Oui, je suis allée jusqu’à Trans qui sur Wikipédia s’enorgueillit de sa seule ( ?) gloire locale Alain Rémond, pour faire ma photo. Le village a peu changé car il est en dehors des circuits touristiques, il est en tout cas en hiver, d’une tristesse palpable. Le garnit n’est pas une pierre très gaie, même si elle est très solide !

Ce petit livre est depuis plus de 10 ans dans ma bibliothèque, je l’avais lu à l’époque (en 2000) je l’ai beaucoup prêté et je viens de le relire. Il se trouve que je connais bien la région dont il parle qui d’ailleurs n’a plus rien à voir avec le côté bout du monde où il a grandi, sauf, cependant, son village : Trans-la-forêt , et encore ! J’ai vécu aussi dans une de ces familles nombreuses de l’après guerre et il se trouve que la maladie mentale me touche de près. Est-ce pour toutes ces raisons que cette courte autobiographie me touche tant ? Alain Rémond était quand il a écrit ce texte rédacteur en chef de Télérama. Il raconte l’enfance qu’il a vécue à Trans à 15 kilomètres du Mont Saint Michel . C’est un enfant du monde rural très pauvre, car dans sa famille, ils sont 10 enfants à vivre de la paye de son père cantonnier. Leur vie est à la fois chaleureuse par la force d’amour de la fratrie et de sa mère et horrible par la mésentente violente de ses parents. Ce qui fait le charme de ce texte c’est le style tout en pudeur et délicatesse même quand il parle de sa sœur Agnes schizophrène ou bipolaire( ?) . La vie est rude dans le monde rural d’après guerre et seule la force de travail de ses parents tirera la famille d’une misère extrême. Il a aimé ses deux parents qui ne s’aimaient plus, ses courses dans la forêt où il se sentait libre pour tous des jeux d’aventures, sa fratrie et le grenier de sa maison où ils inventaient des jouets qui ne devaient rien aux objets modernes. Mais il a souffert de la mésentente de ses parents, souffert de voir sa mère s’user à la tâche après la mort de son père, souffert d’aller en pension et d’y rester tous les dimanches, souffert d’être le « plouc » par rapport aux bourgeois de Dinan. Mais quelle belle revanche d’y recevoir le prix d’excellence et de voir le sourire de sa mère le jour de la distribution des prix  ! Un témoignage qu’on n’oublie pas d’une époque qui doit sembler bien lointaine pour les jeunes d’aujourd’hui.

 

Citations

Le poids et la force de l’enfance

On ne guérit pas de l’enfance. On ne guérit pas du paradis terrestre. On voudrait que ça dire tout le temps, toute la vie. On voudrait vivre dans une bulle, bien au chaud, qui nous ferait oublier le reste, l’enfer à la maison le soir. et puis la mort de notre père. Et ce silence entre nous. Ce gros bloc de silence noir qui nous empêche de respirer.

Les paroles d’un père sur son lit de mort

Et voici que mon père, avec ce sourire fatigué, sans doute aussi pour faire oublier le père lointain, étranger, qu’il a été, trouve le courage de nous dire combien il nous aime, beaucoup mieux que dans les livres. C’est nous qui n’avons pas su lui répondre, trop interdits, trop bouleversés. J’en veux à mon père, pour tout ce qu’il ne nous a pas donné, pour cette violence dans la maison, pour tout ce qu’il a fracassé en moi. Mais je lui pardonne tout, pour ces mots qu’il a su trouver, en ce dimanche d’été, je lui pardonne tout.

La revanche sociale et le bonheur de sa mère

« Prix d’excellence, Alain Rémond de Trans » C’était la revanche des bleds paumés, des trous perdus, de la campagne oubliée. Mais la vraie récompense, c’était celle-ci : ma mère, venue exprès de Trans, assise au milieu de tous ces gens bien habillés, qui entendait mon nom et qui me regardait descendre de l’estrade avec mes prix. Le regard et le sourire de ma mère, ce jour-là, dans la cour d’honneur des cordeliers, à Dinan, jamais je ne les oublierai.

La sœur malade et tant aimée

Et puis, surtout, il y a Agnès. Je comprends peu à peu, au fil des lettres qu’elle est malade. Pas d’une maladie du corps. Agnès est malade de l’âme, de l’esprit. Elle ne sait plus ce qu’elle veut, ce qu’elle vit , elle glisse peu à peu vers une absence à elle-même, à la vie(….) Agnès avait toujours été pour, pour moi, celle qui riait, qui blaguait, qui débordait d’idées. Elle avait plein d’amis, elle était dynamique, elle voulait faire bouger les choses et les gens. On était tellement proches, tous les deux, tellement complices. On avait des discussions ininterrompues, passionnées. On avait les mêmes goûts, les mêmes dégoûts (….° Peut-être est-elle, parmi nous tous, celle qui a dû payer le prix de cette schizophrénie, en nous : entre le bonheur d’être ensemble, d’être à Trans, et ce trou noir du malheur, ce silence qui nous rongeait de l’intérieur, l’enfer à la maison. peut-être Agnès a-t-elle payé pour nous.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Il a reçu un coup de coeur. 

J’ai rarement eu un plaisir aussi fort en lecture. Je suis bien dans la langue de cet auteur et avec ses personnages. Je pense aussi qu’une partie de mon bien être vient du contrepoint qu’il apporte à la période que nous vivons en ce moment où tant de gens venant de ces mêmes régions reprennent le chemin de l’exil. En lisant la prose de Raphaël Constant, j’ai ressenti un immense espoir. Espoir que les hommes quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau, leur langue, leur religion, puissent vivre ensemble et façonnent grâce à leurs énergies venant du monde entier une région de notre planète. Je ne savais pas que dès 1920 les « levantins », c’est à dire les Syriens et les Irakiens chrétiens ou musulmans, avaient fui une région touchée par la misère.

Une rue, de Fort de France, porte le surnom de la rue des Syriens, c’est la plus commerçante et c’est là que le personnage dont nous suivons le destin, Wadi, va s’installer et faire fortune. Il aura auparavant quitté son père et sa mère qui vivent en Syrie à Halabiyah (lieu qui vient de connaître une nouvelle destruction et sans doute un nouvel exode). Dès son arrivée il aura la chance de tomber sous la coupe de Fanotte une femme noire qui va lui apporter l’amour physique mais aussi les langues de ce pays : le créole et le français. Grâce à elle et à son incroyable énergie, il va réussir à s’installer et vivre bien en Martinique, sans jamais oublier sa mère à qui il doit ses yeux verts, il la sait malheureuse au pays car elle est la première épouse de son père à qui elle n’a pu donner qu’un fils qui est si loin d’elle.

Le livre croise plusieurs destins, ceux des Syriens qui ont habité cette rue. J’ai été très sensible à la vie de Bachar le cousin de Wadi, il s’est fait chrétien par amour d’une jolie indienne. Le personnage que j’ai préféré c’est Fanotte, son intelligence et son énergie sont les fils conducteurs de ce roman. Elle saura accepter la légitime épouse de son Wadi sans rien perdre de sa superbe : quelle femme ! J’ai aimé entendre toutes ses langues, même si bien sûr il faut les traductions pour que je comprenne le créole, à l’image de ce peuple bigarré les langues sont des marqueurs sociaux très forts mais cela ne les empêche pas de vivre ensemble et de réussir à faire une communauté. Ce n’est pas non plus une image idyllique qui se dégage de ce livre, non c’est une société dure, raciste et implacable pour les faibles mais on sent que la vie est toujours prête à repartir .

Citations

La Syrie après l’empire Ottoman

Là encore, mon père se distinguait parmi les villageois de Halabiyah, qui considéraient les chrétiens d’Europe comme des sauveurs parce qu’ils avaient jeté bas l’Empire ottoman. il aimait à se proclamer, à la grande irritation de certains, Arabe d’abord, Syrien ensuite et enfin sujet de la sublime porte. A l’entendre, cette dernière avait toujours respecté les peuples qu’elle avait conquis, y compris en Europe même, dans une région qu’il désigna comme étant les Balkans. Chaque région jouissait d’une large autonomie et pour peu qu’elle ne rechignât point à payer l’impôt que levait annuellement Istanbul, elle pouvait se développer en toute tranquillité.

 Femme en Martinique

Naître femelle, dans ce pays-là est une sacrée déveine. Non seulement on doit se débattre avec la misère qui ne vous lâche pas d’un pas, mais on doit aussi supporter la scélératesse des hommes. Qu’ils emmiellent avec du beau français appris par cœur ou vous séduisent avec du créole grosso-modo, le résultat est égal : vous vous retrouvez à pleurer toute l’eau de votre corps sur le pas de votre case désertée. Vous avez beau année après année, tenter de vous faire une raison, rien n’y fait ! à chaque fois, vous retombez dans le même piège, mais avec un gros ventre qui augmentera le nombre de vos marmailles.

Le nom des exilés

Il y eut donc les Habib, les Jaar, les Manssour, les Bachar, les Abdullah, les Yacoub, les Ben Amartya, souvent des prénoms que l’administration française, par ignorance, inscrivait comme patronymes. Trop heureux d’avoir atteint les rives de cette terre promise qu’était l’Amérique, les venus du Levant se gardaient bien de protester. Ils comptaient bien mener une nouvelle vie et si le prix à payer n’était que cela, ce n’était pas si grave.

Le style, trois exemples

– Entre le Levant et la Martinique, le courrier prenait ses aises.
– Que son patron se fût laissé aller à lui mignonner l’arrière train, encore moins à exiger qu’elle lui ouvrit son devant.
– Depuis qu’elle suivait l’école du soir, son parler était devenu trop intimidant pour qu’on puisse lui tenir tête, mais d’autres attendaient leur heure. L’aller lui appartient, maugréaient-elles, mais le retour sera nôtre. Patience !

Dicton arabe

Tu es maître des paroles que tu n’as pas prononcées ; tu es l’esclave de celles que tu as laissées échapper

Que j’aime ce passage…

Découvrir que derrière l’étalage de nos rites, l’affirmation têtue de nos croyances, l’entre choc de nos langues et de nos rêves, il n’y avait, dans le fond, qu’une seule et même soif, ne fut pas un mince étonnement.
Soif de tenir tête aux chienneries de l’existence.
Soif de comprendre le pourquoi de celle-ci puisque Dieu semble avoir déserté le monde et que de faux prophètes parlent à Sa place.

L’adaptation en Martinique

Wadi n’avait pas fini d’apprendre dans cette Amérique Martinique où en quatre-vingt ans il avait vécu cent fois plus de choses extraordinaires qu’en dix-sept ans de vie en Syrie. Là-bas , la vie était réglementée depuis us de mille ans, chaque acte était codifiée , chaque parole pesée et soupesée grâce au livre sacré et au hadith, ces faits et gestes du Prophète que des générations et des générations avaient pieusement consignés. Ici à l’inverse, régnaient le précipité, l’improvise, le sauve-qui-peut, l’indifférence au Lendemain, la soif de profiter de chaque instant, le tout enveloppé dans une criaillerie permanente. Comme si les Créoles avaient peur du silence.

Le créole si on le dit à voie haute on peut presque le comprendre

Mandé’y non !  : eh ben pose lui la question

et avec l’intonation

La ! La ! La peut bien vouloir dire : Non ! Non ! Non…

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiatheque de Dinard où il a (grâce à moi) obtenu un coup de cœur.


Un livre étonnant, et encore, pour mon plus grand plaisir, un écrivain qui aime raconter des histoires et qui aime jouer avec la langue et les situations de tous les jours (il me fait penser à Pierre Raufast). Le billet de Sandrine sur son Blog « Tête de lecture » vous montrera que je ne suis pas la seule à avoir été séduite par ce roman. Tout ce livre est construit sur la tension de la révélation de l’origine de la cicatrice du narrateur cachée par l’écharpe drapée autour du cou. Comme je déteste le suspens, j’ai commencé par le chapitre 0 qui termine le roman. Soyez rassurés, je n’en dirai pas un mot dans mon billet, mais j’ai pu ainsi savourer à un rythme plus lent tous les méandres de ce récit qui aboutissent à l’indicible.

Il y a plusieurs façons d’aimer le style de Gilles Marchand, il sait si bien observer l’humanité qu’il nous fait sourire en reconnaissant notre boulangère qui, tous les matins, fait un petit commentaire météorologique, et qui nous interroge toujours au futur.

Et pour vous, ce sera ?

Il nous fait rire quand il répond calmement aux interrogations de son directeur à propos des notes de frais des commerciaux. Il a noté pendant 30 ans « restaurant » « café », alors il s’est amusé à remplacer ces mots si banal par « fausse barbe » « tutu »… On n’est pas très loin de la démission ou du licenciement.

Un soir, son écharpe gorgée de café dévoile à ses meilleurs amis sa cicatrice, il entreprend alors de raconter son enfance pour leur expliquer le pourquoi de ce qu’il a toujours voulu cacher. Ses amis de café après le travail : Lisa la serveuse dont ils sont tous amoureux, Thomas, et Sam entendront donc, s’ils sont aussi patients que l’auditoire qui grandit jour après, le récit de sa vie. Il leur parle de Pierre-Jean son grand père qui l’a élevé en rendant la réalité du quotidien magique pour lui faire oublier le tragique de son passé. Soirée après soirée, les récits de son grand père vont captiver un public de plus en plus nombreux mais la fin, l’explication de tout ce que l’on doit mettre en place pour oublier, ce qui est trop lourd à porter, seuls ses amis l’entendront.

Je n’ai cessé pendant toute ma lecture de noter des passages ou des petites phrases pour les partager avec vous. Je ne suis d’habitude pas très tentée par le fantastique, ni le déjanté, mais grâce à sa langue j’ai tout accepté même le tunnel creusé dans les ordures que la concierge morte depuis quelques mois ne peut plus enlever. Il m’a fait découvrir un air de Beatles moins connu que d’autres (my guitar gently weeps ) et que j’aime bien. Bref un petit régal avec une tragédie, dont vous remarquerez, je n’ai rien dit.

Merci Jérôme de me signaler que Noukette en avait fait un coup de coeur

Citations

Le début en espérant que, comme moi, vous vous direz je veux aller plus loin dans la lecture.

J’ai un poème et une cicatrice.

De la lèvre inférieure jusqu’au tréfonds de ma chemise, il y a cette empreinte de l’histoire, cette marque indélébile que je m’efforce de recouvrir de mon écharpe afin d’en épargner la vue à ceux qui croisent ma route. Quant au poème, il me hante comme une musique entêtante, ses mots rampent dans mon crâne d’où il voudrait sortir pour dire leur douleur au monde. Poème et cicatrice font partie de moi au même titre que mes jambes, mes bras ou mes omoplates. Je ne me sens pas tenu de les examiner pour savoir qu’ils existent. J’ai seulement appris à essayer de les oublier.
Voilà pour mon armoire à souvenirs. J’ai pris soin de le cadenasser solidement et, la plupart du temps, cela marche. C’est la seule solution pour rester à ma manière assez heureux. Mais les cadenas son travail fragiles et il est impossible d’oublier une cicatrice lorsque celle-ci fait office de masque que l’on ne peut retirer.

Un personnage dont je partage les goûts musicaux

Sa seule lacune, « le rock, la pop et leurs frères et sœurs électrifiés » comme il les nomme. Pour lui, la musique n’a pas besoin d’amplificateur.

Le malheur d’être comptable

Quand un interlocuteur me demande ce que je fais dans la vie, il change irrémédiablement de sujet dès qu’il a pris connaissance de la terrible nouvelle : je suis comptable.

Sa boulangère

Il fait froid. C’est ce que m’a affirmé ma boulangère qui a beaucoup de conversation.

La cuisine des solitaires

J’allume le gaz et mets de l’eau à chauffer pour les pâtes. Ce n’est qu’une fois que l’eau bout que je me rends compte que je n’ai pas de pâtes et je me résigne à y mettre un sachet de thé. Moins nourrissant mais mieux que rien.

L’humour

L’arrache cœur…c’était en fait le dernier titre de l’auteur, qui avait laissé sa trilogie inachevée (33 % du projet initial, avais-je pensé, me promettant de ne plus mêler comptabilité et littérature). Alors, la suite, je l’ai imaginée. Mais c’était moins bon. Boris Vian a beaucoup baissé après sa mort.

Petit détail de la vie courante, et c’est tellement bien vu !

Les toilettes sont toujours au fond à gauche. Et si elles n’y sont pas, c’est qu’elles se situent juste en face. Mais on interroge au cas où. De peur peut-être de se perdre ou que le patron ne se demande où l’on va comme ça sans demander la permission et sorte une arme de derrière le comptoir . Personne ne veut mourir parce qu’il n’a pas demandé où se trouvait les toilettes, alors on demande et on attend la réponse : au fond à gauche.

Oh, que OUI !

Mais qu’y a-t-il de pire que de lire un mauvais livre ? Lire le mauvais livre d’un ami… Et je ne veux imposer ça à personne.

Tous les gens malades des bronches peuvent en témoigner.

« Quand tu marches,tu ne regardes pas tes jambes et quand tu respires, tu ne regardes pas tes poumons … »

Ça m’avait troublé et l’espace de quelques secondes, je m’étais concentré sur ma respiration, réalisant à quel point la vie serait pénible s’il fallait se concentrer sur chaque mouvement de sa cage thoracique.

Voilà le style qui m’amuse

Il lui est même arrivé de me faire la bise, pour me souhaiter une bonne année, une bonne santé, un bon anniversaire …. Bernard était un excellent souhaiteur


Ce livre a obtenu un coup de cœur de notre club et je comprends pourquoi. C’est un livre d’une lecture éprouvante car il met en scène, dans un essai romancé, certaines horreurs de notre humanité et le plus insupportable, c’est qu’on sait que cela continue encore et encore, la Corée du Nord est, en effet, capable du pire. C’est une partie du pire dont il s’agit ici : pour des raisons assez obscures, des assassins de Corée du Nord, en 1970, ont enlevé des Japonais pour les emmener et les retenir dans l’enfer de leurs pays. Certains seront employés pour apprendre le japonais à des terroristes qui séviront sous une fausse identité japonaise dans le monde entier. Une terroriste qui avouera la responsabilité du krach vol 858 en 1987  expliquera qu’une jeune japonaise lui avait appris la langue et la culture du Japon. Il y a aussi le cas du GI américain, Charles R. Jenkins, qui de son plein gré partira en Corée du Nord, il en reviendra 36 ans plus tard. Son témoignage a beaucoup aidé Eric Faye pour la rédaction de ce livre.

Avec un talent et une délicatesse incroyables l’auteur décrit la douleur de ceux qui ont vu disparaître leur proche au Japon et l’horreur du destin de ces pauvres Japonais qui ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait en arrivant aux pays des fous criminels. Et à travers tous ces drames, la vie en Corée du Nord nous apparaît dans son absurdité la plus cruelle que l’homme puisse imaginer. J’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi le monde entier ne se mobilise pas pour délivrer ce peuple de la main mise du plus féroce et implacable des dictateurs.

Citations

Le malheur de la mère dont on a enlevé la fillette de 12 ans

À chaque pas, il semblait à cette mère orpheline retrouver un nouveau mot de la dernière conversation avec sa fille. Et à chaque fois qu’elle pensait à un mot précis, elle le plaçait sous le microscope de la culpabilité.

C’était une coupable qui allait errant dans les rues de Niigata. Régulièrement, à l’heure de sortie des collèges, Elle voyait sa fille devant elle et pressait le pas pour la rattraper, puis dépassait une inconnue en concédant son erreur. Elle ne voulait laisser aucune place au doute, si bien qu’elle préférait mille de ces menues défaites à une seule incertitude.

L’horreur de la répression en Corée du Nord

Le camp couvre toute une région de montagnes, et dans les clôtures qui le délimitent circule un courant continu. Le camp recèle un centre de détention souterrain. Une prison dans la prison, ou plutôt sous la prison, dont les détenus ne voient jamais le jour et dont les gardiens ont ordre de ne jamais parler…. Le couloir que je devais surveiller comptait une quinzaine de cellules d’isolement, éclairées tout le temps par une ampoule au plafond et tout juste assez longues pour qu’un homme s’y tienne allongé, à une température constante, dans une humidité qui détériore tout, la peau, la santé.

J’ai lu ce livre lors d’un séjour à Ouessant et malgré les beautés de la nature offertes par le vent et la mer, je ne pouvais m’empêcher d’être saisie d’effroi par tant de souffrances imposées à un enfant qui ne pouvait pas se défendre contre la folie de son père. Je me suis souvenue de la discussion de notre club, le livre a reçu un coup de cœur, mais plusieurs lectrices étaient choquées par l’attitude de la femme. En effet, celle-ci va passer sa vie à faire « comme si » : comme si tout allait bien, comme si tout était normal, et avec la phrase que le petit Émile a entendu toute sa vie « Tu connais ton père », elle croit effacer toutes les violences et tous les coups reçus.

Oui son père est fou et gravement atteint, il entraîne son fils dans sa folie, en faisant de ce petit bonhomme de 12 ans asthmatique et fragile un vaillant soldat de l’OAS, mais oui aussi, je suis entièrement d’accord avec mes « co »-lectrices sa mère est largement complice du traitement imposé par ce fou furieux à sa famille. Lorsque son père sera enfin interné et que le fils adulte révèle aux psychiatres ce qu’il a subi enfant, sa mère quitte son fils sur cette question incroyable :

Et c’est quoi cette histoire ? Tu étais malheureux quand tu étais enfant ?

L’autre question que pose ce roman, c’est la part de la fiction et de la réalité. C’est évident que l’auteur raconte une partie de son enfance, et nous fait grâce à cela revivre ce qu’a représenté la guerre d’Algérie pour une partie de la population. À cause de ce livre, j’ai relu la déclaration de Salan lors de son procès, il exprime à quel point lui, le général le plus décoré de l’empire colonial français a souffert de voir ses conquêtes disparaître peu à peu dans le déshonneur des promesses non-tenues aux populations qui soutiennent ses idée. La grandeur de la France et de son drapeau c’était, pour lui, de tenir face aux barbares, c’est à dire ceux qui ne veulent pas être français. Le père d’Émile use et abuse de ce genre de discours et dans cette tête de malade cela lui donne tous les droits. Comme tout paranoïaque, il a raison contre tout le monde et invente une histoire mensongère et folle de plus quand il risque d’être mis devant ses contradictions.

Bien sûr, il y a toujours une forme d’impudeur à faire de sa souffrance un roman lu par un large public, et je suis souvent critique face au genre « auto-fiction », mais lorsque l’écrivain sait donner une portée plus large à ses souvenirs au point de nous faire comprendre les mécanismes de ce qui rend une enfance insupportable, je ne ressens plus l’impudeur mais au contraire une sorte de cadeau fait à tous ceux qui tendent la main aux enfants malheureux car on peut donc s’en sortir sans répéter les mêmes erreurs. Et puis il y a le style, j’apprécie beaucoup celui de Sorj Chalandon, tout en retenu même quand on est aux limites du supportable.

Citations

Style de Sorj Chalandon

Il y avait un mort avant le nôtre, des dizaines de voiture, un deuil en grand. Nous étions le chagrin suivant. Notre procession à nous tenait à l’arrière d’un taxi.

la vie de famille

Il l’a regardée les sourcils froncés. Ma mère et ses légumes. Il était mécontent . Il annonçait la guerre, et nous n’avions qu’une pauvre soupe à dire.

Après des actes de violence de son père un mensonge de paranoïaque

J’étais bouleversé. Je n’avais plus mal. Mon père était un compagnon de la Chanson. Sans lui, jamais le groupe n’aurait pu naître. Et c’est pourtant sans lui qu’il a vécu. Ils lui avaient volé sa part de lumière. Son nom n’a jamais été sur les affiches, ni sa photo dans les journaux . Il en souffrait . Ceux qui ne le savaient pas étaient condamnés à dormir sur le palier.

C’était il y a trois ans. Depuis, maman n’a plus allumé la radio. Et plus jamais chanté.

Rôle de la mère

Ce jour-là, en allant voter contre l’autodétermination, il avait écrit « Non » sur les murs. Le soir, il avait perdu. Il a hurlé par la fenêtre que la France avait trahi l’Algérie. Et aussi lui, André Choulans. Il est ressorti à la nuit tombée . Il est rentré plus tard, avec du sang sur son imperméable kaki et les mains abîmées.
Le regard épouvanté de ma mère, visage caché entre ses doigts. Elle a gémi
– Mon Dieu, ta gabardine !
– T’inquiète pas la vieille, c’est du sang de bicot.
Elle a secoué la tête.
– Le sang c’est comme le vin, c’est dur à ravoir, a-t-elle dit simplement.

Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.


François Garde ne m’en voudra certainement pas que l’alto prenne plus de place que son roman sur ma photo. Lui qui a donné vie dans « L’effroi » à un Sébastien Armant, altiste à l’opéra de Paris qui « aurait tant aimé ne nous parler que de musique ». Malheureusement, le geste horrible, criminel, d’un chef d’orchestre très en vue fait basculer sa vie. Voici le début d’une d’une vraie tragédie :

L’archet levé, j’attendais le signal ;

Soudain le chef se redressa. Il prit une longue inspiration, se figea dans un impeccable garde-à-vous. Le public ne se rendit compte de rien, et pour nous ce changement de posture ne produisit qu’un vague sentiment d’alerte.

Lentement, il leva le bras droit, main tendue vers le rideau de la scène, et, de sa belle voix de baryton, s’exclama avec force et solennité :

« Heil Hitler ! »

Sébastien Armant, saisi d’effroi, va se lever et sortir, entraînant derrière lui tout l’orchestre, la réprobation du geste du chef est telle que cela devient « le » scandale médiatique qu’il faut à tout prix exploiter pour des raisons politiques et de pouvoir. Notre altiste va devenir un objet aux mains des spécialistes de la communication et peu à peu perdre pied et ne plus très bien savoir comment diriger sa vie. Le récit est bien mené et nous retrouvons les travers de notre société dans la description de la chute programmée d’un homme simplement courageux. Le lecteur sait, bien avant lui, que Sébastien Armant n’aurait jamais dû fréquenter les fameux « plateaux » télé, que c’est un monde prêt à dévorer de l’émotion sur le dos de ceux qui peuvent encore en exprimer.

Sa peinture du monde politique avec sa cohorte de conseillers en image, en communication, en revue de presse est criant de vérité. Oui, c’est bien dommage que cela se fasse sur le dos de la musique mais, au moins, il peut se rassurer, la musique restera toujours cet art exigeant qui demande à ses serviteurs de travailler tous les jours (ou presque) six heures, pour arriver à un résultat qui leur donne du plaisir et nous en donne tant. C’est l’amie propriétaire de l’alto de cette photo qui m’a fait découvrir cette réalité, et aucun conseiller ne pourra jamais faire l’économie de ce travail exigeant pour aboutir au feu d’artifice que représente un concert réussi. Il peut se comparer au travail de l’écrivain qui polit sa langue pour permettre au lecteur de rentrer au plus profond du récit et de partager les doutes et les espoirs de l’écrivain comme le fait si bien François Garde.

Citations

le directeur de l’Opéra

Jean-Pierre Chomérac, le président du conseil d’administration de l’Opér, me surprit. Chomérac avait pris ses fonctions six mois plus tôt. Il devait ce poste à une ancienne et indéfectible amitié avec le président de la République. (…) Sous sa protection, il avait été nommé successivement inspecteur général de l’agriculture, préfet de l’Yonne, ambassadeur au Portugal. Il ne dissimulait pas la minceur de ses compétence, et y suppléait par un sens politique avisé et sa propension à se saisir des sujets à la mode et à faire parler de lui. (…)Nos délégués syndicaux murmuraient qu’il n’avait pas encore découvert que dans un opéra on faisait de la musique.

Vous savez président de l’Opéra n’est qu’un lot de consolation en attendant mieux.

Ceux qui nous gouvernent

Je le remerciai en prenant la carte qu’il me tendait. Des assistants vinrent à nouveau papillonner autour de nous. Le conseiller du ministre en profita pour se glisser à côté de moi et murmurer :

– Il distribue ses cartes de visite comme s’il était encore député-maire. Bien évidemment, c’est nous qui vous contacterons le moment venu.

Les médias

Les médias sont comme un monstre insatiable, il faut lui donner à manger de temps en temps, sinon il peut vous dévorer tout cru.

Vie et mort des scandales dans les médias

Les chaînes d’information en continu se régalent. Avant-hier les révélations d’un obscur attaché parlementaire ; hier les explications contournés du ministre du Budget ; ce matin les bons mots assassins d’un jeune loup de l’opposition. Dans notre affaire, il ne se passe rien de nouveau, il ne peut rien se passer d’inédit. Les journalistes me sollicitent moins pour vous rencontrer. Mon cher Sébastien, il faut s’y résoudre : le bouquet que nous proposons à la vente depuis deux semaines commence à se faner, et les amateurs veulent des fleurs fraîches.

Le musicien d’orchestre

Rien ne peut égaler l’honnêteté du musicien, L’honnêteté sans fard et sans tache du travail du musicien, seul responsable d’avoir bien apprivoisé son instrument, bien lu la partition, bien écouté ses collègues, bien suivi les consignes. Lui seul – et chacun dans l’ensemble- doit se glorifier modestement de donner vie aux constructions invisibles élaborées par les maîtres du passé. 

Phrase que j’aime

Comme des rochers fendant une mer calme, ou des sommets émergeant des nuages. Mais les écueils ne disent rien du métier de pêcheur, ni les montagnes ne se réduisent à leurs extrémités.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard et coup de cœur de mon club

Je le mets dans la catégorie « Roman qui font du bien », avec ces quatre coquillages, il est aussi dans « mes préférences », parce qu’il raconte un très bel amour qui a duré tout le temps d’une vie de couple, brisé seulement par la mort trop précoce due à la chorée de Huntington. Il y a tellement d’histoires de couples qui n’arrivent pas à s’aimer dans la littérature actuelle. Certes, (et hélas !) la mort précoce de la jeune femme, est peut-être un facteur de réussite de cet amour, mais Tristan Talberg sous la plume de Patrick Tudoret raconte si bien cette relation réussie, pleine de passion, de tendresse, d’attention à autrui que cela m’a fait vraiment du bien au creux de cet hiver très gris. Ce roman n’est pas non plus un texte de plus sur le pèlerinage de Compostelle, mais plutôt un chemin vers la sortie du deuil.

Cette longue marche à pied, permet grâce à l’effort physique souvent solitaire, un retour sur soi et une réflexion sur la foi. Les bruits du monde sont comme assourdis, s’ils parviennent aux marcheurs c’est avec un temps de réflexion salutaire. Ce n’est pas un livre triste, au contraire, il est souvent drôle, les différents marcheurs sont bien croqués, cela va de l’athée militant aux confits en religion. Tristan est un agnostique dans lequel je reconnais volontiers plusieurs de mes tendances. Beaucoup plus cultivé que moi, il se passionne pour les auteurs comme Pascal, Chateaubriand, Saint Augustin mais c’est pour réfléchir sur ses doutes et fuir tous les sectarismes. Et le prix Nobel dans tout cela ? disons que c’est un beau prétexte pour réfléchir sur la notoriété et la médiatisation du monde actuel. Un roman agréable à lire et j’ai déjà en tête bien des amies à qui je l’offrirais volontiers.

Citations

Ceux qui ont refusé le Nobel

Sartre en 1960, vexé peut-être que Camus l’eût devancé de trois ans… ; Beckett aussi, ascète incorruptible des Lettres (….) Beckett n’avait pas un rond vaillant et la gentillette somme attachée au prix l’eût sans doute bien aidé, mais sa soupente d’étudiant éternel était plus vaste que tous les palais

Ce portrait m’enchante

Fervent sectateur du guide Michelin, son ingénieur de père, pour qui la poésie du monde résidait davantage dans un roulement à billes que dans les vers impairs de Verlaine, en vantait sans fléchir l’objectivité et le sérieux .

La mort de l’aimée

Elle ne vit qu’une masse sombre effondrée sur le lit. Une masse sombre tranchant sur le drap clair, dans cette chambre étouffante et blanche. Un homme couché sur une femme aimée, ploye sur elle, la couvrant de tout son corps comme si elle avait froid. Mais elle n’avait plus froid

Agnostique et Athée

Mais, tu le sais, j’ai toujours eu les fondamentalistes en horreur, qu’ils fussent croyants ou athées. Leurs idées arrêtées en font des statues de sel, des cerveaux en jachère. Leurs certitudes m’emmerdent. Cette pensée enkystée me fait honte et m’effraie à la fois. Fondamentalisme athée, gonflé de prétention sur rationalistes, tenant dans le plus insupportable mépris les 9/10° de l’humanité pour qui Dieu et le sacré sont au coeur de tout, mais aussi fondamentalisme religieux qui nous fait le coup de la certitude « informée », fermée à toute autre forme de pensée

20161206_113108Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard et coup de cœur de mon club

4Un coup de cœur également de ma part pour ce livre témoignage entre fiction et réalité. Ce roman m’a beaucoup intéressée, et pas seulement pour la découverte de la vie d’Albert Achache-Roux qui s’arrête à Auschwitz en 1943. Ce livre permet de découvrir l’Algérie, les effets des décret Crémieux sur la population juive de ce pays, les violences antisémites de la part des colons pendant l’affaire Dreyfus. Comme Brigitte Benkemoun découvre, à sa grande surprise, assez vite, que son grand-oncle était homosexuel, cela lui permet de réfléchir sur l’homosexualité dans une famille juive à la fin du XIXe siècle.

En plus de tous ces différents centres d’intérêts, on suit avec passion l’enquête de l’auteure. Quelle énergie ! Elle ne laisse rien passer, dès qu’une petite fenêtre s’entrouvre, elle fonce pour en savoir un peu plus. Elle tire sur tous les fils, elle suit toutes les pistes qui l’amène à mieux connaître Albert, ce richissime homme d’affaire adopté par un certain Monsieur Roux. Elle finit par comprendre ce que cache cette adoption : la solution que trouvait, parfois, des homosexuels à cette époque pour vivre tranquillement leur vie à deux. Elle cherche obstinément qui a pu dénoncer son oncle et finalement nous donne un portrait saisissant de la tragédie des homosexuels qui se mêle ici au nazisme et à la chasse aux juifs à Nice menée par l’horrible Aloïs Brunner (qui a sans doute tranquillement fini ses jours à Damas en 2010). Il est aidé dans cette chasse par des Russes blancs qui ont retrouvé là, les habitudes des tsaristes. Elle ne fait pas qu’une œuvre de biographe, elle remplit les nombreux blancs de la vie d’Albert par tout ce qu’elle connaît de la vie de sa famille, c’est pourquoi son livre se situe entre le roman et la biographie. Et nous la découvrons elle, une femme passionnée et passionnante.

Citations

Ashkénaze et Sépharade

Ces Ashkénaze d’Alsace Lorraine, dépêchés par le Consistoire de Paris pour « civiliser » leurs coreligionnaires, s’échinent à transmettre la décence et l’orthodoxie. Mais ils adressent des rapports accablés à leur hiérarchie , émouvantes par les youyous et le bazar oriental

Découverte de son homosexualité en 1908

Qui qu’il soit, il est « anormal », quoi qu’il dise, il est condamnable. Est-il en train de devenir fou, ou serait-ce plutôt une maladie ? Entre toutes, la plus honteuse : une perversion, une inversion, une erreur épouvantable qui l’a fait homme … Par moments, il se force, il se blinde, espérant se soigner ainsi comme d’une fièvre qui finira par passer. Il réprime les pulsions et les émotions, et il se mûre en lui-même , dans cette prison intime où les désirs sont interdits.

La famille juive en Algérie

Sans doute étouffé par la famille et la communauté, dans ce monde où l’individu n’existe que dans le groupe et où chacun se comporte forcément comme les autres, sous le regard de tous

Richesse

Et cette propriété sur les hauteurs de Nice illustre son ascension sociale : les bourgeois vivent près de la mer, les aristocrate la surplombent.

Dernière phrase du livre

Je suis l’héritière de ton monde. Et ce livre est le petit caillou qu’une mécréante croit laisser sur une tombe qui n’existe pas.

20161202_102350Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard. et il a obtenu un coup de cœur.

Marcher droit tourner en rond

5Je suis si contente de commencer l’années par un cinq coquillages ! Et, Keisha va être contente son petit chouchou est récompensé d’un coup de cœur à l’unanimité de celles qui l’avaient lu dans mon club (je peux lui dire que c’est rare !). Comme je me régale également avec son précis de médecine imaginaire, j’ai mis les deux livres d’Emmanuel Venet dans le même billet.
Commençons par « Marcher droit tourner en rond » vous comprendrez la photo car il s’agit en effet de dévoiler la vérité qui se cache derrière toutes les photos de famille.

Marguerite a cent ans et son petit fils est à son enterrement. Tout le monde fait un portait élogieux de cette centenaire. Oh là ! non non non, il lui manque une semaine pour être centenaire et j’en connais un que ça agace ce manque de précision : son petit fils qui vit avec un syndrome Asperger. Cela lui donne trois compétences poussées à l’extrême : le scrabble, le petit bac et la connaissance des catastrophe aériennes. En plus, évidemment une incapacité totale à se satisfaire des mensonges qui dissimulent toutes les conduites de façades en société. L’enterrement est donc pour lui l’occasion de raconter toutes les méchancetés des uns et des autres, c’est drôle, on a vraiment l’impression de voir l’envers du décor. C’est l’occasion aussi de revivre son amour pour Sophie peu récompensé malgré une belle constance de sa part.

Je pense que l’auteur, psychiatre, a mis beaucoup de sa propre connaissance de l’âme humaine pour écrire ce texte. Je vous cite la citation de Sigmund Freud qu’il a mise en exergue au début du roman car j’ai souri :

La grande question à laquelle je n’ai jamais trouvé de réponse, malgré trente ans passés à étudier l’âme féminine, est :  » Que veut une femme ? »

Citations

Logique ?

Elle aimait à répéter que la vieillesse est la pire des calamités, mais chaque hiver, elle se faisait vacciner contre la grippe, et, à la moindre bronchite elle extorquait au docteur Comte des antibiotiques. Pour ma part, si j’en arrivais à trouver ma vie trop longue, je cesserais de me soigner et me laisserais mourir une bonne fois pour toutes.

Compétence inutile

J’entretiens également une compétence hors du commun pour le jeu du petit bac, mais j’ai rarement l’occasion de m’en servir.

La vie de couple

Au bout de deux ans de vie commune, elle avait donc établi une fois pour toutes la répartition des rôles dans leur couple : il revenait à Imre de payer des cadeaux et à elle-même de les recevoir, et il était convenu que ce contrat moral donnait pleine satisfaction aux deux parties.

Une logique un peu rude

J’ai perçu trop tard que j’avais péché par excès de confiance en lui suggérant il y a trois ans, de demander l’euthanasie de son fils : lors du procès, j’ai senti que cette idée l’avait froissée.

Incompris

Je frisonne encore au simple souvenir des expressions « harcèlement » et « violence morale », leitmotiv de ces vingt minutes de procès bâclé : est-ce vraiment harceler que d’envoyer une dizaine de message par jour à une femme à qui vous pensez jusqu’au plus profond de votre être.

Le petit précis de médecine imaginaire

 Ce sont de courts textes à déguster pour se guérir de la morosité. J’avais d’bord mis 4 coquillages, car certains textes (surtout la partie sur les ondes) me plaisaient moins que d’autres. Mais j’ai suivi le conseil de Keisha  : relire ces petits textes au hasard et non pas à la suite. Tous sont alors de petits bijoux . elle en a recopié sur son blog qui m’a poussée à acheter ce livre , à mon tour je vous en offre un et si je réussis à vous séduire tout le livre d’Emmanuel venet se retrouvera sur nos blogs !

Malaises

Une fois à la retraite, mon grand père Joseph a fait trois chutes. Il avait l’habitude quand le temps le permettait, de pérégriner des journées entières pour faire des courses ou pour surveiller, en compagnie d’autres badauds, la bonne marche des chantiers des environs ; Trois fois, donc ;, il rentra les genoux couronnés, boitillant, endolori mais anormalement soucieux. L’affaire se soldait par du mercurochrome et des bandages, mais on la prenait tellement au sérieux qu’un des enjeux, à coup sûr, m’échappait. Rétrospectivement, j’ai compris que Joseph avait peur qu’on parle de malaise, et que ce soit fini de la vie paisible.

Le malaise, concept central de toute expérience existentielle, est affreusement mal traité par la médecine savante, qui le considère au mieux comme une approximation à déconstruire. Il n’existe même pas, dans la littérature spécialisée, d’ouvrage consacré à ce sujet inépuisable. Osons le dire tout net, il manque à notre science un bon et solide »Traité du malaise », avec étymologie, historique, étude clinique et tout le bataclan. Moyennant quoi le patricien consciencieux parvenant mal à distinguer entre effet de langage et ennui de santé, craint systématiquement de passer à côté d’une maladie grave et épuise son malade en examens inutiles qui, bien souvent débouchent sur un diagnostic. De sorte que le patient poursuit sa vie beaucoup moins sereinement que s’il n’avait pas consulté.
Joseph, lucide sur le risque, s’en remettait donc aux antiseptiques et aux bandages. Vu qu’il tenait debout et gardait la vigueur de s’opposer à toute consultation intempestive, on n’a jamais bien su les circonstances de ses chutes.

Et une citation car j’ai éclaté de rire

sous la rubrique paranoïaque

Cette évocation réveille quelques figures admirables : la crapule désœuvrée qui trouve dans un mur mitoyen une mine de « casus belli » ; l’hémorroïdaire acharné à se faire rembourser son papier hygiénique par la sécurité sociale ….

20161125_185110Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

4
Surtout que cette photo ne vous induise pas en erreur, ce roman n’est pas à jeter aux toilettes. Il fallait que j’évoque, soit le RER, soit la machine à broyer les livres, soit une « dame pipi » .
J’avais très envie, de rendre hommage aux « Dames-pipi » , car Julie qui nettoie tous les jours les WC dans une galerie marchande, est un des rayons de soleil de ce roman. Je trouve particulièrement compliqué de parler de ce métier sans tomber dans la grossièreté ou la condescendance. Julie est gaie, a plein d’idées, attend son prince charmant en comptant les carreaux de faïences des toilettes qu’elle nettoie avec ardeur et conscience. Le personnage principal Guylain Vignol que le surnom de Vilain Guignol poursuivra toute sa vie, a bien besoin de rayons de soleils dans sa vie lui l’amoureux des livres qui travaille dans une usine on les pilonne, les livres !

7438643-11462508Pour lutter contre cette destruction qui lui déchire le cœur, le personnage principal du livre vole quelques page à la monstrueuse machine, et il les lit à haute voix dans son RER de 6 heures 27 créant ainsi, peu à peu, un public attentif. Il est entouré de personnages sympathiques, un Italien qui a perdu ses jambes dans cette broyeuse de livre et un concierge fou d’alexandrins , heureusement qu’il a ses amis car son patron est horrible et son poisson rouge pas très bavard. Je vous laisse découvrir comment Julie rencontrera Guylain et comment ce doux rêveur enchantera les pensionnaires plus très jeunes de la résidence des Glycines.
Le charme de ce roman vient beaucoup de la langue de l’auteur on a l’impression parfois de petits morceaux de douces poésies un peu désuètes. Je vais mettre une nouvelle catégorie : romans qui font du bien et ce sera le premier de la liste. J’ai vraiment envie de lire de tels romans en ce moment , cela me fait du bien de le mettre sur Luocine un 26 décembre après un Noël où tant de gens luttent pour leur survie.

Citations

Quel joli début

Guylain Vignolles, lui, était entré dans la vie avec tout fardeau la contrepèterie malheureuse qu’offrait le mariage de son patronyme avec son prénom : Vilain Guignol, un mauvais jeu de mots qui avait retentit à ses oreilles dès ses premiers pas dans l’existence pour ne plus le quitter.

Jolie façon de parler de l’alcoolisme

Il savait de quoi il parlait le vieux, lui qui n’avait rien trouvé de mieux que le rouge étoilé pour se donner le courage de continuer.

Les énumérations évocatrices

La chose était née pour broyer, aplatir, déchiqueter, malaxer, pétrir, ébouillanter.

Une évocation parlante du christianisme

Arrosé d’un Lacryma Christi, Giuseppe se plaisait à lui rappeler que s’enivrer avec des larmes du Christ était la plus belle chose qui puisse arriver à un chrétien.

Petit moment de poésie (selon moi)

Mes attentions vont plutôt aux éclopées, aux fendillées, aux jaunies, aux ébréchées, à toutes celles que le temps a estropiées et qui donnent à l’endroit, outre ce petit cachet vieillot que j’ai fini par aimer une touche d’imperfection qui étrangement me rassure. « C’est dans les cicatrices des gueules cassées que l’on peut lire les guerres, Julie, pas dans les photos des généraux engoncés dans leurs uniformes amidonnés et tout repassés de frais. » M’a dit un jour ma tante tandis que toutes les deux briquions les carreaux à grands coups de peau de chamois pour leur rendre leur lustre d’antan.

J’ai ri

Si avec ça l’habit ne fait pas le moine, alors comme disait ma tante : « Que Sainte Aude-Javel, la patronne des dames pipi soit damnée ! »

Auto-portrait du personnage principal

Non tout ne va pas si bien que ça, eut envie de rétorquer Guylain. J’attends le retour d’un père mort depuis vingt huit ans, ma mère me croit cadre dans une société d’édition,. Tous les soirs je raconte ma journée à un poisson, mon boulot me dégoûte à tel point qu’il m’arrive de dégueuler tripes et boyaux, et enfin pour couronner le tout, je suis en train de tomber amoureux d’une filles que je n’ai jamais vue. En résumé pas de problème, sauf que je suis quand même dans tous les domaines un petit peu « à la limite inférieure de la courbe ».

Sourire

On peut s’attendre à tout d’un constipé même à rien.