaux. On est dans la caricature ou dans l’esquisse de personnages mais pas dans la richesse de la complexité de l’humain. L’histoire se tisse lentement au gré d’incessants retour en arrière ou de changements de personnages, on s’y perd un peu. Ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée, mais je ne comprends pas trop cette envie de rendre le roman aussi sinueux . Pour finir par un happy-end très prévisible. Comme je le disais en commençant, il y a de très bonnes petites histoires autour du cimetière, qui rendent ce roman parfois très agréable à lire, mais sinon il faut accepter le côté « romanesque », dans le mauvais sens du terme, des personnages. Cela m’a fait penser aux romans d’Anne Gavalda en plus caricatural.( Et je précise que parfois je prends plaisir à lire Anne Gavalda – comme pour ce roman que je suis loin d’avoir entièrement rejetée.)

 

Citations

Portrait de son mari

Le jour de la parution de l’article, Philippe Toussaint est rentré de la feue ANPE la mort dans l’âme : il venait de réaliser qu’il allait devoir travailler. Il avait pris l’habitude que je fasse tout à sa place. Avec lui, niveau fainéantise, j’avais gagné le gros lot. Les bons numéros et le jackpot qui va avec.

J’aime bien ce genre de remarques

Demain, il y a un enterrement à 16 heures. Un nouveau résident pour mon cimetière. Un homme de cinquante cinq ans, mort d’avoir trop fumé. Enfin, ça, c’est ce qu’on dit les médecins. Ils ne disent jamais qu’un homme de cinquante cinq ans peut mourir de ne pas avoir été aimé, de ne pas avoir été entendu, d’avoir reçu trop de factures, d’avoir contracté trop de crédits à la consommation, d’avoir vu ses enfants grandir et puis partir, sans vraiment dire au revoir. Une vie de reproches, une vie de grimaces. Alors sa petite clope et son petit canon pour noyer la boule au ventre, il les aimait bien.
On ne dit jamais qu’on peut mourir d’en avoir eu trop souvent trop marre.

Une enfance et un couple sans amour.

Je crois que j’ai toujours eu ce réflexe, celui de ne pas déranger. Enfant, dans les familles d’accueil, je me disais : « Ne fais pas de bruit, comme ça cette fois tu resteras, ils te garderont. » Je savais bien que l’amour était passé chez nous il y a longtemps et qu’il était parti ailleurs, entre d’autres mur qui ne seraient plus jamais les nôtres.

Moment d’humour

Maintenant, ma dernière volonté, c’est de me faire incinérer et qu’on jette mes cendres à la mer. 
-Vous ne voulez pas être enterrée près du comte ? 
-Près de mon mari pour l’éternité ?!Jamais ! J’aurais trop peur de mourir d’ennui !
-Mais vous venez de me dire que ce sont les restes qu’on enterre ici. 
-Même mes restes pourraient s’ennuyer près du comte. Il me fichait le bourdon.

Édition Flammarion. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Vous connaissez certainement « Balzac et la Petite Tailleuse Chinoise », mais aussi « L’évangile selon Yong Sheng » . Ici dans trois nouvelles plus tragiques les unes que les autres Dai Sijie raconte trois destins pratiquement ordinaires dans ce terrible pays. Cela se passe dans une région entièrement polluée par le recyclage des appareils tels que les ordinateurs , téléviseurs ou électro-ménagers. Les gens deviennent fous, soit par la pollution soit par l’extrême pauvreté qui les réduisent à des gestes contre nature. C’est terrible et à peine supportable, la cruauté des hommes est sans limite, j’ai détesté le sort réservé à la femelle pangolin. Animal protégé qui a peu près disparu de Chine et cela parce qu’on lui attribue des vertus aphrodisiaques. La femelle pangolin a lutté de toutes ses forces car elle portait un petit sans pouvoir sauver sa vie. Le feu aura raison de sa résistance. (Peut-être cette race s’est-elle vengée en transmettant à l’homme le trop fameux virus !)

Trois destins tragiques marqués par l’extrême pauvreté , la pollution et la cruauté humaine. J’avoue avoir été saisie par la tristesse et le dégoût de cette humanité et je n’ai pas réussi à me sentir bien dans cette lecture. Dai Sijie écrit en français son pays d’adoption, et il a un goût pour l’imparfait du subjonctif qui rend son texte un peu vieillot mais cela lui donne,aussi, un charme certain.

 

Citations

Propagande maoïste

Seul notre État tout-puissant était capable d’organiser ce type de travaux pharaoniques pour répondre aux nécessités urgentes, indispensables, d’une région agricole moderne, et que le mot « réservoir d’eau », si ordinaire en chinois -et encore plus dans la vie quotidienne de ma famille-, était synonyme, sur le plan politique et économique, de bonheur du peuple. « C’est dans les climats où il pleut le moins que l’eau est le plus nécessaire aux cultures ». À en croire l’auteur de l’article, ce mot était quasi absent du vocabulaire des langues occidentales, des millions et des millions de malheureux Européens ou Américain ne le connaissaient pas, sinon ceux qui étudiaient l’histoire des jardins de Versailles, car il désignait les bassins construits par le roi de France afin de surprendre les dames de la cour par la beauté des jets d’eau.

Médecine chinoise

Il serait impossible de comprendre l’extinction de cette espèce (le pangolin) s’en rendre compte d’une particularité poétique de la médecine chinoise : par exemple, si les chauves-souris volent dans le noir, on peut être certain que leur fiente guériront de la cécité humaine, ; puisque le concombre de mer ressemble à un phallus , on affirme qu’il est aphrodisiaque et que, s’il en consomme, l’homme obtiendra un sexe d’une taille aussi pharaonique que l’est cette plante aquatique. Dans le cas du pangolin, c’est sa capacité à creuser dans la montagne qui fascine les Chinois. Et qu’est-ce qui ressemble plus à une montagne percée de grottes profondes, de ravins sombres, sinon un corps de femme ? Ainsi, manger sa chair est l’assurance de pouvoir pénétrer, aussi profondément qu’un pangolin, les mystérieux tunnels féminins.

 

Traduit de l’anglais (États -Unis) par Vincent Raynaud, Édition Globe.

 

Je mets rarement les livres de ma liseuse sur mon blog car je pense que j’aurais toujours le temps de le faire et puis j’oublie car ils sont toujours à mes côtés. C’est un peu les cas de « Hillbilly élégie ». D’abord je dois dire que le titre m’étonne, autant je trouve que cet essai décrit très bien cette population regroupée sous le nom de « Hillbilly » autant je ne trouve aucun caractère élégiaque à ce récit. Sauf, et c’est sans doute l’explication du titre, l’incroyable ténacité de ses grands-parents à qui il doit tout. D’ailleurs il leur adresse ce livre

Pour Mamaw et Papaw, mes Terminators à moi

Dans son introduction, il explique très bien qu’il est exceptionnel, non parce qu’il est diplômé de Yale, mais parce qu’il vient de la « Rust-Belle » c’est à dire d’une région de l’Ohio qui produisait autre fois de l’acier et qui maintenant est peuplée de gens dans la misère des petits boulots ou du chômage. Cet essai m’a permis de rencontrer une partie de la population américaine que l’on ne connaît pas très bien. Issues de l’émigration écossaise et irlandaise, ces familles très soudées se sont regroupées dans cette région autour des aciéries nord américaines. Ces usines demandaient des hommes forts et résistants à la fatigue et la souffrance au travail. On voit très bien le genre de personnalités masculines que cela pouvait engendrer. Aujourd’hui, il n’y a plus d’aciéries et il ne reste que la misère et les mauvais comportements. Mais aussi un esprit clanique qui empêche les « Hillbilly » de partir dans des régions où l’on trouve du travail. J.D Vance est issue d’une de ces familles , et il est très bien placé pour nous décrire ce qui détruit ce groupe social. Sa mère est dépassée par la misère, les nombreux maris et la drogue, il lui reconnaît une qualité : elle a toujours choisi des hommes qui étaient gentils avec les enfants. J.D n’a donc pas été maltraité par ses nombreux beaux-pères. Mais ce qui l’a sauvé de la répétition du modèle parental, c’est la stabilité que lui a offert le foyer de ses grands-parents. Pour lui, la clé de la défaite et le plongeon dans la misère c’est l’instabilité du foyer et la clé du sauvetage c’est au contraire un foyer stable où l’enfant peut trouver des modèles sur lesquels s’appuyer pour affronter les différentes difficultés de la vie en particulier l’école. Venant de ce milieu très pauvre et violent, il peut en décrire les rouages de l’intérieur. Une idée qui revient souvent chez lui, c’est l’importance de prendre conscience que l’individu fait des choix : avoir un bébé sans avoir fini l’école c’est un choix, prendre de la drogue c’est un choix, frapper un enfant c’est un choix … Mais plus que tout offrir à un enfant un milieu stable l’aidera à se construire, car tous les pièges du déclassement social sont là juste derrière la porte de son foyer : l’alcool, le chômage, la violence, la drogue, l’échec scolaire… Si aucun adulte n’a eu confiance dans le jeune alors il tombera certainement, dans ces pièges. (Et pourront alors devenir le héros des romans sur les déclassés des USA que certains d’entre nous aimons tant !)

Pourquoi n’ai-je mis que trois coquillages ? Car j’ai trouvé le livre répétitif , la vie et l’amour de ses grands parents sont vraiment très touchants et m’ont beaucoup intéressée et même si je comprends bien que J.D Vance ait été obligé de passer par une description minutieuse du milieu des « Hillbilly »pour nous faire comprendre, à la fois, d’où il venait et pourquoi, il est le seul de sa communauté à être sorti de Yale, c’est très (trop, pour moi !) long .

Et depuis j’ai lu les billets de Ingamic qui pour des raisons différentes a aussi quelques réserves sur ce livre. De Kathel et de Keisha .

Citations

Sa famille

Pour employer un euphémisme, j’ai une relation « compliquée » avec mes parents, dont l’un s’est battu toute sa vie ou presque contre une forme d’addiction. Ce sont mes grands-parents qui m’ont élevé. Aucun d’eux n’a terminé le lycée et très peu de gens dans ma famille, même élargie, sont allés à l’université. Les statistiques le prouvent : les gosses comme moi sont promis à un avenir sombre. S’ils ont de la chance, ils parviendront à ne pas se contenter du revenu minimum, et s’ils n’en ont pas ils mourront d’une overdose d’héroïne – comme c’est arrivé à des dizaines de personnes la seule année dernière, dans la petite ville où je suis né.

 

Le contexte social

Au contraire, je me reconnais dans les millions de Blancs d’origine irlando-écossaise de la classe ouvrière américaine qui n’ont pas de diplômes universitaires. Chez ces gens-là, la pauvreté est une tradition familiale -leurs ancêtres étaient des journaliers dans l’économie du Sud esclavagiste, puis des métayers, des mineurs, et, plus récemment, des machinistes et des ouvriers de l’industrie sidérurgique. Là où les Américains voient des « Hilliliies », des « Rednecks » ou des « Whiste trash », je vois mes voisins, mes amis, ma famille.

Sa ville

Près d’un tiers de la ville, environ la moitié de la population locale, vit sous le seuil de pauvreté. Et la majorité des habitants, elle, juste au-dessus. L’addiction aux médicaments s’est largement diffusée, les gens se les procurent sur ordonnance. Les écoles publiques sont si mauvaises que l’État du Kentucky en a récemment pris le contrôle. Les parents y mettent leurs enfants parce qu’ils n’ont pas les moyens de les scolariser ailleurs. De son côté, le lycée échoue de façon alarmante à envoyer ses élèves à l’université. Les habitants sont en mauvaise santé et, sans les aides du gouvernement, ils ne peuvent même pas soigner les maladies courantes. Plus grave encore, cette situation les rend aigris – et s’ils hésitent à se confier aux autres, c’est simplement parce qu’ils refusent d’être jugés.

Exemple sordide

J’étais en première quand notre voisine Pattie téléphona à son propriétaire pour lui demander de faire réparer des fuites d’eau du plafond de son salon. Lorsque celui-ci se présenta, il trouva Pattie seins nus, défoncée et inconsciente sur son canapé. À l’étage, la baignoire débordait – d’où les fuites. Visiblement, elle s’était fait couler un bain, avait avalé des cachets puis était tombée dans les vapes. Le sol de l’étage était endommagé, ainsi qu’une partie des biens de la famille. Voilà le vrai visage de notre communauté : une junkie à poil qui bousille le peu de chose qu’elle possède. Des enfants qui n’ont plus ni jouets ni vêtements à cause de l’addiction de leur mère.

Son cas personnel

Je ne dis pas que les capacités ne comptent pas. Elles aident, c’est certain. Mais comprendre qu’on s’est sous estimé soi-même est une sensation puissante – que votre esprit a confondu incapacité et efforts insuffisants. C’est pourquoi, chaque fois qu’on me demande ce que j’aimerais le plus changer au sein de la classe ouvrière blanche, je réponds : « Le sentiment que nos choix n’ont aucun effet. » Chez moi, les marines ont excisé ce sentiment comme un chirurgien retire une tumeur.
Tu peux le faire tout donner

 

Faire des choix

Quand les temps étaient durs, quand je me sentais submergé par le tumulte et le drame de ma jeunesse, je savais que des jours meilleurs m’attendaient, puisque je vivais dans un pays qui me permettrait de faire les bons choix, choix que d’autres n’auraient pas à leur disposition. Aujourd’hui, lorsque je pense à ma vie et à tout ce qu’elle a de réellement extraordinaire – une épouse magnifique, douce et intelligente, la sécurité financière dont j’avais rêvé enfant, des amis formidables et une existence pleine de nouveautés –, je me sens plein de reconnaissance pour les États-Unis d’Amérique. Je sais, ça sonne ringard, mais c’est ce que j’éprouve.

La classe populaire la désinformation et la presse

Certaines personnes pensent que les Blancs de la classe ouvrière sont furieux ou désabusés à cause de la désinformation. À l’évidence, il existe une véritable industrie de la désinformation, composée de théoriciens conspirationnistes et d’extrémistes notoires, qui racontent les pires idioties sur tous les sujets, des prétendues croyances religieuses d’Obama à l’origine de ses ancêtres. Mais les grands médias, y compris Fox News, dont la malignité n’est plus à démontrer, ont toujours dit la vérité sur la citoyenneté d’Obama et sa religion. Les gens que je connais savent pertinemment ce que disent les grands médias en la matière. Simplement, ils ne les croient pas. Seuls 6 % des électeurs américains pensent que les médias sont « tout à fait dignes de confiance ». Pour beaucoup d’entre nous, la liberté de la presse – ce rempart de la démocratie américaine – n’est que de la foutaise. Si on ne se fie pas à la presse, qui reste-t-il pour réfuter les thèses conspirationnistes qui envahissent sans partage Internet. Barack Obama est un étranger qui fait tout ce qu’il peut pour détruire notre pays. Ce que les médias nous disent est faux. Dans la classe ouvrière blanche, beaucoup ont une vision très négative de la société dans laquelle ils vivent. Voici
La liste est longue. Impossible de savoir combien de gens croient à une ou plusieurs de ces histoires. Mais si un tiers de notre communauté met en doute la nationalité du président – malgré d’innombrables preuves –, il y a tout lieu de penser que d’autres thèses conspirationnistes sont elles aussi à l’oeuvre. Ce n’est pas du simple scepticisme libertarien à l’égard des pouvoirs publics, sain dans toute démocratie. Il s’agit d’une profonde défiance à l’encontre des institutions de notre pays, qui gagne le cœur de la société.

Changement de classe sociale

Nous vantons les mérites de la mobilité sociale, mais elle a aussi son revers. Celle-ci implique nécessairement une forme de mouvement – vers une vie meilleure, en principe –, mais aussi un éloignement de quelque chose. Or on ne choisit pas toujours les éléments dont on s’éloigne.

 

Conséquences d’une enfance difficile

Ceux qui ont subi de multiples expériences négatives de l’enfance ont une plus forte probabilité d’être victimes d’anxiété et de dépression, d’avoir des maladies cardiaques, d’être obèses et de souffrir de certains cancers. Ils ont aussi une plus forte probabilité de connaître des difficultés à l’école et de ne pas réussir à avoir des relations stables à l’âge adulte. Même le fait de trop crier peut miner le sentiment de sécurité chez un enfant, affaiblir sa santé mentale et entraîner à l’avenir des problèmes de comportement.

Édition Verdier

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Anne Pauly perd son père éprouve le besoin de le raconter et d’en faire un livre. Elle se rapproche de celui qui n’a pas été un homme facile. Si, dans le voisinage et dans la famille, le monde a de bons souvenirs de sa mère très pieuse et cherchant à faire le bien autour d’elle son père alcoolique et très violent dans ses propos n’est pas très attirant. Il laisse une maison qui est véritable Capharnaüm dans lequel l’auteure se perd . Elle comprend que ce père qui lui manque tant est un être à plusieurs facettes. Elle raconte la violence du deuil et combien il est difficile de gérer l’absence. Elle écrit bien et, si le sujet vous touche, vous pourrez avoir de l’intérêt à lire ce récit. J’avoue ne pas trop comprendre l’utilité de tels livres même si, parfois, au détour d’une phrase ou d’une révélation, je peux être très émue.

 

 

Citations

Charmante famille

Je revoyais papa couteau à la main, immense et ivre mort, courir après maman autour de la table en éructant, Lepelleux, arrête de péter dans la soie et occupe-toi de ton ménage plutôt que de sauter au cou du curé. C’est indéniable : bourré, il avait vraiment le sens de la formule, même si, dans la réalité, personne ne portait de culotte de soie ni ne sautait au cou du curé. Prodigue et ample, ma mère, tardive dame patronnesse en jupe-culotte denim, c’était, il est vrai, investi dans les activités de paroisse, qui au fond ne lui ressemblait guère, pour échapper à ses excès à lui d’alcool, de colère et de jalousie.

Alcoolisme

Au fond, on ne sait jamais vraiment si quelqu’un boit pour échouer ou échoue parce qu’il boit.

Le pouvoir des chansons

Et puis là, sans prévenir, le refrain m’a sauté à la figure comme un animal enragé : « Mais avant tout, je voudrais parler à mon père. » Dans mon cœur, ça a fait comme une déflagration et je me suis mise à sangloter sans pouvoir m’arrêter. Félicie est remontée en voiture juste après, effarée, se demandant ce qui avait bien pu se passer entre le moment où elle était parti payer et le moment où elle était revenue. Comme je n’arrivais pas à lui répondre, elle a redémarré toutes fenêtres ouvertes dans le vent du soir et c’est en entendant le reste de la chanson qu’elle a fini par comprendre. Mes toutes dernières larmes sont sorties ce jour-là. J’avais enfin accepté. Si on m’avait dit que Céline Dion m’aiderait un jour dans ma vie à passer ce style de cap, je ne l’aurais pas cru. La catharsis par la pop-check.
(Je me suis retrouvée en pleurs en entendant Serge Réggiani chanter « ma liberté » dans des circonstances analogues.)

 

 

Édition Albin Michel. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Ce roman permet de revivre les,expériences de Charcot à la Salpêtrière. Comme le célèbre tableau d’André Brouillet nous en laisse la trace.
Ce tableau m’a, de tout temps, mise mal à l’aise : je lui ai toujours trouvé une dimension d’un érotisme dérangeant. La femme est très belle, trop dénudée, entourée de regards d’hommes qui se veulent scientifiques. La science n’est très certainement qu’un alibi pour de nombreux spectateurs
 Et cette pauvre femme comment peut-elle guérir de quoi que ce soit quand on sait à quel point l’hystérie tout en ayant des manifestations publiques relève de l’intime.
Bref ce livre avait tout pour me plaire sauf que…. Il est écrit par une jeune auteure qui n’a qu’un but prouver que les hommes de cette époque sont tous des tortionnaires pervers en puissance.
On ne peut nier les méfaits de la société patriarcale et que des hommes aient abusé de leur pouvoir pour interner leur femme ou leur fille a existé, j’en suis certaine. Mais dans ce roman à part le bien pâle Theophile le frère d’Eugènie Cléry l’internée qui parle avec les défunts et dont nous allons suivre l’internement aucun homme n’est positif. Le rôle de Charcot n’est analysé qu’à travers ces séances publiques sur l’hystérie. Aucune allusion aux découvertes sur les maladies dégénératives qui sont pourtant à mettre à son crédit.
En revanche, le regard de l’écrivain sur ces femmes qu’on internait si facilement est très compatissant et sûrement proche de la réalité. Le personnage de l’infirmière responsable du pavillon est aussi très riche et on croit à ce personnage. L’héroïne qui voit et entend les défunts lui parler est touchante, mon problème est que j’ai beaucoup de mal avec le spiritisme. Je ne comprends pas le choix de l’auteure, s’il y avait tant d’internements abusifs dans des familles bourgeoises pourquoi ne pas prendre un exemple qui aurait convaincu tout le monde même ceux qui ne croient pas que les morts viennent parler aux vivants… je cite deux exemples qui hantent ma mémoire l’internement de Camille Claudel et la lobotomie en 1941 de Rose Marie Kennedy qui aimait trop les garçons… ceci dit ce roman se lit facilement et on suit avec intensité le suspens qui monte autour de la possibilité d’évasion d’Eugènie Cléry lors du bal de la Salpêtrière. Le titre vient de cet événement festif qui avait lieu tous les ans à la mi-carême, auquel le Tout-Paris se précipitait pour voir de plus près ces folles que la société avait enfermées.

 

Citations

Une assistante complètement sous le charme du grand patron

Geneviève esquisse un sourire. Chaque fois qu’elle le regarde s’adresser à ses spectateurs avides de la démonstration à venir, elle songe au début de l’homme dans le service. Elle l’a vu étudier, noter, soigner, chercher, découvrir ce qu’aucun n’avait découvert avant lui, penser comme aucun n’avait pensé jusqu’ici. À lui seul, Charcot incarne la médecine dans toute son intégralité, toute sa vérité, toute son utilité.

Deux personnages

Thérèse l’internée Geneviève l’infirmière cheffe

Thérèse est la seule que l’ancienne ne peut contredire. Les deux femmes se côtoient entre les murs de l’hôpital depuis vingt ans. Les années ne les ont pas rendues familières pour autant -concept inconcevable pour Geneviève. Mais la proximité à laquelle oblige ces lieux, et les épreuves morales auxquelles ils soumettent ont développé entre l’infirmière et st l’ ancienne putain un respect mutuel, une entente aimable, donc elle ne parle pas mais qu’elle n’ignore pas. Chacune a trouvé sa place et conçoit son rôle avec dignité, Thérèse, mère de cœur pour les aliénées , Geneviève, mère enseignante pour les infirmières. Entre elles a souvent lieu un échange de bons procédés, la Tricoteuse rassure ou alerte Geneviève sur une internée en particulier ; l’Ancienne renseigne Thérèse sur les avancées de Charcot et les événements à Paris. Thérèse est d’ailleurs la seule avec qui Geneviève se soit surprise à parler de sujet autre que la Salpêtrière. À l’ombre d’un arbre une journée d’été, dans un coin du dortoir un après-midi d’averse , l’aliénée et l’intendante ont parlé avec pudeur, des hommes qu’elles ne côtoient pas, des enfants qu’elles n’ont pas, de Dieu en qui elles ne croient pas, de la mort qu’elle ne redoute pas.

Le rôle des hommes

Mais la majorité des aliénées le furent par des hommes, ceux dont elles portaient le nom. C’est bien le sort le plus malheureux : sans mari, sans père, plus aucun soutien, plus aucune considération n’est accordée à son existence.

La peur de quitter l’hôpital après 30 ans d’internement

Son état général s’était à ce point stabilisé que lorsque le docteur Babinski l’avait examinée hier, il avait décidé aucun signe ne s’opposait plus à une sortie. Ces propos avaient ébranlé l’internée qui avait maintenant un certain âge. La perspective de sortir et de retrouver Paris, ses rues, ses parfums, de traverser la scène dans laquelle elle avait poussé son amant, de marcher à côté d’autres hommes dont elle ignorait les intentions, de fouler ses trottoirs qu’elle connaissait trop l’avait envahie d’une épouvante incontrôlable.